La nature est une source inépuisable d’émerveillement et de dividendes, mais on néglige trop souvent le fait qu’elle est aussi une inspiration majeure pour nos décisions individuelles et collectives. Veut-on interdire le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels ? Il suffit de faire observer que Dame Nature, dans son infinie sagesse, nous a dotés d’appareils reproducteurs différents et complémentaires pour que nous perpétuions l’espèce. S’agit-il de priver les plus faibles de leurs moyens de (...)
La nature est une source inépuisable d’émerveillement et de dividendes, mais on néglige trop souvent le fait qu’elle est aussi une inspiration majeure pour nos décisions individuelles et collectives. Veut-on interdire le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels ? Il suffit de faire observer que Dame Nature, dans son infinie sagesse, nous a dotés d’appareils reproducteurs différents et complémentaires pour que nous perpétuions l’espèce. S’agit-il de priver les plus faibles de leurs moyens de subsistance et de justifier le déchainement incontrôlé de la concurrence ? Il suffira de rappeler que, dans la nature, le plus fort survit et s’arroge le droit de manger le plus faible.
Dans le doute, l’exemple de la nature est toujours secourable, surtout pour la droite. Or, cette droite que je chéris entre toutes montre une fois de plus la voie à suivre.
Pour le comprendre, considérons les oiseaux. Nous les voyons, pour séduire leur Dulcinée, se couvrir de plumages chamarrés, chanter à tue-tête et effectuer d’acrobatiques parades. Quelle débauche d’énergie ! Quelle prise de risque ! Dilapidant leurs forces en des gigues démentes comme les grèbes, s’empêtrant dans leurs plumes d’apparat comme le paon, se signalant aux prédateurs par leurs couleurs vives comme la frégate superbe ou par leur chant comme l’alouette des champs, perdant leur temps en invraisemblables aménagements d’une piste de parade comme les jardiniers satinés, ils hypothèquent leurs chances de survie pour trouver l’âme sœur.
Ces handicaps accroissent la pression sélective, exigeant d’eux une vigueur, une vigilance et une rapidité hors du commun. Seuls les meilleurs peuvent tout à la fois se faire entendre à des centaines de mètres, entretenir un plumage magnifique, passer leur temps à effectuer des danses nuptiales complexes, subsister et échapper à leurs prédateurs. Voilà pourquoi les plus m’as-tu-vu et les plus bruyants des oiseaux sont aussi les meilleurs de leur espèce.
Je ne cherche pas ici à aborder la parade nuptiale humaine, mais bien à traiter d’une saison des amours particulière, récemment ouverte : la parade électorale. En effet, depuis quelque temps, dans nos villes et villages, des candidats de tous bords rivalisent pour attirer le regard de l’électeur. Après avoir assidument fréquenté les fêtes scolaires du mois de mai, puis les écrans géants du Mondial de football, les voilà dans les festivals et les fêtes de l’été. Faisant la roue, tapant sur les épaules, payant des coups, roulant des yeux, rentrant le ventre, se parant des couleurs chatoyantes des Diables rouges, ils courtisent les citoyens. Mais cela ne suffit pas !
Alors, réparant un trottoir, asphaltant une rue, marquant à nouveau les lignes d’un terrain de sport, offrant des bons d’achat [1], devenant subitement écologistes, brusquement affectés par la pauvreté ou par l’insécurité, ils promettent dot, contrat de mariage et de nombreux enfants. Mais cela reste pourtant insuffisant !
Il faut marquer les esprits et son territoire, il faut prouver sa jeunesse et sa vigueur, il faut occuper les réseaux sociaux, il faut utiliser la vidéo, il faut… il faut chanter, bien sûr ! Chacun a encore en mémoire le magnifique rap entonné par Charles Michel et Moon Nassiri ou encore le réjouissant lip dub de Benoit Cerexhe. Il va falloir faire plus fort.
Cette fois, ce sont Christine Defraigne et Katty Firquet, du MR de Liège, qui prennent des devants et se lancent dans les vocalises en détournant un tube qui parle aux jeunes : Femme libérée, de Cookie Dingler. Bravant les prédateurs des autres listes, les rires et les quolibets des internautes écroulés devant leurs écrans, confiantes dans leur résilience, elles tentent de démontrer qu’elles sont les plus résistantes, les mieux à même de triompher malgré le handicap du ridicule, de paroles idiotes et de qualités vocales limitées. En faut-il du courage pour jouer ainsi son va-tout !
C’est ça, la droite : la volonté de faire triompher le meilleur, le plus apte, celui qui émergera d’une concurrence acharnée. Ce « manger ou être mangé » nous ramène à notre substrat naturel, force l’admiration et transforme la lutte électorale en un combat éternel pour la vie !
C’est décidé, aux prochaines communales, je vote pour la plus belle chanson.
[1] Comme Ludivine Dedonder (PS), échevine du Commerce de Tournai, qui présente la très élégante et très féministe campagne « Les Tournaisiennes du shopping ».
Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s’est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd’hui le regard lucide d’un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes.
Son expérience du pouvoir l’incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d’ordre dans ce monde qui va à vau-l’eau.