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Au-delà de l’index, il faut refonder notre modèle salarial

Blog - Délits d’initiés par Olivier Derruine

avril 2015

Depuis sa mise en place en 1920 dans cer­tains sec­teurs indus­triels d’abord et en 1935 dans le sec­teur public, l’indexation des salaires a été cri­ti­quée et a fait face à des vel­léi­tés de réformes, par­ti­cu­liè­re­ment vives à la suite du pre­mier choc pétro­lier. Et de fait, un cer­tain nombre d’aménagements ont été réa­li­sés au fil des décen­nies comme lorsque […]

Délits d’initiés

Depuis sa mise en place en 1920 dans cer­tains sec­teurs indus­triels d’abord et en 1935 dans le sec­teur public, l’indexation des salaires a été cri­ti­quée et a fait face à des vel­léi­tés de réformes, par­ti­cu­liè­re­ment vives à la suite du pre­mier choc pétro­lier. Et de fait, un cer­tain nombre d’aménagements ont été réa­li­sés au fil des décen­nies comme lorsque l’index fut modi­fié dans les années 1970 pour neu­tra­li­ser la hausse signi­fi­ca­tive du prix de… la pomme de terre !

Avec l’entrée de la Bel­gique dans la zone euro, des pres­sions exté­rieures à notre pays et éma­nant d’institutions inter­na­tio­nales (FMI, Com­mis­sion, OCDE), voire d’agences de nota­tion, se sont de plus en plus faites sen­tir pour réfor­mer notre sys­tème de for­ma­tion des salaires au cœur duquel se trouve l’indexation. La rai­son ? Il serait res­pon­sable de la perte de com­pé­ti­ti­vi­té de notre pays. 

Dans la pers­pec­tive de rejoindre la zone euro dès son lan­ce­ment, le méca­nisme de l’indexation avait été sérieu­se­ment assou­pli en 1994 avec de la créa­tion de l’indice san­té. L’objectif de celui-ci était d’ignorer les fluc­tua­tions par­fois impor­tantes du prix de cer­tains pro­duits (éner­gie) ain­si que le prix de sub­stances dont le gou­ver­ne­ment ne sou­hai­tait pas pro­mou­voir la consom­ma­tion (tabac, alcool). De la sorte, les aug­men­ta­tions sala­riales étaient moins abruptes et impré­vi­sibles. Mal­gré ces ajus­te­ments, la Banque natio­nale de Bel­gique (BNB) estime que seule­ment 60% de l’augmentation des prix du pétrole étaient neu­tra­li­sés par le biais de l’indice san­té, les 40% res­tant étant trans­mis au reste de l’économie par des voies indi­rectes (par exemple une flam­bée du cours du baril se réper­cu­te­ra sur le prix des pro­duits chi­miques et du plas­tique très consom­ma­teurs en pétrole et sur le coût des car­bu­rants, donc les prix des trans­ports et celui des sec­teurs en aval ; tout cela se retrou­ve­ra dans l’inflation).

Une loi ambivalente pour les bas salaires

Les par­ti­sans d’une nou­velle réforme de l’index et du saut d’index négligent (?) que l’indexation est, avant même le pou­voir de négo­cia­tion des syn­di­cats, le prin­ci­pal moteur des hausses sala­riales. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1996 qui défi­nit la métho­do­lo­gie sous-jacente1 aux aug­men­ta­tions sala­riales dans le sec­teur pri­vé, l’indexation explique 71% des hausses du coût sala­rial horaire2. C’est pré­ci­sé­ment cet indi­ca­teur qui sert de ther­mo­mètre à notre com­pé­ti­ti­vi­té (du moins au sens res­treint du terme). Si l’on ne consi­dère que les dix der­nières années, ce chiffre passe à 87%! Corol­lai­re­ment, ce que les syn­di­cats ont pu arra­cher en extra a été réduit de 19% à 14%. 

