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Assez d’égalité !

Blog - Anathème - Covid-19 crise pandémie par Anathème

mars 2021

S’il est un risque contre lequel nous avaient mis en garde les plus grands pen­seurs de notre temps, c’est bien celui de la pas­sion de l’égalité. Notre bon­té même, qui nous incline à recher­cher l’égalité, nous pousse aux excès. C’est ain­si que l’on com­mence, au XIXe siècle, par sou­hai­ter que l’ouvrier anal­pha­bète et le patron puissent, […]

Anathème

S’il est un risque contre lequel nous avaient mis en garde les plus grands pen­seurs de notre temps, c’est bien celui de la pas­sion de l’égalité. Notre bon­té même, qui nous incline à recher­cher l’égalité, nous pousse aux excès. C’est ain­si que l’on com­mence, au XIXe siècle, par sou­hai­ter que l’ouvrier anal­pha­bète et le patron puissent, sur un pied d’égalité, conclure un contrat de tra­vail per­met­tant au pre­mier de sur­vivre à peine et au second de pros­pé­rer ; et puis, un jour, sans com­prendre ce qui nous est arri­vé, nous en venons à nous inquié­ter de la faible pré­sence de mino­ri­tés visibles dans les médias, du mépris pour la parole des femmes ou du sort des pauvres dans les com­mis­sa­riats de police. Trop long­temps, nous avons mépri­sé la parole des grands esprits qui nous aver­tis­saient et nous avons pour­sui­vi dans la sur­en­chère, faut-il s’étonner que nous ayons, ce fai­sant, gra­ve­ment fra­gi­li­sé les fon­de­ments mêmes de nos sociétés ?

Bref, la catas­trophe annon­cée se déroule sous nos yeux : mépri­sés en ligne à grands coups de « ok boo­mer », har­ce­lés par les fémi­nistes inter­sec­tion­nelles raci­sées, dénon­cés par les indi­gé­nistes anti­ra­cistes, débou­lon­nés par les déco­lo­niaux inter­cul­tu­rels, moqués par les isla­mo­gau­chistes tran­si­den­ti­taires, ceux qui ont construit notre si belle et si juste socié­té, les hommes blancs sont le dos au mur.

C’est dans ce contexte qu’est sur­ve­nue l’actuelle pan­dé­mie, laquelle ouvrit une nou­velle brèche en offrant l’occasion d’infliger à l’ensemble de la popu­la­tion des trai­te­ments d’ordinaire réser­vés aux indi­vi­dus pro­blé­ma­tiques. En effet, jusqu’à aujourd’hui, seuls les quar­tiers dif­fi­ciles pou­vaient faire l’objet d’un couvre-feu et seuls les jeunes issus de l’immigration se voyaient inter­pel­ler par la police s’ils étaient dans l’espace public après la tom­bée de la nuit. Or, nous voi­là cla­que­mu­rés chez nous. Et lorsque des jeunes ordi­naires orga­nisent une lock­down par­ty, ils s’exposent au risque de pas­ser une nuit au com­mis­sa­riat et d’être rudoyés par la police. De même, jusqu’à pré­sent, seuls les chô­meurs sus­pec­tés de coha­bi­ta­tion clan­des­tine pou­vaient voir débar­quer les auto­ri­tés à une heure indue, pour péné­trer dans leur domi­cile et comp­ter les brosses à dents. Or, aujourd’hui, les familles hono­rables du Bra­bant wal­lon risquent aus­si une des­cente de pan­dores leur signi­fiant dis­cour­toi­se­ment qu’ils n’ont que le droit de se taire. Plus encore, depuis des décen­nies, seuls les pauvres et les indé­si­rables se voyaient refou­ler aux fron­tières, tan­dis que nous voguions de mini­trip à Londres en ski à Cour­che­vel, de safa­ri au Kenya en week-end de shop­ping à New York. Et voi­là que nous sommes déte­nus dans nos fron­tières, les forces de l’ordre se sou­ciant sou­dain d’autre chose que de nous pro­té­ger du Grand Remplacement ! 

Et demain ?

Bien enten­du, ça aurait pu être pire. La popu­la­tion eût pu se décou­vrir soli­daire des publics tra­di­tion­nels des ins­ti­tu­tions de contrôle et de répres­sion et remettre en cause leurs méthodes. Heu­reu­se­ment, plu­tôt que de se four­voyer sur la voie du gau­chisme éga­li­ta­riste, elle pré­fère aujourd’hui, en un sur­saut sal­va­teur, pro­tes­ter contre la dic­ta­ture qui la menace, elle, mais sans tou­cher au reste. Voyant l’égalité se retour­ner contre eux, les hon­nêtes citoyens se rebellent. Ils ne sont du reste pas les seuls : les hommes qui ne peuvent plus rien dire, les autoch­tones vic­times du racisme anti-Blancs, les riches stig­ma­ti­sés pour leur légi­time réus­site et mille autres groupes le font savoir : assez d’égalité !

Celle-ci ne doit, en effet, pas ser­vir à contes­ter les légi­times hié­rar­chies sociales. Sinon, com­ment recon­naitre les indi­vi­dus socia­le­ment pro­blé­ma­tiques ? Por­ter des vête­ments exo­tiques, se tra­ves­tir, être dans la misère, dépendre des aides sociales, être d’une cou­leur sus­pecte ou reven­di­quer plus de jus­tice sociale doivent conti­nuer d’orienter uti­le­ment l’attention des ser­vices de contrôle et de répres­sion. Com­ment notre socié­té pour­rait-elle ne pas som­brer dans l’anarchie s’il n’était plus pos­sible d’ainsi ratio­na­li­ser l’action de ceux qui nous pro­tègent et si même ceux qui ne pré­sentent aucun de ces signes de déviance pou­vaient désor­mais faire l’objet de leur atten­tion et leur faire perdre leur temps ?

Il faut donc que cessent les vio­lences et bri­mades à notre égard, parce qu’elles sont injustes et nous causent bien des tra­cas. Mais il convient aus­si d’y mettre fin pour évi­ter le gas­pillage des res­sources limi­tées de l’appareil d’État. Il y a, en effet, fort à craindre que l’énergie consa­crée à cou­rir der­rière nos enfants et à for­cer la porte de nos vil­las ne puisse être déployée contre les­dits élé­ments sociaux pro­blé­ma­tiques, que ceux-ci ne s’enhardissent dès lors et redoublent de vigueur pour récla­mer une stricte éga­li­té de trai­te­ment, don­nant encore plus d’élan à l’infernale spi­rale de l’égalité.

Comme nous avons tout mis en œuvre pour évi­ter la satu­ra­tion des ser­vices de san­té, il nous faut main­te­nant lut­ter contre la sur­charge des ser­vices de sécu­ri­té. Et comme on nous incite quo­ti­dien­ne­ment à la fru­ga­li­té et à la par­ci­mo­nie dans le cadre des poli­tiques de déve­lop­pe­ment durable, il faut appli­quer cette logique aux ques­tions d’égalité. Bref, il est grand temps de mettre en place des poli­tiques d’égalité sou­te­nables afin de pré­ser­ver notre si ver­tueux modèle social.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.