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Malabar Blues

Numéro 8 Août 2014 par Bernard De Backer

août 2014

« On pour­rait tout aus­si bien avan­cer que tout avait com­men­cé des mil­liers d’an­nées plus tôt. Bien avant l’ar­ri­vée des mar­xistes. Bien avant la prise de Mala­bar par les Bri­tan­niques ou le pro­tec­to­rat hol­lan­dais, bien avant l’ar­ri­vée de Vas­co de Gama, bien avant la conquête de Cali­cut par Zamo­rin. Avant que trois évêques de l’É­glise de […]

Italique

« On pour­rait tout aus­si bien avan­cer que tout avait com­men­cé des mil­liers d’an­nées plus tôt. Bien avant l’ar­ri­vée des mar­xistes. Bien avant la prise de Mala­bar par les Bri­tan­niques ou le pro­tec­to­rat hol­lan­dais, bien avant l’ar­ri­vée de Vas­co de Gama, bien avant la conquête de Cali­cut par Zamo­rin. Avant que trois évêques de l’É­glise de Syrie en robe de pourpre soient assas­si­nés par les Por­tu­gais et que leurs corps soient retrou­vés flot­tant sur les vagues, la poi­trine cou­verte de ser­pents de mer, leurs barbes emmê­lées ser­ties d’huitres. On pour­rait aller jus­qu’à dire que tout avait com­men­cé bien avant que le chris­tia­nisme débarque de son bateau et se dif­fuse au Kera­la comme le thé en sachet. Que tout avait com­men­cé à l’é­poque où furent décré­tées les Lois sur l’A­mour. Les lois qui déci­daient qui devait être aimé, et com­ment. Et jus­qu’à quel point. »

Arund­ha­ti Roy, Le Dieu des Petits Riens

Photo: Bernard Debacker
Pho­to : Ber­nard Debacker
pho­to : Ber­nard De Backer

L’es­ca­lier de métal est soli­de­ment piton­né dans les flancs d’un immense bloc de gra­nit poli par des mous­sons mil­lé­naires, arron­di et gri­sâtre comme la momie d’un pachy­derme. Les marches vibrent sous la pres­sion de groupes bruyants qui montent et des­cendent, maillons d’une chaine humaine pivo­tant autour d’un axe invi­sible, blot­ti au cœur d’une caverne située là-haut, sous la roche. Par­fois, les coups de sif­flet d’un gar­dien ponc­tuent ses aver­tis­se­ments, éruc­tés d’une voix ner­veuse rare­ment sui­vis d’ef­fets. L’ex­ci­ta­tion de la foule, gri­sée par son mou­ve­ment gira­toire et la pers­pec­tive d’une plon­gée dans la grotte ances­trale, semble deve­nue un des objec­tifs prin­ci­paux de l’as­cen­sion, com­men­cée quelques kilo­mètres plus bas, au bout d’une route écra­sée de lumière.

Lors­qu’un des maillons humains s’ar­rête et contemple le vide, face à la falaise et à son esca­lier, il peut aper­ce­voir un pay­sage mon­ta­gneux de cultures et de forêts tro­pi­cales qui s’é­tend vers le Kar­na­ta­ka ou le Tamil Nadu, d’où émergent des pains de sucre ser­tis par les arbres. Coco­tiers aux palmes den­te­lées comme des peignes, bana­niers tendres et volon­taires, man­guiers touf­fus, lianes de poi­vriers fran­gées de grappes, caféiers en sous-bois, nappes de théiers pique­tés d’arbres pour fixer les sols, plants de car­da­mone en éven­tail, arbustes de tapio­ca sem­blables à des trèfles géants, jaquiers aux appen­dices tes­ti­cu­laires énormes, ran­gées d’hé­véas striés de veines blanches, bam­bous géants… De temps à autre, au creux des cuvettes, des champs de riz se découpent en damiers, avec leurs bœufs flan­qués d’oi­seaux blancs. Le micro­cosme du Waya­nad, que l’on atteint par une route en épingles à che­veux venant de Cali­cut, bor­dée de pan­neaux publi­ci­taires géants et de para­pets où gam­badent d’im­pas­sibles macaques sur­gis de la jungle, se situe aux envi­rons de mille mètres d’al­ti­tude, entou­rés de som­mets qui le sur­plombent de la même hau­teur. La caverne, atti­rant la chaine de four­mis humaines comme du miel, abrite les reli­quats d’une pré­sence archaïque sur ce pla­teau luxu­riant, long­temps iso­lé de la côte de Mala­bar par la forêt.