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Cette évo­lu­tion peut s’expliquer par le contexte poli­tique (les par­tis étant de plus en plus gagnés aux thèses patro­nales que sans réduc­tion du coût sala­rial ou au moins, forte modé­ra­tion, point de salut), cultu­rel (cette idée se pro­page comme une véri­té abso­lue par­mi la popu­la­tion) et éco­no­mique (la crise qui élève le taux de chô­mage et ampli­fie la menace que celui-ci repré­sente pour ceux qui ont pré­ser­vé leur emploi) qui leur est de plus en plus défa­vo­rable. C’est dire l’importance toute par­ti­cu­lière que revêt l’indexation pour les bas salaires qui ne sont géné­ra­le­ment pas en posi­tion de force pour négo­cier de meilleures rému­né­ra­tions, contrai­re­ment aux hauts salaires.

Cepen­dant, la loi ne leur est pas entiè­re­ment favo­rable dans la mesure où elle les met de manière dis­pro­por­tion­née sous pres­sion lorsque les salaires belges s’envolent par rap­port à l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Cette pres­sion se tra­duit par la menace de recou­rir à un « méca­nisme de cor­rec­tion » du déra­page sala­rial qui peut notam­ment prendre la forme d’un saut d’index. Et encore, la ques­tion de la léga­li­té du saut d’index est très sujette à cau­tion dans la mesure où la loi sti­pule (art.13 para­graphe 2) que « non­obs­tant la cor­rec­tion visée à l’alinéa pré­cé­dent, la marge com­porte tou­jours au mini­mum l’indexation et les aug­men­ta­tions barémiques ».

À l’heure actuelle, lorsque les par­te­naires sociaux conviennent de fixer les aug­men­ta­tions sala­riales à disons 4% pour les deux pro­chaines années (ou, s’ils ne trouvent pas de ter­rain d’entente, le gou­ver­ne­ment pro­pose / impose cette norme), tous les salaires sont en prin­cipe aug­men­tés d’autant. Ima­gi­nons que les salaires aug­mentent plus rapi­de­ment, de 5%, et que cela pro­voque donc un déra­page sala­rial. Une aug­men­ta­tion de 5% d’un salaire de 5.000 euros (250 euros men­suel­le­ment) sera près de 3,5 fois plus impor­tante qu’une même aug­men­ta­tion de 5% appli­quée à un salaire de 1.500 euros (75 euros)… Cela explique que, l’un dans l’autre, la mino­ri­té de per­sonnes la mieux payée contri­bue rela­ti­ve­ment plus que les autres au déra­page sala­rial comme l’illustre le simple exemple chif­fré du tableau.

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Dès lors, on se retrouve dans une situa­tion où la loi n’a pas eu d’effet signi­fi­ca­tif sur les gains de pou­voir d’achat des sala­riés au bout de l’échelle de reve­nus (seule­ment de +0,3%, +0,5% par an en moyenne) alors qu’ils sont confron­tés régu­liè­re­ment à des menaces d’atteintes à leurs niveaux de vie pour un déra­page sala­rial qu’ils n’ont pas causé.

Une loi ignorant le principal facteur de compétitivité

Dans le même temps, force est de consta­ter que les aug­men­ta­tions sala­riales ne sont pas le pre­mier fac­teur de (ou frein à la) com­pé­ti­ti­vi­té, en par­ti­cu­lier dans les sec­teurs où le terme « com­pé­ti­ti­vi­té » a une réelle signi­fi­ca­tion : les sec­teurs expor­ta­teurs qui sont prin­ci­pa­le­ment de nature indus­trielle. Et ce, pour deux raisons.
Tout d’abord, dans le sec­teur indus­triel, les salaires repré­sentent 17% des coûts directs de pro­duc­tion alors que la fac­ture liée à l’approvisionnement en impor­ta­tions inter­mé­diaires est deux fois plus éle­vée 38%, ce qui est éga­le­ment deux fois plus que la moyenne des pays qui nous entourent ! (Source BNB, rap­port 2012)

Cela s’explique parce que :

