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Au travail ! Pour rien !

Blog - Anathème - emploi Sécurité sociale par Anathème

juin 2016

En sep­tembre, entre­ra en vigueur une nou­velle légis­la­tion per­met­tant de contraindre un béné­fi­ciaire du RIS (reve­nu d’intégration sociale) à s’engager volon­tai­re­ment à pres­ter un tra­vail non rému­né­ré, pour faire preuve de sa pleine sou­mis­sion au sys­tème de mise au pas par la rare­té du travail.

Anathème

C’est, une fois de plus, une réforme extrê­me­ment inté­res­sante pro­po­sée par la majo­ri­té Kami­kaze. Certes, une mesure simi­laire a été prise chez nos voi­sins néer­lan­dais. Mais il s’est trou­vé un jour­nal, répu­té pour sa nos­tal­gie d’un mar­xisme mar­tial, l’Alge­meen Dag­blad, pour s’offusquer de ce genre de mesures et évo­quer l’exemple d’un Néer­lan­dais qui, licen­cié par le ser­vice de net­toyage com­mu­nal qui l’employait, fut mis au tra­vail gra­tui­te­ment par l’instance qui lui accor­da alors une allo­ca­tion sociale… dans l’organisation qu’il venait de quit­ter. Au même poste. Il effec­tuait alors le même tra­vail, mais en étant payé 400€ de moins. Cet a prio­ri est bien carac­té­ris­tique d’une presse, par défi­ni­tion cryp­to-maoïste, qui rêve de faire de l’Europe occi­den­tale une nou­velle Corée du Nord.

En fait, outre la remar­quable éco­no­mie de deniers publics qu’un tel sys­tème per­met, il faut saluer les pers­pec­tives réjouis­santes ouvertes par le PIIS (pro­jet indi­vi­dua­li­sé d’intégration sociale). Ne vous lais­sez pas effrayer par l’appellation ridi­cule de la mesure, il n’est ques­tion, c’est heu­reux, ni d’individualisation ni d’intégration sociale, mais bien d’une salu­taire baisse des coûts de la main‑d’œuvre. Déjà, les exemples actuel­le­ment évo­qués indiquent la pos­si­bi­li­té d’opérer un trans­fert des coûts d’une série de ser­vices publics, de l’enveloppe des salaires à celle de l’aide sociale et de cre­ver allè­gre­ment le plan­cher du salaire mini­mum. C’est déjà un grand pas que celui d’ouvrir la pos­si­bi­li­té de réduire le poids finan­cier de l’État en main­te­nant des actifs sous le seuil de pau­vre­té, en toute légalité.

Mais il n’est pas ques­tion d’en res­ter là et il est bien enten­du que l’avenir doit être à la four­ni­ture gra­tuite de main‑d’œuvre — y com­pris qua­li­fiée — au pri­vé. Vu la pres­sion actuelle sur l’emploi et la limi­ta­tion dans le temps des allo­ca­tions de chô­mage, vu éga­le­ment la sup­pres­sion des allo­ca­tions d’attente pour des mil­liers de jeunes, l’approvisionnement des CPAS en une abon­dante force de tra­vail de tous niveaux de qua­li­fi­ca­tion est assu­ré, c’est un des grands acquis du gou­ver­ne­ment Di Rupo.

C’est sur cette base que les entre­prises devraient refu­ser de conclure des contrats de tra­vail et exi­ger de pou­voir béné­fi­cier de la mise au tra­vail gra­tuite de ces crève-la-faim. Pour­quoi en effet ces gise­ments de res­sources (humaines) devraient-ils res­ter inex­ploi­tés plu­tôt que de doper notre com­pé­ti­ti­vi­té ? Il est donc abso­lu­ment évident que l’allocation idéale de ces res­sources com­mande de lais­ser le choix aux para­sites concer­nés entre une sup­pres­sion de leur RIS et des pres­ta­tions béné­voles dans des entreprises.

Est-ce là une pers­pec­tive indigne ? Bien au contraire, c’est l’application pure et simple de l’imparable logique libé­rale selon laquelle celui qui paie peut tout se per­mettre. En effet, pen­dant des années, les entre­prises ont trai­né le bou­let d’un sala­riat hors de prix, non seule­ment du fait du salaire mini­mum, mais éga­le­ment de celui des coti­sa­tions sociales. Ces charges pesant sur les entre­prises ont dis­trait de leurs action­naires des sommes consi­dé­rables. Au pro­fit de qui ? Au pro­fit des chômeurs !

Voi­là que les entre­prises payaient pour un ser­vice qui ne leur était pas ren­du à elles ! Cette ano­ma­lie se devait d’être cor­ri­gée. C’est bien­tôt chose faite puisque la réjouis­sante pers­pec­tive d’une sécu­ri­té sociale au béné­fice des entre­prises et non des inutiles se pro­file à l’horizon. Ain­si, les coti­sa­tions payées par les entre­prises per­met­tront-elles de finan­cer une main‑d’œuvre sou­mise et bon mar­ché. Ce sera un juste retour des choses.

Ce sera éga­le­ment un souffle nou­veau pour notre socié­té qui a bien davan­tage besoin d’entreprises en bonne san­té que d’assistés payés à ne rien faire. Une véri­table sécu­ri­té sociale, en toute logique, doit béné­fi­cier à la socié­té et, pour ce faire, rap­por­ter aux sociétés.

Main­te­nant que la machine est lan­cée, je ne vois pas ce qui pour­rait contra­rier ces enthou­sias­mants pro­jets ; cer­tai­ne­ment pas les syn­di­cats qui, ces der­nières décen­nies, ont abon­dam­ment prou­vé qu’ils se fou­taient comme d’une guigne des allo­ca­taires sociaux.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.