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Accès à l’enseignement supérieur : un enjeu politique et économique majeur
Chaque année, des discours catastrophistes déplorent le trop grand nombre d’étudiants à l’université, l’augmentation du taux d’échec qui en résulterait et ils plaident pour l’instauration d’un filtre à l’entrée. Or diverses études montrent l’inconsistance de pareilles déclarations. En réalité, l’accès à l’enseignement supérieur est en panne depuis plusieurs années. Quant à un processus de sélection à l’entrée, il représenterait une aberration économique et budgétaire sans parler du gâchis humain. Cependant, comme certaines expériences l’ont montré, un test à l’entrée, à la condition qu’il permette aux étudiants de remédier à leurs lacunes, peut être utile. Semblable dispositif implique de revoir le mode de financement de l’enseignement supérieur, qui s’avèrera profitable à l’ensemble de la société.
Comme chaque année, à l’occasion de la rentrée dans l’enseignement supérieur, on a vu resurgir des articles de presse et des déclarations de responsables académiques dénonçant, pêlemêle, l’ampleur des taux d’échec à l’entrée de l’université, l’obsession (supposée) des responsables politiques de vouloir attirer, à tout prix, le maximum d’étudiants dans l’enseignement supérieur et les dangers présumés d’une quête, toujours inassouvie, d’une « démocratisation de l’enseignement supérieur ». Face à ce qui est présenté comme un raz de marée, devenu incontrôlable, de nouveaux étudiants, les débats de l’heure se focalisent sur la pertinence et les modalités d’un « filtre » à l’entrée du supérieur.
Quelques éléments d’information
Le taux de réussite en première année à l’université présenterait-il une dégradation dont il y aurait lieu de s’inquiéter ?
Il n’en est rien. Nous disposons de statistiques annuelles depuis l’année académique 1974 – 19752. Des tableaux y présentent l’évolution de ce taux de réussite, pour chaque forme d’enseignement supérieur (hautes écoles de type court, hautes écoles de type long et universités) en distinguant les taux pour les femmes et pour les hommes. On vérifie (ce qui est bien connu) que les femmes réussissent mieux que les hommes, mais on constate aussi (ce qui est beaucoup moins connu) que les taux de réussite en première année des étudiants de première génération sont quasi semblables pour les diverses formes de l’enseignement supérieur3.
Cette observation implique, en toute logique, que, si l’on devait opter pour un « filtre à l’entrée », celui-ci devrait concerner l’ensemble de l’enseignement supérieur et pas seulement l’université.
Les déclarations selon lesquelles nous pousserions « trop » de jeunes vers l’enseignement supérieur, dans la quête effrénée d’une « démocratisation de l’enseignement supérieur », sont-elles fondées ?
Les comparaisons internationales sont instructives à cet égard. La source jugée la plus fiable est Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE. Cette publication nous apprend4 que la Belgique est l’un des pays de l’OCDE pour lequel le taux d’accès à l’université (ou plutôt à l’université et au supérieur hors université de type long) est, en 2010, le plus faible (nous nous situons entre la Turquie et le Mexique…). Heureusement, nous disposons aussi d’un enseignement supérieur de type court, plus développé en Belgique que dans la plupart des pays de l’OCDE. Mais, même en additionnant les taux d’accès à l’université et à l’enseignement supérieur de type court, nous restons à la traine, avec un score (toujours mesuré en 2010) inférieur à celui de la moyenne des pays de l’OCDE (et d’ailleurs aussi de la moyenne européenne).
Plus grave encore : alors que presque tous les pays de l’OCDE (et de l’UE) ont vu s’accroitre leur taux d’accès à l’enseignement supérieur entre 2000 et 2010 (dernière date disponible), la Belgique fait figure d’exception : chez nous, les taux d’accès à l’enseignement supérieur (tant pour l’université que pour le supérieur de type court) n’ont pas progressé entre 2000 et 2010.
Chez nous, l’« ascenseur social » est en panne depuis dix ans. Certes le nombre d’étudiants accédant au supérieur a augmenté dans les dix dernières années, mais cette évolution n’a fait que suivre l’évolution démographique, sans qu’une part croissante de la classe d’âge concernée n’ait vu s’améliorer ses perspectives d’accéder à l’enseignement supérieur.
Nous venons de faire le constat que l’« ascenseur social » (en termes d’accès à l’enseignement supérieur) est en panne depuis dix ans. Il n’en a pas toujours été ainsi. Nous ne disposons pas de statistiques validées permettant d’apprécier l’évolution, sur une longue période, de notre taux d’accès à l’enseignement supérieur. Mais nous pouvons apprécier les évolutions historiques à l’aide d’un autre indicateur collecté par l’OCDE, celui de la proportion (calculée en 2010) de diplômés de l’enseignement supérieur dans les diverses tranches d’âge (25 – 34 ans, 35 – 44 ans, etc.) de la population5. Cet examen instructif nous apprend que tous les pays de l’OCDE et de l’UE ont connu, dans les dernières décennies, une élévation continue du niveau de qualification (évalué, dans le cas qui nous occupe, par la proportion des diplômés de l’enseignement supérieur) de leur population. Ainsi, cette proportion est-elle plus élevée pour la tranche d’âge 25 – 34 ans que pour la tranche d’âge 35 – 44 ans et ainsi de suite.
La Belgique ne fait pas exception. Elle se caractérise encore (mais peut-être plus pour longtemps, dès lors qu’elle est presque le seul pays dont le taux d’accès à l’enseignement supérieur n’a pas augmenté entre 2000 et 2010…) par une proportion de diplômés de l’enseignement supérieur, dans les diverses tranches d’âges, supérieure à celle de la moyenne des pays de l’OCDE et de l’UE. Ce résultat enviable est souvent, et à juste titre, mis en avant par nos responsables politiques. À l’examen, il tient à l’importance, plus grande qu’ailleurs, de notre enseignement supérieur de type court. En effet, la proportion de diplômés universitaires (et du supérieur de type long) est, quant à elle, inférieure, pour chacune des tranches d’âge, à la moyenne des pays de l’OCDE et de l’UE. Tant pour le supérieur de type court que pour l’université, la proportion de diplômés va néanmoins en s’accroissant, au fur et à mesure que l’on considère des tranches d’âge plus jeunes. Ces observations suggèrent que l’accès à l’enseignement supérieur s’est progressivement élargi au cours des dernières décennies du siècle dernier, avant de connaitre, au début des années 2000, l’arrêt brutal mis en évidence plus haut.
Le constat d’un taux d’accès faible à l’enseignement supérieur (et, plus particulièrement, à l’université) conjugué à celui du « blocage » de ce taux depuis dix ans (au contraire de presque tous les autres pays) nous amène tout naturellement à devoir nous pencher sur la dimension de la « démocratisation » de notre enseignement supérieur. Commençons par l’université.
Qu’en est-il de la « démocratisation » de l’université ?
