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Accord interprofessionnel : les négociations ont-elles un sens ?

Numéro 9 Septembre 2010 par Dock

septembre 2010

À l’automne, les par­te­naires sociaux s’attèleront à la négo­cia­tion d’un accord inter­pro­fes­sion­nel. C’est une tra­di­tion qui marque les années paires. Per­sonne n’est devin et il est très dif­fi­cile de pré­voir si accord il y aura. Le sens de ces négo­cia­tions mérite d’être posé. À quoi pour­rait ser­vir un éven­tuel accord inter­pro­fes­sion­nel ? À main­te­nir dans les grandes lignes un « modèle […]

À l’automne, les par­te­naires sociaux s’attèleront à la négo­cia­tion d’un accord inter­pro­fes­sion­nel. C’est une tra­di­tion qui marque les années paires. Per­sonne n’est devin et il est très dif­fi­cile de pré­voir si accord il y aura.

Le sens de ces négo­cia­tions mérite d’être posé. À quoi pour­rait ser­vir un éven­tuel accord inter­pro­fes­sion­nel ? À main­te­nir dans les grandes lignes un « modèle social à la belge » ? Mais encore…

Un contexte doublement difficile

Deux fac­teurs pèse­ront lour­de­ment sur le cli­mat des négo­cia­tions. Le pre­mier est celui de la crise et de ses consé­quences sur le ter­rain socioé­co­no­mique. Le second, c’est la stra­té­gie offen­sive ou agres­sive, selon le point de vue que l’on adopte, déployée dès le mois de juin par les repré­sen­tants patronaux.

Lors de chaque négo­cia­tion inter­pro­fes­sion­nelle, les par­ties pre­nantes affirment tra­di­tion­nel­le­ment, avant l’ouverture des pour­par­lers, que la conclu­sion d’un accord sera très dif­fi­cile. L’exercice de cette année 2010 a toutes les rai­sons de ne pas échap­per à cette règle. Le contexte socioé­co­no­mique reste en effet pro­fon­dé­ment hasar­deux et mar­qué par la plus pro­fonde réces­sion enre­gis­trée depuis les années trente au siècle pré­cé­dent. Plus qu’une crise conjonc­tu­relle, c’est la crise d’un modèle qui s’est expri­mée à tra­vers la brusque et forte contrac­tion de l’activité éco­no­mique dans les pays indus­tria­li­sés. Ce modèle, c’est celui d’un sys­tème mar­qué par une dis­tri­bu­tion des reve­nus de plus en plus inéga­li­taire. Cette évo­lu­tion se marque prin­ci­pa­le­ment par la baisse de la part des salaires dans la valeur ajou­tée, avec en coro­laire, la hausse des pro­fits des entre­prises. À l’intérieur du sala­riat, les écarts s’accentuent éga­le­ment. La hausse insen­sée des reve­nus des diri­geants des grandes entre­prises est régu­liè­re­ment poin­tée du doigt, mais ce n’est là que la pointe de l’iceberg. Plus géné­ra­le­ment, des diver­gences se marquent entre la pro­gres­sion des salaires des per­sonnes situées dans les fonc­tions les mieux payées et ceux qui se contentent des emplois les plus fai­ble­ment rémunérés.

La crise d’un modèle, c’est aus­si celui d’un sys­tème où la bous­sole des poli­tiques mises en œuvre, l’alpha et l’oméga, c’est la recherche de la crois­sance. Et non pas la quête d’un bien-être éga­le­ment répar­ti. Pour atteindre cette crois­sance tant recher­chée, il faut que les gens consomment. Et si leurs reve­nus sont trop bas, car inéga­le­ment dis­tri­bués, alors, il faut sti­mu­ler le cré­dit qui per­met­tra à la demande d’être au rendez-vous.

Jusqu’à ce que le train fou de la crois­sance déraille. Que les banques soient engluées dans de mau­vaises créances, ren­dues opaques par des tech­niques finan­cières déré­gu­lées. Que les éta­blis­se­ments finan­ciers vacillent sur leurs bases. Qu’ils doivent être ren­floués. Et qu’à leur tour, les États qui ont été contraints de jouer les sau­ve­teurs se retrouvent dans une situa­tion finan­cière délicate.

