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Au-delà du bien et du mal

Numéro 4 Avril 2003 par Théo Hachez

avril 2003

Plus fati­gant que fati­gué, le gou­ver­ne­ment fédé­ral ins­tal­lé à la hâte en juillet 99 achève un bail impré­vi­sible : la coha­bi­ta­tion hété­ro­clite et anta­go­niste aura été menée à son terme, alors même que le contrat ini­tial était assez lâche. C’est donc une nou­velle. Au-delà des éva­lua­tions sec­to­rielles miti­gées aux­quelles concluent les contri­bu­tions ana­ly­tiques du dos­sier que nous consacrons […]

Plus fati­gant que fati­gué, le gou­ver­ne­ment fédé­ral ins­tal­lé à la hâte en juillet 99 achève un bail impré­vi­sible : la coha­bi­ta­tion hété­ro­clite et anta­go­niste aura été menée à son terme, alors même que le contrat ini­tial était assez lâche. C’est donc une nou­velle. Au-delà des éva­lua­tions sec­to­rielles miti­gées aux­quelles concluent les contri­bu­tions ana­ly­tiques du dos­sier que nous consa­crons à cette légis­la­ture, l’é­quipe Verhof­stadt n’au­ra appor­té au pays ni le chaos que pro­met­taient cer­tains ni la dif­fé­rence radi­cale espé­rée par les autres.

Jusque dans une cer­taine médio­cri­té propre aux com­pro­mis démo­cra­tiques, le retour au pou­voir des par­tis libé­raux dans le rôle vedette de pre­mière famille poli­tique du pays et l’i­né­dite par­ti­ci­pa­tion gou­ver­ne­men­tale des éco­lo­gistes ont en quelque sorte démon­tré le carac­tère rem­pla­çable des sociaux-chré­tiens. L’é­glise n’est plus seule au milieu du vil­lage et le sens gira­toire ins­tal­lé autour d’elle per­met aisé­ment de la contour­ner. L’op­po­si­tion du par­vis est d’au­tant plus incon­for­table que les cri­tiques les plus per­ti­nentes de l’ac­tion gou­ver­ne­men­tale ont sou­vent émer­gé des par­tis cen­sés sou­te­nir l’exécutif.

La Bel­gique dotée d’un Par­le­ment élu au scru­tin pro­por­tion­nel rêve-t-elle pour autant d’un gou­ver­ne­ment qui en tra­dui­rait lit­té­ra­le­ment la diver­si­té ? Même à sup­po­ser qu’on en écarte les indé­si­rables d’ex­trême droite, la for­mule aurait ses limites. L’é­cart entre l’an­cien et le nou­veau, l’i­ner­tie et le chan­ge­ment, l’es­pace même du choix poli­tique s’en trou­ve­rait consi­dé­ra­ble­ment rétré­ci. La coha­bi­ta­tion gou­ver­ne­men­tale a eu le mérite de l’al­ter­nance, pas celui de la cohé­rence, ni dans le conte­nu ni dans la méthode. Autre­ment dit, le résul­tat est acci­den­tel, même s’il a satis­fait cer­tains équi­libres de la socié­té belge et cer­tains de ses méca­nismes de déci­sion comme la concer­ta­tion sociale. La per­sis­tance d’une telle for­mule inter­ro­ge­rait pro­fon­dé­ment les ins­ti­tu­tions et les tra­di­tions démo­cra­tiques : elle exi­ge­rait à tout le moins un bali­sage plus ser­ré du pro­gramme gou­ver­ne­men­tal. De toute façon, les élec­teurs ne peuvent se défaus­ser sur l’hy­po­thèse d’une recon­duc­tion pour renon­cer à faire un choix, aus­si dif­fi­cile soit-il. Car, devrait-elle se véri­fier, les équi­libres du futur gou­ver­ne­ment seraient quand même en balance dans le résul­tat de l’élection.

Certes les alter­na­tives glo­bales et roman­tiques sont obé­rées par de telles alliances pré­vi­sibles qui enjambent des cli­vages jugés comme les plus struc­tu­rants et qui fina­le­ment exposent toute convic­tion au dis­cré­dit. Certes l’in­ter­pé­né­tra­tion des socié­tés, les enjeux pla­né­taires, les pou­voirs supra­na­tio­naux rela­ti­visent l’au­to­no­mie et l’es­pace du rai­son­nable dans lequel se meut un modeste pou­voir comme le niveau fédé­ral belge. Au lieu de rela­ti­vi­ser une pré­fé­rence, tout cela ne concourt-il pas à expli­ci­ter les cri­tères et à ren­for­cer les exi­gences aux­quelles la sou­mettre ? C’est le rôle, c’est l’hon­neur de l’é­lec­teur que d’en­trer dans cette illu­sion des pro­grammes, des objec­tifs et des valeurs qui les fondent, même s’il sait que confron­té aux réa­li­tés, aux com­pro­mis indis­pen­sables et, par­fois, au cynisme des poli­tiques qui les négo­cient, il fau­dra en rabattre.

Théo Hachez


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