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Après la crise, quelle relance ?

Numéro 2 – 2021 - Covid-19 crise crise financière pandémie par François Reman

mars 2021

Le timing est ser­ré. Le Bel­gique doit pré­sen­ter à la Com­mis­sion euro­péenne son plan pour la reprise et la rési­lience (PRR) pour le 30 avril. Ce grand plan de relance, d’une ampleur his­to­rique béné­fi­ciant d’un finan­ce­ment euro­péen de près de 6 mil­liards d’euros est struc­tu­ré en cinq axes : dura­bi­li­té, numé­rique, mobi­li­té, soli­da­ri­té, pro­duc­ti­vi­té. À charge pour les différentes […]

Dossier

Le timing est ser­ré. Le Bel­gique doit pré­sen­ter à la Com­mis­sion euro­péenne son plan pour la reprise et la rési­lience (PRR) pour le 30 avril. Ce grand plan de relance, d’une ampleur his­to­rique béné­fi­ciant d’un finan­ce­ment euro­péen de près de 6 mil­liards d’euros est struc­tu­ré en cinq axes : dura­bi­li­té, numé­rique, mobi­li­té, soli­da­ri­té, pro­duc­ti­vi­té. À charge pour les dif­fé­rentes enti­tés du pays de l’alimenter sur base de leurs pro­jets res­pec­tifs et d’ensuite le mettre en œuvre.

L’ambition de ce dos­sier est d’apporter de la clar­té au brouillard entou­rant les contours de ce plan de relance. En revanche, une chose est déjà cer­taine : la manne finan­cière a été répar­tie entre enti­tés fédé­rées et celles-ci doivent main­te­nant l’affecter à des pro­jets qui ne pour­ront pas faire l’impasse sur les demandes de la Com­mis­sion euro­péenne en matière de tran­si­tion éco­no­mique, éco­lo­gique et numérique.

À la lec­ture des dif­fé­rentes contri­bu­tions de ce dos­sier, on constate que l’option d’une sor­tie de crise via le car­can aus­té­ri­taire a mani­fes­te­ment été écar­tée par les États membres.

Cela fait dire à Ben­ja­min Denis et Fran­çois Sana que le plan de relance porte bel et bien des atours key­né­siens puisque son objec­tif est de sor­tir de l’ornière de la crise via l’investissement et l’endettement plu­tôt que par la réduc­tion des dépenses publiques, la pres­sion sur les salaires et la flexi­bi­li­sa­tion du mar­ché du tra­vail. Une ambi­tion qu’il faut néan­moins tem­pé­rer car la stra­té­gie de relance est évi­dem­ment condi­tion­née à l’adoption de réformes struc­tu­relles clas­si­que­ment pré­ju­di­ciables au monde du travail.

À un autre niveau d’analyse, Xavier Dupret iden­ti­fie le plan de relance comme un réamé­na­ge­ment majeur du cadre de ges­tion des éco­no­mies euro­péennes et de leur régime d’accumulation. Ce cadre réamé­na­gé néces­si­te­ra logi­que­ment une remise en cause d’éléments struc­tu­rels défi­cients, par­mi les­quels l’absence de contrôle des canaux ban­caires qui a conduit, ces der­nières années, à une infla­tion sur les actifs financiers.

On le voit, l’Union euro­péenne est ambi­tieuse et pas­sa­ble­ment dis­po­sée à lever d’anciens tabous. Mais com­ment cette dyna­mique va-t-elle se tra­duire concrè­te­ment dans notre pays ? Dans leur article, Caro­line Säges­ser, David Van Den Abbeel et Jean Faniel se demandent, par consé­quent, si nous avons vrai­ment affaire à un plan de relance natio­nal ? Cer­tains indices ten­draient à démon­trer que le plan final résul­te­ra davan­tage d’une mise en com­mun de pro­jets régio­naux dif­fé­rents que d’un ensemble cohé­rent de réformes et de pro­jets d’investissement publics comme le réclame l’Europe. C’est pro­ba­ble­ment la résul­tante de notre com­plexi­té ins­ti­tu­tion­nelle, font remar­quer les auteurs, mais cela ne doit pas pour autant excu­ser l’absence d’implication des Par­le­ments comme lieux de débat dans l’élaboration du processus.