Après un der­nier res­saut ver­ti­cal, dure­ment atteint dans la bous­cu­lade tor­ride, le par­cours devient plane et oblique vers la droite, puis s’en­gouffre entre deux pans de rochers ver­ti­gi­neux. La foule espiègle pénètre dans la cavi­té dans un cré­pi­te­ment de rires, de babils, de flashs et de son­ne­ries télé­pho­niques. Les aver­tis­se­ments mar­te­lés tout au long du che­min, affi­chés sur des troncs ou des pans de roche, inter­di­sant de pho­to­gra­phier et impo­sant le « silence le plus total » dans la grotte, ne sont res­pec­tés par per­sonne. La caverne est un espace pyra­mi­dal for­mé par les deux rochers déclives qui n’ont guère bou­gé depuis des mil­liers d’an­nées. Dans une lumière bla­farde, on devine, au bas de falaises, d’é­tranges des­sins qui res­semblent à des tatouages épais, comme sca­ri­fiés dans la peau du pachy­derme. Striures ver­ti­cales ou obliques, brunes et gru­me­leuses devant les­quelles cha­cun tente de dis­cer­ner des formes fami­lières : hommes levant les bras au ciel, ani­maux sty­li­sés, feux ou rivières, sor­ciers… Bien avant que les Dra­vi­diens ne peuplent l’Inde du sud, pro­ba­ble­ment en pro­ve­nance de la val­lée de l’In­dus, que des Indo-Euro­péens ne les suivent après avoir fran­chi la passe de Khy­ber, des popu­la­tions s’é­taient éta­blies dans ces mon­tagnes. Ce sont les ancêtres des « tri­bus » abo­ri­gènes ; les Adi­va­sis (« rési­dents d’o­ri­gine ») ou « sche­du­led tribes », comme dit l’ad­mi­nis­tra­tion indienne1 ; qui vivent dans les Ghats occi­den­taux, bor­dant le pla­teau du Dec­can sur deux-mille kilomètres.

Dans la petite gar­gote du vil­lage, où nous lam­pons un thé lai­teux, on croise des abo­ri­gènes venus regar­der les vidéos du chai-wal­lah2. Ils sont petits, de peau fon­cée, les yeux rou­gis, et paraissent impas­sibles. Ils pré­fèrent Bol­ly­wood aux fresques de leurs ancêtres. Les visi­teurs qui arpen­taient les échelles de la caverne venaient de Ban­ga­lore, Cali­cut ou Mysore. Cer­tains ont ache­té des ter­rains et construit des mai­sons au Waya­nad, havre de frai­cheur pen­dant les mois tor­rides d’a­vant mous­son. De nom­breuses terres sont à vendre, les pay­sans s’é­tant endet­tés lorsque le café ne valait plus grand-chose après la libé­ra­li­sa­tion du mar­ché indien. Des cen­taines de fer­miers se seraient sui­ci­dés en ava­lant des engrais chi­miques dans les années 1990. L’on croise pour­tant nombre de voi­tures sur les routes de cam­pagne. Quelques Nano Tata, sym­bole du « Shi­ning India », mais sur­tout des voi­tures coréennes et japo­naises qui sortent de mai­sons colo­rées, gar­nies d’é­toiles en car­ton pour Noël. Des bâches cou­vertes de café ou de poivre sèchent devant les garages. Cette maigre récolte suf­fit-elle à ache­ter des voi­tures neuves ? Un membre de la famille, ayant confié son sort à quelque entre­pre­neur des émi­rats, doit sans doute ser­vir de cau­tion aux banques ou four­nir des res­sources plus pal­pables, lorsque la Wes­tern Union crache des billets. Un soir, nous ren­con­trons les parents de notre hôtesse, de vieux pay­sans vivant dans une petite mai­son voi­sine, sous les arbres. Le père, un sexa­gé­naire souf­frant d’asthme, nous offre un regard lumi­neux, exta­tique et trou­blant. Nous nous sou­rions en silence.

God’s Own Country

À l’une des extré­mi­tés du ter­ri­toire vil­la­geois se dresse une église jaco­bite3 rele­vant du patriar­cat d’An­tioche, blanche et orange avec un pignon for­mé de trois pyra­mides. Elle est flan­quée d’une école, comme c’est sou­vent le cas ici. De l’autre côté, à quelques kilo­mètres, se trouve une seconde église, dis­si­dente auto­cé­phale, der­rière sa crèche de Noël et ses arbres cou­verts de ouate pour simu­ler la neige. Le soir, des pay­sans portent un passe-mon­tagne, alors que nous sommes en bras de che­mise. Le 23 décembre, à la tom­bée de la nuit, ils vont de mai­son en mai­son, chantent des « Christ­mas Karol » en com­pa­gnie d’un père Noël qui res­semble à un macaque avec bar­biche et bon­net rouge. Dans l’é­glise jaco­bite, la messe du len­de­main est somp­tueuse, emme­née par un pope bar­bu à la voix sonore, coif­fé d’une mitre à ruban. Des ran­gées bruis­santes de saris étin­ce­lants, aux pieds des­quels reposent des enfants assou­pis, gar­nissent les rangs de droite ; des hommes dres­sés occupent ceux de gauche. Des chants, accom­pa­gnés d’un har­mo­nium et de tabla, emplissent l’é­glise de leurs ondes majes­tueuses, alors qu’un rideau vert, ponc­tué d’é­toiles, est tiré d’un bout à ‘autre, voi­lant et dévoi­lant les offi­ciants comme dans les spec­tacles de katha­ka­li4. À la fin de la célé­bra­tion, on dévore des cakes en buvant du café du Waya­nad. Une danse éclate au milieu de pétards et tam­bou­rins. Le pope, frais comme un gar­don, vient saluer les fidèles et ava­ler son cake.

