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Première Guerre mondiale, l’histoire au présent

Numéro 8 Août 2014 par Geneviève Warland

août 2014

Le 4 aout 2014 s’ouvrent les com­mé­mo­ra­tions du cen­te­naire de la Pre­mière Guerre mon­diale en Bel­gique. Seront rame­nées à notre mémoire et hono­rées les mil­lions de vies humaines détruites par la bru­ta­li­té de la guerre ; seront évo­quées la res­pon­sa­bi­li­té face à l’avenir et la conso­li­da­tion de la paix sur le conti­nent euro­péen et dans le monde. Les trois contri­bu­tions à ce […]

Le 4 aout 2014 s’ouvrent les com­mé­mo­ra­tions du cen­te­naire de la Pre­mière Guerre mon­diale en Bel­gique. Seront rame­nées à notre mémoire et hono­rées les mil­lions de vies humaines détruites par la bru­ta­li­té de la guerre1 ; seront évo­quées la res­pon­sa­bi­li­té face à l’avenir et la conso­li­da­tion de la paix sur le conti­nent euro­péen et dans le monde.

Les trois contri­bu­tions à ce dos­sier apportent des éclai­rages sur l’histoire et la mémoire de la Grande Guerre à par­tir des exper­tises de l’historien, du psy­cho­logue et du jour­na­liste. Elles sont pré­cé­dées d’un bref cadre his­to­rique don­nant des indi­ca­tions sur le contexte au début de la guerre. Ce cadre aborde la thé­ma­tique d’une double guerre lors du pas­sage des troupes alle­mandes sur le ter­ri­toire belge : d’une part, contre l’armée et, d’autre part, contre la popu­la­tion civile.

Dans l’interview menée par La Revue nou­velle avec l’historienne Lau­rence Van Yper­sele (UCL) et le psy­cho­logue Oli­vier Lumi­net (UCL), ces der­niers reviennent sur le sens que revêt l’acte de com­mé­mo­rer : non seule­ment pour se sou­ve­nir de la Pre­mière Guerre (dans l’expérience des com­bats et des vio­lences, qui sont, en outre, celles des réqui­si­tions, des pri­va­tions, des dépor­ta­tions, etc.), mais aus­si pour (ré)affirmer les valeurs consti­tu­tives de la socié­té actuelle. Ils répondent de manière argu­men­tée à la ques­tion de l’usage poli­tique de l’histoire tel que pra­ti­qué au Nord et au Sud du pays (on ver­ra que la vision de l’historienne fran­co­phone est lar­ge­ment par­ta­gée par le point de vue de l’historien néer­lan­do­phone). Fina­le­ment, ils expliquent ce qu’est, à leurs yeux, l’apport prin­ci­pal de l’historien, d’un côté, et du psy­cho­logue social, de l’autre, dans les acti­vi­tés de com­mé­mo­ra­tion de la Grande Guerre pour les quatre ans à venir, et ce en lien avec des pro­jets de recherche particuliers.

Le rap­port entre pas­sé et pré­sent du côté néer­lan­do­phone est ana­ly­sé par l’historien Nico Wou­ters (Cege­so­ma). Celui-ci montre clai­re­ment le fos­sé qui se creuse en Flandre entre le monde des his­to­riens uni­ver­si­taires, d’un côté, et le monde poli­tique et l’espace public, de l’autre : un des élé­ments d’explication tient à l’orientation tou­ris­tique et patri­mo­niale don­née aux com­mé­mo­ra­tions de 14 – 18 ; un autre est lié à l’internationalisation des uni­ver­si­tés néer­lan­do­phones avec la ten­dance du « tout à l’anglais » qui ne valo­rise plus les tra­vaux dans la langue du grand public.

La der­nière contri­bu­tion de ce dos­sier sur les enjeux mémo­riels de la guerre de 14 – 18 ana­lyse le docu­men­taire d’André Dar­te­velle, Trois jour­nées d’aout, à la lumière de l’ouvrage scien­ti­fique de John Horne et Alan Kra­mer sur les atro­ci­tés alle­mandes2. Benoît Lechat (Eto­pia et Green Euro­pean Foun­da­tion) ne se contente pas de confron­ter la mémoire trans­mise des évè­ne­ments par les témoins inter­ro­gés dans le film à leur réa­li­té his­to­rique (éta­blie par les his­to­riens à la suite de longues et patientes recherches). En tant que jour­na­liste, il convoque l’histoire et sa mémoire de manière nor­ma­tive, en insis­tant sur la relec­ture de l’histoire du XXe­siècle que l’épisode des atro­ci­tés d’aout 1914 et leur très labo­rieuse recon­nais­sance rendent non seule­ment pos­sibles, mais nécessaires.

En guise de clô­ture à ces réflexions sur la mémoire de la guerre, une sélec­tion d’outils pour aller plus loin et par­ti­ci­per à cette remé­mo­ra­tion de 14 – 18 est proposée.

  1. Pour le cen­te­naire de la Pre­mière Guerre mon­diale, le musée In Flan­ders Fields à Ypres a réa­li­sé un tra­vail gigan­tesque de mémoire : pro­je­ter chaque jour à par­tir du 4 aout, et ce pen­dant quatre ans, les noms de tous ceux (civils et sol­dats de quelque natio­na­li­té qu’ils soient) qui sont morts sur le sol belge au cours des quatre années de guerre. Soit envi­ron 600000 noms, dont 550000 militaires.
  2. John Horne et Alan Kra­mer, Ger­man Atro­ci­ties, 1914 : A His­to­ry of Denial, New Haven, Yale Uni­ver­si­ty Press, 2001 (trad. fran­çaise : 1914, les atro­ci­tés alle­mandes, Tal­lan­dier, 2005).

Geneviève Warland


Auteur

Geneviève Warland est historienne, philosophe et philologue de formation, une combinaison un peu insolite mais porteuse quand on veut introduire des concepts en histoire et réfléchir à la manière de l’écrire. De 1991 à 2003, elle a enseigné en Allemagne sous des statuts divers, principalement à l’université : Aix-la-Chapelle, Brême, et aussi, par la suite, Francfort/Main et Paderborn. Cette vie un peu aventurière l’a tout de même ramenée en Belgique où elle a travaillé comme assistante en philosophie à l’USL-B et y a soutenu en 2011 une thèse intégrant une approche historique et une approche philosophique sur les usages publics de l’histoire dans la construction des identités nationales et européennes aux tournants des XXè et XXIè siècles. Depuis 2012, elle est professeure invitée à l’UCLouvain pour différents enseignements en relation avec ses domaines de spécialisation : historiographie, communication scientifique et épistémologie de l’histoire, médiation culturelle des savoirs en histoire. De 2014 à 2018, elle a participé à un projet de recherche Brain.be, à la fois interdisciplinaire et interuniversitaire, sur Reconnaissance et ressentiment : expériences et mémoires de la Grande Guerre en Belgique coordonné par Laurence van Ypersele. Elle en a édité les résultats scientifiques dans un livre paru chez Waxmann en 2018 : Experience and Memory of the First World War in Belgium. Comparative and Interdisciplinary Insights.