L’étude la plus rigoureuse et fouillée disponible à ce jour reste le « Global Higher Education Rankings. Affordability and Accessibility in Comparative Perspective » publiée en 2005 par l’Educational Policy Institute6. Cette étude examine les systèmes universitaires de la plupart des pays développés sous l’angle de l’accessibilité. Ce concept y est analysé selon deux acceptions, l’accessibilité financière tout d’abord (« affordability » en anglais), la démocratisation ensuite (visée par le terme « accessibility »). C’est le volet « démocratisation », finalement le plus fondamental des deux, qui nous intéresse ici.
Pour ce volet, les auteurs de l’étude ont collecté plusieurs indicateurs, auxquels ils ont conféré des pondérations jugées proportionnelles à l’importance de l’indicateur concerné. Parmi ces indicateurs figure un « indice d’équité dans l’éducation » qui mesure le degré de surreprésentation, au sein de la population universitaire, des étudiants provenant de catégories socioculturelles favorisées (mesurées par le diplôme du père). C’est ce dernier « indice d’équité », indicateur assurément le plus pertinent, qui reçoit évidemment la pondération la plus importante. Le résultat global, tous indicateurs confondus, est catastrophique pour notre enseignement universitaire : celui-ci se classe douzième sur treize pays examinés. Et si l’on se base sur l’indicateur le plus pertinent, l’« indice d’équité dans l’éducation », la Belgique se classe tout bonnement « en lanterne rouge » !
Et qu’en est-il de la « démocratisation » de l’ensemble de l’enseignement supérieur ?
Le résultat n’est pas plus favorable si l’on considère, non plus la seule université, mais notre enseignement supérieur dans son ensemble. Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE nous fournissent, pour l’ensemble des pays de l’OCDE, une estimation (établie en 2009) de la probabilité qu’ont des jeunes dont les parents sont « peu instruits » (c’est-à-dire dont aucun des deux parents n’a dépassé le secondaire inférieur) de participer à l’enseignement supérieur7. Le résultat est édifiant : la Belgique se classe non seulement très largement au-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE, mais se retrouve, à nouveau, (quasi) « en lanterne rouge » des pays européens (seules la République tchèque et la Slovénie affichant un score — à peine — inférieur).
Dressons un rapide résumé des constats établis : premièrement, notre système d’enseignement supérieur apparait comme l’un des moins « démocratiques » de l’UE, en termes de participation de jeunes issus de milieux socioculturels moins favorisés.
Deuxièmement, notre taux d’accès à l’enseignement supérieur, et plus particulièrement à l’université, est particulièrement faible, au regard de celui des autres pays de l’UE (et de l’OCDE).
Ensuite, ce taux d’accès — qui continue à croitre dans pratiquement tous les autres pays — ne s’est pas amélioré depuis l’année 2000, ce qui implique que le rôle d’« ascenseur social » que devrait jouer notre enseignement supérieur est en panne depuis plus de dix ans.
Et enfin, les taux de réussite en première année ne présentent aucune tendance à la dégradation.
Comment expliquer la résurgence du débat sur le « filtre à l’entrée » ?
Comment comprendre que, face à un tel bilan, des voix s’élèvent depuis quelques années, et se montrent à présent de plus en plus insistantes pour recommander un « filtre à l’entrée » ?
Certes, le « filtre à l’entrée » préconisé va, selon les intervenants, de la forme la plus radicale (un examen d’entrée généralisé pour l’université ou, si l’on veut être cohérent, pour l’ensemble de l’enseignement supérieur) à des formes plus « douces » (tel le test à l’entrée « obligatoire, mais non contraignant »). J’examinerai plus loin les défauts ou limites de ces différents dispositifs, mais tentons, pour l’instant, de répondre à la question qui vient d’être posée.
Une première hypothèse, que je ne crois pas dénuée de tout fondement, serait que la plupart de ces intervenants ne connaissent pas tous les éléments du rapide bilan qui vient d’être dressé.
Mais, plus fondamentalement, la montée en voix des partisans d’un « filtre à l’entrée » tient essentiellement aux conditions de financement des établissements de l’enseignement supérieur. On sait que celles-ci se sont dégradées dès le déclenchement de la crise du milieu des années 1970, au travers de modifications discrétionnaires (mais répétées) de divers paramètres de la loi de financement. À partir de 1998, le mode de financement des universités a été soumis à un nouveau régime dit « de l’enveloppe fermée8 ». Ce régime prévoit, pour l’ensemble des universités, une allocation globale, simplement indexée, mais insensible à l’évolution du nombre global d’étudiants universitaires. La simple évolution démographique — en dépit de la stagnation du taux d’accès, comme on l’a vu plus haut — aboutit à devoir financer un nombre toujours croissant d’étudiants avec des moyens constants (en termes réels), générant mécaniquement une dégradation continue des taux — et donc des conditions — d’encadrement des étudiants (ainsi que des conditions de travail des enseignants).
Cette dégradation est si sévère9 et les perspectives d’une amélioration si aléatoires que certains n’hésitent plus à envisager la « solution de désespoir » (mais non de sagesse, comme je tenterai de l’exposer plus loin) d’une sélection à l’entrée. Le calcul est simple à comprendre : imaginons qu’une procédure de sélection à l’entrée du supérieur10 aboutisse à éliminer les 20 % de candidats jugés (aux tests) les plus « faibles ». Pour peu que l’« élimination » touche de façon homogène les divers établissements de notre enseignement supérieur, chaque établissement se retrouvera avec 20 % de moins d’étudiants en première année sans diminution aucune de son allocation (du fait du mécanisme de l’enveloppe fermée). Les taux d’encadrement se redresseraient, les conditions de travail des enseignants se trouveraient améliorées… Et tout cela, sans perte financière pour les établissements et à cout nul (tout au moins à court terme ; pour les couts différés, voir plus loin) pour les pouvoirs publics.
On vient d’évoquer les implications de la version la plus radicale du « filtre à l’entrée », celle d’un examen d’entrée généralisé à l’ensemble de l’enseignement supérieur. Cette formule soulève de nombreuses objections, qui seront examinées plus loin. Mais, auparavant, attardons-nous un moment sur une critique souvent exprimée à l’encontre du système d’enveloppe fermée, selon laquelle il induirait une « chasse à l’étudiant » outrancière de la part des établissements de l’enseignement supérieur.
Première observation : la « chasse à l’étudiant » existait déjà dans le système de financement précédent (d’« enveloppe ouverte ») puisque les allocations perçues par les établissements (et donc leurs possibilités d’enrichir leurs programmes, de développer des méthodes pédagogiques nouvelles, d’engager de nouveaux enseignants, etc.) évoluaient en fonction de leurs nombres d’étudiants. Cela étant dit, il est indéniable que le système d’enveloppe fermée exacerbe ce phénomène.
Deuxième observation : il est frappant de constater que cette exacerbation de la « chasse à l’étudiant » n’a pas eu pour effet, contrairement à ce qu’on aurait pu pronostiquer, d’élargir le taux d’accès à l’enseignement supérieur. Nous avons, en effet, constaté plus haut que notre pays était quasiment le seul, parmi tous les pays développés, à avoir enregistré, depuis le début du siècle, une stagnation du taux d’accès à l’enseignement supérieur. Que se serait-il produit en l’absence de cette incitation à la « chasse à l’étudiant » ? Très vraisemblablement, une régression de notre taux d’accès à l’enseignement supérieur. Et, comme je tenterai de l’exposer ci-dessous, une telle perspective serait un « scénario catastrophe » à de nombreux points de vue.
