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Aux confins de la terre, de Lucas Bridges

Numéro 3 Mars 2013 par Michel Molitor

mars 2013

À un géné­ral russe pour qui la Sibé­rie était au mieux un immense champ de manœuvre, le cinéaste Chris Mar­ker rétor­quait qu’il y avait heu­reu­se­ment beau­coup plus de choses en Sibé­rie que dans l’imagination d’un géné­ral russe. Les terres du bout du monde sont bien plus que des extré­mi­tés loin­taines et per­dues ; elles sont aus­si au […]

À un géné­ral russe pour qui la Sibé­rie était au mieux un immense champ de manœuvre, le cinéaste Chris Mar­ker rétor­quait qu’il y avait heu­reu­se­ment beau­coup plus de choses en Sibé­rie que dans l’imagination d’un géné­ral russe. Les terres du bout du monde sont bien plus que des extré­mi­tés loin­taines et per­dues ; elles sont aus­si au centre de cultures et d’expériences humaines. Il suf­fit de regar­der. La Pata­go­nie et la Terre de Feu sont de ces lieux mythiques, infi­ni­ment plus riches et com­plexes, que ce que croyaient en avoir vu ceux qui n’avaient fait qu’en lon­ger les côtes, toutes dra­ma­tiques et spec­ta­cu­laires qu’elles fussent.

Beau­coup de lec­teurs ont décou­vert Bruce Chat­win à tra­vers son livre En Pata­go­nie, récit où l’imaginaire se confond avec la réa­li­té dans une somp­tueuse aven­ture. Son livre était nour­ri de voyages, de lec­tures et de rêve­ries qui don­naient vie à une terre inter­pré­tée par le talent de l’écrivain1. D’autres ont eu le gout de la Pata­go­nie avec les récits de William Hen­ry Hud­son, mer­veilleux natu­ra­liste, écri­vain génial, rou­tard avant la lettre qui arpen­ta les terres de l’Amérique aus­trale dans le der­nier quart du XIXe siècle, mais dont le talent ne fut recon­nu que bien plus tard2.

Un édi­teur belge, les édi­tions Nevi­ca­ta, a eu la remar­quable idée (et l’audace) de publier pour la pre­mière fois en fran­çais un autre ouvrage fétiche de la lit­té­ra­ture anglo-saxonne consa­cré à la Terre de Feu : Aux confins de la terre d’Esteban Lucas Bridges, paru pour la pre­mière fois à la fin des années 19403. Ce livre-ci ne doit rien à l’imagination. À l’instar des récits de William Hen­ry Hud­son, il est le récit fouillé et très docu­men­té de l’expérience d’une famille bri­tan­nique éta­blie en Terre de Feu aux alen­tours des années 1870. L’auteur lui-même y est né en 1874 et y a vécu jusqu’à la Pre­mière Guerre mondiale.

La Terre de Feu

La Terre de Feu est cet ensemble d’iles et d’archipels où s’épuise la cor­dillère des Andes, entre le détroit de Magel­lan et le cap Horn, au bout du conti­nent amé­ri­cain. Le détroit de Magel­lan qui assure un pas­sage dif­fi­cile de l’océan Atlan­tique à l’océan Paci­fique a été décou­vert en 1520. Après une expé­di­tion com­man­dée par un marin anglais, le com­mo­dore Anson, à la fin du XVIIIe siècle qui recher­chait d’autres pas­sages, un navire com­man­dé par le capi­taine Fitz-Roy, le Beagle, a iden­ti­fié en 1831 les côtes sud-ouest de la Terre de Feu. À son bord voya­geait un jeune natu­ra­liste, Charles Dar­win, qui trou­ve­rait dans cette expé­di­tion l’inspiration et les sources maté­rielles des théo­ries qui révo­lu­tion­ne­ront la bio­lo­gie et les sciences de la nature. Cette région a été appe­lée « Terre de Feu » par les marins tra­ver­sant ses détroits et qui voyaient des colonnes de fumée noire mon­ter des rivages qu’ils croi­saient. En réa­li­té, des signaux d’alerte des Indiens à des­ti­na­tion de ceux qui pêchaient en mer devant l’arrivée de ces voiles inconnues.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, quatre peuples vivaient en Terre de Feu : les Yaghan (sur la côte ouest, marins et pêcheurs), les Ala­ka­luf (au nord-ouest), les Ona (des chas­seurs du centre de l’ile), les Augh (des Ona du nord, dont la langue est proche de celle des Ona). Les Indiens de la Terre de Feu sont venus d’Asie, comme les autres habi­tants ori­gi­naires des Amé­riques, il y a qua­rante-mille ans, pro­ba­ble­ment à tra­vers le détroit de Beh­ring. Les der­nières études archéo­lo­giques indiquent que l’établissement en Terre de Feu remon­te­rait à plus ou moins huit-mille ans. À l’époque où débute le récit de Lucas Bridges, entre sept et neuf-mille Indiens vivent en Terre de Feu. La « Grande Ile » est divi­sée en trent-neuf zones ou régions déli­mi­tées par des rivières, des rochers, des forêts, qui sont les ter­ri­toires de chasse et de vie de groupe com­po­sés de quelques cen­taines de per­sonnes. Jean Malau­rie les appelle des peuples racine, autre­ment dit des peuples ori­gi­naires, à l’instar des peuples pre­miers d’Amazonie ou d’autres endroits de la planète.

