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Le logement, les logements des ainés

Numéro 05/6 Mai-Juin 2011 par Philippe Defeyt

juin 2011

Presque aucune étude n’existe sur les besoins des per­sonnes âgées, vivant soit à domi­cile ou en ins­ti­tu­tion. Pour­tant, une poli­tique d’ac­cueil ou de main­tien à domi­cile qui pri­vi­lé­gie la qua­li­té de la vie ne peut être éla­bo­rée qu’en en connais­sant les enjeux. 

Alors qu’on ne cesse de dis­cou­rir sur le vieillis­se­ment et les pro­blèmes de socié­té qui l’accompagneraient, il est éton­nant de devoir consta­ter qu’il n’existe qua­si­ment aucune étude que l’on peut qua­li­fier d’exploration des pos­sibles et des besoins des per­sonnes âgées dans toutes les dimen­sions de la vie. Il en existe dans le domaine du finan­ce­ment de la sécu­ri­té sociale (études de nature macroé­co­no­mique1), mais très peu sur, par exemple, les besoins des per­sonnes à domi­cile ou les besoins en mai­sons de repos (et de soins2) ou autres infra­structures accueillant les per­sonnes âgées.

[(Mai­sons de repos : quelques don­nées pour la Wal­lo­nie (arron­dis)

Envi­ron 47.000 per­sonnes en mai­sons de repos pour per­sonnes âgées (MRPA) ou mai­sons de repos et de soins (MRS) (hors lits de court séjour).

Envi­ron 70% des lits sont des lits MRPA.

Envi­ron la moi­tié des lits sont dans le sec­teur public ou dans l’associatif, l’autre moi­tié dans le sec­teur commercial.

Envi­ron 20% d’hommes, 80% de femmes.

Âge moyen (des plus de 60 ans): 80 pour les hommes, 84 pour les femmes ; l’âge moyen n’est que mar­gi­na­le­ment plus éle­vé pour les résidents.

Pro­por­tion de rési­dents dits de caté­go­rie C sur l’échelle de Katz (les plus dépen­dants): envi­ron 40% (un peu plus de 50% dans le sec­teur public et l’associatif, moins de 30% dans le pri­vé commercial).

Envi­ron 3% des hommes de plus de 60 ans sont en mai­son de repos, mais envi­ron 30% des 90 ans et plus ; pour les femmes, les pour­cen­tages sont res­pec­ti­ve­ment de 8% et 55%.)]

Com­men­çons par la ques­tion des mai­sons de repos, non qu’il s’agisse du loge­ment le plus fré­quent pour nos ainés (loin de là — voir l’encadré page sui­vante), mais parce qu’elle char­rie beau­coup de repré­sen­ta­tions « néga­tives » et inquié­tudes, et parce qu’elle est une porte d’entrée pour d’autres considérations.

Les besoins en maisons de repos

On manque d’évidence de lits (comme disent les ges­tion­naires du sec­teur) ou de places (comme dit le grand public) dans nos mai­sons de repos.

Mais on ne sait rien sur les listes d’attente. On ne sait pas non plus grand-chose sur le nombre de lits occu­pés en Wal­lo­nie par des per­sonnes venant d’ailleurs (notam­ment de France3) ni sur le nombre de Wal­lons qui sont en mai­son de repos à l’extérieur de la Wal­lo­nie. On en sait trop peu — en tout cas quan­ti­ta­ti­ve­ment — sur le taux de rota­tion des lits et les dyna­miques à l’œuvre (pas­sages d’une mai­son à l’autre avant de trou­ver celle où la per­sonne âgée res­te­ra « long­temps », dyna­miques rela­tives aux entrées en mai­son de repos…). On ne s’étonnera donc pas du carac­tère (très) gros­sier des rares exer­cices de pros­pec­tive des besoins, d’autant plus qu’à beau­coup d’égards la période 2000 – 2010 sur laquelle sont « calés » ces exer­cices n’est pas très repré­sen­ta­tive des évo­lu­tions socio­dé­mo­gra­phiques à venir.

La vie au quotidien, la vie tout court

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Mais il faut aus­si, et peut-être d’abord, savoir comme (faire) vivre, au quo­ti­dien, ces lieux d’accueil.