Pourquoi la poursuite de l’augmentation du taux d’accès au supérieur doit-elle constituer un objectif politique prioritaire ?
L’augmentation du taux d’accès à l’enseignement supérieur est un enjeu majeur pour notre société, à de nombreux égards : équité, mais aussi impératifs économiques et, enfin efficacité budgétaire.
Commençons par le plus simple (mais pas le moins important !) car le plus intuitif : l’équité.
La poursuite (ou, plutôt, pour notre pays, la reprise) de l’augmentation du taux d’accès à l’enseignement supérieur est la condition indispensable à l’accès de jeunes issus de catégories socioculturelles moins favorisées. Il ne s’agit nullement de revendiquer le droit, pour tout jeune, de « consommer » librement, fût-ce en pure perte, des ressources collectives. Il s’agit plutôt de faire passer dans la réalité le droit à « des chances égales, pour tous les jeunes » de se doter, à terme, d’un diplôme correspondant à leurs aspirations et à leurs compétences, leur permettant d’aborder la vie active avec les meilleures chances d’épanouissement personnel et d’intégration sociale. On comprendra aisément que cet impératif correspond à un objectif d’équité, au cœur de nos aspirations démocratiques.
À l’époque où notre taux d’accès à l’enseignement supérieur augmentait encore, diverses études, portant essentiellement sur l’enseignement universitaire, avaient déjà mis en évidence une stagnation (voire même une régression) de la participation de ces catégories socioculturelles moins favorisées au sein de nos universités (De Meulemeester, 2001). Dès lors que notre taux d’accès ne progresse plus depuis plus de dix ans, nous pouvons, sans risque, conforter l’hypothèse d’une régression de la participation de ces catégories moins favorisées de nos concitoyens.
Avec un taux d’accès bloqué depuis le début des années 2000, notre « ascenseur social » est nettement en panne (il serait même plus juste de dire qu’il « redescend »…) alors même que notre enseignement supérieur se singularise déjà comme l’un des moins « démocratiques » de tous les pays industrialisés ! Il s’agit là de considérations relatives à l’objectif d’équité, mais, au-delà de cet objectif, se profilent évidemment les enjeux du risque de délitement de la cohésion sociale et politique d’une société qui se « dualiserait » de plus en plus11.
Examinons à présent les implications économiques, qui sont bien connues, mais présentent dorénavant une acuité accrue.
De nombreuses études mettent en avant l’élévation du niveau moyen de qualification de la population comme un des facteurs favorables à la croissance économique. Il s’agit d’un facteur affectant l’offre, c’est-à-dire affectant les capacités de croissance de long terme. Nos économies évoluant vers des systèmes de production industrielle et de service de plus en plus complexes, ils nécessitent des personnels en moyenne de plus en plus qualifiés. Cette évolution tendancielle de la demande de personnels plus qualifiés est généralisée. On constate ainsi, dans tous les pays développés, que les taux d’emploi sont étroitement corrélés au niveau de qualification : partout, les diplômés de l’enseignement supérieur présentent un taux d’emploi plus élevé (et un taux de chômage plus faible) que leurs concitoyens disposant d’un diplôme sanctionnant la réussite de niveaux d’étude moins avancés12.
Si l’on veut bien lever le regard au-delà du court terme et considérer le formidable « défi démographique » qui nous attend, avec la perspective d’une population d’âge actif de plus en plus réduite appelée à prendre en charge (pensions, soins de santé) une population âgée en croissance continue, on s’avisera que notre société a tout intérêt à disposer, demain, d’un emploi abondant à valeur ajoutée élevée. Avec la sixième réforme de l’État, qui « responsabilise » davantage qu’auparavant les Régions et Communautés, cet objectif devient encore plus impérieux.
Venons-en aux implications budgétaires, qui sont souvent mal appréciées, car trop peu connues.
Une formation de l’enseignement supérieur peut être vue comme un investissement, aussi bien pour les étudiants que pour les pouvoirs publics (et pour la société dans son ensemble).
Le principe est facile à comprendre pour ce qui concerne l’étudiant. Celui-ci, lorsqu’il s’engage dans des études supérieures et les mène à bien jusqu’au diplôme, doit supporter, pendant ses années d’études, des couts (supplémentaires à ceux qu’il aurait dû consentir s’il s’était engagé directement sur le marché du travail avec un « simple » diplôme de l’enseignement secondaire) constitués de couts directs (droits d’inscription, frais d’acquisition du matériel scolaire, etc.) et de couts indirects (la renonciation aux revenus nets qu’il aurait perçus, pendant la durée de ses études, s’il s’était engagé directement sur le marché du travail). En contrepartie, il gagnera, pendant toute la durée de sa carrière, des revenus nets (avec un risque de chômage moindre) largement supérieurs à ceux auxquels il aurait pu prétendre avec un « simple » diplôme du secondaire. Évidemment, on ne peut comparer 10 000 euros de plus gagnés dans vingt ou trente ans avec 10 000 euros de moins gagnés dans l’immédiat. Mais les économistes, rompus à l’évaluation de la rentabilité de projets d’investissement, utilisent des techniques d’actualisation pour calculer la valeur actuelle d’un flux de revenus futurs (ou de dépenses consenties dans le passé). On peut donc comparer la valeur présente des couts supportés pendant la durée des études et des revenus nets supplémentaires perçus pendant la durée de la carrière.
Le principe est semblable pour ce qui concerne les pouvoirs publics. Ici, les couts à considérer sont les couts directs du subventionnement des établissements pendant la durée des études supérieures, auxquels s’ajoute l’octroi de bourses d’études, ainsi que les couts indirects que représente l’absence de recettes fiscales et parafiscales qui auraient été prélevées sur les rémunérations de l’étudiant si celui-ci s’était engagé directement sur le marché du travail au sortir du secondaire. Les « bénéfices » sont constitués de la différence, tout au long de la carrière professionnelle ultérieure de l’étudiant, des recettes fiscales et parafiscales prélevées sur les rémunérations d’un diplômé de l’enseignement supérieur (par rapport à celles qui auraient été prélevées sur les rémunérations d’un diplômé du secondaire) à laquelle il faut encore ajouter le gain (pour les pouvoirs publics) en termes de moindres versements d’allocations de chômage (car les diplômés de l’enseignement supérieur ont, au cours de leur carrière professionnelle, une probabilité nettement plus faible d’expérimenter le chômage). On peut donc, ici aussi, comparer la valeur présente des couts supportés (par les pouvoirs publics) pendant la durée des études et des « bénéfices » supplémentaires perçus pendant la durée de la carrière du diplômé.
