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Prendre à César tout ce qui ne lui appartient pas

Numéro 2 - 2018 - artistes culture Droit des femmes féminisme Luttes par Paola Stévenne

avril 2018

La pré­sence des femmes dans le milieu artis­tique reste fra­gile. Can­ton­nées à cer­taines fonc­tions, sujettes à un har­cè­le­ment accep­té par le milieu, elles sont par­ti­cu­liè­re­ment tou­chées par la pré­ca­ri­sa­tion des artistes. Pour­tant, des alter­na­tives sont possibles !

Dossier

Nos culs ne vous appartiennent pas

Depuis l’automne 2017, la pré­ca­ri­té des femmes artistes a occu­pé la toile et s’est insé­rée dans ce qui est en train de deve­nir une puis­sante lutte féministe.

D’entrée de jeu, la ques­tion du corps de la femme se « dépose » dans l’espace public, se dis­sé­mine, tra­verse les fron­tières, fait évè­ne­ment. Ce n’est pas seule­ment la honte qui change de camp, c’est une colère qui fait irrup­tion. Les récits intimes, nom­breux, plu­riels se condensent, s’amplifient si bien que, très vite, les prises de parole rendent visible la domi­na­tion mas­cu­line, remettent en cause le rap­port de force.

L’affaire Wein­stein est affaire parce que la prise de parole des vic­times a entrai­né la « mise en congé » d’un homme tout-puis­sant et la mise en vente de sa socié­té de pro­duc­tion. Les actrices, leur mou­ve­ment col­lec­tif a ren­du audible le « non » des femmes. Ce « non » puis­sant crée une rup­ture, brise, pour nous tou.te.s, le cours nor­mal des choses. Jusqu’alors, le pro­duc­teur (comme d’autres) abu­sait impu­né­ment de sa posi­tion de domi­na­tion pour vio­len­ter des femmes qui dépen­daient de lui professionnellement.

Cette vic­toire a‑t-elle don­né le gout de la vic­toire à la vague de hash­tags qui l’a accom­pa­gnée et pro­lon­gée ? Peu de hash­tags ont don­né des noms. Pour­tant, chaque témoi­gnage s’est ins­crit dans une chaine qui a ren­ver­sé le prin­cipe de l’omerta. Les vic­times se sont sen­ties fortes. La honte, comme outil de contrôle, a ces­sé d’être opé­rante. Des récits, habi­tuel­le­ment condam­nés au silence ou à la sphère pri­vée, hash­tag après hash­tag, ont occu­pé l’espace public et mis en lumière une vio­lence glo­bale, poli­tique. Leur nombre a débor­dé de la toile. En France, les plaintes pour har­cè­le­ment et viols ont aug­men­té de manière signi­fi­ca­tive durant le der­nier tri­mestre de 2017 (après l’affaire Wein­stein). Par rap­port à la même période en 2016, le dépôt de plaintes pour viol et har­cè­le­ment a pro­gres­sé de 17,6 % et 30,9 %

Sous une autre forme, les reven­di­ca­tions ont pris corps, aus­si, le 8 mars 2018,
en Espagne. Sur une pan­carte, à Bar­ce­lone, on pou­vait lire : « Nos culs ne vous appar­tiennent pas » ou encore « Si nos corps comptent si peu, pro­dui­sez sans nous ». Dans plus de deux-cents villes espa­gnoles, les femmes ont fait grève. Selon les syn­di­cats, elles étaient 5,3 mil­lions à mani­fes­ter dans les rues espa­gnoles. À Bil­bao, elles chan­taient appe­lant toutes les femmes à la révolte contre l’état machiste.

Le nom des femmes

Selon la poé­tesse espa­gnole, Mar­ta Rga­ryen, d’internet à la rue, d’un pays à l’autre, le fait que les femmes aient pris la parole indique un chan­ge­ment cultu­rel. Un des­tape (une ouver­ture). Les femmes déli­vrées, par elles-mêmes, d’être des muses sou­mises déli­vre­raient, du même coup, les hommes et les gar­çons du devoir d’être forts et aven­tu­riers, capables d’affronter des dra­gons, mani­pu­ler des sor­cières ou abu­ser de jeunes filles endor­mies… comme le prince charmant.