  • la Bel­gique importe des biens qu’elle assemble pour les revendre ailleurs. Il s’agit d’activités qui ne pré­sentent pas de grande valeur ajou­tée et qui peuvent être faci­le­ment délocalisées ;
  • nos sec­teurs sont par­ti­cu­liè­re­ment gour­mands en res­sources, en par­ti­cu­lier en éner­gie et davan­tage que les mêmes sec­teurs dans les autres pays ;
  • se sont sur­tout déve­lop­pés en Bel­gique des sec­teurs mobi­li­sant d’importantes quan­ti­tés de ressources.
  • Ensuite, il appa­raît que, entre 2007 et 2014, le coût des matières pre­mières (sous l’impulsion de l’énergie) a évo­lué 2,2 fois plus rapi­de­ment que le coût sala­rial (source : BNB, Belgostat).
  • Il n’est dès lors pas sur­pre­nant qu’une étude d’une agence offi­cielle euro­péenne ait éta­bli que la Bel­gique est l’un des pays qui per­drait le plus à ne pas s’engager dans la voie de la sobrié­té éco­lo­gique et éner­gé­tique de son éco­no­mie. Elle se fonde sur une ana­lyse de la pro­por­tion d’emplois dans les sec­teurs les plus sen­sibles au prix éner­gé­tique et du car­bone comme la chi­mie, la sidé­rur­gie, le papier/carton, la pro­duc­tion de verre creux. Il res­sort que les pro­vinces du Bra­bant wal­lon (55,94% de son emploi dans de tels sec­teurs sen­sibles), d’Anvers et du Lim­bourg (41%), du Hai­naut (9 ;35,3%), de la Flandre occi­den­tale (28,9%) et de Liège (26,3%) sont par­mi les plus expo­sées en Europe. 

Refonder le modèle salarial

Par­tant de là, il est urgent de révi­ser le méca­nisme d’augmentation des salaires en conce­vant une for­mule qui com­bine résorp­tion des inéga­li­tés (sala­riales), com­pé­ti­ti­vi­té coût, réduc­tion de l’empreinte envi­ron­ne­men­tale et même créa­tion d’emplois !

Ain­si, il fau­drait conce­voir une règle telle que les aug­men­ta­tions sala­riales pro­fitent prin­ci­pa­le­ment aux bas salaires. Et ceci est tout à fait pos­sible dans le cadre de la loi actuelle puisque celle-ci ne pré­cise pas com­ment les aug­men­ta­tions doivent être effec­tuées. Elle se borne à affir­mer que les aug­men­ta­tions doivent au mini­mum cor­res­pondre à l’indexation (on ne peut aller en-des­sous) et aux chan­ge­ments baré­miques (pour tenir compte de l’ancienneté ou de la recon­nais­sance de nou­velles com­pé­tences du tra­vailleur par exemple).

Dans un tel sys­tème, on pour­rait intro­duire un para­mètre nou­veau, à savoir celui de la tolé­rance aux inéga­li­tés sala­riales qui se tra­dui­rait par un ratio entre le salaire le plus éle­vé per­çu par les 10% de la popu­la­tion la mieux payée et celui per­çu par les 10% les moins bien rému­né­rés. Ce para­mètre pour­rait être fixé en tenant compte des pays euro­péens les plus éga­li­taires en Europe et se situe­rait aux alen­tours de 3 – 3,5. À par­tir de là, le sys­tème que nous essayons d’esquisser serait tel que les hauts salaires qui se situe­raient au-delà de ce « pla­fond » ne béné­fi­cie­raient pas de l’entièreté de l’augmentation sala­riale fixée pour l’ensemble du sec­teur pri­vé (dans notre exemple chif­fré du tableau : 4 ); ils seraient seule­ment indexés, sachant, par ailleurs et pour rap­pel, qu’ils sont tou­jours capables de négo­cier un extra par leurs propres moyens. Comme leurs salaires ne seraient pas aug­men­tés autant que ce que pré­voit la norme sala­riale, cela signi­fie auto­ma­ti­que­ment que, au niveau de l’ensemble du sec­teur pri­vé, les salaires aug­men­te­raient aus­si moins que ce que pré­voit la norme sala­riale. Cet écart entre aug­men­ta­tions accor­dées et aug­men­ta­tions pré­vues selon la loi cor­res­pon­drait à un gain en termes de com­pé­ti­ti­vi­té-coût et donc, en une réduc­tion du déra­page sala­rial. Et cela se ferait, non plus comme c’est géné­ra­le­ment le cas sur l’ensemble des tra­vailleurs, mais sur le dos des tra­vailleurs les mieux payés qui sont les plus res­pon­sables du han­di­cap sala­rial. Après tout, Didier Reyn­ders avait éga­le­ment avan­cé cette idée à l’automne 2011 lorsqu’il évo­quait la manière dont il envi­sa­geait la « dégres­si­vi­té de l’indexation, [celle-ci] diminu[ant] ain­si pro­gres­si­ve­ment à par­tir du moment où l’on dépasse le niveau de salaires de la classe moyenne, res­sen­ti par les citoyens à envi­ron 4.000 euros nets par ménage ». 

