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Lettre de Moscou

Numéro 04 Avril 2012 - par Alexeï Levinson -

Les élections législatives de décembre 2011 et des élections présidentielles de mars 2012 resteront dans l’histoire de Russie comme une période de manifestations contre les falsifications des résultats des élections à la Douma, puis des élections présidentielles. Le pouvoir a, en effet, usé et abusé de ces pratiques. Pour une partie des citoyens, la coupe est pleine. Reste à savoir si le pouvoir entendra vraiment leurs « voix ».

À la fin du XXe et au début du XXIe siècle, le monde a pu assister à beaucoup de mouvements d’opposition contre les agissements de pouvoirs qui avaient essayé par diverses procédures, qui rappelaient formellement des élections, de consolider leur position ; nombre de ces protestations se sont transformées en révolutions. Parfois l’on dit qu’une révolution en entrainait une autre. La Révolution orange en Ukraine a inquiété l’« establishment » russe, mais n’a pas eu d’influence substantielle sur la société russe, et les autres « révolutions de couleur » encore moins. Le printemps arabe a certes suscité un intérêt en Russie, mais pas plus.

En somme, ce qui s’est passé à Moscou, en Russie, n’est pas dû à des évènements similaires dans d’autres pays, mais à des causes similaires, à savoir la volonté de groupes au pouvoir d’utiliser un mécanisme prévu pour l’expression de la volonté populaire, afin d’obtenir le résultat escompté. Il faut rappeler que les manipulations de ce type-là étaient une pratique courante durant la période soviétique, tradition qui avait été temporairement interrompue par certaines élections libres sous Gorbatchev et Eltsine. Mais déjà, sous Eltsine, la tendance du pouvoir à prendre le contrôle des élections est réapparue et s’est poursuivie sous Poutine. D’élection en élection, un système s’est mis en place, visant à obtenir les résultats escomptés par le pouvoir, tout en maintenant la façade d’une conformité à la loi et aux règles électorales. Les nombreuses infractions permettant au pouvoir d’obtenir le résultat requis étaient certes repérées par l’électorat, mais seul un petit groupe d’activistes protestait. C’est pourquoi lorsque les manipulations et falsifications des élections parlementaires de début décembre 2011 — manipulations qui n’étaient pas plus élevées que lors des élections précédentes —, ont jeté dans les rues de Moscou quelques milliers d’électeurs indignés, cela a surpris. Et la société a été la première étonnée lorsque la dispersion par la police de la première manifestation a décuplé le nombre de manifestants le 10 décembre, place des Marais. Deux semaines après, la manifestation avenue Sakharov a rassemblé encore plus de monde. Une telle effervescence civique n’avait jamais eu lieu, ou alors il y a bien longtemps.

Si l’on exclut les manifestations des 4 et 5 décembre qui ont été dispersées par les forces de l’ordre, les manifestations massives à Moscou qui ont eu lieu avant les élections présidentielles ont été pacifiques, tout en étant très critiques à l’encontre du pouvoir et de Poutine en particulier. Pas une seule personne n’a été arrêtée, pas une seule personne n’a subi de violence. Mais immédiatement après les élections présidentielles, lorsque la victoire de Poutine a été déclarée de façon indiscutable, les parties ont commencé à se radicaliser. Le pouvoir a fait venir en renfort, en provenance d’autres villes de Russie, des partisans de Poutine qu’il a disposés sur des places de la ville, formant alors des obstacles aux opposants. Lors de la première grande manifestation du 5 mars, des heurts ont opposé citoyens et policiers ; plus de cent manifestants ont été interpelés. On voit alors se profiler une escalade de la tension, comme si une réponse du pouvoir par la force devenait de plus en plus plausible, soit sur le mode Tian’anmen, soit sur le mode de la répression à la Loukachenko. Que s’est-il passé, en réalité ?