Aujourd’hui, les caisses des États sont vides. L’heure est à l’austérité. En Bel­gique, c’est vingt-cinq mil­liards qui doivent être trou­vés d’ici 2015. C’est là qu’a mené le modèle de l’économie casino.

Les consé­quences sont lourdes sur le ter­rain socioé­co­no­mique. La pro­duc­tion a bais­sé en Bel­gique à par­tir de la fin de l’année 2008. Contrai­re­ment à ce qu’on a pu craindre, la hausse du chô­mage est res­tée rela­ti­ve­ment modé­rée. Le taux d’emploi, défi­ni comme la pro­por­tion des per­sonnes âgées de 15 à 64 ans qui dis­posent d’un poste de tra­vail, est pas­sé de 64,2% en 2008 à 63,3% en 2009. Pour 2010, le chiffre devrait s’établir aux alen­tours de 62%. Le chô­mage devrait encore conti­nuer à croitre en 2011.

Comme c’est le cas éga­le­ment en Alle­magne, les entre­prises ont uti­li­sé mas­si­ve­ment dans notre pays les dis­po­si­tifs de réduc­tion du temps de tra­vail, tels que le chô­mage tem­po­raire pour rai­son éco­no­mique, sans devoir licen­cier. Si ces outils n’avaient pas été là, la hausse du chô­mage aurait été encore beau­coup plus impor­tante. Ce qu’on constate, c’est une très forte contrac­tion avec la réces­sion de 2008 du nombre d’heures pres­tées. Sur la période 2009 – 2010, il a bais­sé d’environ 4% (alors qu’il avait aug­men­té de plus de 10% sur l’intervalle com­pris entre 1997 et 2008).

Si l’impact de la crise sur l’emploi en Bel­gique a pu être amor­ti, cer­tains publics sont néan­moins plus tou­chés que d’autres. C’est le cas des jeunes d’une part, mais aus­si des per­sonnes moins qua­li­fiées d’autre part. Les jeunes sont les prin­ci­pales vic­times de la crise. Ils sont en quelque sorte la pre­mière variable d’ajustement en cas de mau­vaise conjonc­ture. Ils souffrent de la moindre créa­tion d’emplois. Et par ailleurs, comme ils sont pro­por­tion­nel­le­ment plus sou­vent occu­pés dans des contrats inté­ri­maires ou à durée déter­mi­née, ils subissent davan­tage l’effet de la contrac­tion de l’activité1. Expri­mée en per­sonnes, la dimi­nu­tion de l’emploi a été de – 0,5% entre le pre­mier tri­mestre 2008 et le pre­mier tri­mestre 2009 en Bel­gique. Pour les jeunes (entre 15 et 24 ans), la baisse a été de – 9,8% durant cette période.

Le deuxième groupe qui a le plus dure­ment res­sen­ti les effets de la crise, ce sont les per­sonnes consi­dé­rées comme peu qua­li­fiées (c’est-à-dire celles qui n’ont pas de diplôme de l’enseignement secon­daire). La dimi­nu­tion de l’emploi pour ce groupe de per­sonnes s’est éle­vée à près de 8% entre le pre­mier tri­mestre 2008 et la période cor­res­pon­dante de 20092.

Si l’activité éco­no­mique semble redé­mar­rer en cette année 2010, elle aura lais­sé des traces pro­fondes. En termes d’abord de perte de reve­nus pour cer­tains groupes de per­sonnes. Et ensuite pour les finances publiques. Les caisses de l’État étaient déjà dans un état peu glo­rieux avant la réces­sion de 2008. Elles sont aujourd’hui dans une situa­tion pré­oc­cu­pante au point qu’un assai­nis­se­ment signi­fi­ca­tif soit deve­nu inévi­table, notam­ment pour assu­rer l’augmentation atten­due des dépenses de pensions.

Un patronat arrogant et provocateur

Depuis quelques exer­cices déjà, les employeurs ont pris l’habitude de dépo­ser leur propre cahier de reven­di­ca­tions avant les négo­cia­tions. L’édition 2010 n’aura pas échap­pé à cette règle. Mais cette fois, les pro­pos des employeurs expri­més dès le début de l’été ont échap­pé à toute modé­ra­tion. Ils n’ont cer­tai­ne­ment pas contri­bué à créer un cli­mat serein.