Dans La socié­té du spec­tacle, en 1969, un homme, Guy Debord écri­vait «[…] Le spec­tacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rap­port social entre des per­sonnes média­ti­sé par des images. Le spec­tacle com­pris dans sa tota­li­té est à la fois le résul­tat et le pro­jet du mode de pro­duc­tion exis­tant. Il n’est pas un mode de sup­plé­ment au monde réel. Il est le cœur de l’irréalisme de la socié­té réelle. Sous toutes ses formes par­ti­cu­lières, infor­ma­tion ou pro­pa­gande, publi­ci­té ou consom­ma­tion directe de diver­tis­se­ment, le spec­tacle […] est l’affirmation omni­pré­sente du choix déjà fait dans la pro­duc­tion et sa consom­ma­tion corolaire. »

On ne s’étonnera pas, dès lors, de la fra­gile pré­sence des femmes dans le milieu artis­tique1. Seuls 4 % des chefs d’orchestre sont des femmes. À poste égal et com­pé­tences égales, une femme artiste gagne en moyenne 18 % de moins qu’un homme. Majo­ri­tai­re­ment pré­sentes dans les écoles d’art (plus ou moins 60 %), les femmes repré­sentent quatre dixièmes des artistes effec­ti­ve­ment actif.ve.s, deux dixièmes des artistes aidé.e.s par des fonds publics, des artistes programmé.e.s ou des dirigeant.e.s. Elles sont sous-repré­sen­tées dans les médias et en termes de consé­cra­tion artis­tique (un dixième des artistes récom­pen­sées par des prix). Quant à la vio­lence sexiste, elle est par­ti­cu­liè­re­ment accep­tée dans le milieu. En Bel­gique, le théâtre de Tan­neurs s’est sépa­ré cet hiver de son direc­teur, David Stros­berg, accu­sé de har­cle­ment par de nom­breuses comé­diennes et met­teuses-en-scène. Les faits étaient connus. La rumeur, les plaintes dépo­sées auprès du conseil d’administration res­taient, jusqu’à il y a peu, sans effets.

Si nous vou­lons sou­te­nir le chan­ge­ment de récits dont parle la poé­tesse espa­gnole et pro­mou­voir une modi­fi­ca­tion dans les rap­ports sociaux entre les per­sonnes, ne devrions-nous pas nous enga­ger dans l’égalité éco­no­mique et pro­fes­sion­nelle dans le monde artistique ?

Le test de Bech­del est un test qui vise à démon­trer par l’absurde à quel point cer­tains films, livres et autres œuvres scé­na­ri­sées sont cen­trés sur le genre mas­cu­lin des per­son­nages. Une œuvre réus­sit le test si les trois affir­ma­tions sui­vantes sont vraies : l’œuvre montre deux femmes iden­ti­fiables (elles portent un nom), elles parlent ensemble, elles parlent d’autre chose que d’un per­son­nage mas­cu­lin. Encore aujourd’hui, une majo­ri­té des films ne passe pas le test de Bech­del ce qui implique que les femmes n’ont pas de vrais rôles, n’apportent pas grand-chose à l’histoire.

Mon métier

« Après une licence en phi­lo­lo­gie romane, j’ai fait des études de des­sin à Saint-Luc. Ensuite, armée de mes diplômes, j’ai trou­vé du tra­vail : quelques inté­rims dans l’enseignement et en librai­rie. Au bout de deux ans, j’ai décro­ché un mi-temps à la Fnac. Je consa­crais mon autre moi­tié de temps à l’écriture de livres pour enfants, mon métier. 

En 1996, je suis deve­nue maman. Mon fils est né avec une défi­cience immu­ni­taire. Ses hos­pi­ta­li­sa­tions fré­quentes m’ont empê­chée de reprendre mon tra­vail ali­men­taire. Je n’avais pas cumu­lé assez d’heures pour avoir accès au chô­mage. Aucune allo­ca­tion n’existe pour les parents for­cés de s’arrêter pour soi­gner leurs enfants. Je suis deve­nue dépen­dante de mon com­pa­gnon. Heu­reu­se­ment, il est sala­rié. J’ai des­si­né, écrit entre les tâches ména­gères et les soins de mon fils. Dès ma pre­mière publi­ca­tion, alors que je négo­cie mon pre­mier contrat d’auteur, on me signale que le seul sta­tut pos­sible pour moi est le sta­tut d’indépendant. L’administration fis­cale confirme. Après avoir lu l’étude de la Scam sur les condi­tions maté­rielles de tra­vail des auteurs et des autrices de docu­men­taire2, j’ai déci­dé de cal­cu­ler mes reve­nus. En 2016, une fois payées mes coti­sa­tions d’indépendant, il me reste 320 euros par mois.