Des missionnaires britanniques…

Dès le milieu du XIXe siècle, des mis­sion­naires bri­tan­niques ont ten­té d’aborder la Terre de Feu. En 1848, Alan Gar­di­ner, un ancien capi­taine de la Royal Navy, tente, sans suc­cès, d’aborder l’ile Pic­ton au sud-ouest de la grande ile. Il revien­dra en 1850 avec quelques cama­rades. Ils ne réus­sirent jamais à mener à bien leurs pro­jets, confron­tés à la vio­lence de la nature et à l’hostilité des Indiens qu’ils ten­taient d’approcher. En 1851, ils avaient tous dis­pa­ru. Cette fra­gi­li­té ne décou­ra­gea pas la socié­té reli­gieuse qui avait envoyé Gar­di­ner au bout du monde. Elle déci­da une nou­velle expé­di­tion qui réso­lut d’implanter une petite colo­nie aux iles Malouines et d’en faire la base à par­tir de laquelle on revien­drait en Terre de Feu. Les contacts avec la terre de Feu et les Fué­giens s’avérèrent infruc­tueux et se sol­dèrent, une nou­velle fois, par la mort vio­lente de plu­sieurs marins européens.

Un jeune Bri­tan­nique, Tho­mas Bridges, déci­da une nou­velle approche de la ques­tion. Il a vingt-cinq ans. Avant son ins­tal­la­tion en Terre de Feu, il fera plu­sieurs allers et retours entre l’ile Kep­pel des Malouines où il est ins­tal­lé et la « grande ile » au sud du canal de Magel­lan. Au cours de ces voyages, il apprend la langue des Yaghan, un des quatre peuples occu­pant la Terre de Feu, Indiens nomades de la côte ouest, navi­guant dans des canots d’écorce, pêcheurs et chas­seurs d’otaries. Il convainc cer­tains d’entre eux de l’accompagner à l’ile Kep­pel. Ces liens éta­blis, la connais­sance de la langue des Indiens Yaghan, com­bi­née à une solide audace, le condui­ront en 1871 à s’établir avec sa femme et quelques com­pa­gnons sur le rivage du canal de Beagle, au sud-ouest de la Terre de Feu, dans un site, alors désert, où s’édifiera plus tard Ushuaia. Près de là, ils crée­ront une ferme qui sera dénom­mée Har­ber­ton, du nom du vil­lage natal de sa femme dans le Devon. Tho­mas Bridges et sa femme Mary auront six enfants, la plu­part nés en Terre de Feu, par­mi les­quels, Lucas, l’auteur d’Aux confins de la Terre né en 1874.

Com­mence alors une aven­ture peu com­mune. En même temps que le jeune gar­çon s’initie avec ses frères, sous la conduite de leur père, à la construc­tion d’une ferme et à l’établissement d’un éle­vage, il fré­quente les familles indiennes de leur entou­rage, apprend à connaitre leur langue et s’immerge en pro­fon­deur dans leur sys­tème de vie. Lucas Bridges apprend à chas­ser avec les Indiens, s’initie à leurs tech­niques de sur­vie, découvre la nature avec leurs yeux.

Et des Indiens…

Les Indiens Yaghans de la côte ouest comme les Indiens Onas du centre de l’ile qu’il côtoie­ra plus tard sont des nomades qui péré­grinent le long ou au tra­vers de la Terre de Feu au gré de leurs chasses. Cer­tains, très peu nom­breux, fini­ront par accep­ter occa­sion­nel­le­ment le tra­vail que leur pro­po­se­ront les colons, mais jamais de manière régu­lière. Ce n’est que vingt-cinq ans plus tard, quand les acti­vi­tés d’élevage auront pris une grande exten­sion, que quelques Indiens se résou­dront à une occu­pa­tion régu­lière, telle la tonte des mou­tons. Mais, à ce moment-là, la Terre de Feu se sera trans­for­mée en zones de pâtu­rage où les Indiens ne pour­ront plus mener leur exis­tence de chas­seurs libres.

Lucas Bridges vivra les trente der­nières années de ces groupes indiens comme ils exis­taient depuis des mil­lé­naires. L’étroite proxi­mi­té qu’il entre­tient avec les Fué­giens lui per­met­tra d’être ini­tié comme tout jeune Indien au moment du pas­sage à l’âge adulte et il sera adop­té par un père Ona. Il sera un Ona d’honneur, dira de lui Jean Malaurie.

