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Les pouvoirs organisateurs face à leurs organes de représentation et aux syndicats
À lire la législation scolaire, le pouvoir organisateur est bien nommé puisqu’il dispose des pleins pouvoirs au sein de l’école. La réalité apparait plus complexe et explique peut-être pourquoi ce pouvoir est si méconnu. Ses prérogatives dans l’organisation de l’établissement ont été rognées non seulement par le développement de la règlementation, mais aussi par la nécessité d’adhérer à un organe de représentation qui se substitue souvent à lui et par l’obligation de partager ce qui lui reste de pouvoir avec les syndicats. En ce qui concerne l’élaboration de la règlementation scolaire, l’autorité politique est amenée à se concerter avec les représentants des pouvoirs organisateurs et avec les syndicats. Cette concertation a été formalisée. Si elle se déroule de manière bilatérale, des voix s’élèvent pour qu’elle devienne tripartite.
À lire le décret Missions du 24 juillet 1997, les pouvoirs du pouvoir organisateur sont très étendus : définition des projets éducatif et pédagogique, élaboration du projet d’établissement et du programme des études, rédaction du règlement des études et du règlement d’ordre intérieur, gestion quotidienne de l’école…
En pratique, le pouvoir organisateur a été dépossédé d’une grande partie de ses pouvoirs. La détermination des principes fondamentaux de l’organisation d’une école est devenue une œuvre trop complexe pour pouvoir encore être définie au niveau local. Les pouvoirs organisateurs ont ainsi été amenés à se décharger de la plupart de leurs pouvoirs normatifs au profit de l’organe de représentation auquel ils adhèrent. De même, la gestion quotidienne d’une école est devenue trop lourde pour pouvoir être assumée par l’autorité politique ou une association de bénévoles, le plus souvent éloignés de la vie de l’école au jour le jour. Cette gestion a donc été déléguée à la direction, le préfet ou le directeur.
Les pouvoirs effectifs du pouvoir organisateur se concentrent donc, d’une part, dans l’adoption du projet d’établissement, du règlement des études et du règlement d’ordre intérieur et, d’autre part, dans la désignation de la direction et des membres du personnel. Et encore, même dans ce noyau dur, il n’est plus totalement autonome, étant obligé de se concerter avec d’autres instances.
Le décret Missions a en effet imposé à chaque établissement d’instituer en son sein un conseil de participation. Comme son nom l’indique, ce conseil vise à faire participer les différentes composantes de la communauté éducative à la vie de l’école. Il intervient à certains moments clés tels que la confection du projet d’établissement, l’élaboration du règlement d’ordre intérieur dans les établissements de la Communauté française… On retrouve au sein de ce conseil, des représentants du pouvoir organisateur ; des membres élus représentant les quatre autres corps de l’école : les enseignants, le personnel ouvrier et administratif, les parents et les élèves ; des représentants de l’environnement social, culturel et économique de l’établissement. Dans les réseaux libres, les représentants des enseignants sont désignés par les organisations syndicales représentatives, dans les réseaux officiels, ils sont directement élus par le personnel. Dans les réseaux officiels, le projet d’établissement adopté par le conseil de participation est soumis aux instances syndicales chargées d’en vérifier l’adéquation avec le projet éducatif du pouvoir organisateur. Le pouvoir discrétionnaire de choisir le directeur de l’établissement a été sévèrement encadré par le décret du 2 février 2007 fixant le statut des directeurs. Celui-ci fixe des conditions et une procédure de nomination. Le pouvoir organisateur doit ainsi consulter les organisations syndicales sur le profil de fonction. Le décret définit également très précisément les pouvoirs du directeur.
Les syndicats sont également tout naturellement impliqués dans la définition du statut et la nomination des membres du personnel enseignant, notamment au travers de commissions paritaires. L’on a coutume de dire que, depuis l’adoption des décrets de 1993 et 1994 fixant le statut des enseignants dans le libre et dans l’officiel subventionné, la liberté du pouvoir organisateur se limite au premier engagement de l’intéressé. Il apparait néanmoins que, par la suite, le système de priorité et les règles de garantie de l’emploi rendent très difficile la sélection du personnel, même dans l’enseignement libre.
Les pouvoirs organisateurs auraient pu retrouver davantage d’autonomie à l’occasion de la pénurie d’enseignants, qui leur permet d’engager des professeurs ne disposant pas des titres requis. Le législateur est toutefois intervenu pour gérer cette pénurie. Ainsi, les commissions de réaffectation ont été remplacées par des commissions de gestion des emplois qui sont systématiquement paritaires. L’objectif du législateur est d’ainsi « consolider la démocratie sociale dans le monde de l’enseignement ».
Les syndicats ont encore voix au chapitre pour bien d’autres aspects du fonctionnement des établissements scolaires, en ce compris certains aspects de leur financement. Ils participent également à la définition de l’offre d’enseignement et à la programmation, que ce soit par leur présence au sein du Conseil général de concertation, à l’échelle communautaire, ou par la concertation au niveau de l’établissement.
Un décret de 2005 portant exécution de l’accord conclu entre le gouvernement et les organisations syndicales, renforce le pouvoir d’intervention de ceux-ci dans le fonctionnement des écoles, que ce soit à l’égard de certaines catégories de personnel ou en matière pédagogique. Ainsi, un pouvoir d’avis leur est conféré dans l’élaboration des programmes d’études.