L’OCDE s’est livrée à ces calculs en prenant, pour chaque pays, les données pertinentes13. Épinglons les quelques enseignements principaux à tirer de cet exercice : c’est une erreur de laisser dire, comme on l’entend trop souvent, qu’en Belgique (et en FWB en particulier), l’enseignement supérieur serait « quasi gratuit » pour ses bénéficiaires. En réalité, le cout total des études supérieures s’élève, pour l’étudiant (et sa famille), à quelque 37 500 euros (en euros de 2010).
Contrairement à l’intuition commune, le cout privé de l’enseignement supérieur excède, chez nous, le cout public. C’est d’ailleurs le cas dans la plupart des pays de l’OCDE (avec les États-Unis, l’Australie, le Japon, la Corée et, seul en Europe, le Royaume-Uni, se singularisant par un cout privé excédant très largement le cout public).
L’accès à un diplôme de l’enseignement supérieur apparait néanmoins comme un investissement particulièrement rentable pour l’étudiant : un diplômé du supérieur peut escompter, chez nous, un « bénéfice » futur qui (actualisé) représente plus de trois fois (3,25 pour être précis) sa mise de départ.
Enfin, c’est pour les pouvoirs publics belges que l’investissement dans l’enseignement supérieur apparait exceptionnellement rentable : les « bénéfices » futurs (actualisés) représentent près de cinq fois (4,85 pour être précis) les couts totaux consentis !
La Belgique apparait même comme un des « champions » de l’ensemble des pays de l’OCDE en matière de rendement public de l’investissement dans l’enseignement supérieur. Cette position enviable tient à la fois aux couts directs (allocation par étudiant versée aux établissements) plus faibles qu’ailleurs14, mais surtout à la progressivité de l’impôt, plus élevée qu’ailleurs, qui rend plus « rentable » la transformation d’un diplômé du secondaire en un diplômé du supérieur.
Et, si l’on calcule le rapport des « bénéfices » futurs (actualisés) sur les seuls couts directs (les subventions versées aux établissements), on obtient un rendement public de l’investissement dans l’enseignement supérieur de 6,6 !
L’investissement dans l’enseignement supérieur apparait ainsi comme l’un des investissements les plus directement rentables pour les pouvoirs publics (sans même considérer les externalités positives sur l’économie et la société au sens large). Évidemment, comme pour tout investissement, les couts sont à supporter dans le court terme tandis que les bénéfices (très largement supérieurs aux couts, comme on vient de le voir) ne seront recueillis que progressivement (à partir de la quatrième année, première année d’activité professionnelle des futurs diplômés de type court) dans le moyen et long terme. Mais précisément, lorsqu’on s’avise des défis qui se profilent pour les pouvoirs publics dans le moyen et long terme (responsabilisation accrue des Régions à la suite de la sixième réforme de l’État, solvabilité à terme du régime des pensions, couts liés au vieillissement, etc.), n’est ce pas maintenant (et non dans dix ans) qu’il faut consentir à (ré)investir dans l’enseignement supérieur ?
Il n’est sans doute pas fortuit que ce soit l’Allemagne, pays à la population vieillissante en raison de son très faible taux de natalité, et donc, plus que d’autres, confrontée aux défis du vieillissement (pensions, soins de santé, etc.), qui ait le plus fortement accru son taux d’accès à l’enseignement supérieur dans les dix dernières années15.
Que penser des « ballons d’essai » quant à l’instauration d’un « filtre » ?
Faisons d’abord observer, à titre liminaire, l’étrange paradoxe de voir (re)surgir des « ballons d’essai » de ce genre dans un pays qui se singularise, parmi l’ensemble des pays de l’UE et de l’OCDE, comme un des seuls dont l’accès à l’enseignement supérieur est en panne depuis plus de dix ans. En réalité, la résurgence de ce débat ne peut s’expliquer que par le choix de la « solution du désespoir », de la part de responsables académiques confrontés à l’appauvrissement progressif (et programmé) de l’enseignement supérieur, et singulièrement des universités, provoqué par le mécanisme pervers de l’enveloppe fermée, comme expliqué plus haut.
Mais, puisque les « ballons d’essai » sont (à nouveau) lancés, examinons les effets prévisibles et la pertinence de ces propositions.
Commençons par la version la plus radicale des propositions de « filtre à l’entrée », celle d’un examen d’entrée généralisé à l’ensemble de l’enseignement supérieur. On envisage bien l’ensemble de l’enseignement supérieur dès lors que les statistiques de réussite en première année montrent que la situation, de ce point de vue, est devenue identique dans le supérieur hors université (aussi bien de type court que de type long) à celle qui prévaut à l’entrée de l’université.
Un tel examen d’entrée aurait des implications extrêmement dommageables, à la fois en termes d’équité et d’efficacité. Passons-les en revue.
Il est socialement inéquitable. Qui songerait à nier que le jeune, issu d’un milieu socioculturel modeste, dont aucun des parents n’a fait d’études supérieures, est infiniment moins armé pour s’adapter à la démarche et aux exigences propres à l’enseignement supérieur que son condisciple, peut-être moins doué, mais qui peut mobiliser un réseau de relations susceptible de le conseiller ? Toutes les études disponibles (de Kerchove et Lambert, 1996, 2001 ; Leclercq et al., 1998 ; Romainville, 2000 ; Galand, 2005 ; Van Campenhoudt, 2012 a) convergent, en effet, pour montrer que les jeunes issus de milieux socioculturels plus modestes arrivent en général moins bien préparés à l’entame des études supérieures que leurs condisciples mieux nantis. Plus souvent que ces derniers, les premiers échoueront au terme de leur premier essai [que l’on peut considérer comme une année d’affiliation à la culture académique (Coulon, 1997 ; Van Campenhoudt, 2012 b)] avant de poursuivre, pour beaucoup d’entre eux, via réorientation ou redoublement suivi d’une réussite, un parcours menant jusqu’au diplôme final (de Kerchove et Lambert, 1996).
On sait, de plus, au travers des études Pisa16, que les structures de notre enseignement secondaire sont telles que celui-ci apparait comme un des plus inéquitables de tous les pays de l’OCDE, avec un écart, plus grand que partout ailleurs, entre les écoles présentant des résultats « faibles » et celles présentant des résultats « forts ». Et l’on sait que les élèves issus de milieux socioculturels plus modestes se concentrent davantage dans les écoles réputées « faibles ». Dans un tel contexte, notre pays serait particulièrement mal avisé de se lancer dans l’imposition généralisée d’un examen d’entrée à l’enseignement supérieur, sous peine de (vouloir) procéder à un véritable « écrémage social17 ».
