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À un doigt de la présidence
Mes fidèles lecteurs ne s’étonneront pas d’apprendre que je fus un des plus fervents partisans de l’investiture présidentielle d’Eric Zemmour. Je plaide depuis assez longtemps en ces pages pour un renouveau de l’Occident fondé sur nos intérêts matériels, nos préjugés et nos fantasmes pour ne pas avoir très tôt pensé à l’opportunité que serait une France […]
Mes fidèles lecteurs ne s’étonneront pas d’apprendre que je fus un des plus fervents partisans de l’investiture présidentielle d’Eric Zemmour. Je plaide depuis assez longtemps en ces pages pour un renouveau de l’Occident fondé sur nos intérêts matériels, nos préjugés et nos fantasmes pour ne pas avoir très tôt pensé à l’opportunité que serait une France aux mains d’un tel homme.
Jusqu’ici, je dois dire que tout en lui m’assurait de sa grande destinée : sa visible absence de scrupule, sa volonté de plier le réel (futur, mais aussi présent et passé) à sa volonté, sa manière de substituer l’éloquence à la raison, sa capacité à faire preuve d’une grande violence (symbolique pour l’instant) à l’égard des plus faibles et des victimes, la facilité avec laquelle il reniait tous ceux qui auraient pu être tenus pour « les siens » et, par-dessus tout, sa ferme volonté de tourner la page de l’humanisme et du libéralisme politique. Qui imaginer de plus adéquat que quelqu’un à même de glorifier le Maréchal Pétain tout en se réclamant du Général de Gaulle, de se proclamer démocrate tout en raillant l’État de droit, de déclarer son amour à la France tout en rêvant de lui refaire le portrait jusqu’à la rendre méconnaissable et de prôner le renouveau en agitant des idées moribondes ?
Bref, je ne tenais plus, impatient d’entendre sa prochaine sortie provocatrice, de prendre connaissance de sa candidature officielle, de découvrir les cinq-cents signataires lui faisant la courte-échelle pour l’élection, d’assister à ses meetings, de le voir mettre en pièces ses adversaires, etc. Demain Outre-Quiévrain, demain chez nous, me disais-je… Et, ce faisant, je me préparais, achetant des actions de la firme produisant le Taser®, constituant une liste des métèques et gauchistes de mon quartier, passant en revue mon arbre généalogique pour m’assurer que n’y figurait aucune tache qui pourrait me valoir les foudres du nouveau pouvoir… et puis… patatras !
Imaginez mon désarroi quand, aux informations, j’ai vu passer la photo de mon idole faisant un « doigt d’honneur » à une dame (qui lui en avait fait un) et lorsque j’appris qu’il l’accompagna d’un « et bien profond »… Quelle vulgarité ! Quelle bassesse !
Comprenons-nous bien : je partage parfaitement le mépris de M. Zemmour pour les gauchistes tels que cette manifestante, et je comptais précisément sur lui pour nous en débarrasser, au besoin en les faisant enterrer — bien profond — dans des fosses communes ; mais je ne peux pour autant cautionner la vulgarité. Nous pouvons exprimer notre mépris de plus élégante et plus efficace manière… Non, ce n’est pas de la sensiblerie ! Comme tant de mes concitoyens, je vis parfaitement bien en étant abreuvé d’images de migrants noyés, en côtoyant en rue le spectacle de la misère la plus repoussante et en sachant parfaitement qu’une part importante des femmes de ma connaissance subissent régulièrement des agressions en rue et des coups à la maison.
Cependant, si je ne suis pas sensible et si je peux faire preuve de l’inhumanité nécessaire à la bonne marche de notre monde, je ne supporte pas pour autant la sauvagerie ni la grossièreté. Nous ne sommes pas des animaux, que diable ! Ne nous abaissons pas au niveau de ceux dont nous entreprendrons bientôt l’élimination ou le rapatriement ! Et s’il fallait, à un moment, que quelqu’un fît preuve de ces défauts, nous pourrions trouver des nervis issus de la fange qui feront pour nous la sale besogne ! Mais qu’un candidat aux ors de la République agite de la sorte un doigt dressé est proprement inadmissible et le disqualifie d’emblée. Nous ne pouvons tolérer que notre projet soit porté par un rustre.
Je trouve cependant une consolation dans le fait que la France semble partager mon élévation morale et ma haute exigence vis-à-vis de ceux qui sont appelés à nous diriger. Elle parait en effet sur le point de faire de ce doigt un obstacle majeur dans la course à l’Élysée, lors même qu’elle broncha à peine face aux condamnations pour incitation à la haine raciale, aux sorties sexistes et aux accusations d’agressions sexuelles.
Certes, mon espoir est déçu, mais mon cœur est réconforté. Si M. Zemmour n’est pas digne d’être l’homme providentiel de la France, il s’en trouvera un autre pour reprendre le flambeau, fermement, le petit doigt levé.