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Nous ne paierons pas !

Numéro 2 - 2017 par Anathème

mars 2017

Nous ne paie­rons pas ! Nous vivons des temps trou­blés, ce n’est rien de le dire. Ce n’est pas tant que le monde soit à feu et à sang, le pauvre, il en a l’habitude ; c’est plu­tôt que nos consciences sont trou­blées. Enfin, les vôtres. En effet, sous l’effet de l’idéalisme bêlant des gau­chistes, l’homme occi­den­tal est pris de […]

Billet d’humeur

Nous ne paie­rons pas ! Nous vivons des temps trou­blés, ce n’est rien de le dire. Ce n’est pas tant que le monde soit à feu et à sang, le pauvre, il en a l’habitude ; c’est plu­tôt que nos consciences sont trou­blées. Enfin, les vôtres.

En effet, sous l’effet de l’idéalisme bêlant des gau­chistes, l’homme occi­den­tal est pris de remords pour le pas­sé et de craintes pour l’avenir. Nous aurions dura­ble­ment désta­bi­li­sé le Proche et le Moyen-Orient, pour­voyeurs du ter­ro­risme de demain ; nous aurions creu­sé notre tombe cli­ma­tique ; nous joui­rions du monde assis sur le cadavre de la bio­di­ver­si­té ; nous mul­ti­plie­rions les exclus, pré­pa­rant ain­si les guerres civiles du futur ; en un mot nous serions à la veille de devoir rendre des comptes de notre emprise sur le monde, à la veille de nous voir pré­sen­ter une addi­tion pour le moins salée.

Bille­ve­sées !

Comme tou­jours face aux esprits cha­grins et aux pro­phètes de la fin des temps, il faut gar­der la tête froide et se ras­su­rer en contem­plant notre glo­rieux pas­sé. Avons-nous jamais payé pour ce que nous avons com­mis ? Jamais !

Le géno­cide des Indiens des Amé­riques, par exemple — une des pires pages de l’histoire de l’humanité — fut une opé­ra­tion fort ren­table. Ces mil­lions de morts, les exac­tions sans nom et les vols de terres et de richesses ont dura­ble­ment assis notre domi­na­tion mon­diale. Les Indiens pen­saient que nous man­gions de l’or tant nous en vou­lions… ils étaient en des­sous de la réa­li­té : lorsqu’on mange, on finit par être rassasié.

La traite négrière qui s’ensuivit nous per­mit de valo­ri­ser à notre pro­fit les terres nou­vel­le­ment conquises et de déstruc­tu­rer dura­ble­ment une large part de l’Afrique. Il ne res­tait plus qu’à colo­ni­ser cette der­nière, une ter­ra nul­lius où nous pour­rions faire main basse sur le caou­tchouc, les mine­rais ou le bois. Tout fit farine au mou­lin pour enri­chir la métro­pole, comme lorsque, ayant besoin de thé, de soie et d’ambre, nous fîmes notre mar­ché en Asie.

Certes, nous nous sommes fait bou­ter hors des colo­nies…, mais avons-nous pour autant payé le juste prix de nos réqui­si­tions et de nos mas­sacres ? Bien sûr que non. Nous avons au contraire conti­nué de nous ser­vir. N’est-il pas du reste encore plus confor­table de conti­nuer à gérer les mines d’or ou de dia­mant sans pour autant devoir pré­tendre appor­ter la civi­li­sa­tion et le bien-être ?

Bien sûr, nos pays aus­si furent déchi­rés par des guerres atroces. Les morts furent innom­brables, mais ils furent pauvres, la plu­part du temps. De même manière, la misère s’abattit atro­ce­ment sur la popu­la­tion labo­rieuse tout au long de l’industrialisation de l’Occident. Qu’importe ? Ce ne furent pas nos aïeux qui mou­rurent de sili­cose, mais des hordes de crève-la-faim dont il importe peu de savoir d’où elles sortaient.

Fina­le­ment, jamais nous n’avons réel­le­ment dû rendre des comptes. La bour­geoi­sie a‑t-elle dû rem­bour­ser aux des­cen­dants des pro­lé­taires, des colo­ni­sés, des spo­liés, les for­tunes dont elle vit aujourd’hui encore ? La trans­mis­sion des patri­moines est assu­rée, pas celle des dettes. Les misé­reux d’aujourd’hui sont les arrière-petits-enfants de ceux qu’exploitaient jusqu’à la mort nos arrière-grands-parents. Tout est pour le mieux.

Qui donc, face à l’histoire, peut encore pré­tendre que nous creu­sons notre tombe ? Point d’inquiétude : c’est une constante his­to­rique que de ne pas payer pour ses crimes quand on est du côté du manche. Si l’on sait évi­ter la vul­ga­ri­té des sou­dards et des dic­ta­teurs psy­cho­pathes, on a même droit aux hon­neurs des manuels d’histoire, d’une sta­tue dans un square ou d’une ave­nue cos­sue bor­dée d’arbres. Nous ne paye­rons pas la note. Jamais ! L’alarmisme des bobos-Bisou­nours n’a pas plus de fon­de­ment ration­nel que les élu­cu­bra­tions boud­dhistes sur le karma !

Quelques cen­taines de morts chez nous pour des mil­lions en Orient ? Le désa­gré­ment d’un cli­mat légè­re­ment per­tur­bé lorsque des misé­reux per­dront tout dans les désordres cli­ma­tiques qui s’annoncent ? La raré­fac­tion des ani­maux visibles lors de nos safa­ris afri­cains face à la dis­pa­ri­tion de res­sources vitales pour les popu­la­tions pauvres ? Recon­nais­sons-le, la mise à sac du monde nous est lar­ge­ment favo­rable : elle a pour nous quelques désa­gré­ments et d’immenses avan­tages. Au nom de quoi nous arrê­te­rions-nous ? Remer­cions donc nos diri­geants vision­naires qui l’ont com­pris et nous pro­posent de ne rien changer.

Remer­cions les Trump, Fillon, Michel ou May qui savent que notre sys­tème est idéal. Pour nous.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.