Des élections sans réel choix

Petit retour en arrière : au début des années nonante, une partie de l’élite modernisatrice autour du président Eltsine est sortie victorieuse, par le recours à la force, du duel qui l’opposait à une autre partie qui s’appuyait sur les parlementaires. La Constitution adoptée en 1993 a considérablement élargi les pouvoirs du président par rapport à ceux du Parlement, mais le charisme d’Eltsine avait quasiment disparu à la fin de son premier mandat. La victoire du candidat du Parti communiste était de l’ordre du possible aux élections présidentielles de 1996 ; les modernisateurs avaient peur d’une revanche communiste. Un groupe dans l’entourage d’Eltsine a même proposé d’instaurer l’état d’urgence et d’annuler les élections. Mais c’est un autre groupe qui a gagné et assuré la victoire d’Eltsine en menant une forte campagne en sa faveur, notamment en privant le candidat communiste d’accès à la télévision.

Certains groupes d’intérêts, auxquels était lié Eltsine, étaient déçus à la fin de son second mandat, non seulement par lui, mais également par ce qu’il avait fait du développement démocratique de la Russie. Ces personnes ont trouvé dans les rangs des services secrets, opposants traditionnels des démocrates russes, une personne qui symboliserait une nouvelle orientation, débarrassée des contraintes libérales et démocratiques. D’abord, une procédure pour nommer l’« héritier » a été mise en place. Cette procédure, qui a donné des formes constitutionnelles à un geste informel, a été tranquillement acceptée par la population. Les élections tenues ensuite en 2000 ont été, dans les faits, une démonstration de loyauté envers le nouveau leadeur Vladimir Poutine, et son taux de popularité est resté constant depuis [1]. Sa réélection en 2004, à l’issue du premier mandat, a été une simple formalité. Ces élections sans choix réel convenaient à la majorité des Russes. La personnalité du président ainsi que la présidence elle-même étaient à leurs yeux supérieures à toutes les autres institutions, notamment le Parlement. Il est de notoriété publique que des pressions sur les électeurs et des fraudes à grande échelle en faveur des membres du parti dirigeant ont eu lieu aux élections législatives locales comme fédérales durant les années Poutine, sans toutefois provoquer de sérieuses protestations. Il n’y avait pas d’opposition politique réelle. Les médias étaient sous contrôle strict. La télévision, sous le contrôle de l’administration présidentielle, remplissait son rôle en distrayant la population. Mais, pour la partie la plus critique de la société, il y avait toujours internet, qui échappait à la censure. Les manifestations de masse en Russie, comme celles qui ont animé plusieurs autres pays ces dernières années, sont d’une façon ou d’une autre, liées à internet.

En 2008, à l’issue de deux mandats consécutifs de quatre ans autorisés par la Constitution de la Fédération de la Russie, Poutine devait quitter la fonction présidentielle. Selon les sondages, la majorité de la population aurait soutenu un troisième mandat consécutif en violation de la loi fondamentale, mais les élites au pouvoir ont choisi une autre voie. Selon un schéma déjà testé par Eltsine, le pouvoir a été transmis à l’« héritier » Medvedev et les élections présidentielles ont été, à nouveau, une simple mise en scène rituelle de ce consentement. La population, dans sa majorité, a bien compris qu’il s’agissait, formellement, de respecter la Constitution. Personne ne doutait du retour de Poutine à la présidence en 2012.

La lettre ou l’esprit de la Constitution ?

Pourquoi les Russes se sont-ils alors plus attachés à la lettre formelle de la Constitution, dans son interprétation, qu’à son esprit démocratique ? Tout d’abord, la libéralisation politique et économique, annoncée par Gorbatchev et soutenue par Eltsine, a été pour l’essentiel approuvée par la société soviétique puis russe. Cependant, selon les Russes, la mise en place de la démocratie promise a été responsable de la chute de l’urss, tandis que les réformes économiques de marché ont mené à la catastrophe économique, à la réduction des salaires, de l’épargne.

(Il faut dire que ce sont les élites communistes dans les régions, et non pas les peuples de l’URSS, qui ont profité des libertés politiques ; de même que ce ne sont pas les simples entrepreneurs, mais plutôt les élites communistes issues du Komsomol au sommet fédéral qui ont profité de la liberté économique.) C’est pour cela que le démontage par Poutine d’une grande partie des mécanismes démocratiques introduits au début des années nonante et l’instauration du régime présidentiel autoritaire ont été acceptés sans protestation par la population.

Le système économique qui assurait certaines libertés aux entrepreneurs, mais pour le reste dépendait de la bureaucratie d’État, suscitait des mécontentements, mais il convenait bon an mal an à la population qui y a vu pendant dix ans une répartition, fût-elle injuste, des revenus de la vente des hydrocarbures.