Les attaques patro­nales ont suc­ces­si­ve­ment ciblé dif­fé­rents ter­rains. Il a été ques­tion du temps de tra­vail, avec la pro­po­si­tion de cer­tains du retour à la semaine des qua­rante heures. Est-ce vrai­ment là une piste cré­dible et pro­met­teuse alors que le chô­mage de masse sévit de manière struc­tu­relle depuis presque main­te­nant deux géné­ra­tions dans notre pays ?

Clas­sique et tel­le­ment déran­geant dans la mesure où c’est un méca­nisme dont une des grandes ver­tus, et ce n’est pas la seule, est de pro­té­ger le reve­nu des publics pré­caires, des attaques ont éga­le­ment fusé contre l’indexation auto­ma­tique. Pour rap­pel, il s’agit du prin­cipe selon lequel les salaires et les allo­ca­tions sociales sont auto­ma­ti­que­ment aug­men­tés en fonc­tion de la crois­sance des prix. Dans un contexte où comme nous l’avons vu plus haut, les inéga­li­tés de reve­nus sont déjà à la hausse, la remise en cause de l’index est un véri­table tabou pour les orga­ni­sa­tions syndicales.

Ensuite, les repré­sen­tants des employeurs se sont expri­més pour plai­der pour une modé­ra­tion sala­riale que l’on pour­rait qua­li­fier d’énergique. C’est là aus­si un clas­sique. Cette fois, ils ont chif­fré le han­di­cap sala­rial de l’économie belge, en com­pa­rai­son avec les trois prin­ci­paux voi­sins3 à 3,5%. Gom­mer ce han­di­cap sala­rial per­met­trait de créer de soixante à plus de sep­tante mille emplois selon l’argumentation de la FEB.

Les chiffres que le secré­ta­riat du Conseil cen­tral de l’économie pro­po­se­ra en novembre per­met­tront d’estimer pré­ci­sé­ment un éven­tuel écart sala­rial entre la Bel­gique et ses prin­ci­paux voi­sins. Ce qui est cer­tain, et les syn­di­cats ne doivent cer­tai­ne­ment pas être les seuls à le savoir, c’est que les caisses de l’État fédé­ral sont plus que vides. Il ne pour­rait donc être ques­tion de réduire une nou­velle fois les coti­sa­tions patro­nales pour contri­buer à bais­ser le cout sala­rial. C’est une poli­tique qui a cou­té cher par le pas­sé et qui n’est plus payable aujourd’hui.

Enfin, des attaques patro­nales se sont expri­mées à l’égard du cré­dit temps, consi­dé­ré comme trop attrac­tif pour les tra­vailleurs plus âgés, et contre les pré­pen­sions (à la suite notam­ment des restruc­tu­ra­tions dans les entre­prises Car­re­four et Opel).

C’est donc un euphé­misme de consi­dé­rer que la stra­té­gie patro­nale d’avant négo­cia­tion n’a pas été orien­tée vers la recherche de ter­rains d’entente avec les inter­lo­cu­teurs syn­di­caux. Au contraire, une série de pro­pos ont flir­té avec la pro­vo­ca­tion. Dans un tel contexte, il est dif­fi­cile de s’attendre à ce que puisse naitre un accord qui soit à la fois por­teur de nou­veau­té et d’une cer­taine ambition.

Les deux élé­ments de contexte décrits ci-des­sus pour­raient prê­ter au pes­si­misme. Et pour­tant, une série d’enjeux majeurs pèse­ront sur les négo­cia­tions. Et elles revê­ti­ront un carac­tère d’importance au moins à un triple titre.

Insuffler une gouvernance

Les élec­tions légis­la­tives du 13 juin sont der­rière nous. À l’heure où ces lignes sont écrites, les dis­cus­sions sont labo­rieuses pour mettre en place un accord de majo­ri­té. La tâche est loin d’être une siné­cure. Il s’agit de déga­ger les orien­ta­tions pour une nou­velle étape majeure dans la réforme de l’État. Et dans le même temps, mettre en place un gou­ver­ne­ment dont une des contraintes sera le réta­blis­se­ment de l’équilibre bud­gé­taire à l’horizon 2015, ce qui repré­sente un assai­nis­se­ment esti­mé à 25 mil­liards d’euros selon les der­niers chiffres disponibles.