Si je témoigne ano­ny­me­ment, aujourd’hui, c’est parce que je n’ai pas le choix. Dans mon métier, l’image compte. Me plaindre de mes condi­tions de tra­vail don­ne­rait un mau­vais signal, n’inciterait peut-être pas mon édi­teur à me publier, les libraires à m’inviter. Pour être sou­te­nue, je dois plaire, être posi­tive. Je suis tota­le­ment dépen­dante. Mais gagner aus­si peu après tant d’années de tra­vail est humiliant.

Je m’entends bien avec mon com­pa­gnon. Cepen­dant, dépendre de lui n’est pas facile. Par­fois, je me dis que j’ai fait des choix égoïstes. Je me sens cou­pable de ne pas pou­voir aider ma famille, mes amis. Je me dis aus­si que je ne dois pas être très bonne. Il m’est arri­vé, en rece­vant un prix, de pen­ser qu’il devait y avoir une erreur. Dépendre des bourses est humi­liant. Les com­mis­sions sont sélec­tives. Par­fois les pou­voirs publics m’aident, par­fois pas : ”Parce qu’avec votre expé­rience, votre car­rière, c’est quand même fou que vous ayez encore besoin de sub­sides” (véri­dique!). Mon édi­teur, comme tous les édi­teurs, est un mar­chand. Pour publier un nou­vel ouvrage, il regarde le tirage du pré­cé­dent, les ventes. Pour bien vendre, je dois être visible, mes œuvres doivent être bien pro­mues. Pour être bien pro­mue, mon tra­vail ne suf­fit pas, je dois être posi­tive, cha­ris­ma­tique, séduire. Pas tou­jours facile en vieillissant.

Ces der­niers mois, le com­bat des femmes m’a enthou­sias­mée et sor­tie de cet état qui m’emmenait sur­ement sur les routes de la fatigue. Nous sommes si nom­breuses… c’est por­teur. Ce qui redonne aus­si (bien sûr) du sens à mon tra­vail, c’est la ren­contre avec mes lec­teurs et mes lec­trices. Voir des jeunes esprits qui s’éveillent au beau, aux sens, au rire, qui s’indignent est un véri­table car­bu­rant. Cela me rap­pelle que j’ai choi­si ce métier parce que je pen­sais que nous pou­vions inven­ter d’autres mondes que celui-ci, que l’argent n’était pas ma moti­va­tion pre­mière3. »

Ce témoi­gnage met en lumière les condi­tions (maté­rielles et de tra­vail) d’existence d’une autrice belge fran­co­phone avec vingt ans de car­rière, bien publiée. S’il dénonce le mono­pole de l’apparence, l’impérieuse néces­si­té de plaire pour cette femme (et les autres), il inter­roge l’économie de la culture qui s’appuie sur un tra­vail gratuit.

Le travail gratuit

Le tra­vail gra­tuit, les femmes artistes ou non connaissent ça ! Elles l’ont appris de leur mère, de leurs grands-mères, tantes, sœurs… En 2010, une per­sonne de sexe fémi­nin de onze ans et plus rési­dant en France consacre en moyenne 2 heures et 7 minutes par jour au tra­vail domes­tique, soit près de 15 heures par semaine. Ce tra­vail non rému­né­ré repré­sente des ser­vices. Il par­ti­cipe au bie­nêtre maté­riel de la popu­la­tion, sans pour autant appa­raitre dans la pro­duc­tion natio­nale, telle que mesu­rée par le pro­duit inté­rieur brut (PIB). Si l’on valo­ri­sait cette acti­vi­té au mini­mum sala­rial, cela repré­sen­te­rait plus ou moins 292 mil­liards d’euros. Les mères de famille en couple réa­lisent en moyenne 34 heures de tra­vail domes­tique par semaine, contre 17 pour les hommes.Le temps heb­do­ma­daire moyen pas­sé aux tâches domes­tiques par ces mères est com­pa­rable au temps moyen de tra­vail rému­né­ré d’un homme dans la même situa­tion (33 heures).

Aujourd’hui, en Europe, 80 % des « tra­vailleuses » vivent avec des reve­nus en des­sous du seuil de pau­vre­té, ce sont des femmes seules avec enfant. Les inéga­li­tés, en Bel­gique, existent éga­le­ment en termes d’allocations de chô­mage. Les femmes au chô­mage dis­posent d’allocations moins éle­vées que les hommes car elles ont plus sou­vent qu’eux le sta­tut de cohabitante.

