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Après la crise, quelle relance ?
Le timing est serré. Le Belgique doit présenter à la Commission européenne son plan pour la reprise et la résilience (PRR) pour le 30 avril. Ce grand plan de relance, d’une ampleur historique bénéficiant d’un financement européen de près de 6 milliards d’euros est structuré en cinq axes : durabilité, numérique, mobilité, solidarité, productivité. À charge pour les différentes […]
Le timing est serré. Le Belgique doit présenter à la Commission européenne son plan pour la reprise et la résilience (PRR) pour le 30 avril. Ce grand plan de relance, d’une ampleur historique bénéficiant d’un financement européen de près de 6 milliards d’euros est structuré en cinq axes : durabilité, numérique, mobilité, solidarité, productivité. À charge pour les différentes entités du pays de l’alimenter sur base de leurs projets respectifs et d’ensuite le mettre en œuvre.
L’ambition de ce dossier est d’apporter de la clarté au brouillard entourant les contours de ce plan de relance. En revanche, une chose est déjà certaine : la manne financière a été répartie entre entités fédérées et celles-ci doivent maintenant l’affecter à des projets qui ne pourront pas faire l’impasse sur les demandes de la Commission européenne en matière de transition économique, écologique et numérique.
À la lecture des différentes contributions de ce dossier, on constate que l’option d’une sortie de crise via le carcan austéritaire a manifestement été écartée par les États membres.
Cela fait dire à Benjamin Denis et François Sana que le plan de relance porte bel et bien des atours keynésiens puisque son objectif est de sortir de l’ornière de la crise via l’investissement et l’endettement plutôt que par la réduction des dépenses publiques, la pression sur les salaires et la flexibilisation du marché du travail. Une ambition qu’il faut néanmoins tempérer car la stratégie de relance est évidemment conditionnée à l’adoption de réformes structurelles classiquement préjudiciables au monde du travail.
À un autre niveau d’analyse, Xavier Dupret identifie le plan de relance comme un réaménagement majeur du cadre de gestion des économies européennes et de leur régime d’accumulation. Ce cadre réaménagé nécessitera logiquement une remise en cause d’éléments structurels déficients, parmi lesquels l’absence de contrôle des canaux bancaires qui a conduit, ces dernières années, à une inflation sur les actifs financiers.
On le voit, l’Union européenne est ambitieuse et passablement disposée à lever d’anciens tabous. Mais comment cette dynamique va-t-elle se traduire concrètement dans notre pays ? Dans leur article, Caroline Sägesser, David Van Den Abbeel et Jean Faniel se demandent, par conséquent, si nous avons vraiment affaire à un plan de relance national ? Certains indices tendraient à démontrer que le plan final résultera davantage d’une mise en commun de projets régionaux différents que d’un ensemble cohérent de réformes et de projets d’investissement publics comme le réclame l’Europe. C’est probablement la résultante de notre complexité institutionnelle, font remarquer les auteurs, mais cela ne doit pas pour autant excuser l’absence d’implication des Parlements comme lieux de débat dans l’élaboration du processus.
En Wallonie, le gouvernement a convoqué une méthode dont les standards correspondent à l’air du temps. Une consultation citoyenne, d’une part, et le soutien d’un consortium de consultants, d’autre part, doivent structurer l’élaboration de son plan de redressement appelé Get up Wallonia. Un plan dont il est à espérer qu’il maintienne les acquis des plans Marschall successifs dont un mode de régulation souple fondé sur le partenariat entre différents acteurs, visant à mieux répondre aux besoins socioéconomiques, de manière plus efficiente et plus efficace. Trois task force organisent les travaux, et celle consacrée à l’Emploi, au Sociale et à la Santé laisserait pour l’instant transparaitre chez le consultant une profonde méconnaissance de la réalité sociologique, culturelle et historique de la Wallonie, soulignent Thierry Jacques, François Reman et Muriel Ruol.
En ce qui concerne la Région bruxelloise, Paul Palsterman observe un certain tâtonnement quant à l’élaboration même des mesures de soutien et de relance de la part des autorités politiques, par exemple en distribuant des aides linéaires dont le montant est lié aux capacités budgétaires de la Région et non à une étude de besoins. Cela s’expliquerait par l’absence d’un instrument idoine d’évaluation des besoins et par le sous-équipement de l’administration bruxelloise qui a dû s’improviser en quelques jours distributrice d’aides ciblées accordées moyennant des conditions vérifiables. L’auteur salue cependant la volonté du gouvernement bruxellois d’avoir construit son plan de relance sur la base de sa déclaration de politique régionale, ce qui ne semble pas contradictoire avec les attentes de la Commission européenne.
Des aides, la culture en nécessite pour survivre, mais elle a surtout besoin de ne plus être pensée comme avant. « Comment faire culture autrement ? », s’interroge Luca Ciccia qui regrette qu’il ait fallu attendre le 15 juillet 2020, soit quasi trois mois après les principales autres mesures de soutien économique, pour qu’une loi assouplissant l’accès au statut d’artiste de manière temporaire soit adoptée. Le cout de cette mesure d’urgence correspond néanmoins à celui déjà anticipé initialement pour réformer ce « statut », ce qui n’inaugure aucun changement de trajectoire. Il existe pourtant des pistes de solutions pour améliorer la protection sociale des artistes et techniciens alors que plane la menace des libéraux d’utiliser le « statut d’artiste » comme rampe de lancement d’une allocation de base.
Faire culture autrement, mettre en débat l’élaboration des plans de relance, renforcer la capacité d’action de nos pouvoirs publics, se saisir des nouvelles structures d’opportunités pour encourager celles et ceux qui ont soif de conquêtes, démocratiques et technologiques, c’est ce à quoi on peut aspirer en lisant les contributions à ce dossier.
Mais nous ne pouvons pas le fermer sans porter notre attention vers l’école, réceptacle en première ligne des douleurs et injustices sociales générées par la crise du coronavirus. Une institution scolaire qui selon Bruno Derbaix serait à même d’être un levier de relance plutôt qu’un boulet à tirer. L’école disposerait des capacités de se réinventer et d’être un lieu d’accrochage à la société plutôt que de décrochage de ses élèves. Et l’auteur de reconnaitre que depuis le début de la pandémie, les mesures de crise n’ont cessé de nous séparer et de nous éloigner. Rien d’étonnant dès lors que, pour relever les défis adressés par la crise sanitaire, il soit nécessaire d’apprendre à mieux faire ensemble. C’est définitivement tout le mal que l’on peut souhaiter aux architectes de nos plans de relance.