Économie et éthique

Progressivement sont cependant apparus, à tous les niveaux de l’échelle sociale, des mécontents. Des hommes politiques ne trouvant pas leur place dans l’arène, largement occupée par des membres de la corporation Poutine ; des entrepreneurs n’ayant pas accès aux exportations d’hydrocarbures, ni aux importations de tout le reste. Sont apparus des citoyens ne voulant plus de cette démocratie limitée et de la corruption de la bureaucratie. Entretemps, le président Medvedev a poursuivi la politique de Poutine et dans l’intérêt de ce dernier a même allongé la durée du mandat présidentiel à six ans. Mais dans le même temps, il a plusieurs fois essayé de laisser ces mécontentements s’exprimer. Il a fait plusieurs interventions marquées par un état d’esprit libéral. Une partie des cercles politiques et d’affaires a, semble-t-il, voulu le soutenir. La partie de la population mécontente n’a tout d’abord pas réagi aux appels de Medvedev. Sa voix retentissait uniquement sur internet de façon autonome. Néanmoins, on peut supposer que dans ces cercles de mécontents, de réels espoirs avaient été placés en Medvedev, au cas où il resterait président en 2012. Ces cercles espéraient qu’il serait en mesure de remettre la Russie sur la voie de la démocratie, de la liberté politique et économique. L’annonce à la fin septembre 2011 de la décision de Medvedev de renoncer à sa candidature à la présidence de 2012, au profit de Poutine, a terriblement déçu. Les espoirs liés à Medvedev se sont écroulés, les mécontentements et craintes liés à la politique de Poutine ont été exacerbés. Dans le contexte d’élections devenues, dans la pratique, « automatiques », il est devenu clair que Poutine allait diriger le pays au cours des douze années à venir. Cette perspective a fait peur à beaucoup de gens.

Les reproches à l’encontre du régime, qu’ils concernent la politique ou l’économie, se sont multipliés et diversifiés, mais les mécontentements les plus criants concernaient la moralité et l’éthique de certains fonctionnaires. C’est un trait de l’époque : durant plusieurs années, les élites au pouvoir, afin de prévenir des mécontentements, ont veillé à distribuer des bonus matériels à certaines catégories de la population susceptibles de se révolter, en augmentant pensions et salaires. Sur le plan culturel, la télévision endormait et donnait en pâture des soap operas, tandis que le sentiment patriotique était entretenu par une rhétorique d’opposition à l’Occident. Toutes ces mesures ont porté leurs fruits, mais aucune d’elles n’en appelait à la dignité humaine et aux sentiments citoyens, ou, pour le dire autrement, au « moi » social et au « nous » social de ces gens-là. Pendant ce temps, la bourgeoisie bureaucratique s’était organisée en système corporatiste de castes dotées de divers privilèges et d’immunités, contrairement au reste de la population. Le fait d’être confronté à ce système a suscité une série d’humiliations chez les citoyens, qui jusque-là n’exprimaient leur malaise que sur Internet [2].

sortir dans la rue

Lorsque, lors des élections législatives du 4 décembre 2011, de nombreux observateurs volontaires ont enregistré de multiples violations (d’ailleurs attendues) et ont mis leurs témoignages sur internet, les mécontents qui, jusque-là, s’exprimaient dans l’espace virtuel des réseaux sociaux sont sortis dans la rue. Les premières manifestations du 4 et du 5 décembre à Moscou ont réuni quelques milliers de personnes. Leur dispersion violente par la police, accompagnée d’arrestations, n’a pas calmé le mécontentement, mais l’a au contraire exacerbé. Les autorités moscovites ont changé de stratégie et ont autorisé la manifestation du 10 décembre, qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes (les estimations fluctuent, mais personne ne donne un chiffre inférieur à 25.000 participants). La manifestation suivante a réuni, selon les estimations, entre 80.000 à 150.000 Moscovites. Il s’agissait sans aucun doute de manifestations contestataires, mais qui ont pris l’importance d’un phénomène politique autonome [3].