Situé entre les deux églises, un petit temple est dédié à Shi­va. Des femmes y psal­mo­dient dans la pénombre, sur les bords d’un cou­loir face à l’é­troite ouver­ture qui donne accès à une divi­ni­té noi­raude aux yeux brillants, cou­verte de fleurs, et éclai­rée par des lampes à huile. À quelques kilo­mètres de là, une mos­quée domine les plan­ta­tions de thé et appelle bruyam­ment les fidèles à la prière ; un peu plus loin, des slo­gans mar­xistes (PCI‑M)5 couvrent les murets de la plan­ta­tion, près du vil­lage des cueilleuses de thé. Lors d’une ran­don­née condui­sant à un mono­lithe sacré, per­ché sur la crête domi­nant le vil­lage, notre jeune guide nous confie­ra tout à trac, après avoir cou­pé son por­table, qu’il a accès à des « secrets cachés » de la Bible : le Christ est reve­nu sous un autre nom, et ceux qui le recon­naissent seront sau­vés avant l’A­po­ca­lypse. Il est membre de la « Church of Light ».

Même dans ce dis­trict recu­lé du Kera­la ; « God’s Own Coun­try » comme le pro­clame le minis­tère du Tou­risme ; les divi­ni­tés et leurs cultes sont au grand com­plet, ou presque, à quelques kilo­mètres de dis­tance. Cette pré­sence enva­his­sante du reli­gieux, avec une varié­té que l’on ne ren­contre que dans peu de régions indiennes, com­pose la « brillance » du Kera­la. Mais sous cette gemme mul­ti­co­lore du sacré se cachent des com­mu­nau­tés et des castes endo­games, dont les cli­vages se repro­duisent en dehors de l’hin­douisme. Que ce soit au sein de l’is­lam, des églises chré­tiennes, du néo-boud­dhisme auquel ont adhé­ré nombre d’in­tou­chables, des Juifs de Kochin « cas­téi­fiés », sans oublier les par­tis com­mu­nistes diri­gés par des brah­manes. Des ver­sions indi­vi­dua­li­santes et glo­ba­li­santes, expri­mant le suc sup­po­sé com­mun de toutes ces reli­gions, existent pour les tou­ristes en quête de sen­ti­ment océa­nique, asso­ciées par­fois à une cure ayur­vé­dique dans un spa pro­té­gé par des cerbères.

Dans les filets de Kochin

Deux semaines plus tôt, mille mètres plus bas et à deux-cents kilo­mètres de tor­tillard sur­chauf­fé au sud — à Fort Kochin au bord de la mer d’A­ra­bie — un maitre de yoga qua­dra­gé­naire au sou­rire écla­tant, por­tant robe safran et che­veux ras, m’avait reçu quelques heures après mon arri­vée soli­taire en Inde. Nous étions dans sa belle mai­son, par­ta­gée avec sa femme fran­çaise. Il me trouble par le contraste entre la séré­ni­té éma­nant de sa per­sonne et ses pro­pos conve­nus sur l’A­mour uni­ver­sel ou la confluence des reli­gions, accom­pa­gnés d’une pra­tique de « hug­ging » (embras­sade) qu’af­fec­tionnent cer­tains gurus indiens. La nuit blanche dans l’a­vion, une escale stres­sante à Doha, le déca­lage horaire, le choc ther­mique, sonore et cultu­rel, ont ren­du la pâte un peu molle. Quelques jours plus tard, accli­ma­té à la cha­leur et ayant retrou­vé des repères par de longues ran­don­nées dans la ville, je l’in­ter­roge sur ses impres­sions d’Eu­rope. Il me raconte le choc de son arri­vée en France : froi­deur du cli­mat et des rela­tions humaines, sèche­resse de l’air, étran­ge­té des codes sociaux, bizar­re­ries de la nour­ri­ture et des cou­verts de métal, impos­si­bi­li­té de suivre les conver­sa­tions lors d’in­ter­mi­nables repas… Il ne put res­ter, et le couple par­tage doré­na­vant sa vie entre les deux pays. Mais ce déca­lage fut d’une telle inten­si­té6 qu’il lui fit accom­plir une sorte de « tra­ver­sée des appa­rences » qui le mit à dis­tance de sa matrice cultu­relle d’o­ri­gine et fut, me dit-il, à la base de sa voca­tion spirituelle.