Cette connais­sance du monde ona lui per­met­tra de rap­por­ter de manière colo­rée, détaillée et pré­cise les manières de vivre et les cou­tumes, les croyances et les mythes, les tech­niques de chasse et les pro­cé­dures ali­men­taires dont il a une connais­sance intime. Les Indiens vivent dans une sym­biose étroite avec une nature sau­vage et rude dont ils retirent les res­sources néces­saires à leur exis­tence. Ils s’organisent en petits groupes fami­liaux de quelques dizaines de per­sonnes, par­fois moins. Il n’y a pas de hié­rar­chie bien défi­nie. Chaque homme peut être inves­ti d’une res­pon­sa­bi­li­té d’autorité en fonc­tion d’une cir­cons­tance : chasse, expé­di­tion, conflit avec un autre groupe. Il existe des sor­ciers, per­son­nages dotés de cer­tains pou­voirs, selon les cas gué­ris­seurs, mémoire du groupe ou inter­prètes des forces sur­na­tu­relles. La vio­lence est bana­li­sée. Tuer un homme d’un autre groupe pour lui prendre une femme convoi­tée est une pra­tique admise. Les hommes sont le plus sou­vent poly­games et ont deux ou trois com­pagnes, les plus jeunes étant géné­ra­le­ment sou­mises à l’autorité des plus anciennes. Recher­cher une femme dans un autre groupe ou dans une autre famille est une néces­si­té bien connue des Indiens.

À tra­vers tout son récit, Lucas Bridge démontre com­ment les Fué­giens, qui au pre­mier abord semblent des êtres frustres et pillards, pra­tiquent en réa­li­té des rites sociaux d’une grande com­plexi­té et qui ne sont para­doxaux qu’en appa­rence. Ain­si, mon­trer de la gra­ti­tude lorsque l’on reçoit un mor­ceau de viande en par­tage au retour d’une chasse où l’on n’a rien pris soi-même serait avouer une forme de fai­blesse à l’égard du dona­teur, mais aus­si le désho­no­rer. La meilleure manière de l’honorer sans perdre la face est de faire comme si de rien n’était. Lorsqu’on est vic­time d’une plai­san­te­rie ou d’un mau­vais tour, il faut en rire le pre­mier, même si, en fonc­tion de la pro­fon­deur de l’injure, on reporte la ven­geance à plus tard. La force et l’habileté sont des condi­tions de la sur­vie, mais on n’en abuse jamais.

Les Indiens de la Terre de Feu sont des peuples nomades. Les uns (les Ona) sont chas­seurs, les autres (les Yaghan) sont pêcheurs, vivant dans des condi­tions extrêmes, igno­rant l’agriculture ou la pote­rie. Ils mai­trisent des tech­no­lo­gies de base qui leur per­mettent de construire les canoës d’écorce avec les­quels ils chas­se­ront les ani­maux marins. Ils fabriquent des arcs et des flèches très effi­caces et des har­pons dont les pointes sont faites d’ossements trou­vés dans le crâne de baleines échouées. Les Indiens de la Terre de Feu ignorent la métal­lur­gie. Leurs huttes tou­jours pro­vi­soires sont faites de bran­chages et de peaux de bête. Ils sont vêtus d’un petit tablier et de capes de peau de gua­na­co (un ani­mal proche du lama qui est la source pre­mière de nour­ri­ture des Ona).

Lucas Bridges consacre de nom­breux cha­pitres à la des­crip­tion des manières indiennes de chas­ser, de pêcher, de vivre dans une nature fon­da­men­ta­le­ment hos­tile. Vue par les yeux d’un Euro­péen stan­dard, la Terre de Feu est une région par­ti­cu­liè­re­ment rude mar­quée par des tem­pêtes vio­lentes, des hivers très rigou­reux, le froid et la pluie. Dans l’édition 2006 – 2007 du Guide du rou­tard consa­cré au Chi­li, on écrit : « À Pun­ta Are­nas (au bord du canal de Magel­lan, ndlr) il faut avoir une consti­tu­tion solide pour vivre toute l’année. Grands froids, grands vents, grande soli­tude et grand iso­le­ment4. » Dar­win écri­vait déjà : « Dans ce cli­mat, où les tem­pêtes se suc­cèdent presque sans inter­rup­tion avec accom­pa­gne­ment de pluie, de grêle et de neige, l’atmosphère semble plus sombre que par­tout ailleurs » (Dar­win, I, p. 231). Cette obser­va­tion est datée du 20 décembre 1832, au départ de l’été aus­tral, l’équivalent du 21 juin dans l’hémisphère nord…

Grâce aux Indiens, Lucas Bridges découvre qu’il est pos­sible de connaitre le monde — et d’abord la nature — par d’autres moyens que le simple rai­son­ne­ment. À sa manière, il s’est « ensau­va­gé » en appre­nant des Indiens un nou­vel usage de ses sens. Il dira tou­jours son admi­ra­tion pour leurs com­pé­tences, pour la richesse de leurs expé­riences. Ils ont fait de la pénu­rie un art de vivre. Ils gèrent la pré­ca­ri­té de leurs condi­tions d’existence par un équi­libre rigou­reux avec leur envi­ron­ne­ment, ne pré­le­vant dans celui-ci que le strict nécessaire.

