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Ascension

Numéro 7 – 2022 - 7. Italique fiction par Christophe Mincke

octobre 2022

Sou­dain, te por­ter n’était plus un effort. Nous nous balan­cions ensemble, par­ta­geant notre équi­libre. Il n’y avait qu’à pla­cer le pied au bon moment et à nous lais­ser reve­nir à l’équilibre, pen­dule ascen­sion­nel. Tu étais là, sim­ple­ment, comme moi, comme mes bras autour de toi.  Qu’aurions-nous pu deman­der, à part être ensemble ? De marche en marche, ce balan­ce­ment n’était-il […]

Italique

Sou­dain, te por­ter n’était plus un effort. Nous nous balan­cions ensemble, par­ta­geant notre équi­libre. Il n’y avait qu’à pla­cer le pied au bon moment et à nous lais­ser reve­nir à l’équilibre, pen­dule ascen­sion­nel. Tu étais là, sim­ple­ment, comme moi, comme mes bras autour de toi. 

Qu’aurions-nous pu deman­der, à part être ensemble ? De marche en marche, ce balan­ce­ment n’était-il pas éter­nel ? N’étions-nous pas nés pour qu’il nous emporte à jamais ? Qui peut jurer que le temps conti­nuait de s’écouler ? N’était-il pas évident qu’il avait sou­dain chan­gé de vis­co­si­té et nous rete­nait dou­ce­ment en son sein ? Et que pou­vions-nous espé­rer de mieux que de nous aban­don­ner à son bercement ? 

Nous ne bou­gions plus, c’était l’univers qui nous entrai­nait, il fal­lait bien se rendre à l’évidence.

Incons­cient, tu n’avais jamais rien su d’autre ; engour­di, je n’avais jamais rien atten­du de plus ; j’en étais désor­mais cer­tain. Notre muette dou­ceur était un fait… 

Et puis ? Mais il n’y avait plus de « et puis », voyons ! 

Sauf que le palier était là, bru­ta­le­ment plat. 

La porte, la pénombre chaude de la chambre, ton ber­ceau et ton aban­don à un som­meil pas­sa­ger. Comme à chaque fois. 

Cet amour sans mots, sans pen­sées, cette sécu­ri­té de notre proxi­mi­té et ce temps qui sou­dain pas­sait à nou­veau à toute allure. 

Je t’ai dépo­sé dou­ce­ment, parce qu’il le fal­lait, parce que toute résis­tance était inutile, comme au tom­beau. Je savais la pro­messe d’autres jours, d’autres joies, d’autres étreintes, et celle de la perte, irrémédiable.

Christophe Mincke


Auteur

Christophe Mincke est codirecteur de La Revue nouvelle, directeur du département de criminologie de l’Institut national de criminalistique et de criminologie et professeur à l’Université Saint-Louis à Bruxelles. Il a étudié le droit et la sociologie et s’est intéressé, à titre scientifique, au ministère public, à la médiation pénale et, aujourd’hui, à la mobilité et à ses rapports avec la prison. Au travers de ses travaux récents, il interroge notre rapport collectif au changement et la frénésie de notre époque.