Les résultats d’un examen d’entrée reposent sur des bases méthodologiques fragiles. De nombreuses études ont été menées, tant à l’étranger qu’en Belgique (Romainville, 1997 ; Janssens et De Metsenaere, 2000 ; Leclercq, 2003), sur le « pouvoir prédictif » d’un test de sélection à l’entrée sur la probabilité de réussite de la première année de l’enseignement supérieur. Ces études montrent, contrairement peut-être à l’intuition commune, une corrélation faible entre les résultats du test à l’entrée et les résultats obtenus à l’issue de la première année. Ces résultats suggèrent que de nombreux facteurs, difficilement mesurables à l’aide d’un simple test, concourent aussi à la réussite (ou à l’échec) : plus ou moins grande motivation, plus ou moins grande capacité à résorber des lacunes initiales, plus ou moins grande disposition à l’affiliation aux codes de l’enseignement supérieur, plus ou moins grande aptitude à élaborer une méthode de travail efficace, plus ou moins grande résistance au stress des périodes d’examens, etc. Et les études disponibles montrent une corrélation encore plus faible entre les résultats d’un test à l’entrée et les « performances » des étudiants, une fois diplômés, au cours de leur carrière professionnelle…
Tout test sélectif (du type « examen d’entrée ») est sujet à deux types d’erreur : l’erreur de type A qui consiste à éliminer d’emblée (et donc à condamner) des étudiants qui, s’ils avaient été admis, auraient réussi leurs études (moyennant, le cas échéant, un échec, suivi d’un redoublement ou d’une réorientation, prélude à la poursuite d’études réussies couronnées par un diplôme final) ; l’erreur de type B qui consiste à admettre des étudiants qui, après l’un ou l’autre échec et/ou réorientation, finiront par abandonner sans avoir décroché un diplôme de l’enseignement supérieur. On comprend aisément que l’ampleur des erreurs de type A et de type B est étroitement tributaire du « pouvoir prédictif » du test de sélection, c’est-à-dire du degré de corrélation évoqué plus haut. Avec un degré de corrélation faible, tel que mis en évidence par les études disponibles, l’ampleur des erreurs de type A et de type B risque d’être importante.
Mais les implications des deux types d’erreur (type A et type B) sont très différentes.
L’erreur de type B n’entraine aucune « injustice », les étudiants concernés s’étant vu donner leur chance, qu’ils n’ont pas saisie. Tout au plus, cette erreur de type B a‑t-elle impliqué, pour les étudiants (et leur famille), ainsi que pour les pouvoirs publics, un « investissement » sans « return » (tout au moins sous la forme de l’obtention d’un diplôme final). On doit admettre que cette erreur de type B est absolument « inévitable », dès lors qu’elle repose sur des « tests prédictifs » (ou examens) à l’entrée dont on a pu constater le faible pouvoir prédictif (corrélation faible). Et cette erreur (inévitable) n’est pas anodine. Ainsi, le seul cursus en FWB accessible via un examen d’entrée (celui menant aux études d’ingénieur civil, examen pourtant réputé « sélectif ») n’est-il pas exempt d’une erreur de type B substantielle (près de 30 % des étudiants admis n’obtiennent finalement pas le diplôme convoité18). Des études longitudinales de cohortes d’étudiants, menées aux États-Unis (Educational Policy Institute, 2013), font apparaitre le même phénomène : même parmi les universités américaines les plus prestigieuses (celles classées dans le top 100 du Times Higher Education World University Rankings 2013 ou du Academic Ranking of World Universities 2013 de l’université Jiao Tong de Shanghai), pour lesquelles les critères de sélection à l’entrée sont particulièrement sélectifs, une fraction importante présente des « taux de déperdition » (« attrition rates ») dépassant, et parfois allègrement, les 20 %19.
Les implications de l’erreur de type A sont plus dramatiques car ce type d’erreur conduit à « condamner » des étudiants qui, si la chance leur avait été donnée d’entamer des études supérieures, les auraient conduites jusqu’à l’obtention du diplôme final20. Évidemment, l’évaluation de l’ampleur de ce type d’erreur est, par nature, impossible à effectuer (contrairement à l’erreur de type B). Mais, si l’on devait prendre, comme hypothèse raisonnable que l’importance de l’erreur de type A serait du même ordre que celle observée pour l’erreur de type B, soit de l’ordre de 30 %, on aboutit à la conclusion que, chaque année, en cas de généralisation d’un examen d’entrée à l’enseignement supérieur, plusieurs centaines de jeunes se verraient, indument, privés d’un destin assuré de diplômés du supérieur. Au-delà de la profonde injustice et du gâchis humain que représenterait une telle politique, celle-ci est aussi hautement critiquable du point de vue économique et budgétaire, comme expliqué ci-dessous.
L’imposition d’un examen d’entrée constituerait une aberration économique et budgétaire. Rappelons-nous un des enseignements de l’examen mené ci-dessus à partir des données compilées par l’OCDE : c’est pour les pouvoirs publics belges que l’investissement dans l’enseignement supérieur apparaissait exceptionnellement rentable (au point d’en faire un « champion » de l’OCDE de ce point de vue) puisque les « recettes » publiques futures (actualisées) représentent près de 5 fois (4,85 pour être précis) les couts totaux (directs et indirects) consentis.
Supposons qu’un examen d’entrée aboutisse à éliminer d’emblée, chaque année, N étudiants de première génération. Et conservons l’hypothèse raisonnable d’une erreur de type A de l’ordre de 30 % (c’est-à-dire du même ordre de grandeur que celle, que l’on a pu mesurer, pour l’erreur de type B).
Chaque année, un nombre d’étudiants égal à N x 0,3 se voit donc éliminé indument alors qu’ils auraient mené à bien leurs études supérieures et auraient donc constitué un investissement hautement rentable pour la collectivité et les pouvoirs publics. Un nombre d’étudiants égal à N x 0,7 se voit éliminé « à raison » (si l’on ose dire) puisqu’ils auraient fini, après échec(s) suivis éventuellement d’une réorientation, par abandonner l’enseignement supérieur sans diplôme.
D’une part, l’élimination prématurée de N étudiants, qui se voient dès lors contraints de se présenter d’emblée sur le marché du travail (nantis du diplôme du secondaire supérieur), implique, pour les pouvoirs publics, la perception de recettes fiscales qui n’auraient pas été encaissées (pendant la durée de leurs études supérieures) si ces étudiants avaient été admis aux études. Cette opération entraine donc des « recettes » supplémentaires pour les pouvoirs publics.
En revanche, l’élimination prématurée d’étudiants qui, s’ils avaient été admis, auraient finalement décroché un diplôme de l’enseignement supérieur, implique, pour les pouvoirs publics, la « perte » du flux de recettes futures constituées des recettes fiscales et parafiscales (supérieures, pour un diplômé du supérieur à celles d’un diplômé du secondaire) et de moindres allocations de chômage (car le risque de chômage, au cours de la carrière, est plus faible pour un diplômé du supérieur que pour un diplômé du secondaire). Ce flux de recettes futures (et de moindres allocations de chômage) se matérialise dès la cinquième année (l’année où le diplômé arrive sur le marché du travail) et se poursuit durant toute la carrière professionnelle du diplômé.
Les explications et calculs détaillés sont présentés en annexe I. Le résultat est édifiant : avec l’hypothèse d’un examen d’entrée qui aboutirait à éliminer, chaque année, 10 % des candidats à une première inscription dans les études supérieures, la « perte nette » (actualisée) que feraient, chaque année, les pouvoirs publics, s’élèverait à 173,8 millions euros !