Deux pré­ci­sions doivent être appor­tées à ce stade. Pour que cette for­mule alter­na­tive fonc­tionne, la norme sala­riale devrait faire l’objet d’une stricte sur­veillance. Pas ques­tion d’aller au-delà de ce que la norme pré­voit, qui que ce soit qui la fixe (les par­te­naires sociaux ou le gou­ver­ne­ment). Cela peut donc repré­sen­ter un obs­tacle majeur pour l’acceptation de cette for­mule par les syn­di­cats. Mais, à vrai dire, c’est en prin­cipe déjà le cas car « un employeur qui ne res­pecte pas la norme sala­riale peut se voir infli­ger une amende allant de 250 à 5.000 euros » (cf. SPF Emploi). Ce sys­tème pour­rait être mis en œuvre au niveau sec­to­riel plu­tôt qu’interprofessionnel (les dif­fé­rences de salaires pou­vant être sub­stan­tielles entre dif­fé­rents sec­teurs, comme entre le tex­tile et la pétro­chi­mie par exemple).

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Intro­dui­sons un autre élé­ment dans l’équation afin de retom­ber sur la néces­si­té pour la Bel­gique de réduire sa dépen­dance éner­gé­tique et son empreinte envi­ron­ne­men­tale : les entre­prises qui réa­lisent des inves­tis­se­ments afin d’améliorer leur uti­li­sa­tion en res­sources et de réduire leur consom­ma­tion d’énergie et de matières (mine­rais de fer, eau, huiles végé­tales…) pour­raient déro­ger à la règle de « sous-norme » pour les tra­vailleurs les mieux payés. De la sorte, ceux-ci qui occupent des posi­tions diri­geantes se ver­raient agi­ter des carottes pécu­niaires pour rendre leurs entre­prises plus durables.
Les gains – pour tous ! – se situe­raient à tous les niveaux.

Au niveau microé­co­no­mique, c’est-à-dire au niveau des entre­prises, une étude a démon­tré que les entre­prises qui adoptent des stan­dards envi­ron­ne­men­taux comme la norme ISO 14001 ont des employés 16% plus pro­duc­tifs que la moyenne des entre­prises. Les deux auteures sou­tiennent que les stan­dards envi­ron­ne­men­taux par­ti­cipent à des condi­tions de tra­vail plus convi­viales qui moti­ve­raient les employés et, par­tant, en sti­mu­le­raient la pro­duc­ti­vi­té. De ce fait, ces entre­prises par­vien­draient à atti­rer avec suc­cès un per­son­nel de qua­li­té. Les inter­ac­tions entre les membres du per­son­nel en res­sor­ti­raient favorisées. 

Au niveau macroé­co­no­mique, c‘est-à-dire au niveau des pays, une étude a mon­tré qu’il exis­tait une rela­tion posi­tive entre la pro­duc­ti­vi­té des res­sources (l’efficacité avec laquelle on les valo­rise dans le pro­ces­sus de pro­duc­tion) et indi­ca­teurs de com­pé­ti­ti­vi­té (Cf. graphique).

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Or, sur ce plan, et en par­ti­cu­lier en ce qui concerne les res­sources éner­gé­tiques, McKin­sey relève que « la Bel­gique a le poten­tiel d’économiser beau­coup d’énergie à tra­vers tous les sec­teurs éco­no­miques. L’efficacité éner­gé­tique du pays est à l’heure actuelle par­mi les plus faibles de l’Europe et les ini­tia­tives déjà pla­ni­fiées ou mises en œuvre pour l’améliorer ne suf­fi­ront pas pour que nos per­for­mances res­tent en phase avec celles du reste du conti­nent. (…) Les amé­lio­ra­tions annuelles en matière d’efficacité éner­gé­tique dans l’industrie sont 20 à 40% sous ce qui est visé dans les autres pays euro­péens. (…) Un large pro­gramme s’inscrivant dans le long terme et garan­tis­sant l’adoption de mesures com­plé­men­taires est vrai­sem­bla­ble­ment plus effi­cace à une approche frag­men­tée qui met­trait en avant les mesures les plus faciles. » Les pistes envi­sa­gées par McKin­sey per­met­trait de réduire de 22% d’ici à 2030 la demande d’énergie expri­mée par l’industrie (et ce, par rap­port à un scé­na­rio de réfé­rence pour 2030). Les émis­sions de CO2 seraient en consé­quence réduites de 14%.

