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À l’ombre de la Suédoise, l’orange sanguine vire sanglante : l’associatif paiera

Blog - e-Mois - Belgique (België) partis politiques Wallonie par Quentin le Bussy

novembre 2014

Ce jeu­di 9 octobre, le gou­ver­ne­ment de la Wal­lo­nie a pré­sen­té son bud­get pour les pro­chaines années : le gros de l’ef­fort au début, l’é­qui­libre vers la fin, les cadeaux aux copains juste avant les com­mu­nales de 2018 et à la fin de la légis­la­ture. Pas de nou­veaux pré­lè­ve­ments, mais un impor­tant coup de rabot dans les dépenses, de […]

e-Mois

Ce jeu­di 9 octobre, le gou­ver­ne­ment de la Wal­lo­nie a pré­sen­té son bud­get pour les pro­chaines années : le gros de l’ef­fort au début, l’é­qui­libre vers la fin, les cadeaux aux copains juste avant les com­mu­nales de 2018 et à la fin de la légis­la­ture. Pas de nou­veaux pré­lè­ve­ments, mais un impor­tant coup de rabot dans les dépenses, de manière assez linéaire, avec un seul leit­mo­tiv : faire plus avec moins. À bien y regar­der, le sec­teur asso­cia­tif – une fois n’est pas cou­tume – se taille la part du lion : près de 100 mil­lions d’eu­ros en base annuelle à lui seul. 10 mil­lions de réduc­tion de valeur des points APE, dis­po­si­tif très répan­du d’aide à l’emploi ; 32,2 sur les sub­ven­tions régle­men­taires (enca­drées par décret); 55,5 pour les sub­ven­tions facul­ta­tives, soit un total de 97,7 mil­lions d’eu­ros. Chaque année… 

Les points APE consti­tuent une res­source néces­saire pour sou­te­nir l’emploi. Quant aux sub­ven­tions, si celles qui sont dites « facul­ta­tives » sont rigou­reu­se­ment néces­saires à l’emploi et au fonc­tion­ne­ment de nom­breuses asso­cia­tions, c’est la baisse des sub­ven­tions régle­men­taires qui est sym­bo­li­que­ment la plus cho­quante. En effet, l’en­ca­dre­ment par un décret était cen­sé en garan­tir la péren­ni­té. C’est là une rup­ture fla­grante du contrat de confiance entre auto­ri­té sub­si­diante et ins­ti­tu­tion sub­si­diée. Si les valeurs nomi­nales de la baisse (res­pec­ti­ve­ment 1,5% / 7% / 15%), semblent minimes, c’est la conjonc­tion des mesures qui sera délé­tère : toute orga­ni­sa­tion peut vrai­sem­bla­ble­ment assu­mer ses mis­sions avec des moyens humains plus limi­tés, des frais de fonc­tion­ne­ment rabo­tés ou des moyens non récur­rents non rem­pla­cés. Mais com­ment sur­vivre à l’effondrement conco­mi­tant des trois ? A la Région tou­jours, la fonc­tion publique sera éga­le­ment mise sur la sel­lette, avec une vague de non-rem­pla­ce­ments, pro­lon­geant et ampli­fiant net­te­ment le sys­tème qui avait déjà cours lors de la pré­cé­dente légis­la­ture. Mais elle semble à même de se défendre, voire d’atténuer la sévé­ri­té de la mesure. On peut ima­gi­ner que les gou­ver­ne­ments fran­co­phone et wal­lon se sont gar­dé des marges pour gagner du temps et s’a­che­ter un peu de quié­tude en cas d’op­po­si­tion mas­sive. En repor­tant cer­taines éco­no­mies, en ras­su­rant ensei­gnants et fonc­tion­naires qui consti­tuent le gros des bataillons les gou­ver­ne­ments désar­me­raient la grogne. 

La Fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles a pré­sen­té le 13 octobre un bud­get de même ins­pi­ra­tion, rien n’in­cite donc à l’op­ti­misme : l’aus­té­ri­té (qu’on l’ap­pelle « rigueur » ou « ratio­na­li­sa­tions ») ne man­que­ra pas de se faire sen­tir durant les pro­chaines années. Ain­si, la pro­po­si­tion de Joëlle Mil­quet d’une prise en charge d’une par­tie des salaires par le bud­get dédié aux frais de fonc­tion­ne­ment (et déjà réduit à peau de cha­grin) fait grin­cer des dents dans l’en­sei­gne­ment, qui se mobi­lise déjà, lui qui sort de dix ans de rela­tive paix sociale et dont la vieille garde conserve un sou­ve­nir cui­sant, « onke­lin­ckxien » même, de l’aus­té­ri­té à la mode rouge-romaine. Il a plu­sieurs cartes dans son jeu : une capa­ci­té de mobi­li­sa­tion impor­tante, une « force de nui­sance » sub­stan­tielle (c’est l’a­van­tage des gros bataillons…), un capi­tal de sym­pa­thie auprès de l’o­pi­nion et l’absence de conflit social récent qui aurait érein­té les troupes. On se doute aus­si que Joëlle Mil­quet aura à cœur de ne pas pro­vo­quer son départ à la retraite anticipé… 