Les premières équivoques

Lors des pre­mières expé­di­tions à tra­vers les canaux de la Terre de Feu, les marins et les savants, natu­ra­listes ou autres qui les accom­pa­gnaient, étaient entrés en contact avec les Indiens. Ils en avaient même rame­né quelques-uns en Grande Bre­tagne où ils finirent par être pré­sen­tés à la Cour… Dès leur retour, ces Indiens avaient lar­ge­ment dis­pa­ru et per­du tout contact avec le ver­nis de culture occi­den­tale dont on avait ten­té de les colo­rer. Cer­tains furent retrou­vés ulté­rieu­re­ment, mais ils n’ont jamais été les alliés ou les média­teurs des entre­prises de colo­ni­sa­tion qu’on aurait vou­lu qu’ils deviennent. Néan­moins, des contacts lin­guis­tiques élé­men­taires avaient été éta­blis. Ils ont été à la source de très remar­quables qui­pro­quos. Ain­si, les membres de l’expédition de Beagle, en 1826, étaient convain­cus que les Fué­giens étaient can­ni­bales. Lucas Bridges tente de recons­ti­tuer les fac­teurs qui ont contri­bué à cette conclu­sion fort éloi­gnée de la réa­li­té. Les Indiens inter­ro­gés avaient une connais­sance très limi­tée de l’anglais et répon­daient sou­vent par oui ou par non. Sur­tout, ils don­naient des infor­ma­tions de manière à faire plai­sir à leurs inter­lo­cu­teurs, ne se sou­ciant nul­le­ment de rap­por­ter des faits exacts. Leurs témoi­gnages « ne sont rien d’autres que l’accord don­né aux sug­ges­tions qui leur étaient faites » (Bridges, p.46). Lucas Bridges pro­pose un (savou­reux) dia­logue indi­quant les éton­nants pré­ju­gés des enquê­teurs, mais aus­si la sub­ti­li­té des Indiens qui leur répondent. « Nous pou­vons ima­gi­ner, écrit-il, leur réac­tion devant des ques­tions aus­si ridi­cules que celles-ci : “Tuez-vous des hommes pour les man­ger?” D ‘abord embar­ras­sés, ils finis­saient, à force de répé­ti­tion, par sai­sir le conte­nu de la ques­tion et ils réa­li­saient le genre de réponse qu’on atten­dait d’eux. Aus­si acquies­çaient-ils tout natu­rel­le­ment. L’enquêteur pour­sui­vait : “Quelles per­sonnes man­gez-vous?” Pas de réponse. “Man­gez-vous les méchants?” “Oui.” “Quand il n’y a pas de méchants, que se passe-t-il?” Pas de réponse. “Man­gez-vous les vieilles femmes?” “Oui.”» (id.). Etc. Lucas Bridges explique que leur connais­sance de l’anglais s’améliorant, ces Indiens ont dû trou­ver un extrême plai­sir à mul­ti­plier les élu­cu­bra­tions qui ont conduit leurs inter­lo­cu­teurs à une com­plète mécon­nais­sance des mœurs des Indiens Fuégiens.

Charles Dar­win, dans son Voyage d’un natu­ra­liste autour de la terre, rap­porte ceci : « Quand les dif­fé­rentes tri­bus se font la guerre, elles deviennent can­ni­bales. S’il faut en croire le témoi­gnage d’un jeune gar­çon […] il est cer­tai­ne­ment vrai que, lorsqu’ils sont vive­ment pres­sés par la faim en hiver, ils mangent les vieilles femmes avant de man­ger leurs chiens ; quand M. Low deman­da au jeune gar­çon pour­quoi cette pré­fé­rence, il répon­dit : “Les chiens attrapent les loutres et les vieilles femmes ne les attrapent pas.” Ce jeune gar­çon racon­ta ensuite com­ment on s’y prend pour les tuer : ”On les tient au-des­sus de la fumée jusqu’à ce qu’elles soient étouf­fées […]”» (Dar­win, I, p. 234)5.

Il faut dire que Dar­win, natu­ra­liste de génie était fort mar­qué par les pré­ju­gés anthro­po­lo­giques de son temps. « Je ne me figu­rais pas com­bien est énorme la dif­fé­rence qui sépare l’homme sau­vage de l’homme civi­li­sé, dif­fé­rence cer­tai­ne­ment plus grande que celle qui existe entre l’animal sau­vage et l’animal civi­li­sé, ce qui explique, d’ailleurs, par ce fait, que l’homme est sus­cep­tible de faire de plus grands pro­grès » (Dar­win, I, p. 224).