Les années Leterme ont été mar­quées par une forte dif­fi­cul­té de gou­ver­nance à l’échelon fédé­ral. Avec une coa­li­tion qui sera rela­ti­ve­ment hété­ro­clite, la situa­tion ne sera sans pas beau­coup plus simple pour le nou­veau gou­ver­ne­ment. Ces dif­fi­cul­tés rendent les res­pon­sa­bi­li­tés encore plus grandes pour les inter­lo­cu­teurs sociaux. Car c’est à eux qu’il revient en prio­ri­té de prendre à bras-le-corps cer­tains pro­blèmes qui demandent une réponse forte. Le pre­mier d’entre eux est cer­tai­ne­ment le chô­mage des jeunes. Nous avons vu que ce sont eux les pre­mières vic­times de la crise. Et une géné­ra­tion ne peut être sacri­fiée. Quelles pistes les négo­cia­teurs sociaux pour­raient-ils explo­rer pour ren­con­trer cette pro­blé­ma­tique bru­lante ? Autre ter­rain sur lequel les inter­lo­cu­teurs de la concer­ta­tion pour­raient s’activer, c’est celui de la qua­li­té de l’emploi. C’est une ques­tion qui méri­te­rait d’être remise à l’agenda.

Pour les per­sonnes qui vivent d’un reve­nu de la sécu­ri­té sociale, un enjeu majeur sera aus­si les moda­li­tés qui seront arrê­tées pour assu­rer la liai­son de ces allo­ca­tions au « bien-être », soit l’évolution du reve­nu moyen. Le prin­cipe est d’éviter que ne s’accentuent les écarts avec les per­sonnes qui dis­posent d’un emploi.

En d’autres mots, les dif­fi­cul­tés de gou­ver­nance au plan fédé­ral gonflent l’importance des dis­cus­sions et des éven­tuels accords que pour­ront conclure les repré­sen­tants des tra­vailleurs et des entre­prises. Et ce qui est cer­tain, c’est qu’ils ne pour­ront pas être aidés par des coups de pouce finan­ciers dis­tri­bués à par­tir du bud­get de l’État. Les négo­cia­teurs le savent, les marges sont inexis­tantes dans les finances publiques. La seule enve­loppe dis­po­nible a trait à la liai­son au bien-être des allo­ca­tions sociales.

Des négo­cia­tions ont lieu tous les deux ans afin d’essayer de conclure un accord inter­pro­fes­sion­nel (AIP). Elles s’opèrent entre par­te­naires sociaux (repré­sen­tants des tra­vailleurs et des employeurs) à l’échelon fédé­ral. Lorsqu’un accord est conclu, ses dis­po­si­tions s’appliquent à l’ensemble des tra­vailleurs du sec­teur pri­vé. Il contient des orien­ta­tions en matière sala­riale (dans le cadre de la loi du 26 juillet 1996 « rela­tive à la pro­mo­tion de l’emploi et la sau­ve­garde pré­ven­tive de la com­pé­ti­ti­vi­té »), mais aus­si d’emploi et de for­ma­tion. Il sert éga­le­ment de cadre pour les négo­cia­tions qui lui font suite dans les sec­teurs et les entreprises.

Un espace de solidarité

Nous l’avons dit plus haut, dif­fé­rentes études montrent une aug­men­ta­tion des inéga­li­tés de reve­nus et de salaires en Bel­gique. À tra­vers les deux der­niers accords inter­pro­fes­sion­nels, des orien­ta­tions ont été impri­mées pour essayer de frei­ner cette ten­dance. Dans l’AIP 2007 – 2008, l’élément majeur était l’augmentation du salaire mini­mum. Pour l’AIP cou­vrant les années 2009 et 2010, les hausses de salaires (pla­fon­nées) ont été expri­mées en euros et pas en pour­cen­tage. Ces deux dis­po­si­tions pro­fitent davan­tage aux petits revenus.