Une visite de la conur­ba­tion de Kochin-Erna­ku­lam, la plus peu­plée du Kera­la, est une bonne leçon de géo­gra­phie humaine. À l’ex­trême nord de la pénin­sule de Kochin, sépa­rée de la ville moderne d’Er­na­ku­lam par un bras de mer inté­rieur, il y a Fort Kochin, reli­quat d’une ancienne ville for­ti­fiée por­tu­gaise, puis hol­lan­daise. Il reste peu de choses de la bour­gade colo­niale, hor­mis une église por­tu­gaise du XVIe siècle (où fut enter­ré Vas­co de Gama), un « Dutch ceme­te­ry » et quelques ruelles à tou­ristes, avec de vieilles mai­sons trans­for­mées en « heri­tage hotel ». C’est là que se pro­mènent les Occi­den­taux en sueur fei­gnant par­fois de s’i­gno­rer, har­na­chés d’un sac à dos et une bou­teille d’eau à la main, har­ce­lés par des mar­chands et des rick­shaw-wal­lah. Il suf­fit de mar­cher cent mètres et gagner le front de mer bor­dant la Mahat­ma Gand­hi Beach, une plage constel­lée de déchets fai­sant face à des dépôts de gaz, pour ne plus voir de tou­ristes « blancs », mais bien des familles indiennes se pho­to­gra­phiant devant les fameux filets de pêche, peut-être venus avec l’a­mi­ral Zheng He.

On ren­contre encore des groupes d’Oc­ci­den­taux autour de la der­nière syna­gogue en acti­vi­té de la ville (il reste huit Juifs « blancs7 » ou Par­de­sis à Kochin, les autres ayant émi­gré), dans le quar­tier de Mat­tan­cher­ry, enva­hi par les anti­quaires. Ce soir-là, la ven­deuse de billets est la plus jeune Juive de Kochin ; je la vois ren­trer pré­ci­pi­tam­ment chez elle, la mine ren­fro­gnée après une jour­née pas­sée à esqui­ver les ques­tions et les pho­to­graphes. La nuit tombe sur la syna­gogue, et je décide de rega­gner Fort-Kochin à pied, par Palace road, une rue qui tra­verse une bonne par­tie de la ville, en par­tant du « Dutch palace » (construit pour le raja de Kochin). La cha­leur est acca­blante, le bruit assour­dis­sant et la cir­cu­la­tion ter­ri­fiante. Aucun tou­riste en vue dans ces parages qui tra­versent la ville hin­doue, avec son quar­tier guja­ra­ti et son temple jaïn, puis la ville musul­mane, ses voiles et ses mos­quées. Je reprends des forces et un coup de frai­cheur au Sri Kri­sh­na Café, une can­tine pour hin­douistes, dépouillée mais gou­teuse. On y mange des tha­lis avec chap­pat­tis ou des masa­la dosa, four­rés de légumes et cra­quantes à sou­hait, pour qua­rante rou­pies. J’ob­serve le gros patron mous­ta­chu, per­ché sur son comp­toir sur­éle­vé, qui compte inlas­sa­ble­ment ses billets avant d’y ajou­ter les miens.

Il fait nuit noire sur Palace road, dépour­vue de trot­toirs. Il faut esqui­ver la nuée de rick­shaws, voi­tures, cyclistes et pié­tons avant d’o­bli­quer vers un vaste temple hin­dou. Des cen­taines de lampes à huile vacillent dans le noir, des fidèles dra­pés de coton pénètrent au son du tam­bour et des pétards dans les enceintes sacrées qui me sont inter­dites. Mys­tère de cette sacra­li­té sen­suelle et envou­tante, de ces rites dio­ny­siaques qui ont fait tour­ner la tête à plus d’un voya­geur. Comme l’af­firme un psy­cho­logue indien, « il y a pro­fon­dé­ment en tout hin­dou, une image du monde où dominent le thème de la fusion en l’ab­so­lu et le désir de fuite vers une divi­ni­té à la fois accueillante et ter­rible, mater­nelle8 ». Le quar­tier sui­vant, dédié à Allah, semble plus ordon­né avec sa ver­ti­ca­li­té mono­théiste à laquelle Bou­vier s’é­tait accro­ché à Cey­lan, par l’en­tre­mise d’une épi­cière musul­mane qui, elle au moins, ne ver­sait pas dans la magie. Quant aux habi­tants de Fort Kochin, ils sont chré­tiens. Dans ma chambre que je viens de rega­gner, au rez-de-chaus­sée d’un minus­cule « homes­tay », une image sul­pi­cienne de la Vierge orne le mur au-des­sus de l’hor­loge. J’en­tends le mur­mure des neu­vaines, réci­tées à genoux avant le repas.

