Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
C’est parce que je dérange !
Longtemps, on a considéré la désapprobation comme le signe d’un manquement ou d’une faute. Attirait-on des regards indignés au restaurant, que l’on se reprenait et cessait de prendre des frites avec les doigts dans l’assiette de son voisin. Était-on en butte aux critiques de nos collègues, que l’on se décidait à contrecœur à arriver au travail avant 11 heures. Se faisait-on critiquer par la population, que l’on se demandait en quoi on aurait pu manquer à ses engagements en tant qu’élu. Bref, face à une opposition collective, l’individu se remettait en question.
Longtemps, on a considéré la désapprobation comme le signe d’un manquement ou d’une faute. Attirait-on des regards indignés au restaurant, que l’on se reprenait et cessait de prendre des frites avec les doigts dans l’assiette de son voisin. Était-on en butte aux critiques de nos collègues, que l’on se décidait à contrecœur à arriver au travail avant 11 heures. Se faisait-on critiquer par la population, que l’on se demandait en quoi on aurait pu manquer à ses engagements en tant qu’élu. Bref, face à une opposition collective, l’individu se remettait en question.
Quelle erreur !
Fort heureusement, une proposition alternative s’est fait jour, plus humaniste, plus progressiste, qui parie sur les qualités de chacun et sur la possibilité pour l’individu de donner le meilleur de lui-même. L’idée se résume aisément : si vous êtes en butte à la critique, ce n’est pas que vous ayez tort, c’est au contraire parce que vous avez raison, mais que cela en dérange certains. La position est devenue courante sur les réseaux, sociaux, mais aussi au-delà. C’est ainsi à peu près en ces termes que, récemment, un politique défendait un de ses collègues aux rapports houleux avec l’ensemble du monde politique et une bonne part de l’opinion publique.
Dès lors, si vous faites part sur les réseaux sociaux d’hypothèses originales, par exemple en matière d’épidémiologie, d’économie ou de géopolitique, et que vous rencontrez d’innombrables objections, si l’on vous cite des chercheurs universitaires, des documents issus d’agences officielles ou même un article Wikipédia pour vous indiquer que vous êtes dans l’erreur, c’est à coup sûr le signe que vous avez raison, mais que vos idées dérangent.
De même, si vous passez auprès de tous pour un grossier merle, incapable d’écouter autrui, assénant son opinion sur un ton méprisant, se contredisant sans cesse, mais sans jamais le reconnaitre, instrumentalisant chacun à son bénéfice exclusif, ce n’est pas que vous êtes une ordure cynique, c’est que vous êtes brillant, tellement que c’en est insupportable au vulgum pecus.
Encore, si l’on vous accuse de ressasser de vieilles idées, de proposer des solutions dépassées, d’envisager des options politiques ou techniques dont l’inefficacité a été démontrée ou bien de verser dans le racisme, le sexisme ou le populisme les plus abjects, ce n’est pas le signe de votre médiocrité intellectuelle ou morale, c’est simplement que vos interlocuteurs ne sont pas capables de comprendre à quel point vos vues sont géniales et avant-gardistes, ce dont ils prennent logiquement ombrage.
Cette façon de voir les choses est, certes, déroutante, mais le fait même qu’elle le soit, et qu’elle soit présentée comme idiote ou malhonnête par de nombreuses personnes, donne à penser qu’au contraire, elle doit être géniale et dévoiler la véritable nature des choses. La contradiction, la désapprobation, voire même la détestation sont à n’en pas douter des signes d’excellence
Comme nous avons pu nous tromper, toutes ces années, nous qui pensions apprendre de nos erreurs et des autres, alors que nos échecs et l’adversité n’étaient que les signes de notre excellence. Désormais, celui qui ne trouvera pas d’emploi pourra en déduire que c’est en raison de ses grandes qualités, le malheureux en amour devra se considérer comme trop séduisant et celui qui échouera à se faire élire ne pourra qu’en conclure que le pouvoir lui est dû, vu ses qualités insignes.
Bien entendu, c’est toute une révolution sociale qui s’ouvre à nous, révolution sur laquelle le monde de l’entreprise a comme de coutume pris de l’avance. Chacun connait, bien entendu, des exemples d’un patron honni qui sait que l’opposition dont il est l’objet est la conséquence de ses qualités et de l’envie des médiocres qu’il emploie.
Ce principe doit être étendu ! Accordons le crédit qu’ils méritent aux médecins dont les thèses sont rejetées par l’ensemble de la communauté médicale, aux professeurs blâmés par l’inspection, aux policiers en délicatesse avec les instance de contrôle des forces de l’ordre, ou encore aux taximen qui ont échoué au permis de conduire. C’est même tout un système politique qu’il faut reconsidérer, pour rénover la démocratie. Désormais, par un jeu de cooptations, les individus les moins populaires auprès de l’électorat et les plus détestés de partenaires politiques potentiels devront être reconnus comme les plus légitimes à gouverner. Il devra en être de même de ceux dont les mesures auront été le plus unanimement critiquées par les secteurs professionnels concernés ou par les scientifiques.
Dès demain, donc, œuvrons à un monde sans consensus, où chacun aura raison contre tous ! Vous trouvez l’idée délirante ? C’est qu’elle est géniale, mais que le génie vous dérange !