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À l’ombre de la Suédoise, l’orange sanguine vire sanglante : l’associatif paiera
Ce jeudi 9 octobre, le gouvernement de la Wallonie a présenté son budget pour les prochaines années : le gros de l’effort au début, l’équilibre vers la fin, les cadeaux aux copains juste avant les communales de 2018 et à la fin de la législature. Pas de nouveaux prélèvements, mais un important coup de rabot dans les dépenses, de […]
Ce jeudi 9 octobre, le gouvernement de la Wallonie a présenté son budget pour les prochaines années : le gros de l’effort au début, l’équilibre vers la fin, les cadeaux aux copains juste avant les communales de 2018 et à la fin de la législature. Pas de nouveaux prélèvements, mais un important coup de rabot dans les dépenses, de manière assez linéaire, avec un seul leitmotiv : faire plus avec moins. À bien y regarder, le secteur associatif – une fois n’est pas coutume – se taille la part du lion : près de 100 millions d’euros en base annuelle à lui seul. 10 millions de réduction de valeur des points APE, dispositif très répandu d’aide à l’emploi ; 32,2 sur les subventions réglementaires (encadrées par décret); 55,5 pour les subventions facultatives, soit un total de 97,7 millions d’euros. Chaque année…
Les points APE constituent une ressource nécessaire pour soutenir l’emploi. Quant aux subventions, si celles qui sont dites « facultatives » sont rigoureusement nécessaires à l’emploi et au fonctionnement de nombreuses associations, c’est la baisse des subventions réglementaires qui est symboliquement la plus choquante. En effet, l’encadrement par un décret était censé en garantir la pérennité. C’est là une rupture flagrante du contrat de confiance entre autorité subsidiante et institution subsidiée. Si les valeurs nominales de la baisse (respectivement 1,5% / 7% / 15%), semblent minimes, c’est la conjonction des mesures qui sera délétère : toute organisation peut vraisemblablement assumer ses missions avec des moyens humains plus limités, des frais de fonctionnement rabotés ou des moyens non récurrents non remplacés. Mais comment survivre à l’effondrement concomitant des trois ? A la Région toujours, la fonction publique sera également mise sur la sellette, avec une vague de non-remplacements, prolongeant et amplifiant nettement le système qui avait déjà cours lors de la précédente législature. Mais elle semble à même de se défendre, voire d’atténuer la sévérité de la mesure. On peut imaginer que les gouvernements francophone et wallon se sont gardé des marges pour gagner du temps et s’acheter un peu de quiétude en cas d’opposition massive. En reportant certaines économies, en rassurant enseignants et fonctionnaires qui constituent le gros des bataillons les gouvernements désarmeraient la grogne.
La Fédération Wallonie Bruxelles a présenté le 13 octobre un budget de même inspiration, rien n’incite donc à l’optimisme : l’austérité (qu’on l’appelle « rigueur » ou « rationalisations ») ne manquera pas de se faire sentir durant les prochaines années. Ainsi, la proposition de Joëlle Milquet d’une prise en charge d’une partie des salaires par le budget dédié aux frais de fonctionnement (et déjà réduit à peau de chagrin) fait grincer des dents dans l’enseignement, qui se mobilise déjà, lui qui sort de dix ans de relative paix sociale et dont la vieille garde conserve un souvenir cuisant, « onkelinckxien » même, de l’austérité à la mode rouge-romaine. Il a plusieurs cartes dans son jeu : une capacité de mobilisation importante, une « force de nuisance » substantielle (c’est l’avantage des gros bataillons…), un capital de sympathie auprès de l’opinion et l’absence de conflit social récent qui aurait éreinté les troupes. On se doute aussi que Joëlle Milquet aura à cœur de ne pas provoquer son départ à la retraite anticipé…
Le risque serait bien entendu que l’associatif subsidié soit, lui, abandonné au bord de la route. Il concerne la santé, la jeunesse, l’aide aux personnes handicapée, les toxicomanes, les personnes précarisées et sans domicile, l’éducation permanente, l’environnement, etc. soit un ensemble très hétéroclite ! S’il a déjà prouvé par le passé une capacité réelle à se transcender, sera-t-il capable une fois encore de se donner des objectifs communs ? Eparpillé sur le territoire, difficilement mobilisable vu le statut de ses travailleurs et la variété de ses combats, peu fédéré car dépendant de divers ministres et gouvernements, porteur de revendications trop peu convergentes, il est une proie idéale… Un motif d’espoir vient néanmoins du secteur culturel, lequel se fédère depuis plusieurs semaines malgré toute sa variété : petites et grandes institutions, scène, musique, création et diffusion. C’est assurément l’exemple à suivre, même si l’on ignore encore ce qu’il adviendra de cette mobilisation.
Nos édiles socialistes francophones ont décidé, qui plus est, de faire jouer au monde syndical un rôle clé dans la digestion des renoncements sociaux et reculades planifiés. L’austérité décidée à rue de la Loi serait « anti-sociale », tandis que la namuroise serait « raisonnable » ? Les mesures dictées depuis l’Elysette auraient pour but de sauvegarder l’emploi, alors que celles promulguées depuis le 16 seraient des diktats du marché et de ses séides. Le nouveau secrétaire général de la FGTB tonne contre la suédoise et épargne l’orange sanguine. Qui pourrait croire qu’il existe une bonne austérité régionale et une autre, mauvaise, exclusivement fédérale ? La réaction récente de Thierry Bodson, pour la FGTB wallonne, augure-t-elle d’une opposition solide ou n’est-elle que poudre aux yeux ?
Le hiatus est d’autant plus interpellant que le gouvernement Di Rupo Ier avait déjà négocié un virage serré à droite (chasse aux chômeurs, asile et nationalité…). La crédibilité des organisations de travailleurs est aussi en jeu : les derniers mois ont indiqué le grand retour de l’« Action commune » et un raffermissement matamoresque des liens PS-FGTB. Il s’agit là d’un parti-pris après tout clairement assumé : à syndicat socialiste, action socialiste, même si tout le monde n’obéit pas le doigt sur la couture du pantalon et que les troupes et cadres intermédiaires sont plus divers que ne l’est le sommet. Les liens CSC-CDH semblent à contrario bien plus distendus, et ce depuis longtemps. Quant à la CGSLB, elle a envoyé un message net : son camp est celui des travailleurs et elle ne sera à la remorque ni du gouvernement ni du MR. Cela étant, si les critiques de ces syndicats ont légitimement porté sur les mesures rétrogrades et antisociales du fédéral, on les a jusqu’à présent peu entendus sur l’austérité régionale et communautaire… Cette situation pourra-t-elle perdurer ? Rien n’est moins sûr.
L’orange sanguine avance masquée, se cachant derrière des mouvements sociaux dirigés contre le gouvernement fédéral qu’elle attise, mais se transforme pourtant bel et bien en « Orange sanglante ».