On peut difficilement imaginer politique moins avisée : pour des recettes de court terme minimes (voir les évaluations en annexe I), les pouvoirs publics renonceraient à des recettes futures qui, actualisées, sont plus de huit fois supérieures ! Et encore, le calcul présenté ici ne porte que sur les dimensions purement budgétaires et ignore-t-il toutes les « externalités » positives (du fait de la disponibilité d’une population plus qualifiée) sur l’économie.
Venons-en maintenant à la discussion de la formule plus « soft », celle d’un test à l’entrée « obligatoire, mais non contraignant ».
À priori, l’idée paraît séduisante : un test à l’entrée « obligatoire, mais non contraignant » ne serait-il pas à même de déceler, pour chaque étudiant, ses points forts et ses faiblesses et donc de l’amener directement et spontanément à s’inscrire dans la forme d’enseignement supérieur et dans le cursus qui correspond le mieux à ses aspirations, et surtout, à ses aptitudes ? Selon cette vision, le test à l’entrée aurait essentiellement comme vocation de constituer un dispositif d’orientation efficace, aboutissant ainsi à réduire fortement les taux d’échec en première année.
Mais cette vision est sans doute « idéalisée » car les choses ne sont pas si simples, et pour plusieurs raisons.
Premièrement, l’expérience de cette année, avec l’administration du test « obligatoire, mais non contraignant » à l’entrée des études de médecine montre à l’évidence que les résultats d’un tel test ne fournissent pas, aux yeux des étudiants, des signaux propres à les amener à modifier leur choix d’études et, à fortiori, à leur indiquer vers quel autre cursus s’orienter. Seuls 18 % des étudiants ont réussi ce test21, mais, à de rares exceptions près, tous les étudiants ayant échoué ont néanmoins décidé de s’inscrire en médecine. Ils n’ont d’ailleurs pas tous nécessairement tort, comme on le verra plus loin.
Deuxièmement, un tel test peut engendrer des effets pervers. Le professeur Marc Romainville, interrogé récemment à ce propos22, répondait « Dire à un jeune qu’il n’a pas les bases, cela ne sert à rien — sauf à le décourager — si on ne met pas en place en aval des activités de renforcement pour rattraper la sauce ». Concentrons-nous d’abord sur le « sauf à le décourager ». De nombreux travaux (de Kerchove et Lambert, 2001 ; Durut-Bellat et Kieffer, 2008 ; Noble et Davies, 2009 ; Maroy et Van Campenhoudt, 2010) ont mis en évidence que les étudiants des milieux socioculturels plus modestes développent, vis-à-vis des études supérieures, une attitude d’aversion au risque plus importante que celle de leurs condisciples mieux nantis et qu’ils adoptent, de ce fait, un comportement d’auto-sélection les amenant à réduire spontanément — et parfois à tort — leurs ambitions en matière d’études supérieures. Compte tenu des éléments d’information livrés plus haut, il y a fort à parier que les étudiants des milieux socioculturels plus modestes se retrouveront, plus que proportionnellement, à l’issue d’un « simple » test à l’entrée, parmi ceux auxquels on dira « qu’il n’a pas les bases ». Beaucoup seront alors amenés à renoncer à toute ambition d’entamer des études supérieures. Quelles en seraient les conséquences ? Une réduction du taux d’accès à l’enseignement supérieur (dont on a vu plus haut le score déjà lamentable dans notre pays), un recul de la démocratisation de notre enseignement supérieur (dont on a vu plus haut qu’il était déjà « lanterne rouge » en la matière) et, surtout, une injustice et un profond gâchis humain (dès lors que ne peut être évitée l’erreur de type A mentionnée plus haut).
Est-ce à dire que toute proposition de « test à l’entrée » serait à proscrire ? Bien sûr que non ! Je reprends donc la réponse du professeur Marc Romainville citée ci-dessus « Dire à un jeune qu’il n’a pas les bases, cela ne sert à rien — sauf à le décourager — si on ne met pas en place en aval des activités de renforcement pour rattraper la sauce » et me concentre à présent sur la partie de la phrase en italiques. Un des exemples les plus éloquents d’un tel « test à l’entrée », efficace et donc légitime, est fourni par l’expérience « Passeports pour le bac » associant les universités partenaires de la (bientôt défunte) Académie « Louvain23 ». Le principe est simple : tous les étudiants de première génération inscrits dans un cursus d’études se voient proposer (la toute grande majorité y participe), dès le début de l’année académique, un test (dont les résultats individuels, soigneusement « anonymisés », ne seront communiqués qu’aux seuls intéressés) visant à évaluer leur maitrise des « prérequis » (ou plutôt, de ce qui est considéré comme « prérequis » par les enseignants), à la fois dans certaines disciplines clés (pour le cursus envisagé) et dans des compétences transversales (jugées essentielles pour le cursus envisagé). L’opération ne se borne pas à constater et diagnostiquer d’éventuelles difficultés, mais vise surtout à les dépasser, via une double démarche : d’une part, les étudiants se voient ensuite rapidement proposer diverses activités de « remédiation » en vue de les aider à surmonter les lacunes identifiées. D’autre part, les enseignants sont informés des résultats (sous une forme agrégée) quant à la maitrise de ce qu’ils considèrent comme des prérequis. Ils sont donc invités à « recalibrer » leur enseignement en conséquence, par exemple, en ne considérant plus comme prérequise une matière qui n’est plus au programme du secondaire (si, si, cela s’est vu !) ou en revoyant rapidement au cours (ou en séances de travaux pratiques) un prérequis manifestement non maitrisé par une fraction importante de l’auditoire.
On comprend aisément qu’un tel dispositif, visant à tester la maitrise de prérequis ciblés sur le cursus de l’étudiant, ne pourrait être mis en place à l’aide d’un simple test généralisé à l’entrée de l’enseignement supérieur. Les résultats du dispositif « Passeports pour le bac » sont extrêmement encourageants (Vieillevoye, Wathelet, Dontaine et Romainville, 2012). Partout où il a pu être mis en place, on constate une nette croissance des taux de réussite finale de l’année. Les évaluations quantitatives, menées de manière rigoureuse (c’est-à-dire en comparant les résultats finaux de groupes d’étudiants ayant obtenu la même moyenne au test initial), permettent de mettre en évidence un effet du dispositif allant, dans certains cas, jusqu’à augmenter le taux de réussite final de l’année de 20 % (c’est-à-dire de 40 % à 60 %) !
On rêve de pouvoir généraliser de tels dispositifs, qui apparaissent autrement plus pertinents et efficaces que la simple administration d’un test « obligatoire, mais non contraignant » généralisé à l’entrée du supérieur. En effet, même avec un taux d’accès à l’enseignement supérieur actuellement bloqué, ces dispositifs aboutiraient à augmenter le taux final de diplômés, avec son cortège d’effets favorables, pour les intéressés et leurs familles, pour la démocratisation (de la réussite) dans l’enseignement supérieur, pour l’économie au sens large et, finalement aussi, comme on l’a vu plus haut, pour les pouvoirs publics.