En 2012, dans une étude qui por­tait sur l’ensemble des res­sources (et pas seule­ment l’énergie), la Com­mis­sion euro­péenne esti­mait que l’Europe pour­rait réduire rapi­de­ment et grâce à des mesures rela­ti­ve­ment simples et peu coû­teuses jusqu’à 17% sa consom­ma­tion en res­sources. Il en résul­te­rait une éco­no­mie de l’ordre de 23 mil­liards d’euros par an pour les entre­prises et une créa­tion d’emplois éva­luées à 1,4 à 2,8 mil­lions d’unités. En appli­quant gros­siè­re­ment la règle de trois (en pre­nant un ratio de 2,5% cor­res­pon­dant à la taille rela­tive du mar­ché du tra­vail ou du PIB de la Bel­gique par rap­port à l’UE), cela don­ne­rait une créa­tion de 70.000 emplois et des éco­no­mies d’environ 575 mil­lions d’euros pour les entreprises…

Conclusion

Il y a peu de lois typi­que­ment bel­go-belges (c’est-à-dire dont l’origine n’est pas l’UE), hor­mis la loi spé­ciale de finan­ce­ment et quelques autres du même aca­bit, aus­si impor­tante pour régu­ler le fonc­tion­ne­ment de notre modèle éco­no­mique et social. Pour­tant, très peu de pro­po­si­tions ont été for­mu­lées pour revoir la loi de 1996 sur les aug­men­ta­tions sala­riales. Celle-ci est l’un des grands tabous de la Bel­gique. Mais, à vrai dire, c’est éga­le­ment une boîte de Pan­dore car dès lors que l’on s’y atta­que­rait, rien n’indiquerait que ce serait pour un mieux pour les tra­vailleurs. Le saut d’index atteste d’ailleurs de cela. Néan­moins, la pro­po­si­tion de réforme esquis­sée ici montre que tout le monde aurait à y gagner, pour peu que l’on englobe des para­mètres qui ren­voient à des défis socié­taux d’importance majeure comme les inéga­li­tés et les chan­ge­ments cli­ma­tiques. Cela requiert de mettre beau­coup de monde autour de la table et par consé­quent, de faire preuve d’une grande capa­ci­té d’écoute. Mais en est-on encore capable ? Rien n’est moins sûr avec ce gou­ver­ne­ment qui s’oppose à l’audition des par­te­naires sociaux, qui ne s’embarrasse pas d’un avis du Conseil natio­nal du tra­vail et, plus grave sur le plan démo­cra­tique, dont les par­tis qui le consti­tuent n’avaient pas annon­cé le saut d’index durant la cam­pagne élec­to­rale et, par consé­quent, ont pipé les dés du scrutin. 

  1. Les aug­men­ta­tions sala­riales négo­ciées tous les deux ans à l’occasion d’un accord inter­pro­fes­sion­nel en hiver entre les par­te­naires sociaux sont défi­nies sur la base de l’évolution esti­mée de ces mêmes hausses dans les pays de réfé­rence que sont l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Les négo­cia­tions reposent sur le rap­port du Conseil cen­tral de l’économie publié en octobre-novembre et qui regorge de don­nées essen­tielles pour mieux com­prendre l’état de notre éco­no­mie et ses perspectives.
  2. L’indexation a été de 1,8% en moyenne annuelle contre une aug­men­ta­tion du coût sala­rial de 2,5% au cours de cette période ; cela fait 71% (=1,8%/2,5%).

Olivier Derruine


Auteur

économiste, conseiller au Parlement européen