Com­men­çons par rele­ver l’hypocrisie de l’affirmation cou­rante « les rési­dents sont chez eux » ou « comme chez eux » (ce qui est déjà une fameuse nuance). Peut-être le sont-ils mais, dans cer­taines mai­sons, on refuse les ani­maux domes­tiques (qui plaisent pour­tant très fort à beau­coup de per­sonnes âgées). Mais les règles de l’Agence pour la sécu­ri­té de la chaine ali­men­taire (AFSCA) inter­disent aux per­sonnes âgées de faire une tarte dans la cui­sine de la (leur!) mai­son, au nom de normes d’hygiène mal réflé­chies. Mais on ne peut pas fumer dans sa chambre. Mais, dans cer­taines mai­sons, la porte de la chambre est sou­vent ouverte, par­fois même pen­dant la toi­lette ou les soins. Mais il arrive que tout le cou­loir soit au cou­rant de ce qui se passe « chez moi » et qui relève de mon corps, par­fois dou­lou­reu­se­ment. Mais com­ment trou­ver un peu d’intimité amou­reuse ? Mais je ne peux pas choi­sir de « sau­ter » une toilette.

La toi­lette, par­lons-en, est un révé­la­teur clé de l’esprit qui règne dans une mai­son. Se fait-elle dis­crè­te­ment ? Se fait-elle avec dou­ceur, avec huma­ni­tude pour les per­sonnes démentes ? Se fait-elle dans l’ordre des chambres ou en fonc­tion des pré­fé­rences des rési­dents ? Cer­tains aiment se lever plus tard : pour­quoi ne pas ter­mi­ner la « tour­née » des toi­lettes par le résident qui aime se lever plus tard, même s’il occupe la pre­mière chambre dans le cou­loir ? Me fout-on la paix si un jour — comme cela arrive à cha­cun d’entre nous, quel que soit l’âge — j’ai envie de « sau­ter » une toi­lette ou de la faire plus légère ?

D’autres images au contraire donnent envie de visi­ter des mai­sons, d’y ren­con­trer les rési­dents, d’encourager des proches âgés à en choi­sir une, sans plus attendre. Les fêtes, bien sûr, quand elles sont vraies. Par exemple, quand elles sont ani­mées par une har­mo­nie qui replonge, jeunes et moins jeunes, dans des sou­ve­nirs musi­caux. Quand une rési­dente, ancienne can­ta­trice, frôle les touches du pia­no (qui n’a bien sûr plus été accor­dé depuis trop long­temps). Quand l’évocation d’histoires fami­liales ou autres fait pas­ser le temps sans qu’on s’en rende compte. Quand des per­sonnes âgées par­viennent à inté­res­ser des petits bouts (et réci­pro­que­ment) qui viennent pas­ser une heure à la mai­son de retraite avec leur ins­ti­tu­trice. Quand des ami­tiés et des amours y naissent. Quand des volon­taires font par­tie de la mai­son dans toutes sortes de situa­tions et y apportent sou­rires, confiance, aide… Quand les lieux sont joyeux, clairs, cha­leu­reux. Quand le jar­din est accueillant. Quand le café d’à côté est encore fré­quen­té par les rési­dents les plus vaillants.

Mais les mai­sons de repos sont aus­si des lieux où les inéga­li­tés sautent aux yeux. Inéga­li­tés dont les effets sont ampli­fiés, on le sait bien, avec l’âge. Tout le monde n’a pas des reve­nus suf­fi­sants pour payer la tota­li­té du prix de séjour. Tout le monde n’a pas les outils cultu­rels pour faire entendre sa voix. Tout le monde n’arrive pas dans le même état (d’esprit, phy­sique) en mai­son de repos. Les rési­dents ne sont pas tous entou­rés ; ceux qui le sont le sont à des degrés divers. Toutes les familles n’ont pas les mêmes capa­ci­tés d’accompagnement et de sou­tien. Toutes les per­sonnes âgées n’ont pas les mêmes chances d’accès aux mai­sons de repos de bonne qua­li­té. Enfin, les inéga­li­tés en matière d’espérance de vie en bonne san­té sont très pré­gnantes et énormes (elles peuvent atteindre vingt ans de dif­fé­rence!); elles sont inac­cep­tables mais il faut bien, dans l’immédiat, « faire avec ».

Mais tout cela n’est-il pas à l’image de la vie : contras­tée, diver­si­fiée, dif­fé­rente d’une per­sonne à l’autre, avec ses bons et moins bons moments, ses ins­tants de bon­heur, fra­giles et fugaces, avec le ver­tige de la soli­tude qui finit tou­jours par nous rat­tra­per, avec ses mala­dies, celles de l’âme et celles du corps, quand elles ne se confondent pas, avec ses inéga­li­tés, par­fois criantes, avec ses injus­tices, un quo­ti­dien fait de ren­contres avec des pro­fes­sion­nels com­pé­tents et aimants, mais aus­si des tra­vailleurs médiocres.