Mais la généralisation de tels dispositifs restera un vœu pieux tant que les universités et autres établissements de l’enseignement supérieur, étranglés par le système de l’enveloppe fermée, peineront à dégager les moyens adéquats pour ces activités de renforcement des « prérequis » en première année. Et pourtant, un investissement mineur dans ce domaine se révèlerait exceptionnellement « rentable », pour les pouvoirs publics eux-mêmes, comme examiné en annexe 2.
Quelles sont les implications de ces constats en matière budgétaire et de financement ?
L’examen, mené en annexe 2, illustre l’efficacité et la « rentabilité » (même du seul point de vue des pouvoirs publics eux-mêmes) d’un financement complémentaire de dispositifs bien étudiés pour le soutien de la délicate transition du secondaire au supérieur. Ce financement complémentaire nécessite de desserrer les enveloppes fermées qui régissent, depuis trop longtemps, les universités et les hautes écoles (mais pas l’enseignement obligatoire…).
Mais il y a des raisons, plus impérieuses encore, qui imposent de desserrer, au plus vite, ces enveloppes fermées. Nous avons vu en effet à quel point l’étranglement progressif des universités (et, dans une moindre mesure, des hautes écoles) pouvait parfois conduire des responsables, même les mieux intentionnés, à prôner la « solution du désespoir » d’une sélection à l’entrée du supérieur et à dénoncer les effets pervers de ce que certains n’hésitent pas à qualifier de « chasse à l’étudiant ».
Nous avons pourtant vu que cette « chasse à l’étudiant » (terme délibérément péjoratif pour désigner une politique visant à permettre à de nouvelles catégories d’étudiants d’accéder à l’enseignement supérieur) n’a aucunement eu pour effet d’élargir le taux d’accès à l’enseignement supérieur. Au contraire, notre taux d’accès à l’enseignement supérieur est bloqué depuis plus de dix ans (l’« ascenseur social est en panne »), il est passé largement sous la moyenne des pays de l’OCDE et de l’UE, et notre enseignement supérieur est épinglé comme l’un des moins démocratiques de tous les pays de l’OCDE et de l’UE…
Face à un tel diagnostic, il est urgent de désamorcer, au travers du desserrement des enveloppes fermées des universités et des hautes écoles, les tentations — qui se feront de plus en plus pressantes — de recourir à la « solution du désespoir ». Celle-ci ne serait qu’un expédient de court terme, porteur de lourdes conséquences à long terme.
Aucune nation ne peut, impunément, se désintéresser de l’accès de sa jeunesse à l’enseignement supérieur et poursuivre, pendant des décennies, une politique d’étranglement financier de ses universités et autres établissements d’enseignement supérieur, sous peine d’hypothéquer sévèrement le niveau de vie et le bien-être des générations futures.
Les responsables politiques ont donc la lourde responsabilité, au moment où se met en place un nouveau « Paysage de l’enseignement supérieur » et où s’engagera la réflexion sur les aménagements nécessaires à la loi de financement des universités et des autres formes d’enseignement supérieur, de « redonner l’espoir ».
Mais, au vu des constats dressés plus haut, cette impulsion doit absolument ménager les incitants actuels au maintien de l’ouverture de notre enseignement supérieur. Actuellement, le financement des établissements repose essentiellement (à l’exception d’une « partie fixe » ou forfaitaire) sur le nombre (pondéré selon les secteurs et les catégories d’études) de leurs étudiants subsidiables. Le choix de ce critère n’est nullement le fruit d’une absence d’imagination ou d’audace de la part du législateur. Il a été, au contraire, murement réfléchi et reste pertinent. Le législateur de l’époque avait, en 2004, refusé d’abaisser la « partie variable » (qu’il entendait voir liée au nombre d’étudiants subsidiables) à moins de 75 % de l’ensemble de l’allocation des universités. Il pressentait en effet que, sans le poids d’un tel critère, l’université (et l’ensemble de l’enseignement supérieur) aurait tôt fait de se fermer à de nouvelles catégories d’étudiants, mettant en péril l’objectif indispensable de démocratisation de l’enseignement supérieur. On a vu plus haut que cet objectif reste, plus que jamais, d’une actualité brulante.
Le document de synthèse des conclusions de la Table ronde de l’enseignement supérieur, présenté au Parlement de la FWB le 25 mai 2010, insistait, lui aussi, sur les raisons pour lesquelles il importait de maintenir le principe d’un financement des établissements intimement lié au nombre d’étudiants (subsidiables).
À l’heure où certains semblent tentés de s’inspirer du modèle flamand (qui prend aussi en compte des critères d’« outputs » tels que les nombres de diplômés), on ne peut que leur conseiller de consulter les débats en cours dans la presse flamande pour prendre la mesure des risques de dérives d’un tel modèle, en termes de maintien de la qualité et des exigences propres à toute formation de l’enseignement supérieur.
Conclusions
En guise de conclusions, nous reprenons, de façon délibérément très synthétique, les principaux constats et résultats d’analyse de cette étude.
- notre système d’enseignement supérieur apparait comme l’un des moins « démocratiques » de l’UE, en termes de participation de jeunes issus de milieux socioculturels moins favorisés ;
- notre taux d’accès à l’enseignement supérieur, et plus particulièrement à l’université, est particulièrement faible, au regard de celui des autres pays de l’UE (et de l’OCDE) ;
- ce taux d’accès — qui continue à croitre dans pratiquement tous les autres pays — n’a pas augmenté chez nous depuis l’année 2000, ce qui implique que le rôle d’« ascenseur social » que devrait jouer notre enseignement supérieur est en panne depuis plus de dix ans ;
- les taux de réussite en première année universitaire ne présentent aucune tendance à la dégradation et ils ne sont pas inférieurs à ceux enregistrés en première année en haute école, tant dans le type court que dans le type long. Cette observation implique que, en toute logique, un « filtre à l’entrée », s’il devait être mis en place, devrait s’appliquer à l’ensemble de notre enseignement supérieur ;
- la résurgence du débat actuel sur le « filtre à l’entrée » s’explique fondamentalement comme une « solution du désespoir » à laquelle se voient acculés des responsables académiques d’établissements étranglés, depuis plus de quinze ans, par le système pernicieux de l’« enveloppe fermée » ;
- la poursuite — ou plutôt, dans notre cas, la reprise — de l’augmentation du taux d’accès à l’enseignement supérieur doit constituer un objectif prioritaire pour des raisons multiples : équité, implications économiques, mais aussi (on l’oublie trop souvent) implications budgétaires ;
- en effet, si l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur apparait comme un investissement rentable pour ses bénéficiaires directs, il apparait encore comme beaucoup plus rentable (en termes de perception de recettes fiscales futures et de moindres versements d’allocations de chômage) pour les pouvoirs publics. Notre pays apparait même comme un des « champions » de l’ensemble des pays de l’OCDE en matière de rendement public de l’investissement dans l’enseignement supérieur : les « bénéfices » futurs (actualisés) y représentent près de 5 fois (4,85 pour être précis) les couts totaux consentis !
