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Belgique. Les ressorts de la crise

Numéro 1 Janvier 2008 par La rédaction

janvier 2008

Accou­tu­més, depuis tant d’an­nées, aux dis­cordes com­mu­nau­taires et aux réformes ins­ti­tu­tion­nelles par­tielles, les fran­co­phones ont fini par s’as­sou­pir, ber­cés de l’illu­sion qu’ils allaient tou­jours s’en sor­tir sans grand dom­mage et sans devoir prendre leur des­tin en main. Aujourd’­hui, à l’heure du réveil, ils réa­lisent sou­dain qu’ils doivent l’af­fron­ter dans un état d’im­pré­pa­ra­tion ahu­ris­sant. Il leur faut […]

Accou­tu­més, depuis tant d’an­nées, aux dis­cordes com­mu­nau­taires et aux réformes ins­ti­tu­tion­nelles par­tielles, les fran­co­phones ont fini par s’as­sou­pir, ber­cés de l’illu­sion qu’ils allaient tou­jours s’en sor­tir sans grand dom­mage et sans devoir prendre leur des­tin en main. Aujourd’­hui, à l’heure du réveil, ils réa­lisent sou­dain qu’ils doivent l’af­fron­ter dans un état d’im­pré­pa­ra­tion ahu­ris­sant. Il leur faut faire leur deuil d’une cer­taine Bel­gique unie et ras­su­rante, qui ne se trans­forme qu’à petits pas, au fil d’une évo­lu­tion douce de ses ins­ti­tu­tions, et qui finit tou­jours par trou­ver ce fameux « com­pro­mis à la belge » que, nous aimons le pen­ser, la terre entière nous envierait.

Faire son deuil consiste à pas­ser du registre de la perte à celui du pro­jet. Il s’a­git de se dépar­tir de ce fata­lisme consis­tant à valo­ri­ser le pas­sé, noir­cir le pré­sent et se sen­tir mena­cé par un ave­nir funeste. Si l’a­na­lyse des rai­sons de la crise est néces­saire, c’est seule­ment pour aider à la dépas­ser, à fon­der le pro­jet sur la com­pré­hen­sion fine des dif­fi­cul­tés et des obs­tacles mêmes qui l’ont empê­ché jus­qu’i­ci. Ana­ly­ser pour fon­der le pro­jet et esquis­ser les lignes de force de ce pro­jet, tel est le binôme du pré­sent dossier.

Des réformes fon­da­men­tales sont iné­luc­tables. Soit, dans le désar­roi, fran­co­phones, Wal­lons ou Bruxel­lois les subissent, soit, dans la déter­mi­na­tion, ils les assument et se construisent une nou­velle manière de vivre ensemble. S’il leur faut négo­cier effi­ca­ce­ment avec les Fla­mands leurs demandes de réformes, les fran­co­phones ne peuvent sou­mettre leur propre dis­cus­sion interne à l’ar­bi­trage flamand.

La fina­li­té des négo­cia­tions entre les fran­co­phones de Wal­lo­nie et de Bruxelles va bien au-delà de l’é­la­bo­ra­tion d’un cadre ins­ti­tu­tion­nel et de pro­jets stric­te­ment poli­tiques. Ceux-ci doivent par­ti­ci­per du déve­lop­pe­ment d’un vou­loir vivre com­mun qui sup­pose non seule­ment l’é­la­bo­ra­tion de struc­tures poli­tiques et admi­nis­tra­tives légi­times mais, conjoin­te­ment, le ren­for­ce­ment d’une socié­té civile et la par­ti­ci­pa­tion des citoyens. À l’é­chelle de la fran­co­pho­nie, l’a­jus­te­ment des ins­ti­tu­tions poli­tiques et de la socié­té doit être un prin­cipe direc­teur. Sans popu­lisme aucun, cela implique de don­ner plus de poids à ce que vivent effec­ti­ve­ment les citoyens et disent les acteurs sociaux qu’aux prin­cipes abs­traits. Concrè­te­ment, il s’a­git de faire exis­ter, poli­ti­que­ment, éco­no­mi­que­ment, socia­le­ment et cultu­rel­le­ment l’es­pace Wal­lo­nie-Bruxelles sans gom­mer pour autant les par­ti­cu­la­ri­tés de ses com­po­santes et en le conju­guant avec d’autres niveaux et d’autres registres de struc­tu­ra­tion de l’es­pace public et poli­tique. On pense tout par­ti­cu­liè­re­ment ici à Bruxelles avec ses Fla­mands bruxel­lois (ou ses Bruxel­lois fla­mands) qui en font tout aus­si inté­gra­le­ment par­tie que la majo­ri­té francophone.

Qu’on ne se fasse aucune illu­sion : ce sera un tra­vail col­lec­tif de longue haleine, jalon­nés d’é­preuves, de conflits et de doutes, qui sont, écri­vait Lefort, la fata­li­té de la démo­cra­tie. Comme com­po­sante de l’es­pace public, La Revue nou­velle, a un rôle à jouer dans cet effort col­lec­tif. Ins­tance de débat, elle ten­te­ra de favo­ri­ser l’ex­pres­sion de pro­po­si­tions et d’i­dées, de les com­pa­rer, de les sou­te­nir quand elles sem­ble­ront sus­cep­tibles de ren­con­trer les objec­tifs que nous pen­sons sou­hai­tables. Notre res­pon­sa­bi­li­té col­lec­tive est aujourd’­hui de contri­buer à l’é­la­bo­ra­tion d’un pro­jet cré­dible pour le futur de notre pays. Ce n’est qu’à cette condi­tion que l’on pour­ra ces­ser de regar­der vers le pas­sé pour com­prendre que le défi qui nous est pro­po­sé est de faire vivre la socié­té dans un contexte inédit en lui pro­po­sant les formes ins­ti­tu­tion­nelles et poli­tiques qui garan­tissent les soli­da­ri­tés néces­saires, le déve­lop­pe­ment et la démocratie.

Dans les textes qui com­posent ce dos­sier, les ana­lyses conduisent à poser les jalons du pro­jet néces­saire. En dis­tin­guant les rai­sons loin­taines et proches de la crise, en his­to­ri­ci­sant les ten­sions poli­tiques, en cla­ri­fiant les caté­go­ries lexi­cales uti­li­sées au Nord et au Sud pour lire et construire les évé­ne­ments, en insis­tant sur la fra­gi­li­té des formes éta­tiques dans le contexte de la mon­dia­li­sa­tion et du néo­li­bé­ra­lisme, en mon­trant com­ment les posi­tions des uns et des autres, et sin­gu­liè­re­ment du par­te­naire fla­mand, se sont construites au fil d’ex­pé­riences tour­men­tées ins­crites dans une his­toire concrète, en déchif­frant les nuances des posi­tions au sein des enti­tés poli­tiques trop vite sub­stan­ti­fiées, les ana­lyses de ce dos­sier conduisent à for­mu­ler les condi­tions d’un pro­jet posi­tif, à ima­gi­ner les scé­na­rios pos­sibles et sou­hai­tables, et sur­tout à mon­trer l’im­pé­rieuse néces­si­té de chan­ger désor­mais de méthode. Une petite dizaine de plumes et voix d’in­tel­lec­tuels, de jour­na­listes et d’u­ni­ver­si­taires, internes et externes à La Revue nou­velle, fla­mandes et fran­co­phones, pro­posent ici un ensemble sub­stan­tiel de contri­bu­tions qui com­posent la rampe de lan­ce­ment pour l’an­née 2008 de la dis­cus­sion et de l’é­la­bo­ra­tion du pro­jet que nous appe­lons de nos vœux.

La rédaction


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