L’humiliation et la dépen­dance, expri­mées dans le témoi­gnage de l’autrice jeu­nesse dépassent les condi­tions maté­rielles d’existence des artistes et sont par­ta­gées par nombre de femmes à tra­vers le monde. Cette pré­ca­ri­té finan­cière les expose à la vio­lence dans la sphère domes­tique et pro­fes­sion­nelle. Elles l’ont écrit de hash­tag en hash­tag. C’est pour­quoi, elles reven­diquent l’égalité éco­no­mique et pro­fes­sion­nelle. Dans le domaine de la culture, on leur rétorque que le pro­blème est struc­tu­rel et que leur com­bat est un com­bat de loca­taires légè­re­ment moins bien logé.e.s que d’autres… C’est vrai que le finan­ce­ment de la culture, en Bel­gique fran­co­phone, ne per­met pas de finan­cer cor­rec­te­ment le tra­vail artistique.

Non loin d’ici

Pour­tant, non loin d’ici, en Suède, Anna Ser­ner, direc­trice du Centre du ciné­ma, s’est fixé des objec­tifs pour remé­dier aux inéga­li­tés. Avec son équipe, elle s’est for­mée à ana­ly­ser les biais invi­sibles qui créent la dis­pa­ri­té dans la répar­ti­tion des sub­sides. Épin­glons le fait (pour n’en nom­mer qu’un) que, dans la sélec­tion des dos­siers, les femmes étaient bien sou­vent jugées sur leur expé­rience alors que la plu­part du temps, les hommes étaient jugés sur leur potentiel.

À la suite de cette for­ma­tion, pour déjouer les réponses sexistes (bien sou­vent incons­cientes) aux demandes de sou­tien, le Centre du ciné­ma sué­dois a mis en place une grille d’évaluation fon­dée sur trois cri­tères : la per­ti­nence (l’angle de lec­ture est-il per­ti­nent?), l’originalité (le dos­sier traite-t-il d’un sujet peu abor­dé par le ciné­ma?) et la ges­tion (le bud­get est-il bien orga­ni­sé sur un plan bud­gé­taire?).

Depuis 2000, la pro­por­tion des films sué­dois réa­li­sés par des femmes est pas­sée de 19 % à 44 %, le finan­ce­ment des films scé­na­ri­sés par des femmes de 26 % à 46 % et la pro­por­tion de films pro­duits par des femmes a grim­pé de 28 % à 56 %. Cet enga­ge­ment a por­té ses fruits. En 2015, sept films repré­sen­taient la Suède à la Bien­nale de Ber­lin, plus de la moi­tié d’entre eux étaient réa­li­sés par des femmes ; six films sué­dois étaient pré­sents à Cannes, réa­li­sés à 33 % par des femmes.

En Bel­gique, pour la pre­mière fois en 2016, le Centre du ciné­ma a pro­po­sé des sta­tis­tiques gen­rées de la com­mis­sion de sélec­tion des films. Que nous apprennent-elles ?

  • Cent-qua­rante-et-un pro­jets ont été dépo­sés, qua­rante-quatre pro­jets ont été soutenus.
  • Qua­torze femmes et trente-six hommes ont deman­dé une aide à l’écriture.
  • Cinq femmes et dix-neuf hommes ont deman­dé une aide au développement.
  • Trois femmes et seize hommes ont deman­dé une aide à la pro­duc­tion pour un pre­mier film.
  • Sept cinéastes avec plus d’expérience (deuxième film ou plus) ont deman­dé une aide à la pro­duc­tion, aucune femme.
  • En aide à l’écriture, treize demandes ont été sou­te­nues, cinq pro­jets de femmes.
  • En ce qui concerne l’aide au déve­lop­pe­ment, sept films ont été sou­te­nus dont deux pro­jets de femmes.

Enfin, pour ce qui est de l’aide à la prouc­tion, huit pre­miers films ont été sou­te­nus dont un pro­jet de femme.