Ces notes que je prends au fur et à mesure ne sont qu’une tentative d’expliquer et décrire cette réalité. D’un côté, cette réalité contient une dimension éphémère et momentanée. Moscou n’avait rien vécu de tel depuis les années nonante. Les manifestations ont impliqué un centième de la population moscovite, ce qui veut dire que l’écrasante majorité des Moscovites et en général des Russes s’en sont tenus à l’écart. D’un autre côté, les manifestants présents n’étaient pas une foule ordinaire et atomisée, mais unis par la volonté de protester contre les autorités et par leur solidarité mutuelle. Ils étaient prévenants et bienveillants entre eux. Beaucoup ont fait état d’une atmosphère d’unité et d’inspiration collective. Il y avait comme un « éthos » uni. D’après le sondage que nous avons mené lors des manifestations, la grande majorité des participants se qualifiaient de « libéraux » et de « démocrates » (rappelons que ces tendances politiques s’étaient quasi éteintes avec la fin de la période Eltsine). Les participants se retrouvaient autour de valeurs fondamentales qui ne se réduisaient pas uniquement au slogan « Pour des élections honnêtes », mais le style des slogans témoignait d’une même approche, d’un même type d’humour, d’un haut degré de créativité artistique.

Les participants appartenaient à des catégories diverses. On y trouvait presque tous les groupes politiques, même les plus petits. Ils cohabitaient dans le défilé de façon totalement pacifique, même si on pouvait voir des groupes aux orientations politiques diamétralement opposées : les signes d’appartenance étaient des plus variés : organisations politiques, partis, appartenance à un même groupe national (ethnique), mais aussi groupes de personnes de même couleur de cheveux, groupes d’étudiants ou d’écoliers, de tel ou tel district de la ville. Nombre de participants étaient venus « seuls » ou « tout simplement avec des amis » ou encore « en famille ». Au-delà de l’objectif commun de protester contre les fraudes électorales et d’exprimer son désaccord vis-à-vis des pratiques du pouvoir, la manifestation devenait également une plateforme commune pour la communication entre différents groupes politiques et « subcultures ».

Les organisateurs de ces évènements ainsi que ceux qui parlaient à la tribune représentaient des groupes très variés. Leurs revendications politiques s’étalaient sur toute une gamme, allant de très modérées à des revendications hautement provocatrices. Une partie de la foule réagissait à ces invectives. Mais selon de nombreux observateurs, la plupart des participants ne s’identifiaient à aucune organisation politique ni à un aucun homme politique précis. Les personnes étaient rassemblées — en creux, en négatif — par le pouvoir, c’est-à-dire par l’indignation suscitée par les agissements de ce dernier.

La réaction des autorités a d’abord été catégoriquement négative, rejetant toute accusation de fraude, toute demande d’annuler les résultats et de punir les auteurs des falsificateurs. Afin de gagner la sympathie de ses partisans, Poutine s’est permis quelques blagues offensives à l’égard des participants de la manifestation du 10 décembre. Deux semaines plus tard, les manifestants lui ont répondu par de multiples blagues aussi humiliantes que les siennes et auxquelles il ne s’attendait sans doute pas. Les manifestants ont répondu au mépris par le mépris. Des milliers de simples citoyens, surtout les jeunes, se sont sentis moralement supérieurs à ce personnage politique. Si l’on a en tête que le pouvoir et l’autorité de Poutine, comme on l’a expliqué plus haut, se basaient tout d’abord sur des conventions informelles (approuvées après coup par les électeurs), ces manifestations marquent peut-être, sinon la fin, le début de la fin de cette tendance. Lors des manifestations ont donc émergé en toute logique des appels enjoignant Poutine de partir, de quitter la politique.

Le pouvoir n’avait jamais eu à faire à de telles revendications auparavant. En son nom, le président Medvedev a proposé à la hâte une série de mesures pour restaurer certaines normes démocratiques, mais elles sont arrivées trop tard, et n’entreront en vigueur que dans quelques années. La partie de la société qui conteste demande une mise en œuvre immédiate, et les avances faites par Medvedev ne calment donc en rien les manifestants.