Au départ d’une obser­va­tion som­maire, Dar­win avait éga­le­ment conclu au carac­tère très élé­men­taire de la langue des Indiens, faite de gro­gne­ments : « À notre point de vue, le lan­gage de ce peuple mérite à peine le nom de lan­gage arti­cu­lé. Le capi­taine Cook l’a com­pa­ré au bruit que se ferait un homme en se net­toyant la gorge, mais très cer­tai­ne­ment aucun Euro­péen n’a jamais fait entendre bruits aus­si durs, notes aus­si gut­tu­rales en se net­toyant la gorge » (Dar­win, I, p.25)6. Tho­mas Bridges,
le père du nar­ra­teur, s’attachera au contraire à démon­trer la com­plexi­té et la richesse de la langue des Yaghan. Il met­tra trente ans à rédi­ger un dic­tion­naire yaghan-anglais com­por­tant trente-deux-mille mots7. Lucas Bridges pra­ti­que­ra lui aus­si les langues des Yaghan et des Ona qu’il par­le­ra cou­ram­ment, mais il en parle rela­ti­ve­ment peu dans son livre. Bruce Chat­win, dans son livre En Pata­go­nie, nous en dira un peu plus. Dans son entre­prise mis­sion­naire, Tho­mas Bridges était confron­té à la néces­si­té de trans­po­ser les concepts et idées des Évan­giles dans la langue de ses inter­lo­cu­teurs. Sou­vent, il débou­cha sur des impasses. « En consta­tant dans les langues “pri­mi­tives” une pénu­rie de mots pour les idées morales, nom­breux furent ceux qui en conclurent que ces idées n’existaient pas. Mais les concepts de “bon” ou de “beau”, si essen­tiels dans la pen­sée occi­den­tale, sont sans signi­fi­ca­tion s’ils ne plongent pas leurs racines dans les choses. » (Chat­win, p. 213). En réa­li­té, dit Chat­win, les Indiens « pre­naient les maté­riaux de leur milieu et les trans­po­saient en méta­phore pour expri­mer des idées abs­traites » (Id.). Tho­mas Bridges, mal­gré son immense tra­vail de tra­duc­tion n’avait pas com­pris cette dyna­mique. L’aurait-il décou­verte, dit encore Chat­win, son tra­vail n’aurait jamais été ter­mi­né. Et il ajoute, pour cou­per court à cette idée fausse d’une langue « élé­men­taire » : « Que pen­ser d’un peuple qui défi­nis­sait la mono­to­nie comme “absence de cama­rade”» (Chat­win, p. 214).

Dans son livre, Lucas Bridges n’entre pas dans ces consi­dé­ra­tions. Son récit est une rela­tion détaillée qui ne s’assortit d’aucune théo­rie, d’aucune inter­pré­ta­tion. Il raconte la chro­nique des Yaghan et des Ona à tra­vers des épi­sodes de l’histoire des indi­vi­dus ou des familles dont il par­tage un moment l’existence.

Pour Lucas Bridges, si l’Indien est un autre, il est un autre simul­ta­né­ment fami­lier et loin­tain, radi­ca­le­ment dif­fé­rent et pour­tant proche. S’il les connait parce qu’il par­tage cer­tains moments de leurs exis­tences, il ne les juge jamais, même s’il lui faut construire et faire admettre les règles du jeu qui rendent la coha­bi­ta­tion pos­sible à défaut d’être féconde. Par exemple, il raconte com­ment il s’est fait admettre par des familles ou des groupes ona en par­ti­ci­pant à cer­taines de leurs cou­tumes. Les Indiens pra­tiquent la lutte, comme un sport qui implique une cer­taine éga­li­té (on ne lutte pas avec un ado­les­cent ou une per­sonne qu’un acci­dent aurait affai­bli). Mais la lutte est aus­si un rite qui mani­feste l’absence de peur ou une com­pé­ti­tion qui confère de l’autorité. Elle peut être très bru­tale, même si elle est régie par un mini­mum de codes. Dans cer­tains cas, elle sera une manière d’éliminer un rival qu’on aurait autre­ment tué. Lucas Bridge a sou­vent lut­té avec des Indiens, soit par simple plai­sir de mesu­rer sa force, soit pour éta­blir son sta­tut par­mi eux à par­tir de leurs propres principes.

La fin d’une histoire

Lucas Bridges, comme son père avant lui, a été le témoin de la dis­pa­ri­tion des peuples de la Terre de Feu. Sans qu’il en donne d’explication pré­cise, il est clair que le pas­sage de l’entreprise mis­sion­naire de Tho­mas Bridges vers une acti­vi­té d’éleveur est lié à une décrois­sance des popu­la­tions indiennes. Au moment de l’arrivée des mis­sion­naires bri­tan­niques en Terre de Feu, les popu­la­tions fué­giennes comp­taient entre sept et neuf-mille individus.