En Wal­lo­nie, le gou­ver­ne­ment a convo­qué une méthode dont les stan­dards cor­res­pondent à l’air du temps. Une consul­ta­tion citoyenne, d’une part, et le sou­tien d’un consor­tium de consul­tants, d’autre part, doivent struc­tu­rer l’élaboration de son plan de redres­se­ment appe­lé Get up Wal­lo­nia. Un plan dont il est à espé­rer qu’il main­tienne les acquis des plans Mar­schall suc­ces­sifs dont un mode de régu­la­tion souple fon­dé sur le par­te­na­riat entre dif­fé­rents acteurs, visant à mieux répondre aux besoins socioé­co­no­miques, de manière plus effi­ciente et plus effi­cace. Trois task force orga­nisent les tra­vaux, et celle consa­crée à l’Emploi, au Sociale et à la San­té lais­se­rait pour l’instant trans­pa­raitre chez le consul­tant une pro­fonde mécon­nais­sance de la réa­li­té socio­lo­gique, cultu­relle et his­to­rique de la Wal­lo­nie, sou­lignent Thier­ry Jacques, Fran­çois Reman et Muriel Ruol.

En ce qui concerne la Région bruxel­loise, Paul Pal­ster­man observe un cer­tain tâton­ne­ment quant à l’élaboration même des mesures de sou­tien et de relance de la part des auto­ri­tés poli­tiques, par exemple en dis­tri­buant des aides linéaires dont le mon­tant est lié aux capa­ci­tés bud­gé­taires de la Région et non à une étude de besoins. Cela s’expliquerait par l’absence d’un ins­tru­ment idoine d’évaluation des besoins et par le sous-équi­pe­ment de l’administration bruxel­loise qui a dû s’improviser en quelques jours dis­tri­bu­trice d’aides ciblées accor­dées moyen­nant des condi­tions véri­fiables. L’auteur salue cepen­dant la volon­té du gou­ver­ne­ment bruxel­lois d’avoir construit son plan de relance sur la base de sa décla­ra­tion de poli­tique régio­nale, ce qui ne semble pas contra­dic­toire avec les attentes de la Com­mis­sion européenne.

Des aides, la culture en néces­site pour sur­vivre, mais elle a sur­tout besoin de ne plus être pen­sée comme avant. « Com­ment faire culture autre­ment ? », s’interroge Luca Cic­cia qui regrette qu’il ait fal­lu attendre le 15 juillet 2020, soit qua­si trois mois après les prin­ci­pales autres mesures de sou­tien éco­no­mique, pour qu’une loi assou­plis­sant l’accès au sta­tut d’artiste de manière tem­po­raire soit adop­tée. Le cout de cette mesure d’urgence cor­res­pond néan­moins à celui déjà anti­ci­pé ini­tia­le­ment pour réfor­mer ce « sta­tut », ce qui n’inaugure aucun chan­ge­ment de tra­jec­toire. Il existe pour­tant des pistes de solu­tions pour amé­lio­rer la pro­tec­tion sociale des artistes et tech­ni­ciens alors que plane la menace des libé­raux d’utiliser le « sta­tut d’artiste » comme rampe de lan­ce­ment d’une allo­ca­tion de base.

Faire culture autre­ment, mettre en débat l’élaboration des plans de relance, ren­for­cer la capa­ci­té d’action de nos pou­voirs publics, se sai­sir des nou­velles struc­tures d’opportunités pour encou­ra­ger celles et ceux qui ont soif de conquêtes, démo­cra­tiques et tech­no­lo­giques, c’est ce à quoi on peut aspi­rer en lisant les contri­bu­tions à ce dossier.

Mais nous ne pou­vons pas le fer­mer sans por­ter notre atten­tion vers l’école, récep­tacle en pre­mière ligne des dou­leurs et injus­tices sociales géné­rées par la crise du coro­na­vi­rus. Une ins­ti­tu­tion sco­laire qui selon Bru­no Der­baix serait à même d’être un levier de relance plu­tôt qu’un bou­let à tirer. L’école dis­po­se­rait des capa­ci­tés de se réin­ven­ter et d’être un lieu d’accrochage à la socié­té plu­tôt que de décro­chage de ses élèves. Et l’auteur de recon­naitre que depuis le début de la pan­dé­mie, les mesures de crise n’ont ces­sé de nous sépa­rer et de nous éloi­gner. Rien d’étonnant dès lors que, pour rele­ver les défis adres­sés par la crise sani­taire, il soit néces­saire d’apprendre à mieux faire ensemble. C’est défi­ni­ti­ve­ment tout le mal que l’on peut sou­hai­ter aux archi­tectes de nos plans de relance.

François Reman


Auteur

François Reman est licencié en journalisme et diplômé en relations internationales. Il entame sa carrière professionnelle en 2003 en tant que chargé de communication à la FUCID, l’ONG de coopération au développement de l’Université de Namur. Il y assumera rapidement le rôle de responsable des activités d’éducation au développement. En 2010, il s’envole pour le Chili où il travaillera comme journaliste correspondant pour La Libre Belgique et le Courrier. De retour en Belgique en 2013, il est engagé au MOC comme attaché de presse et journaliste pour la revue Démocratie. En 2014, il devient attaché de presse de la CSC. En dehors de ses articles pour la presse syndicale, la plupart de ses publications abordent la situation politique en Amérique latine.