Peut-être. Mais ce n’est pas une rai­son pour admettre tout et n’importe quoi. Car, fina­le­ment, le com­bat pour mener la vie la plus heu­reuse pos­sible dans une mai­son de retraite est le même que celui des plus jeunes. Les études, de plus en plus nom­breuses, sur le bon­heur nous indiquent qu’il y a quelques ingré­dients de base à réunir. Le plus impor­tant : le capi­tal social. Être avec les autres, vivre en confiance, faire des choses avec d’autres, par­ti­ci­per, nouer des liens pri­vi­lé­giés ou les entre­te­nir, être res­pec­té, jouir des (petits) plai­sirs de la vie.

Et réunir ces ingré­dients est dif­fi­cile pour tous. Mais il l’est peut-être plus encore pour des per­sonnes dites plus fra­giles. Il faut donc être atten­tif à tout ce qui peut contri­buer à la qua­li­té de la vie. Les petites comme les grandes choses. Les détails comme les pro­jets d’ambition. Il faut être vigi­lant en per­ma­nence, mais en accep­tant les limites humaines de toute ins­ti­tu­tion et de tout tra­vailleur. On ne peut pas, et je pense même que c’est contre­pro­duc­tif, être un pro­fes­sion­nel par­fait à cent pour cent. On peut, à cet égard, pen­ser que les normes fédé­rales ou régio­nales sont par­fois trop rigides, inuti­le­ment tatillonnes. Il faut oser le dire : en mai­son de repos comme ailleurs, il n’y a pas de risque zéro. Il faut « faire avec ».

Les enjeux liés aux maisons de repos

Ces quelques consi­dé­ra­tions ren­voient à plu­sieurs enjeux.

Le pre­mier c’est celui du nombre et de la qua­li­té du per­son­nel dit soi­gnant. Il y a d’abord le manque d’infirmières et d’infirmiers et, pro­gres­si­ve­ment, le manque d’aide-soignants, en tout cas de qua­li­té. Il faut bien consta­ter qu’il n’y a, à ce jour, aucune réponse scien­ti­fique sur les causes de cette pénu­rie, ni de réponse poli­tique consis­tante pour la surmonter.

Ce qu’on peut dire c’est que le pro­blème serait encore aggra­vé si l’inami — qui finance une très grande par­tie des soins en mai­sons de repos — devait vrai­ment tenir compte du degré de dépen­dance de tous les rési­dents. Ce n’est pas le cas pour le moment.

On sait aus­si que les normes de l’Inami en matière d’encadrement ne sont de toute manière pas suf­fi­santes au vu de l’évolution des besoins les plus divers de beau­coup de rési­dents. Et il faut encore finan­cer les autres moyens — maté­riels et humains (par exemple des ani­ma­teurs) — qui per­mettent de faire de nos mai­sons de repos de véri­tables lieux de vie, de qualité.

Mais, fon­da­men­ta­le­ment, la qua­li­té de la vie dans une mai­son de repos — pour les rési­dents et pour les tra­vailleurs — dépend avant tout de com­pé­tences dites trans­ver­sales ou humaines : l’empathie, l’accueil, les sou­rires, la patience, la créa­ti­vi­té, un mélange de rigueur et de sou­plesse, la « ges­tion » com­pré­hen­sive des règles quand elle ne porte pas à consé­quence, l’adaptation aux cir­cons­tances et situa­tions, le dia­logue avec les visi­teurs…, toutes choses moins faciles à mobi­li­ser que les actes tech­niques professionnels.

Il faut bien consta­ter que le per­son­nel des mai­sons de repos se plaint, comme d’autres métiers : trop de pape­rasses (c’est vrai!), pas assez de temps pour par­ler avec les rési­dents comme avec les col­lègues, parents des rési­dents exi­geants (« on a payé, donc…»), etc. La pré­sence de volon­taires dans nombre de mai­sons de repos met de l’huile dans les rouages, mais ne peut com­bler tous les manques.

Beau­coup de pro­fes­sion­nels des soins mettent en cause l’échelle de Katz pour récla­mer des échelles d’évaluation de la mobi­li­sa­tion néces­saire pour chaque per­sonne plus modernes, plus fines, plus adap­tées aux réalités.

Il y a aus­si l’enjeu des inéga­li­tés. Si l’on manque là aus­si de sta­tis­tiques, on peut — sur la base de don­nées frag­men­taires — esti­mer que 15 à 20 % des rési­dents ont du mal à payer un prix de séjour rai­son­nable (de l’ordre de 40 euros par jour, sans comp­ter d’autres dépenses comme des petits plai­sirs, des vête­ments, des médi­ca­ments, etc.) par insuf­fi­sance de reve­nus. Pour une per­sonne seule, la Gra­pa (la pen­sion mini­mum garan­tie) est très en deçà de ce qui est deman­dé comme prix de séjour. Dans ce cas les rési­dents à petits reve­nus doivent comp­ter soit sur la soli­da­ri­té fami­liale, soit sur les cpas.