Pêcheurs et martyrs

Le duo de voya­geurs recons­ti­tué, nous avions à décou­vrir un bout de lagune (ou « back­wa­ter »), une plage et un arpent de cam­pagne avec rivière et temples, après les ver­tiges boi­sés du Waya­nad et la mar­que­te­rie socio­re­li­gieuse de Kochin. Le voyage est orga­ni­sé par une asso­cia­tion locale de tou­risme équi­table, sous forme d’un cha­pe­let de séjours de deux à sept nui­tées dans des familles indiennes. Elles étaient, à une excep­tion près, modestes et offraient un confort som­maire, la petite salle d’eau joux­tant la chambre for­mant une seule pièce avec la toi­lette, inon­dée à chaque douche. La pra­tique du « homes­tay » per­met d’ap­pro­cher les réa­li­tés fami­liales, mais peut deve­nir une source de ten­sions ou de mal­en­ten­dus, le déca­lage cultu­rel s’a­jou­tant à l’ar­ti­cu­la­tion para­doxale de l’hos­pi­ta­li­té tra­di­tion­nelle et des échanges mar­chands. Nous sommes sou­vent immer­gés dans le brou­ha­ha de la vie de famille — seule une fine cloi­son nous en sépare — avec laquelle nous par­ta­geons des repas, sur­veillés avec plus ou moins d’au­to­ri­té bien­veillante. Il n’est pas facile de man­ger, assis sous le regard de nos hôtes debout à côté de la table, et de répondre aux inter­ro­ga­tions sur la qua­li­té de la nour­ri­ture qui nous est ser­vie : « What do you think about the food ? Do you real­ly like it ? Is the cur­ry not too hot ? Do you want more pickles ? No ? You don’t like them ? » Les repas sont exquis, mais par­fois éprou­vants, d’au­tant que la jour­née a déjà connu son lot de ques­tions indis­crètes dont les Indiens raf­folent. Il serait cruel d’y échap­per par un haus­se­ment d’é­paules, la plu­part d’entre elles étant posées par des enfants ado­rables qui gloussent en filant sur leur bécane. La ques­tion épi­neuse des pour­boires dans des séjours « all inclu­ded » peut être emba­ras­sante, sur­tout lorsque le guide, qui vous a accom­pa­gné toute la jour­née, reste obs­ti­né­ment debout à côté de vous lors du repas du soir, vous pétri­fiant en sta­tue de sahib avec sa memsahib.

Le long de la mer d’A­ra­bie et de ses ran­gées de coco­tiers pen­chés, nous décou­vrons la misère noire des pêcheurs en mar­chant sous les arbres vers une petite ville située le long de la côte. La bour­gade est célèbre pour sa basi­lique, éri­gée en l’hon­neur d’une sta­tue de saint Sébas­tien, offerte par des jésuites ita­liens au XVIIe siècle. Le corps exta­tique du mar­tyr, cam­bré sur sa croix et cri­blé de flèches, est exhi­bé dans de nom­breuses églises du voi­si­nage. La basi­lique de pierre grise qui lui est dédiée, recons­truite au XIXe siècle, est un haut lieu de pèle­ri­nage (on marche à genoux de l’é­glise jus­qu’à la mer). Elle abrite une éton­nante crèche, toute vibrante de ses paillettes dorées et argen­tées sous l’air pul­sé d’un ven­ti­la­teur. Un père Noël à tête de macaque, comme au Waya­nad, s’y balance au vent. Les pêcheurs vivent dans de petits gour­bis de béton, voire des huttes cou­vertes de plas­tique bleu. Ayant rang d’in­tou­chables, l’ac­cès aux temples et aux écoles leur était inter­dit jusque dans les années 1930. Ils étaient à la mer­ci des usu­riers et ven­daient leurs pois­sons à des inter­mé­diaires qui encais­saient le plus gros du pro­fit. Un mou­ve­ment social, emme­né par le PCI‑M et des prêtres proches de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion, leur a fait gagner quelques droits, mais le déve­lop­pe­ment du cha­lu­tage dans les années 1980 a réduit dra­ma­ti­que­ment leur part de mar­ché. À côté de notre petite cahute, située en retrait, cer­tains d’entre eux vendent leurs pois­sons à la criée. Plu­sieurs souffrent d’é­lé­phan­tia­sis. Leurs jambes, épaisses comme des troncs d’arbre, se découpent sur la car­ros­se­rie de quatre fois quatre cli­ma­ti­sées qui emmènent leurs tou­ristes au Sym­pho­ny Beach, un « tou­rist resort » créé par un couple de Belges. C’est un camp retran­ché où belles naïades et jeunes bron­zés feront la fête, jusque tard dans la nuit du 31 décembre, dans un décor de paillotes recons­ti­tuant un Kera­la de paco­tille. Le len­de­main matin, leur plage sera constel­lée d’é­trons humains.

