Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Amérique latine : ¿ Qué tal ?
La Revue nouvelle a réalisé plusieurs dossiers sur l’Amérique latine dans les années quatre-vingt. Dictature militaire, disparitions, démantèlement de l’action de l’État, soutien idéologique des États-Unis, l’image renvoyée par le continent sud-américain était particulièrement sombre. Heureusement vinrent dans les années nonante des périodes de transition démocratiques et de changements politiques. On se remettait à espérer. En 2006, […]
La Revue nouvelle a réalisé plusieurs dossiers sur l’Amérique latine dans les années quatre-vingt. Dictature militaire, disparitions, démantèlement de l’action de l’État, soutien idéologique des États-Unis, l’image renvoyée par le continent sud-américain était particulièrement sombre. Heureusement vinrent dans les années nonante des périodes de transition démocratiques et de changements politiques. On se remettait à espérer.
En 2006, à n’en pas douter, l’Amérique latine continue de fasciner les observateurs européens. Le temps des dictatures et des transitions démocratiques est révolu. L’Amérique latine se prend en main et avance. Mais que nous propose-t-elle réellement de si nouveau ? Quelles sont les grandes dynamiques à l’œuvre et pourquoi émergent-elles maintenant. ? Ce dossier tente à sa façon de répondre à ces questions.
Quinze ans après le retour de la démocratie et après une phase de transition dont le bilan économique est faible, on voit émerger et accéder au pouvoir une nouvelle vague de dirigeants. Leur objectif est de redonner à l’État les moyens de mener des politiques sociales auxquelles aspire la population. Ces dirigeants qui incarnent aux yeux des Européens « une nouvelle gauche latino-américaine » cherchant à doter leurs pays d’une nouvelle autonomie et capacité d’action en se démarquant clairement de la tutelle des États-Unis (voir l’article de Bernard Duterme sur le virage à gauche).
Lula, le président du Brésil, fut peut-être celui par qui tout a commencé. Issu du Parti des travailleurs (PT), il a su redonner espoir aux populations pauvres du Brésil et séduire une grande partie de la gauche européenne. D’autres leadeurs marqués à gauche comme Nestor Kirchner ou Tabaré Vásquez bénéficient du même courant de sympathie à l’intérieur comme à l’extérieur.
Par contre la personnalité de Hugo Chávez, président du Venezuela, divise les milieux progressistes européens. Sa rhétorique agressive séduit les uns, mais irrite d’autres qui y voient l’expression d’un populisme inquiétant. Il en est de même concernant Evo Morales, le président bolivien. Les deux leadeurs sont en outre accusés d’être sous la coupe de Fidel Castro ou du moins de lui avoir offert une véritable cure de jouvence alors que son régime se durcit de plus en plus.
Au-delà des personnes, c’est l’analyse des causes du désastre qu’ont connu ces pays qui divise les uns et les autres. Les responsabilités de la mise en place de dictatures atroces incomberait-elle seulement aux États-Unis ou sont-elles aussi à rechercher au cœur des sociétés latino-américaines ? Une critique des élites latino-américaines ne semble en tout cas pas superflue, car le « modèle » économique et politique qui a ravagé certains pays a été soutenu et encouragé par des leadeurs politiques issus des classes supérieures, diplômés des grandes universités européennes et américaines peu au fait ou pire méprisant les réalités sociales de leur propre pays (la Bolivie et l’Équateur en sont les parfaits exemples).
Ce dossier se penche également sur l’émergence de nouvelles revendications identitaires — non dépourvues de contradictions — qui se font jour et s’ajoutent aux anciennes revendications politiques (voir l’article de Marc Saint-Upéry sur les Indiens dans le monde andin). Il s’agit là d’un phénomène nouveau — à géométrie variable — en réaction au colonialisme interne, mais qui en même temps pousse les sociétés andines à accélérer leur apprentissage de la démocratie.
L’intégration régionale, elle, a déjà une longue histoire et navigue entre immobilisme et avancé timide (voir les articles de François Reman et de Roberto Peña Guerrero). Pour ce dernier, cette intégration a carrément du plomb dans l’aile. Plusieurs projets existent, plus souvent complémentaires qu’antagonistes, mais la quête de leadeurship et la difficulté de se positionner unanimement face à l’OMC par exemple (voir l’article de Andrés Patuelli) offrent de résultats mitigés.
Il est certain que l’Amérique latine n’occupe pas une place de premier rang sur l’échiquier international et pourtant en Europe, elle ne cesse d’interpeler, de bousculer et de charmer. On la voit porter en elle tous les espoirs d’un monde meilleur. Elle devrait être à la pointe du combat contre la mondialisation sauvage. C’est chez elle (Porto Alegre) que l’on va chercher des projets de démocratie participative et elle aurait beaucoup à nous apprendre en matière de mobilisation féministe (voir l’article de Sophie Stoffel). Voilà beaucoup de responsabilités que l’imaginaire européen place dans un continent qui reste un des plus inégalitaires de la planète et qui essaye tant bien que mal de tracer une voie pleine d’espoirs, mais aussi d’incertitudes.