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Arrêtez de vous plaindre !

Blog - Anathème - Société par Anathème

janvier 2018

Jo Van­deur­zen, ministre fla­mand (CD&V) du Bien-être, vient de se mettre au ser­vice d’une juste cause (de plus) sou­te­nue par le milieu fla­mand des affaires : 30 dagen zon­der kla­gen. Non, il ne s’agit pas, pour les milieux pro­fes­sion­nels de ten­ter de fonc­tion­ner trente jours sans être l’objet de plaintes pour har­cè­le­ment sur le lieu du […]

Anathème

Jo Van­deur­zen, ministre fla­mand (CD&V) du Bien-être, vient de se mettre au ser­vice d’une juste cause (de plus) sou­te­nue par le milieu fla­mand des affaires : 30 dagen zon­der kla­gen. Non, il ne s’agit pas, pour les milieux pro­fes­sion­nels de ten­ter de fonc­tion­ner trente jours sans être l’objet de plaintes pour har­cè­le­ment sur le lieu du tra­vail ou pour dis­cri­mi­na­tion à l’embauche. Il ne s’agit pas non plus d’une suite du #metoo et d’un enga­ge­ment du ministre du Bien-être de faire tom­ber à zéro, pen­dant trente jours, des plaintes pour agres­sions sexuelles. Il n’est pas davan­tage ques­tion pour les ser­vices sociaux de rendre aux citoyens dému­nis les ser­vices aux­quels ils ont droit, dans les trente jours, sans attendre qu’une plainte soit déposée.

Vous n’y êtes pas, il s’agit de vous sug­gé­rer de pas­ser un mois sans vous plaindre. Il faut avouer que vous êtes insup­por­tables, à la longue. Le site de cette ini­tia­tive vous pro­pose même un test qui vous per­met d’évaluer votre capa­ci­té à être posi­tif et d’identifier les points qu’il vous revient d’améliorer. Car il ne faut pas que vous oubliiez : votre mal­heur est avant tout dans votre tête. C’est vrai, au fond, de quoi pou­vez-vous légi­ti­me­ment vous plaindre ?

Ne voyez-vous du reste pas que le temps que vous per­dez à pleur­ni­cher vous ne pou­vez le consa­crer à vous débattre pour sur­na­ger ? Ne voyez-vous pas ces allo­ca­taires sociaux cru­ci­fiés en place publique, ces tra­vailleurs écor­chés dans la cour de leur usine, ces migrants aux pou­mons gor­gés d’eau ? N’avez-vous pas com­pris qu’eux seuls, s’ils pou­vaient encore par­ler, seraient en droit de se plaindre (encore que bon nombre méritent leur sort)? Ne réa­li­sez-vous pas que, si vous conti­nuez de vous api­toyer sur votre sort, vous pren­drez tôt fait leur place ? Il faut donc tout vous dire ! Vous ne com­pre­nez donc rien ? Faut-il que nous nous en pre­nions plus vio­lem­ment encore aux plus faibles pour que vous vous ren­diez à l’évidence ?

Heu­reu­se­ment, le bon Jo Van­deur­zen, plu­tôt que de vous pous­ser sur la voie du vice comme un vul­gaire popu­liste, plu­tôt que de se pro­po­ser de se faire le relai de vos plaintes et peurs, plu­tôt que de deve­nir votre repré­sen­tant au pou­voir, le bon Jo se charge de vous mon­trer la voie de la rai­son : la digni­té du mutisme, la gran­deur de l’attitude posi­tive, le récon­fort de la méthode Coué. Il est par ailleurs évident que, si vous vous tai­siez, on l’entendrait mieux expli­quer com­ment il nous mène vers des hori­zons nou­veaux et radieux.

N’écoutez donc plus les sirènes des syn­di­cats qui ont choi­si le chô­mage et pré­fèrent se plaindre plu­tôt que d’encenser la poli­tique de Kris Pee­ters. Ces­sez, malades de longue durée, de vous lamen­ter sur votre sort, retrous­sez vous les manches (s’il vous en reste) et retour­nez au tra­vail, Mag­gie De Block vous y exhorte (et la FEB aus­si). Et vous, Sou­da­nais, fuyant lâche­ment votre pays alors que vous n’étiez même pas pour­chas­sés par les ser­vices de sécu­ri­té de votre dic­ta­ture (on le sait, on leur a posé la ques­tion), plu­tôt que de gémir et de vous pres­ser sur les routes, retour­nez, confiants, dans votre patrie, Theo Fran­cken vous offre le billet d’avion ! N’est-ce pas ferme et humain ?

Il faut bien dire ce qui est : vous êtes bouf­fis d’ingratitude. Alors que des patrons, des poli­tiques, des États dic­ta­to­riaux et des méde­cins spé­cia­listes non conven­tion­nés sont à votre ser­vice, vous trou­vez encore le moyen de vous plaindre ! N’avez-vous donc aucune honte ?

Car enfin, vous n’êtes pas les plus à plaindre. Les patrons épui­sés, les ren­tiers stig­ma­ti­sés, les poli­tiques haïs, les riches tra­qués par le fisc, eux ont de bonnes rai­sons de se plaindre. Vous n’imaginez pas ce qu’ils vivent, eux qui n’espèrent qu’un peu d’amour, de gra­ti­tude, de louanges ! Quoi ? Vous vous pro­po­sez de vous char­ger de leurs reve­nus et pri­vi­lèges, en même temps que de leur croix ? Que nen­ni ! S’ils sont là où ils sont, c’est bien parce qu’ils sont les élus, qu’ils ont réus­si, qu’ils ont fait montre de capa­ci­tés extra­or­di­naires, pour ne pas dire sur­hu­maines. C’est leur des­tin, ils l’assumeront sans faillir. 

Mais, par pitié, ces­sez de cra­cher sur leur Mase­ra­ti ! Plus encore, pour qu’ils ne puissent pas lire de plainte dans vos yeux de chien bat­tu, gar­dez-les bais­sés. Oui, comme ça. Trente jours. Et plus si nécessaire.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.