Pèlerins noirs

Le chauf­feur de l’as­so­cia­tion, un homme d’une sep­tan­taine d’an­nées, mar­chant dif­fi­ci­le­ment à la suite d’une mau­vaise chute, est venu nous cher­cher avec sa belle Ambas­sa­dor blanche. Nous nous ren­dons chez l’une de ses amies qui pos­sède une mai­son à Aran­mu­la, un bourg hin­douiste au bord de fleuve Pam­pa, célèbre pour ses courses de « bateaux-ser­pent », ses miroirs en métal et ses temples. La route est longue, ce qui per­met de contem­pler le pays : rizières inon­dées, mai­sons de béton colo­ré, pal­miers à pro­fu­sion, églises et temples, câbles élec­triques, ordures en feu, voi­tures et camions… La cir­cu­la­tion est dense, sur­tout les tra­ver­sées de villes, inter­mi­nables et apo­ca­lyp­tiques ; les poli­ciers aux car­re­fours portent un masque res­pi­ra­toire. Nous arri­vons enfin à des­ti­na­tion, un bazar au croi­se­ment de deux routes. La voi­ture emprunte une ruelle et pénètre dans une demeure au cœur d’un jar­din ombra­gé. La pro­prié­taire, une jeune retrai­tée qui fut pro­fes­seure d’an­glais, appar­tient à une haute caste et pos­sède deux mai­sons avec son mari. Celle où nous logeons est construite autour d’un grand atrium cen­tral qui s’é­lève du sous-sol au pla­fond sur deux étages, bor­dées de ter­rasses inté­rieures gar­nies de plantes, de chaises longues, de bancs et de cous­sins. Notre chambre, quoique simple, appa­rait d’un confort inouï au regard de celles qui l’ont pré­cé­dée dans ce voyage.

Bou­dant les manu­fac­tures de miroirs qui font la renom­mée du lieu, nous déni­chons le chaï-wal­lah du temple hin­dou, dont la cabane est située en contre­bas du sanc­tuaire. C’est un homme ombra­geux au regard sévère, dra­pé d’un pagne oran­gé et por­tant un grand col­lier sur son torse poi­lu. Il s’af­faire devant un feu de bois cré­pi­tant, puis trans­vase l’eau qu’il vient de bouillir dans une grande théière, avant de faire cou­ler des flots de thé lai­teux d’un réci­pient à l’autre, for­mant un arc de cercle liquide devant nos yeux éba­his. Puis, d’au­to­ri­té, il pose deux bananes frites sur notre bout de table avant de dépo­ser les verres de thé d’un coup sec. On ne dira jamais assez com­bien les chaï-wal­lah et leurs caba­nons sont un des lieux les plus inté­res­sants en Inde, loin devant le Taj Mahal ou le Palais des vents. Bien à l’a­bri du soleil et assis devant un coin de table, on y passe des heures à siro­ter son thé, gri­gno­ter bananes ou bis­cuits. Les gens vont et viennent, font un brin de cau­sette. D’autres passent à pied ou à vélo, des enfants reviennent de l’é­cole, des sâd­hus marchent l’air absent.

Nos nou­veaux voi­sins du caba­non sont noirs et brillants comme de l’é­bène, portent un dho­ti sombre et le front orné d’un signe crème. Ils viennent du Tamil Nadu et par­ti­cipent au grand pèle­ri­nage du Kera­la, dont le temple consti­tue une étape. La divi­ni­té au centre de ce remue-ménage est Ayap­pa, une créa­ture issue des amours de Shi­va et Mohi­ni, capable de mobi­li­ser des mil­lions de dévots (on parle de cin­quante mil­lions chaque année) pour un des plus grands pèle­ri­nages au monde qui mène à son sanc­tuaire niché dans les mon­tagnes. On y va par­fois à pied, mais sur­tout en bus et dans des voi­tures bario­lées, la marche étant réser­vée aux der­niers kilo­mètres. Tout cela ne va pas sans risques ; une cin­quan­taine de pèle­rins sont morts en 1999, à la suite de l’é­crou­le­ment d’un pan de mon­tagne, mal­gré le man­tra « Swa­miye Sha­ra­nam Ayap­pa » (« Je cherche refuge en toi, Sei­gneur Ayap­pa ») psal­mo­dié par les adeptes. Nos voi­sins parlent à peine l’an­glais, mais un homme du groupe fait la liai­son, ce qui nous per­met de papo­ter. Conver­sa­tion qui nous aide à retrou­ver nos marques : l’at­mo­sphère de cette cam­pagne hin­douiste paraît en effet très dif­fé­rente de celle des vil­lages chré­tiens, les sou­rires sont plus rares, l’in­dif­fé­rence plus fré­quente, et l’on croit per­ce­voir un grain d’hostilité.