À tra­vers l’ensemble des pays euro­péens, le constat est pra­ti­que­ment le même. Les finan­ce­ments publics sont majo­ri­tai­re­ment deman­dés par des hommes. Dès la sor­tie de l’école, les filles ont dis­pa­ru. Pour remé­dier à cette dis­pa­ri­tion et com­prendre pour­quoi à la fin de leur for­ma­tion les gar­çons sont plus nom­breux à se diri­ger vers la réa­li­sa­tion, peut-être devrions-nous ana­ly­ser l’école, ses pro­fes­seurs, le cur­sus. Que dit-on aux filles lorsqu’elles expriment le désir de faire des films ? Que dit-on aux gar­çons ? C’est un milieu com­pé­ti­tif incom­pa­tible avec la vie de famille ? C’est dur, mais t’es capable, fonce ! Lorsque les un.e.s et les autres pré­sentent leurs films, inter­roge-t-on les filles et les gar­çons sur les aspects per­son­nels de leur tra­vail ? Aborde-t-on des ques­tions tech­niques avec les un.e.s et les autres ? Sur­tout, dit-on aux jeunes filles qu’on attend leurs récits, leur vision du monde, que nous man­quons de femmes cinéastes ?

Le manque de moyens est réel. Le mon­tant de l’aide à l’écriture accor­dé en 2016 aux treize pro­jets sou­te­nus par le Centre du ciné­ma est de 12500 euros. En sup­po­sant que les scé­na­ristes ne tra­vaillent pas plus d’un an, leur rému­né­ra­tion brute par mois s’élèverait à 1041,67 euros… Le scé­na­rio écrit en une semaine est un mythe ! En dédui­sant les charges, nous ne serions pas très loin du mon­tant décla­ré par l’autrice ano­nyme. Pour autant, l’inégalité dans la répar­ti­tion des fonds publics ne se jus­ti­fie pas. Elle main­tient un sys­tème patriar­cal dont on ne peut igno­rer la vio­lence. Les femmes exigent d’en finir avec la plus ancienne des inéga­li­tés, celle de l’homme et de la femme et de « prendre à César tout ce qui ne lui appar­tient pas »4. Ces femmes savent qu’elles devront conqué­rir les ima­gi­naires, lut­ter contre le sexisme ordi­naire, voire assu­mé, et offrir aux publics des récits qui donnent aux femmes une place égale à celle des hommes. À terme, les hommes pour­raient y gagner. Puisqu’il n’y a pas assez d’argent, ce par­tage ne pour­ra qu’aboutir à d’autres choix de production.

  1. Voir à ce pro­pos le rap­port fran­çais du haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes sur les inéga­li­tés dans le domaine des arts et de la culture.
  2. Un métier de nan­tis ? Étude sur les condi­tions de tra­vail des auteurs et des autrices de docu­men­taire », Renaud Maes, Pao­la Stévenne.
  3. Témoi­gnage ano­nyme à la suite d’un métier de nan­tis d’une autrice jeunesse.
  4. Paul Eluard, notes sur la poé­sie, GLM, 1936.

Paola Stévenne


Auteur

Paola Stévenne a étudié la philosophie à l’ULB et la réalisation à l’INSAS (1998). Témoigner du monde qui l’entoure, questionner l’humain, la passionnent mais, ce qui l’obsède c’est la présence ou l’absence d’imaginaire. Thématique qu’elle explore dans ses œuvres de documentaire et de fiction comme dans la vie en travaillant sans relâche à ce qui renforce et multiplie notre capacité à inventer. Parmi ces œuvres : Je me souviens de la salle de bain avec Sarah Masson (BD), La princesse de cristal (livre cd), Terres de confusion (film), Bboys/Fly girl (film), Le modélisateur et Description d’une image avec Guillermo Kozlowski (radio), La mort de l’Ogre, Petite leçon d’économie avec Serge Latouche, François Maspero ou ce désir acharné d’espérance avec Sylvie De Roeck (radio), Je suis la baleine, V pour variation, La chambre des filles, La princesse de cristal, Un métier de Nanti (étude) avec Renaud Maes, Est-ce ainsi que les hommes vivent? (Lola, casting, le regard d’Anna), El Newen, Ce qui se passe là-bas, … Parallèlement à son travail d’autrice, Paola Stévenne ne cesse de transmettre et d’interroger sa pratique à travers des master class, des accompagnements de projets et dans des cours et ateliers qui donnent lieu à des films collectifs et des textes pour le théâtre. Elle a également été présidente du comité belge de la scam*, membre fondateur de l’Asar, membre de EFDF et, élue femme de l’année par les Grenades avec quarante-neuf autres femmes qui ont marqué, par leur action ou leur art, l’année 2019.