Tra­di­tion­nel­le­ment, l’accord inter­pro­fes­sion­nel est l’espace de la concer­ta­tion qui béné­fi­cie d’abord aux tra­vailleurs qui ont peu de rap­port de force, dans leur sec­teur ou leur entre­prise, ou bien pour les per­sonnes qui sont pri­vées d’emploi. Les per­sonnes hau­te­ment qua­li­fiées, avec de hautes rému­né­ra­tions, retirent peu, en ligne directe, des accords conclus au plan inter­pro­fes­sion­nel. Elles ont un rap­port de force qui leur per­met d’être en posi­tion de négo­cia­tion favo­rable avec leur employeur.

Par contre, pour les autres, le col­lec­tif et les avan­cées construites à par­tir de l’échelon inter­pro­fes­sion­nel comptent bien davan­tage. C’est le cas cer­tai­ne­ment en matière de reve­nu, ou bien encore de droit à la for­ma­tion par exemple.

En novembre sor­ti­ra le rap­port annuel du Conseil cen­tral de l’économie. Il n’y aura sans doute pas de (bonne) sur­prise. Si les chiffres de la FEB qui cherchent à mettre en avant un han­di­cap sala­rial de la Bel­gique sont gon­flés, les marges pour l’évolution des salaires dans notre pays seront cer­tai­ne­ment limi­tées. Au niveau du syn­di­ca­lisme euro­péen, l’absence d’une coor­di­na­tion effi­cace en matière de négo­cia­tion sala­riale conti­nue à se faire lar­ge­ment sen­tir. Et la stra­té­gie alle­mande, qui consiste depuis une dizaine d’années à mener une poli­tique sévère de contrac­tion sala­riale, pèse sur les tra­vailleurs des pays voi­sins. La Bel­gique n’échappe pas à la règle.

Efforts de recherche et déve­lopp­ment, en % du PIB (2007)
Moyenne des trois pays voisins Bel­gique Meilleur euro­péen
Dépenses inté­rieures totales
de R&D
2,26% 1,87% 3,6% (Suède)
Dépenses des etnreprises 1,36% 1,10% 2,3% (Fin­lande)
Dépenses des pou­voirs publics 0,74% 0,45% 0,9% (Fin­lande)

Source : Eurostat

Créer des emplois de qualité

En longue période, et au plan pure­ment quan­ti­ta­tif, les résul­tats de la Bel­gique en matière de créa­tion d’emplois ne sont pas mau­vais. Nous ne sommes pas à l’abri d’un deuxième mou­ve­ment de réces­sion. Mais sur la période 1997 à 2008, l’emploi en Bel­gique, en nombre de per­sonnes occu­pées, s’est accru de 11%. C’est un peu mieux que la moyenne des trois prin­ci­paux voi­sins (Alle­magne, France et Pays-Bas). En matière d’heures pres­tées, les évo­lu­tions sont encore plus signi­fi­ca­tives. La hausse en Bel­gique est de 10,4%, sur la période 1997 – 2008. Et seule­ment de 4,5% pour la moyenne des trois voisins.

Nous l’avons dit, il serait syn­di­ca­le­ment oppor­tun de remettre l’accent sur la qua­li­té de l’emploi. Cer­tains indi­ca­teurs sont en effet pré­oc­cu­pants. Dans le même temps, un enjeu essen­tiel pour les inter­lo­cu­teurs sociaux est de sti­mu­ler les vec­teurs qui sont sus­cep­tibles de contri­buer à la créa­tion d’emplois de qua­li­té. Par­mi ceux-ci figurent les poli­tiques d’innovation et de for­ma­tion. Et il existe des défis à relever.

Les efforts de recherche et déve­lop­pe­ment res­tent insuf­fi­sants en Bel­gique. C’est vrai tant au niveau des entre­prises que pour les pou­voirs publics.