Avant notre départ, notre hôtesse sou­haite nous mon­trer son pota­ger, culti­vé par un de ses neveux, vêtu d’o­range tel un swa­mi des légumes-racines. Son mari, qui a tra­vaillé dans la marine, « adore les légumes », ce qui explique la varié­té des cultures. On s’ex­ta­sie devant des ran­gées de tapio­cas et cucur­bi­ta­cées tara­bis­co­tés, pro­té­gés par des sacs de papier jour­nal cou­vert d’é­cri­ture en belle ronde malaya­lam. Une femme appa­rait devant la mai­son voi­sine, une dame au teint pâle, por­tant de larges lunettes bor­deaux posées sur un visage étrange, qui rap­pelle les brah­manes du Nord. « C’est comme ma seconde mère, nous dit l’hô­tesse en sou­riant. Lorsque j’ai un sou­ci, c’est à elle que je confie mon cœur. » La femme opine en dode­li­nant de la tête. Der­rière elle, à dis­tance, une ser­vante petite et noire, sou­rit légè­re­ment. Plus loin encore, une troi­sième femme, très noire et les che­veux cré­pus, demeure impas­sible, son balai à la main9.

Nocturne indien

La tra­ver­sée en pleine nuit d’Er­na­ku­lam, vers l’aé­ro­port situé à trente kilo­mètres, est une expé­rience forte. On quitte Fort Kochin à minuit, et le tra­jet prend deux bonnes heures. L’a­vion pour Doha s’en­vole à l’aube, mais l’on n’est jamais assez pru­dent avec les fonc­tion­naires d’Inde du sud et les embar­ras de cir­cu­la­tion. Il y a d’a­bord la tra­ver­sée de Kochin, puis le pas­sage du pont qui mène à Willing­don, une ile construite par les Bri­tan­niques. Notre ami à l’Am­bas­sa­dor, dont le bras ne tient plus trop bien le volant, tend son ticket aux gar­diens, pro­té­gés par des masques res­pi­ra­toires. Erna­ku­lam se pro­file au bout d’un second via­duc qui tra­verse des lagunes moi­rées par la lune. La ville est plus calme que le jour, mais l’é­clai­rage irré­gu­lier la rend plus inquié­tante. Des ombres sur­gissent des mai­sons, des déchets embra­sés se consument sur les bas-côtés, des poli­ciers nous intiment par­fois de chan­ger de route. Le chaos urbain paraît plus effroyable la nuit, on voyage dans une pou­belle à ciel ouvert, et cer­tains buil­dings semblent au bord de l’ef­fon­dre­ment. Nous attei­gnons les tra­vaux du métro aérien d’Er­na­ku­lam, un chan­tier qui se pour­suit jour et nuit, pro­je­tant des jets d’é­tin­celles autour de car­casses métal­liques. La route est défon­cée, le pas­sage sans cesse entra­vé par des tra­vaux et des camions. On croise le LuLu Inter­na­tio­nal Shop­ping Mall, un centre com­mer­cial qui fait cent-soixante-mille mètres car­rés, source d’embouteillages mons­trueux. Pal­miers ava­chis, che­naux sau­mâtres, masures chao­tiques et déchets s’en­tassent tout autour de cet ilot de prospérité.

Tout à coup, notre chauf­feur range sa voi­ture devant un petit bâti­ment. À tra­vers le pare-brise, en des­sous duquel trône une figu­rine de la Vierge de Lourdes, nous le voyons mar­cher péni­ble­ment vers l’é­di­fice qui res­semble à un juke-box, une struc­ture de verre au-des­sus de fentes creu­sées dans le béton. Après y avoir glis­sé de l’argent, il s’in­cline et mur­mure une prière. Au-des­sus de lui, une sta­tue de saint Georges se dresse dans la lumière cli­gno­tante et colo­rée. L’homme en prière, qui nous est deve­nu proche au fil des jours, vit dans un des quar­tiers chré­tiens pauvres de Kochin. Sans retraite, il est contraint de tra­vailler mal­gré âge et han­di­cap, ce qui en fait sans doute l’un des conduc­teurs les plus pru­dents du Kera­la. Comme le couple d’hôtes qui nous a héber­gés au Waya­nad, il n’a pas de des­cen­dance, ce qui est très mal vécu en Inde10. Les « lois sur l’A­mour » (il s’a­git des lois de Manou)11 qu’é­voque Arund­ha­ti Roy dans son roman — dont l’é­pi­centre est une rela­tion char­nelle avec un intou­chable, sui­vie de son tabas­sage à mort — sont sans doute par­mi les plus anciennes et les plus tenaces qui struc­turent la socié­té indienne. Le voya­geur s’é­mer­veille du « God’s Own Coun­try » que repré­sente l’Inde, mais sou­lève moins volon­tiers le voile cha­toyant qui recouvre de plus sombres réa­li­tés, avec leurs enchai­ne­ments par­fois redoutables.