Les Bridges et l’une ou l’autre familles asso­ciées au tra­vail mis­sion­naire sont éta­blis dans l’ile depuis 1871. En 1884, le gou­ver­ne­ment argen­tin va éta­blir un poste avan­cé au bord du canal de Beagle, consi­dé­rant qu’il lui faut mar­quer sa pré­sence dans cette ile qu’il par­tage avec le Chi­li. Les Chi­liens ont éta­bli une colo­nie péni­ten­tiaire à Pun­ta Are­nas, sur la rive sep­ten­trio­nale du détroit. Les Argen­tins feront la même chose à Ushuaia en y ouvrant un bagne. La décou­verte d’or dans le sable des plages sur la côte ouest de la Terre de Feu sera à l’origine de l’afflux de mineurs à la recherche de la for­tune. Les filons s’avèreront assez pauvres et les mineurs s’en iront en lais­sant der­rière eux mala­dies, armes et alcoo­lisme. À cette époque, la Terre de Feu est le refuge — lar­ge­ment mythi­fié — de divers pros­crits : anar­chistes rus­so-argen­tins, ban­dits amé­ri­cains, émi­grés croates. Des per­son­nages nou­veaux, mi-aven­tu­riers, mi-entre­pre­neurs, vont décou­vrir que la Terre de Feu est très pro­pice à l’élevage du mou­ton. Dès le milieu des années 1880, les Bridges obtien­dront du gou­ver­ne­ment argen­tin une pre­mière conces­sion de 20000 hec­tares. D’autres éle­veurs négo­cie­ront des conces­sions com­pa­rables. Les éle­vages seront pro­gres­si­ve­ment clô­tu­rés à la grande sur­prise des Ona, nomades qui cir­culent libre­ment sur tout le ter­ri­toire. Cer­tains éle­veurs entre­pren­dront l’élimination d’Indiens consi­dé­rés comme des obs­tacles à l’exploitation ration­nelle de l’ile.

Une mis­sion salé­sienne est éta­blie plus au nord, le long du détroit de Magel­lan, sur l’ile Daw­son. Sous le cou­vert de les édu­quer, elle entre­pren­dra une séden­ta­ri­sa­tion meur­trière des Indiens, en les cou­pant de leurs racines et de leurs modes de vie. Les colons condui­saient par la force les Indiens à la mis­sion : « Cer­tains pen­se­ront que ce fut méri­toire parce qu’ils débar­ras­saient le pays d’une dan­ge­reuse ver­mine et qu’en même temps, ils contri­buaient à réfor­mer les sau­vages et à les trans­for­mer en citoyens utiles. D’un autre côté, on peut consi­dé­rer cette manière de faire comme la condam­na­tion d’aborigènes libres à une espèce de ser­vi­tude pénale, eux qui étaient les maîtres légi­times de cette terre. » (Bridges, p. 312). Lucas Bridges n’en dit pas plus. Ce qu’il écrit est déjà un juge­ment. Beau­coup d’Indiens mour­ront ; de mala­dies reçues de leurs contacts avec les Blancs ou de déré­lic­tion. Un chef Indien remis à la mis­sion par des colons après une éva­sion lui dira avant de mou­rir : « La nos­tal­gie est en train de me tuer»(Bridges, p. 313). Bridges com­mente : « La liber­té est pré­cieuse aux hommes blancs. Pour les vaga­bonds indomp­tés de la nature, elle est une abso­lue néces­si­té » (id.). Même constat, sans pas­sion. Il écri­ra un peu plus loin qu’il était d’autres méthodes : la chasse et le meurtre d’Indiens contre des primes, voire l’empoisonnement de mou­tons morts ou de cadavres de baleines dont les Indiens étaient friands. Un éle­veur écos­sais tueur d’Indiens expli­qua un jour que l’assassinat des Indiens « était un acte huma­ni­taire si on avait le cran de le faire. Il expli­quait que ces gens ne pour­raient jamais vivre avec les Blancs, et que plus vite on les exter­mi­ne­rait, mieux ce serait, car il était cruel de les tenir en cap­ti­vi­té dans une mis­sion où ils lan­guis­saient misé­ra­ble­ment et mour­raient de mala­dies impor­tées » (Bridges, p. 315). Dans une annexe au récit de Lucas Bridges, Denis Che­val­lay écrit qu’on peut par­ler de géno­cide pour décrire la dis­pa­ri­tion des Indiens de la Terre de Feu. Mais l’instrument du géno­cide a moins été le mas­sacre sys­té­ma­tique que les diverses mala­dies impor­tées (rou­geole, variole et autres) pour les­quelles les Indiens n’avaient aucune immu­ni­té. Pour les Indiens de la côte ouest, la dis­pa­ri­tion de leurs res­sources ali­men­taires — comme les ota­ries — suite à la concur­rence féroce des chas­seurs chi­liens ou nord-amé­ri­cains a été une autre source de dépé­ris­se­ment par la raré­fac­tion dras­tique des res­sources alimentaires.