- la version la plus radicale du « filtre à l’entrée », celle de l’examen d’entrée, apparait comme porteuse d’implications extrêmement dommageables, tant du point de vue de l’équité que de l’efficacité. On montre, en effet, qu’un tel dispositif serait socialement inéquitable, qu’il reposerait sur des bases méthodologiques fragiles et qu’il constituerait, in fine, une aberration économique et budgétaire ;
- la version plus « soft », celle du test à l’entrée « obligatoire, mais non contraignant », n’apparait efficace, et dès lors légitime, que si elle s’inscrit dans le cadre de dispositifs bien étudiés de soutien à la réussite des étudiants de première génération. Si ces conditions sont réunies, un investissement mineur de la part des pouvoirs publics apparait comme exceptionnellement « rentable » ;
- en conclusion de ces diverses analyses, il apparait urgent de desserrer les « enveloppes fermées » qui régissent, depuis bientôt deux décennies, le financement des universités et des hautes écoles. Il importe également, au vu de notre taux d’accès faible — et « bloqué » depuis dix ans — à l’enseignement supérieur, de maintenir le critère du nombre d’étudiants (subsidiables) pour le financement des établissements.
- Pour les années 1974 – 1975 à 1986 – 1987, se reporter à J.-J. Droesbeke, I. Hecquet et C. Wattelar (2001). Pour les années suivantes, se reporter aux statistiques du Conseil des recteurs francophones (Cref), www.cref.be, en étant attentif à la remarque du Cref expliquant pourquoi, depuis l’année académique 2006 – 2007, la statistique globale est « artificiellement » tirée vers le bas du fait de la mise en œuvre du décret du 1er</sup< juillet 2005 relatif à certaines filières du secteur de la santé.[/efn_note]. Sur cette longue période, ce taux de réussite présente certes des fluctuations autour d’un niveau de 40 %, mais sans que l’on puisse identifier de tendance à la dégradation. L’émotion — relativement récente — à ce sujet tient plutôt à des préoccupations budgétaires de responsables académiques, comme je l’exposerai plus loin.
Le taux de réussite en première année à l’université serait-il plus faible que celui enregistré dans les autres formes de l’enseignement supérieur (supérieur hors université de type court et de type long) ?
Non. Il suffit de consulter l’indicateur n 29 « Taux de réussite en première année des étudiants de première génération dans l’enseignement supérieur en haute école et à l’université » de la publication Les Indicateurs de l’enseignement 2012 édité par la FWB1Cette publication est disponible sur le site www.enseignement.be
- Ne pas oublier la remarque du Cref sur l’interprétation prudente à accorder aux taux de réussite en première année universitaire depuis l’année académique 2006 – 2007 (voir la note 1).
- Voir Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE, section C3.
- Voir Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE, section A1.
- Voir sur le site www.educationalpolicy.org.
- Voir Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE, section A6.
- Le même régime d’« enveloppe fermée » a été imposé, peu après, à l’ensemble des hautes écoles (qui accueillent l’essentiel des étudiants de l’enseignement supérieur « hors université »). Cette enveloppe des hautes écoles a cependant été quelque peu renflouée en 2005.
- Sur les trente-cinq dernières années, l’allocation par étudiant universitaire a été réduite de 50 % ! Les Indicateurs de l’enseignement 2012, éditée par la FWB, nous apprend (voir l’indicateur n° 3) que, rien que sur les neuf dernières années disponibles (années académiques 2001 – 2002 à 2010 – 2011), les moyens alloués par étudiant universitaire ont été rabotés (en termes réels) de 15 %. Sur cette même période, les moyens par étudiant sont restés globalement stables pour l’enseignement supérieur hors université (– 1,5 %) tandis qu’ils continuaient à augmenter pour l’enseignement obligatoire (qui n’est pas soumis au régime de l’enveloppe fermée…) : + 20 % dans le primaire et + 8 % dans le secondaire.
- Rappelons que les taux de réussite en première année sont quasi identiques pour toutes les formes de l’enseignement supérieur (université, supérieur de type long et de type court) ce qui, en toute logique, imposerait qu’une (éventuelle) sélection à l’entrée ne soit pas limitée aux seules universités.
- Voir aussi Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE, section A11, pour une évaluation, selon quelques critères, des retombées sociales de l’éducation.
- Voir par exemple Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE, section A7.
- Voir Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE, section A9 et Regards sur l’éducation 2013. Les indicateurs de l’OCDE, section A7.
- Ainsi, si l’on excepte les pays (encore plus pauvres) de l’ancienne Europe de l’est ainsi que trois pays (également plus pauvres) de l’Europe du sud (Grèce, Portugal et Italie), la Belgique est, de tous les pays européens, celui pour lequel le cout direct des études supérieures supporté par les pouvoirs publics est le plus faible.
- De 2000 à 2010, le taux d’accès à l’enseignement supérieur a augmenté de 40 % en Allemagne, contre 25 % pour la moyenne des pays de l’OCDE et 32 % pour la moyenne des pays de l’UE (source : Regards sur l’éducation 2012. Les indicateurs de l’OCDE, section C3).
- Voir OCDE (2011) pour la dernière étude Pisa (2009) actuellement disponible.
- Tout au plus, un tel dispositif pourrait-il être jugé « socialement acceptable » (mais voir aussi les autres critiques) dans les pays qui, comme certains pays scandinaves, se caractérisent par une grande homogénéité dans les niveaux des établissements du secondaire ainsi qu’une faible différenciation selon le milieu socioculturel des étudiants. Mais notre système est à l’opposé !
- Ces résultats ne peuvent être mis en évidence que par le suivi, jusqu’au terme des études, de cohortes d’étudiants, exercices rarement menés (faute des moyens adéquats) en FWB. Les exercices menés dans Droesbeke J.-J. et al. (2001) et dans Droesbeke J.-J. et al. (2008) indiquent un taux de diplômation final de respectivement 69 % et 71 % pour les ingénieurs civils en FWB.
- Ces « taux de déperdition » augmentent évidemment, et parfois spectaculairement, au fur et à mesure que l’on descend dans l’échelle des classements.
- Même si l’examen d’entrée au cursus d’ingénieur civil est parfois mis en question, son existence n’entraine pas les conséquences dramatiques d’un examen d’entrée généralisé à l’ensemble de l’enseignement supérieur, tel qu’analysé ici. En effet, il ne concerne que quelque 5 % des étudiants universitaires de première génération, de sorte que les étudiants « refoulés » ont toute latitude de s’inscrire dans un autre cursus (ce qui ne serait évidemment plus possible dans le cas d’un examen d’entrée généralisé à l’ensemble de l’enseignement supérieur).
- Un score aussi faible devrait davantage, me semble-t-il, amener à s’interroger sur le « calibrage » du test que sur les compétences moyennes des étudiants auxquels le test a été administré.
- Voir Le Soir du 10 octobre 2013.
- Il ne s’agit pas ici pour moi, on l’aura compris, de faire une quelconque publicité pour les universités de l’Académie « Louvain ». Il se fait simplement que j’ai eu l’occasion de suivre le développement de ce dispositif depuis sa genèse (voici plus de six ans). Je ne doute pas que d’autres universités, académies et hautes écoles ont aussi pu développer des dispositifs analogues.