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  1. Terme dési­gnant les « tri­bus réper­to­riées » qui n’ont pas leur place dans la cos­mo­lo­gie hin­doue, tout comme les intou­chables ou « sche­du­led castes », exclues de la qua­dri­par­ti­tion du corps social en var­nas ou « états » (brah­manes, ksha­triya, vai­shya et shu­dras), eux-mêmes divi­sés en castes endo­games liées à des métiers.
  2. Lit­té­ra­le­ment : « thé-homme ». Le terme « wal­lah » désigne un homme exer­çant une pro­fes­sion de ser­vice. Le livreur de repas (le fameux « lunch­box » pré­pa­ré par la femme) est un « dab­ba-wal­lah », celui qui lave le linge un « dho­bi-wal­lah », le conduc­teur de rick­shaw à trois roues (ou « tuk-tuk ») « rick­shaw-wal­lah », etc.
  3. Le chris­tia­nisme au Kera­la, auquel adhère un cin­quième de la popu­la­tion, est d’une diver­si­té confon­dante. Des Églises de rite orien­tal y ont été fon­dées bien avant l’ar­ri­vée des Euro­péens (Vas­co de Gama débarque à Cali­cut en 1498). Le catho­li­cisme s’y ajou­ta ensuite (Por­tu­gais, Ita­liens, Fran­çais…), puis l’É­glise angli­cane bri­tan­nique et, aujourd’­hui, de nom­breux groupes pro­tes­tants (évan­gé­liques, pen­te­cô­tistes…). Arund­ha­ti Roy est issue d’une famille chré­tienne syriaque du Kera­la. Son roman se déroule entiè­re­ment dans sa région natale.
  4. Danse tra­di­tion­nelle du Kera­la, repré­sen­tant des scènes du Maha­ba­ra­ta, se dérou­lant toute une nuit.
  5. Le com­mu­nisme, moins com­plexe que le chris­tia­nisme, com­porte cepen­dant la dis­si­dence de rigueur entre les « révi­sion­nistes » (PCI) et les mar­xistes-léni­nistes (PCI‑M), proches des naxa­lites (maoïstes du Bengale).
  6. Un choc cultu­rel, à rebours de celui auquel des Euro­péens sont confron­tés en Inde, qui fait pen­ser au « syn­drome de Paris » que subissent des voya­geurs japo­nais en France. Sur le « choc indien », voir l’é­ton­nant récit d’A­lexandre Ber­ga­mi­ni, Nue India (arléa 2014), qui se déroule prin­ci­pa­le­ment au Kerala.
  7. La com­mu­nau­té juive du Kera­la, chas­sée de Cran­ga­nore par les Por­tu­gais au XVIe siècle, était « cas­téi­fiée » et se divi­sait en « Juifs noirs » (les plus anciens), « Juifs blancs » ou par­de­sis (séfa­rades arri­vés cinq-cents ans plus tard) et « Juifs mar­rons », anciens esclaves conver­tis au judaïsme. La syna­gogue de Kochin était inter­dite aux « Juifs noirs » qui avaient leur syna­gogue à Erna­ku­lam, jusque dans les années 1950.
  8. S. Kakar, cité par R. Airault dans Fous de l’Inde. Délires d’Oc­ci­den­taux et sen­ti­ment océa­nique, Payot, 2000.
  9. Les castes ne sont pas des géno­types et il n’y a pas de cor­res­pon­dance sys­té­ma­tique entre la cou­leur de la peau et le niveau de « pure­té », plus par­ti­cu­liè­re­ment dans le Sud de l’Inde. Mais force est de consta­ter que les ser­vi­teurs ont sou­vent la peau plus sombre que leurs maitres. Daya Pawaer évoque sans cesse la cou­leur de la peau comme mar­queur de la caste, dans son auto­bio­gra­phie, Ma vie d’in­tou­chable. Quant à Arund­ha­ti Roy, qui a l’es­prit de contra­dic­tion soli­de­ment ancré et un sens aigu des contrastes, elle a pré­nom­mé l’In­tou­chable « très noir » au centre de son roman « Velu­tha », ce qui signi­fie « blanc » en malayalam…
  10. Le culte du mariage, de la famille et de la pro­créa­tion dans le contexte d’une socié­té de castes, se lie à une poli­tique de cri­mi­na­li­sa­tion des rela­tions « contre nature » pour ban­nir les dif­fé­rentes formes d’ho­mo­sexua­li­té. En témoigne le main­tien, en décembre 2013, de l’ar­ticle 377 du Code pénal, rédi­gé par les Bri­tan­niques en 1860. Cet article punit d’emprisonnement les « rela­tions char­nelles contre nature ». Le roman de Roy entre­mêle la trans­gres­sion de toutes ces lois (y com­pris la rela­tion inces­tueuse des jumeaux, héros de l’his­toire), dans la mai­son aban­don­née d’un Anglais india­ni­sé et homo­sexuel, le « sahib noir », mort par sui­cide après le départ de son jeune com­pa­gnon. Le lieu du drame est sur­nom­mé « Le cœur des ténèbres », en hom­mage à Conrad.
  11. Code très ancien per­çu comme révé­lé, régis­sant l’or­ga­ni­sa­tion sociale, notam­ment les castes et les mariages.

Bernard De Backer


Auteur

sociologue et chercheur