Il est même permis d’émettre l’hypothèse d’une certaine application de la théorie des vases communicants. Le développement de la législation relative à l’enseignement a eu pour effet de restreindre considérablement la liberté des pouvoirs organisateurs. Or il arrive bien souvent que cette liberté ait été restreinte voire confisquée au profit d’instances où l’on retrouve notamment, à côté des pouvoirs organisateurs, les syndicats.
L’élaboration de la règlementation scolaire
Au niveau communautaire, le face-à-face entre pouvoirs organisateurs et syndicats fait place à une relation triangulaire où les organisations représentatives de ces deux catégories d’acteurs se concertent avec l’autorité politique. Jusqu’à présent, cette concertation se fait de manière bilatérale.
Une norme concertée avec les pouvoirs organisateurs et négociée avec les syndicats
On vient de le voir, au gré des réformes, les pouvoirs organisateurs ont vu leur liberté d’enseignement se réduire considérablement. Dans le même temps, les organes de représentation de ces pouvoirs organisateurs se sont vu conférer un rôle de plus en plus affirmé dans l’élaboration de ces normes liberticides. Nouvelle application de la théorie des vases communicants donc, ce que les pouvoirs organisateurs perdent individuellement est partiellement récupéré par leurs organes de représentation.
Le décret Missions a amplifié une double démarche pratiquée de longue date dans le mode d’élaboration de la norme scolaire.
La première consiste à déposséder le politique d’une compétence pour la confier à des organes qui regroupent des représentants des différentes composantes de la communauté éducative. Le décret Missions a ainsi généralisé la pratique, apparue dans l’enseignement qualifiant, consistant à charger des groupes de travail d’élaborer les normes sur la base desquelles les pouvoirs organisateurs peuvent élaborer leurs programmes. Il s’agit des socles de compétences, des compétences terminales, des profils de formation… Les membres de ces groupes de travail sont pour la plupart désignés par le Conseil général de l’enseignement fondamental ou le Conseil général de concertation pour l’enseignement secondaire, à savoir des organes comprenant principalement des représentants des différents réseaux mais aussi de l’administration et des syndicats.
Le second mode d’élaboration de la norme contraint l’autorité politique à se concerter avec les destinataires de celle-ci avant son adoption. Depuis la loi du Pacte scolaire de 1959, il est prévu que les réformes fondamentales de l’enseignement fassent l’objet d’une concertation avec les pouvoirs organisateurs. Le décret Missions a mis en place une procédure de reconnaissance des organes de représentation et de coordination les plus représentatifs des pouvoirs organisateurs. Cette concertation a été formalisée sur le modèle de celle appliquée avec les syndicats.
Ultérieurement, un décret de 2004 a créé un comité de négociation et de concertation pour les statuts des personnels de l’enseignement libre, à l’image de ce qui se pratique pour l’enseignement officiel. Cette négociation présente toutefois la particularité d’être menée en l’absence des employeurs, les pouvoirs organisateurs des établissements libres, puisqu’elle ne réunit que la Communauté française, pouvoir subsidiant et les représentants des personnels. Les pouvoirs organisateurs sont ainsi également exclus des négociations menant à une programmation intersectorielle bisannuelle.
Il existe certes d’autres lieux de rencontre, notamment au travers du pilotage de l’enseignement qui devient un enjeu considérable. Au sein de la Commission de pilotage, la représentation des pouvoirs organisateurs et des syndicats est toutefois diluée, ceux-ci étant largement encadrés de représentants de l’administration et d’experts pédagogues. Dans le même temps, les pouvoirs du Conseil général de concertation pour l’enseignement secondaire, qui présente la particularité d’être doté d’une composition tripartite, ont été rognés. Il a en effet été privé de son pouvoir d’avis contraignant au profit d’un simple avis, notamment dans le domaine de la programmation. La volonté était de conférer au gouvernement un pouvoir et une responsabilité pleine et entière en cette matière.
Vers une concertation tripartite ?
La Communauté française est désormais dotée de mécanismes précis de concertation permettant au gouvernement de prendre en compte le point de vue tant des organes de représentation des pouvoirs organisateurs que des organisations syndicales en vue de l’adoption de textes réformant l’organisation de l’enseignement.
Il apparait toutefois que ces concertations se font de manière bilatérale, le gouvernement n’étant donc pas placé en position d’arbitrer les revendications des uns et des autres. Les organes de représentation des pouvoirs organisateurs revendiquent donc une place à la table des négociations réunissant syndicats et Communauté. Lorsqu’on voit l’importance des trois protocoles d’accord conclus depuis 2004, du point de vue des questions statutaires et barémiques, on comprend leur insistance. Réponse du berger à la bergère, les syndicats entendent participer à la concertation menée entre ces organes de représentation et la Communauté.
La façon la plus idoine d’établir le gouvernement de la Communauté dans un rôle d’arbitre entre les pouvoirs organisateurs et les organisations syndicales serait de s’inspirer de l’exemple flamand. Dès la communautarisation de l’enseignement, la Communauté flamande a en effet mis en place un organe autonome, l’Argo devenu GO!, qui exerce en lieu et place du gouvernement les compétences de pouvoir organisateur à l’égard des établissements relevant directement de la Communauté. Dans ce système, le gouvernement n’est en effet plus juge et partie mais seulement arbitre. La dernière déclaration de politique communautaire francophone 2009 – 2014 annonce que la mise de cet ouvrage sur le métier sera envisagée.