Retour à l’histoire de la famille Bridges. Tho­mas Bridges meurt en 1898 lors d’un séjour à Bue­nos-Aires. La grande ferme d’Harberton qu’il a déve­lop­pée depuis vingt-cinq ans près d’Ushuaia est exploi­tée par deux autres de ses fils pen­dant que Lucas va créer une nou­velle estan­cia sur la côte ouest : Via­monte8. Il l’établira avec l’aide d’Indiens Ona qui par­ti­ci­pe­ront aux tra­vaux de construc­tion d’une piste qui rejoin­dra les deux fermes Bridges à tra­vers cor­dillères mon­ta­gneuses et maré­cages. Quelques Onas seront séden­ta­ri­sés par les acti­vi­tés d’élevage de moutons.

Lucas Bridges retour­ne­ra au Vieux Pays en 1914 et par­ti­ci­pe­ra aux com­bats de la Pre­mière Guerre mon­diale dans l’armée bri­tan­nique. À sa démo­bi­li­sa­tion en 1919, il recherche de nou­velles acti­vi­tés. « Le seul tra­vail pour lequel je me sen­tais du gout consis­tait à ouvrir de nou­velles pistes. Il me fal­lait donc des terres vierges. La pen­sée que des mil­liers d’hectares dans des coins recu­lés de la pla­nète res­taient dépeu­plés et impro­duc­tifs me cau­sait un trouble permanent»(Bridges, p. 590). Il crée­ra donc un ranch en Afrique du sud. De retour en Amé­rique du sud, il crée­ra une nou­velle ferme dans la région d’Aysen, en Pata­go­nie chi­lienne. Les des­cen­dants de la famille Bridges sont tou­jours atta­chés à ces diverses exploi­ta­tions. Lucas Bridges mour­ra à Bue­nos-Aires en 1949. Dans une post­face à cette édi­tion, Denis Che­val­lay écrit qu’en 2010, il n’y a plus d’Ona et que leur langue est éteinte. Il existe encore une cen­taine de Yaghan métis­sés. Une seule femme parle encore la langue de leurs ancêtres. Une ving­taine d’Alakaluf vivent aujourd’hui près de Pun­ta Are­nas et leur langue est encore par­lée par cinq per­sonnes. La somme des connais­sances éla­bo­rées par les Fué­giens au cours des mil­lé­naires, leurs his­toires et leurs mythes, leurs langues com­plexes et riches ont défi­ni­ti­ve­ment disparu.

Les derniers hommes

Lucas Bridges et son père, Tho­mas Bridges, ont vécu à côté des peuples ori­gi­naires de la Terre de Feu, en appri­voi­sant très pro­gres­si­ve­ment cer­tains Indiens dont ils ont croi­sé les des­ti­nées. Tout le récit de Lucas Bridges et la quan­ti­té comme la qua­li­té des infor­ma­tions qu’il rap­porte à leur sujet indique com­bien ils les ont res­pec­tés et esti­més. Il n’y a à aucun endroit du livre de juge­ment sur les manières de vivre des Fué­giens, sur leurs mœurs par­fois bru­tales. Il n’y a ni expli­ca­tion, ni théo­rie, sim­ple­ment le compte ren­du détaillé, la des­crip­tion minu­tieuse et empa­thique des popu­la­tions qu’ils ont côtoyées. À cet égard, Aux confins de la terre est sans doute une source unique et exem­plaire sur les peuples fué­giens, une mémoire pré­cieuse. Mais le livre éclaire éga­le­ment une contra­dic­tion tra­gique. Le récit de Lucas Bridges est construit sur un double mou­ve­ment : d’abord, la res­ti­tu­tion du monde des Indiens de la Terre de Feu, mais aus­si, en mineur, l’histoire de leur dis­pa­ri­tion pro­gres­sive ; ensuite la colo­ni­sa­tion pro­gres­sive de la Terre de Feu au départ de l’initiative de mis­sion­naires bri­tan­niques bien­tôt sui­vis par d’autres colons. Les deux mou­ve­ments ne sont évi­dem­ment pas indé­pen­dants l’un de l’autre. « J’avais espé­ré, écrit Bridges, que la Terre de Feu devien­drait une patrie heu­reuse pour les dignes des­cen­dants des fiers et splen­dides ancêtres qui avaient si libre­ment par­cou­ru ses forêts. Mon attente fut déçue. Avec la péné­tra­tion sans frein de la civi­li­sa­tion dans un si petit pays, le mode de vie des Indiens ne pou­vait pré­va­loir » (Bridges, p. 597). La tris­tesse de Bridges est évi­dente, mais à nou­veau il pré­sente cette situa­tion comme un fait, sans autre juge­ment. Or, c’est le même homme qui ne peut ima­gi­ner qu’il reste quelque part sur la pla­nète des hec­tares dépeu­plés et impro­duc­tifs et qui regrette, comme une fata­li­té, la dis­pa­ri­tion des peuples libres qui vivaient de l’inoccupation pro­duc­tive de ces mêmes espaces. Cette contra­dic­tion n’échappe pas à Jean Malau­rie qui, dans la pré­face sug­ges­tive qu’il donne à ce livre, écrit : « L’histoire de l’homme, habi­té par l’idée de pro­grès, est tra­gique. Elle a deux faces et, à la fin des fins, elle est, pour tous, sui­ci­daire » (Bridges, p. 24). Cette his­toire ne se répète-t-elle pas aujourd’hui en Ama­zo­nie, en Équa­teur, en Nou­velle-Gui­née, là où des peuples qui reven­diquent leur qua­li­té de peuples pre­miers défendent aujourd’hui leurs ter­ri­toires d’une très riche diver­si­té bio­lo­gique au nom de ce qu’ils appellent le bien vivre ? Seront-ils entendus ?