Autre inéga­li­té : les mai­sons publiques sont loin d’être tou­jours à l’équilibre finan­cier, prin­ci­pa­le­ment parce qu’elles offrent le plus sou­vent un enca­dre­ment en per­son­nel soi­gnant com­pa­ra­ti­ve­ment éle­vé. Ces mai­sons de repos sont for­te­ment recher­chées. Mais une par­tie seule­ment y accède, alors que tous par­ti­cipent à leur finan­ce­ment via les impôts locaux ; l’autre doit se rabattre sur des mai­sons de moindre qualité.

Les inéga­li­tés en matière de tis­su social et de rela­tions sociales ne sont pas les moindres. Pour de bonnes ou moins bonnes rai­sons : éloi­gne­ment géo­gra­phique des enfants, dis­putes fami­liales, proches fort occu­pés ou en dif­fi­cul­tés, etc. Com­pen­ser ces inéga­li­tés est dif­fi­cile, sinon par un apport de volon­taires, qu’il faut alors enca­drer et sou­te­nir pour les gar­der le plus long­temps pos­sible. Le zap­ping est ici aus­si bien présent.

Troi­sième enjeu : cer­taines per­sonnes vivant en mai­son de repos seraient mieux dans une rési­dence-ser­vice ou chez elles, à condi­tion, par exemple, de pou­voir accé­der à un centre de soins de jour et/ou à un ensemble de ser­vices de proxi­mi­té. C’est une évi­dence. Mais cette évo­lu­tion implique(rait) une pro­por­tion crois­sante de cas « lourds » dans nos mai­sons de repos, ren­dant celles-ci plus dif­fi­ciles encore à ani­mer et moins facile l’ouverture vers l’extérieur. Com­ment gar­der un maxi­mum d’humanité dans une mai­son de repos avec beau­coup de per­sonnes confuses et/ou for­te­ment dépen­dantes est un défi très dif­fi­cile, même si des méthodes comme celle dite de l’huma­ni­tude peuvent faire beau­coup pour les rési­dents trop sou­vent aban­don­nés à leur état.

Un autre enjeu est celui des normes. Des normes de plus en plus sévères, certes en par­tie jus­ti­fiées (par exemple en matière de sécu­ri­té incen­die), rendent les mai­sons de repos de plus en plus cou­teuses à réno­ver ou à construire, ce qui ren­dra plus cou­teuse et plus longue la réponse à la pénu­rie, et pèsent sur la qua­li­té de la vie. Com­ment expli­quer, par exemple, qu’il faille construire une seconde cui­sine dans une mai­son pour per­mettre à des rési­dents de cui­si­ner parce qu’ils ne peuvent accé­der à la cui­sine « cen­trale » au vu des règles impo­sées par l’AFSCA ? Pas éton­nant que les plus petites struc­tures ferment les unes après les autres, n’atteignant pas la taille cri­tique pour « amor­tir » le cout du res­pect des normes.

On retrouve ici un débat sem­blable à celui des loge­ments sociaux. Vaut-il mieux être un peu plus souple sur les normes (par exemple — dans le loge­ment social — sur le nombre de chambres néces­saires en fonc­tion de l’âge et du genre des enfants) pour répondre mieux et plus à la demande ou, au contraire, mettre la barre très haut, mais de ce fait exclure un cer­tain nombre de loca­taires. Les règles impo­sées dans les loge­ments sociaux pour les chambres pour enfants ne sont pas res­pec­tées par beau­coup de parents dans un loge­ment pri­vé (beau­coup de jeunes parents n’ont tout sim­ple­ment pas les moyens de se payer le nombre de chambres qui répond aux cri­tères du loge­ment social!); des cen­taines de mil­liers de per­sonnes âgées vivent chez elles avec des normes de sécu­ri­té très éloi­gnées de celles qui ont cours dans les mai­sons de repos. Est-ce un drame ?

Des alternatives à la maison de repos ?

L’expression ne convient pas vrai­ment, même si elle est sou­vent uti­li­sée. D’abord parce qu’il s’agit moins d’alternatives que d’assurer un conti­nuum dans l’offre des infra­struc­tures pour per­sonnes âgées. D’autre part, cer­taines de ces alter­na­tives s’appuient sur des mai­sons de repos.