Comme nous pou­vons le lire dans le tableau 1, les dépenses de recherche et déve­lop­pe­ment ne repré­sentent qu’environ 1,9% du pro­duit inté­rieur brut en Bel­gique. Ce résul­tat place notre pays très loin de l’objectif euro­péen fixé à 3%. L’effort des entre­prises est très infé­rieur à la moyenne des pays voi­sins et plus encore des pays scan­di­naves. En ce qui concerne les pou­voirs publics, le finan­ce­ment de la recherche est sou­vent pré­sen­té comme une prio­ri­té. Entre les dis­cours et les actes, il existe un écart signi­fi­ca­tif. Les dépenses des pou­voirs publics en Bel­gique ne repré­sentent que 0,45% du PIB. L’Allemagne est à 0,7%. Et la Fin­lande et la Suède sont à 0,9%, soit deux fois plus qu’en Belgique.

Le ter­rain de l’innovation repré­sente un enjeu sur lequel les inter­lo­cu­teurs sociaux pour­raient prendre des enga­ge­ments. En lien avec la pers­pec­tive de sti­mu­ler des inno­va­tions, il est à noter que notre pays se carac­té­rise aus­si par la faible pro­por­tion de ses étu­diants ins­crits dans des filières scien­ti­fiques et tech­niques. En com­pa­rai­son avec notre voi­sin alle­mand, le rap­port est qua­si­ment du simple au double. C’est assu­ré­ment une dimen­sion qui méri­te­rait une plus grande attention.

En matière de for­ma­tion conti­nuée, la situa­tion reste lacu­naire. Les enquêtes inter­na­tio­nales montrent un inves­tis­se­ment plus faible des employeurs en faveur des tra­vailleurs que dans les pays voi­sins (de l’ordre de 1,6% de masse sala­riale en Bel­gique contre 1,8% pour la moyenne des trois voi­sins ; le meilleur élève euro­péen sur ce ter­rain est le Dane­mark avec 2,7%). Si les efforts mis en place par les entre­prises devaient à nou­veau être insuf­fi­sants (s’ils n’atteignent pas 1,9% de la masse sala­riale), un méca­nisme de sanc­tion pour­rait être acti­vé et appli­qué pour la pre­mière fois. À coup sûr, les entre­prises cher­che­ront à y échap­per. Mais les syn­di­cats dis­posent main­te­nant d’un véri­table outil pour sti­mu­ler des poli­tiques de for­ma­tion qui soient ambi­tieuses et qui per­mettent effec­ti­ve­ment d’assurer la mise à jour des com­pé­tences des travailleurs.

Et la question du sens ?

À la ques­tion : les négo­cia­tions inter­pro­fes­sion­nelles de l’automne 2010 auront-elles du sens, la réponse à nos yeux est oui. Bien enten­du, les attentes doivent res­ter modestes. Il ne s’agira cer­tai­ne­ment pas de tra­cer des contours d’un nou­veau modèle. L’écart et les diver­gences de visions entre les inter­lo­cu­teurs sociaux res­tent trop impor­tants que pour pour­suivre un tel objec­tif. Les négo­cia­teurs ne pro­fi­te­ront vrai­sem­bla­ble­ment pas de la crise pour tra­cer les che­mins et les contours d’un modèle réno­vé, empreint de dura­bi­li­té. L’approche res­te­ra tra­di­tion­nelle et s’inscrira dans le cadre du binôme bien connu « social et éco­no­mique », plu­tôt qu’autour d’un tri­angle où serait ajou­tée la dimen­sion envi­ron­ne­men­tale. Si fumée blanche il devait y avoir, ce sera plu­tôt un accord mar­qué par la conjonc­ture plu­tôt que par des pré­oc­cu­pa­tions à long terme.

Mais dans un contexte mar­qué par les incer­ti­tudes, notam­ment au plan poli­tique et ins­ti­tu­tion­nel, les inter­lo­cu­teurs sociaux auront l’occasion de prendre leurs res­pon­sa­bi­li­tés sur cer­tains thèmes majeurs. Les enjeux ne manquent pas. L’emploi des jeunes en est un des principaux.

  1. Avec la crise, le tra­vail tem­po­raire (inté­rim et CDD) s’est contrac­té. Il est pas­sé à 8,3% pour le total des sala­riés en 2008.
  2. Source : Enquête sur les forces de tra­vail, d’après le rap­port tech­nique du Conseil cen­tral de l’économie, 2009.
  3. Alle­magne, France et Pays-Bas.