  1. Bruce Chat­win, En Pata­go­nie, Gras­set, coll. « Les cahiers rouges », 2002. Récit de voyage fas­ci­nant d’un écri­vain remar­quable jouant sur le double registre de l’imaginaire et du compte ren­du. Du même auteur, on lira Le chant des pistes qui a pour héros les abo­ri­gènes australiens.
  2. William Hen­ry Hud­son, Un flâ­neur en Pata­go­nie, Petite biblio­thèque Payot, 1990.
  3. Lucas Bridges, Aux confins de la Terre, une vie en Terre de Feu (1874 – 1910), édi­tions Nevi­ca­ta, 2010.
  4. Chi­li, Guide du rou­tard, 2006 – 2007, p.372.
  5. Charles Dar­win, Voyage d’un natu­ra­liste autour du monde, volume I et II, La Décou­verte, 1982.
  6. Charles Dar­win a vingt-deux ans quand il par­ti­cipe à l’expédition du Beagle en 1831. Les pré­ju­gés rela­tifs à l’homme sau­vage dont il est fait état ici ne doivent pas dis­si­mu­ler le talent lit­té­raire et le génie qu’il mani­feste déjà dans l’observation de la nature et de cer­tains faits sociaux. Son Voyage d’un natu­ra­liste autour du monde reste un récit tout à fait passionnant.
  7. L’histoire de ce dic­tion­naire est en soit un roman. En 1898, il fut prê­té par Th. Bridge au Dr F.A. Cook, méde­cin de l’expédition du Bel­gi­ca com­man­dée par A. de Ger­lache, qui s’engagea à le faire publier. Ce qu’il fit, mais dans un pre­mier temps sous son nom. Peu après, cette impos­ture fut cor­ri­gée, mais le manus­crit avait dis­pa­ru. Après de mul­tiples péri­pé­ties, il fut retrou­vé en 1945 dans une ferme alle­mande. Il est aujourd’hui au Bri­tish Museum.
  8. Celle-ci existe encore, au sud de Rio Grande deve­nue une ville indus­trielle et offre des chambres d’hôtes aux tou­ristes de pas­sage. Voir http://www.estanciaviamonte.com/indice.htm. On peut y lire : « L’estancia Via­monte a été créée en 1902, avec le sou­ci de pro­té­ger les Indiens Ona (Selk­nam), par les fils du révé­rend Tho­mas Bridges, le pre­mier Euro­péen à s’établir en Terre de Feu. […]…) Cette époque étant dif­fi­cile pour les indi­gènes, la famille fit son pos­sible pour les aider en appre­nant leur langue et en leur offrant une pro­tec­tion contre le monde moderne mena­çant. Les frères Bridges créèrent la nou­velle estan­cia en ouvrant une piste his­to­rique à tra­vers le sud des Andes, pour y conduire des trou­peaux de bre­bis depuis Har­ber­ton, la ferme la plus ancienne de la par­tie argen­tine de l’ile. Pen­dant long­temps, des Ona par­ti­ci­pèrent aux tra­vaux de l’estancia. Des membres de la qua­trième, cin­quième et sixième géné­ra­tions de la famille vivent tou­jours dans les deux fermes. »

Michel Molitor


Auteur

Sociologue. Michel Molitor est professeur émérite de l’UCLouvain. Il a été directeur de {La Revue nouvelle} de 1981 à 1993. Ses domaines d’enseignement et de recherches sont la sociologie des organisations, la sociologie des mouvements sociaux, les relations industrielles.