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Amérique latine : ¿ Qué tal ?

Numéro 11 Novembre 2006 par La rédaction

novembre 2006

La Revue nou­velle a réa­li­sé plu­sieurs dos­siers sur l’A­mé­rique latine dans les années quatre-vingt. Dic­ta­ture mili­taire, dis­pa­ri­tions, déman­tè­le­ment de l’ac­tion de l’É­tat, sou­tien idéo­lo­gique des États-Unis, l’i­mage ren­voyée par le conti­nent sud-amé­­ri­­cain était par­ti­cu­liè­re­ment sombre. Heu­reu­se­ment vinrent dans les années nonante des périodes de tran­si­tion démo­cra­tiques et de chan­ge­ments poli­tiques. On se remet­tait à espé­rer. En 2006, […]

La Revue nou­velle a réa­li­sé plu­sieurs dos­siers sur l’A­mé­rique latine dans les années quatre-vingt. Dic­ta­ture mili­taire, dis­pa­ri­tions, déman­tè­le­ment de l’ac­tion de l’É­tat, sou­tien idéo­lo­gique des États-Unis, l’i­mage ren­voyée par le conti­nent sud-amé­ri­cain était par­ti­cu­liè­re­ment sombre. Heu­reu­se­ment vinrent dans les années nonante des périodes de tran­si­tion démo­cra­tiques et de chan­ge­ments poli­tiques. On se remet­tait à espérer.
En 2006, à n’en pas dou­ter, l’A­mé­rique latine conti­nue de fas­ci­ner les obser­va­teurs euro­péens. Le temps des dic­ta­tures et des tran­si­tions démo­cra­tiques est révo­lu. L’A­mé­rique latine se prend en main et avance. Mais que nous pro­pose-t-elle réel­le­ment de si nou­veau ? Quelles sont les grandes dyna­miques à l’œuvre et pour­quoi émergent-elles main­te­nant. ? Ce dos­sier tente à sa façon de répondre à ces questions.

Quinze ans après le retour de la démo­cra­tie et après une phase de tran­si­tion dont le bilan éco­no­mique est faible, on voit émer­ger et accé­der au pou­voir une nou­velle vague de diri­geants. Leur objec­tif est de redon­ner à l’É­tat les moyens de mener des poli­tiques sociales aux­quelles aspire la popu­la­tion. Ces diri­geants qui incarnent aux yeux des Euro­péens « une nou­velle gauche lati­no-amé­ri­caine » cher­chant à doter leurs pays d’une nou­velle auto­no­mie et capa­ci­té d’ac­tion en se démar­quant clai­re­ment de la tutelle des États-Unis (voir l’ar­ticle de Ber­nard Duterme sur le virage à gauche).

Lula, le pré­sident du Bré­sil, fut peut-être celui par qui tout a com­men­cé. Issu du Par­ti des tra­vailleurs (PT), il a su redon­ner espoir aux popu­la­tions pauvres du Bré­sil et séduire une grande par­tie de la gauche euro­péenne. D’autres lea­deurs mar­qués à gauche comme Nes­tor Kirch­ner ou Taba­ré Vás­quez béné­fi­cient du même cou­rant de sym­pa­thie à l’in­té­rieur comme à l’extérieur.

Par contre la per­son­na­li­té de Hugo Chá­vez, pré­sident du Vene­zue­la, divise les milieux pro­gres­sistes euro­péens. Sa rhé­to­rique agres­sive séduit les uns, mais irrite d’autres qui y voient l’ex­pres­sion d’un popu­lisme inquié­tant. Il en est de même concer­nant Evo Morales, le pré­sident boli­vien. Les deux lea­deurs sont en outre accu­sés d’être sous la coupe de Fidel Cas­tro ou du moins de lui avoir offert une véri­table cure de jou­vence alors que son régime se dur­cit de plus en plus.

Au-delà des per­sonnes, c’est l’a­na­lyse des causes du désastre qu’ont connu ces pays qui divise les uns et les autres. Les res­pon­sa­bi­li­tés de la mise en place de dic­ta­tures atroces incom­be­rait-elle seule­ment aux États-Unis ou sont-elles aus­si à recher­cher au cœur des socié­tés lati­no-amé­ri­caines ? Une cri­tique des élites lati­no-amé­ri­caines ne semble en tout cas pas super­flue, car le « modèle » éco­no­mique et poli­tique qui a rava­gé cer­tains pays a été sou­te­nu et encou­ra­gé par des lea­deurs poli­tiques issus des classes supé­rieures, diplô­més des grandes uni­ver­si­tés euro­péennes et amé­ri­caines peu au fait ou pire mépri­sant les réa­li­tés sociales de leur propre pays (la Boli­vie et l’É­qua­teur en sont les par­faits exemples).
Ce dos­sier se penche éga­le­ment sur l’é­mer­gence de nou­velles reven­di­ca­tions iden­ti­taires — non dépour­vues de contra­dic­tions — qui se font jour et s’a­joutent aux anciennes reven­di­ca­tions poli­tiques (voir l’ar­ticle de Marc Saint-Upé­ry sur les Indiens dans le monde andin). Il s’a­git là d’un phé­no­mène nou­veau — à géo­mé­trie variable — en réac­tion au colo­nia­lisme interne, mais qui en même temps pousse les socié­tés andines à accé­lé­rer leur appren­tis­sage de la démocratie.

L’in­té­gra­tion régio­nale, elle, a déjà une longue his­toire et navigue entre immo­bi­lisme et avan­cé timide (voir les articles de Fran­çois Reman et de Rober­to Peña Guer­re­ro). Pour ce der­nier, cette inté­gra­tion a car­ré­ment du plomb dans l’aile. Plu­sieurs pro­jets existent, plus sou­vent com­plé­men­taires qu’an­ta­go­nistes, mais la quête de lea­deur­ship et la dif­fi­cul­té de se posi­tion­ner una­ni­me­ment face à l’OMC par exemple (voir l’ar­ticle de Andrés Patuel­li) offrent de résul­tats mitigés.
Il est cer­tain que l’A­mé­rique latine n’oc­cupe pas une place de pre­mier rang sur l’é­chi­quier inter­na­tio­nal et pour­tant en Europe, elle ne cesse d’in­ter­pe­ler, de bous­cu­ler et de char­mer. On la voit por­ter en elle tous les espoirs d’un monde meilleur. Elle devrait être à la pointe du com­bat contre la mon­dia­li­sa­tion sau­vage. C’est chez elle (Por­to Alegre) que l’on va cher­cher des pro­jets de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive et elle aurait beau­coup à nous apprendre en matière de mobi­li­sa­tion fémi­niste (voir l’ar­ticle de Sophie Stof­fel). Voi­là beau­coup de res­pon­sa­bi­li­tés que l’i­ma­gi­naire euro­péen place dans un conti­nent qui reste un des plus inéga­li­taires de la pla­nète et qui essaye tant bien que mal de tra­cer une voie pleine d’es­poirs, mais aus­si d’incertitudes.

La rédaction


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