Le risque serait bien enten­du que l’as­so­cia­tif sub­si­dié soit, lui, aban­don­né au bord de la route. Il concerne la san­té, la jeu­nesse, l’aide aux per­sonnes han­di­ca­pée, les toxi­co­manes, les per­sonnes pré­ca­ri­sées et sans domi­cile, l’éducation per­ma­nente, l’environnement, etc. soit un ensemble très hété­ro­clite ! S’il a déjà prou­vé par le pas­sé une capa­ci­té réelle à se trans­cen­der, sera-t-il capable une fois encore de se don­ner des objec­tifs com­muns ? Epar­pillé sur le ter­ri­toire, dif­fi­ci­le­ment mobi­li­sable vu le sta­tut de ses tra­vailleurs et la varié­té de ses com­bats, peu fédé­ré car dépen­dant de divers ministres et gou­ver­ne­ments, por­teur de reven­di­ca­tions trop peu conver­gentes, il est une proie idéale… Un motif d’espoir vient néan­moins du sec­teur cultu­rel, lequel se fédère depuis plu­sieurs semaines mal­gré toute sa varié­té : petites et grandes ins­ti­tu­tions, scène, musique, créa­tion et dif­fu­sion. C’est assu­ré­ment l’exemple à suivre, même si l’on ignore encore ce qu’il advien­dra de cette mobilisation.

Nos édiles socia­listes fran­co­phones ont déci­dé, qui plus est, de faire jouer au monde syn­di­cal un rôle clé dans la diges­tion des renon­ce­ments sociaux et recu­lades pla­ni­fiés. L’aus­té­ri­té déci­dée à rue de la Loi serait « anti-sociale », tan­dis que la namu­roise serait « rai­son­nable » ? Les mesures dic­tées depuis l’E­ly­sette auraient pour but de sau­ve­gar­der l’emploi, alors que celles pro­mul­guées depuis le 16 seraient des dik­tats du mar­ché et de ses séides. Le nou­veau secré­taire géné­ral de la FGTB tonne contre la sué­doise et épargne l’o­range san­guine. Qui pour­rait croire qu’il existe une bonne aus­té­ri­té régio­nale et une autre, mau­vaise, exclu­si­ve­ment fédé­rale ? La réac­tion récente de Thier­ry Bod­son, pour la FGTB wal­lonne, augure-t-elle d’une oppo­si­tion solide ou n’est-elle que poudre aux yeux ?

Le hia­tus est d’autant plus inter­pel­lant que le gou­ver­ne­ment Di Rupo Ier avait déjà négo­cié un virage ser­ré à droite (chasse aux chô­meurs, asile et natio­na­li­té…). La cré­di­bi­li­té des orga­ni­sa­tions de tra­vailleurs est aus­si en jeu : les der­niers mois ont indi­qué le grand retour de l’« Action com­mune » et un raf­fer­mis­se­ment mata­mo­resque des liens PS-FGTB. Il s’a­git là d’un par­ti-pris après tout clai­re­ment assu­mé : à syn­di­cat socia­liste, action socia­liste, même si tout le monde n’obéit pas le doigt sur la cou­ture du pan­ta­lon et que les troupes et cadres inter­mé­diaires sont plus divers que ne l’est le som­met. Les liens CSC-CDH semblent à contra­rio bien plus dis­ten­dus, et ce depuis long­temps. Quant à la CGSLB, elle a envoyé un mes­sage net : son camp est celui des tra­vailleurs et elle ne sera à la remorque ni du gou­ver­ne­ment ni du MR. Cela étant, si les cri­tiques de ces syn­di­cats ont légi­ti­me­ment por­té sur les mesures rétro­grades et anti­so­ciales du fédé­ral, on les a jusqu’à pré­sent peu enten­dus sur l’aus­té­ri­té régio­nale et com­mu­nau­taire… Cette situa­tion pour­ra-t-elle per­du­rer ? Rien n’est moins sûr.

L’o­range san­guine avance mas­quée, se cachant der­rière des mou­ve­ments sociaux diri­gés contre le gou­ver­ne­ment fédé­ral qu’elle attise, mais se trans­forme pour­tant bel et bien en « Orange sanglante ». 

Quentin le Bussy


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