La manifestation du 4 février a été aussi massive que les deux précédentes. Deux rallyes se sont étirés sur le boulevard des Jardins à Moscou. L’un d’eux était constitué d’automobiles équipées de rubans blancs et d’autres signes montrant leur appartenance à l’action « cercle blanc » qui représentait un cercle d’environ quinze kilomètres (la longueur de ce premier boulevard concentrique qui entoure Moscou). Soulignons que des milliers de piétons, soit de passage, soit venus spécialement, faisaient des signes aux participants, exprimant leur solidarité avec les slogans brandis « Pour des élections honnêtes » et « Pour une Russie sans Poutine ». Peu de temps après, la scénographie était inversée, comme en miroir : des dizaines de milliers de Moscovites à pied, formaient une chaine humaine en se donnant la main, munis de rubans blancs (« Le grand cercle blanc »), et des milliers d’automobilistes les saluaient à coups de klaxon et d’autres signaux.

Ces actions ont clôturé une courte, mais passionnante période de la vie sociale russe. Comme on l’a dit, les manifestants représentaient un pourcent de la population moscovite. Mais leurs actions, opinions, slogans, se sont diffusés dans toute la société, faisant de ces actions un évènement national[Le pouvoir a de son côté contribué à transformer cet évènement qui, au départ, était moscovite, en un évènement concernant toute la Russie. Poutine s’est rendu dans l’Oural et, lors d’une visite dans une usine de tanks (!), il a tenté de s’allier le soutien de la « classe ouvrière » dans la lutte contre les émeutiers moscovites. Ensuite, des milliers de jeunes gens ont été acheminés à Moscou en provenance de différentes villes pour participer aux « contremanifestations » (en soutien à Poutine).]. Ce n’est pas un hasard si le pouvoir au plus haut niveau a réagi.

La situation a révélé, derrière l’apparence d’un certain apolitisme, l’existence d’un large spectre de groupes politiques peu connus du public. Ce nouvel intérêt pour l’action civique promet une augmentation du rôle et de l’activité de tous ces groupes à l’avenir. Si la loi facilitant la procédure d’enregistrement de nouvelles organisations politiques proposée par Medvedev est adoptée, de nombreux partis vont apparaitre. Certains pensent que cette loi a été proposée pour diviser l’opposition et assurer la suprématie de Russie unie. Nous souhaitons mettre le projecteur sur un autre aspect : l’apparition d’une nouvelle tendance en Russie, celle du pluralisme politique. Certains analystes et observateurs politiques commencent à discuter de l’hypothèse d’un passage à une république parlementaire, en tant que forme politique d’organisation de la société qui correspondrait mieux à la nouvelle situation. La distance entre la république présidentielle ou semi-présidentielle que l’on a actuellement et une potentielle république parlementaire est immense. Au début de ce texte, nous avons fait état des représailles exercées à l’encontre du Parlement dans les années nonante et montré comment l’idée de parlementarisme avait été compromise.

Au moment où je conclus ces lignes, Poutine a été reconnu président élu de la Fédération de Russie. C’est le principal résultat formel de cette période, mais sur le plan informel, le résultat le plus important est ce réveil civique dans certains cercles de la société russe, au sein de certaines élites et de la population plus largement. Ensuite, le champ des évolutions possibles voit deux tendances parallèles se dessiner. Certaines suscitent de grandes inquiétudes, mais d’autres de l’espoir, même ténu.
7 mars 2012

Traduit du russe par Ekaterina Lyzhina et Aude Merlin


[1Les premiers sondages, début 2000, donnaient un taux de popularité de 60%, chiffre qui était le même au début 2012. Mais en 2000, ceux qui n’approuvaient pas le candidat Poutine étaient pour l’essentiel des partisans des communistes qui voyaient V. Poutine comme l’héritier du « démocrate » Eltsine, tandis qu’en 2012, il s’agit de personnes mécontentes de sa politique antidémocratique.

[2Les forces de l’ordre ont constaté comme réelle la probabilité que les contestations s’expriment « off-line » : 50000 membres des forces du ministère de l’Intérieur ont ainsi été mobilisés à la veille des élections à Moscou, sachant que la police moscovite compte 64.000 membres.

[3Cela porte surtout sur les manifestations moscovites. Nous verrons si on peut généraliser ces observations aux manifestations dans les autres villes.

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Alexeï Levinson


Auteur

dirige le département des recherches socioculturelles au centre Levada (www.levada.ru)