Peuvent aujourd’hui répondre aux besoins, diver­si­fiés et chan­geants, des per­sonnes âgées les infra­struc­tures suivantes :

  • les rési­dences-ser­vices pro­po­sant entre cinq et cin­quante loge­ments indi­vi­duels où la per­sonne âgée est vrai­ment chez elle, mais tout en pou­vant béné­fi­cier (repas, ani­ma­tions, sor­ties, aide urgente…) de la proxi­mi­té d’une mai­son de repos ;
  • les lits de court séjour, pré­pa­rant un retour à domi­cile ou en mai­son de repos, per­met­tant à des proches de souf­fler, etc.
  • les centres de soins de jour, per­met­tant d’accueillir un ou plu­sieurs jours par semaine des per­sonnes néces­si­tant des soins et un accom­pa­gne­ment, faci­li­tant le main­tien à domi­cile, le repos d’un proche…
  • les ser­vices d’accueil de jour et les centres com­mu­nau­taires, lieux d’accueil de per­sonnes âgées le plus sou­vent valides, en vue de contacts, loi­sirs, animations…

Alors qu’elles sont tout compte fait moins cou­teuses pour la col­lec­ti­vi­té, parce qu’elles per­mettent un main­tien à domi­cile plus long, ces infra­struc­tures sont para­doxa­le­ment encore aujourd’hui peu nom­breuses, en abso­lu et rela­ti­ve­ment aux besoins et/ou au nombre de lits en mai­sons de repos, et pas assez sti­mu­lées, même si de nom­breux pro­jets de rési­dences-ser­vices vont être concré­ti­sés dans les deux ou trois années à venir.

Le maintien à domicile

Le main­tien à domi­cile dépend avant tout de la capa­ci­té de mobi­li­ser des sou­tiens et ser­vices de proxi­mi­té, mar­chands et non mar­chands, moné­taires et non monétaires.

Même si la per­sonne âgée dis­pose d’un entou­rage (parents, voi­sins, proches, voire com­mer­çants ou autres) qui se mobi­lise, une poli­tique de main­tien à domi­cile n’est pas néces­sai­re­ment bon mar­ché. Gar­der une per­sonne malade à domi­cile est très cou­teux. Les aides-fami­liales et/ou les titres-ser­vices pèsent très vite lourd dans le bud­get de petits pensionnés.

Mais la meilleure garan­tie d’un main­tien à domi­cile heu­reux et fonc­tion­nel, débou­chant sur une plus grande espé­rance de vie et une entrée plus tar­dive en mai­son de repos, c’est la concer­ta­tion des inter­ve­nants et la par­ti­ci­pa­tion active de la per­sonne âgée à la défi­ni­tion du plan d’action qui la concerne. L’offre de cer­tains ser­vices de coor­di­na­tion est par­fois un peu trop contrainte de ce point de vue. De même, il faut mettre en place une concer­ta­tion de tous les acteurs, pas seule­ment les professionnels.

Et encore…

Il existe certes d’autres for­mules (accueil « fami­lial », mai­sons kan­gou­rou5, pro­jets com­mu­nau­taires, lits de court séjour, etc., voire senio­ries de luxe) pour l’accueil et l’hébergement de per­sonnes âgées, mais les consi­dé­ra­tions ci-des­sus res­tent lar­ge­ment valables.

Exemple : il est illu­soire de pen­ser que l’accueil « fami­lial » (à savoir l’accueil par un ménage de trois per­sonnes âgées — non membres de la proche famille — maxi­mum) vou­lu par la Région wal­lonne va se déve­lop­per si on main­tient des normes irréa­listes et sans aides diverses (ne serait-ce que pour per­mettre à la famille d’accueil de souf­fler quelques jours). De même, si l’accueil « fami­lial » doit se déve­lop­per ce sera dans le cadre de concer­ta­tions et col­la­bo­ra­tions6.

Reste un élé­ment peu sou­vent abor­dé : le main­tien en bon état des loge­ments qui vieillissent avec leur pro­prié­taire. Arri­vées à sep­tante-cinq, quatre-vingts ou quatre-vingt-cinq ans, beau­coup de per­sonnes âgées devraient (re)faire cer­tains inves­tis­se­ments dans leur loge­ment. La force, les com­pé­tences et/ou les moyens finan­ciers manquent trop souvent.

L’avenir

Les ana­lyses et consi­dé­ra­tions qui pré­cèdent m’amènent à for­mu­ler les recom­man­da­tions suivantes.

Un intense tra­vail cultu­rel en pré­pa­ra­tion au vieillis­se­ment indi­vi­duel et pour libé­rer les éner­gies et créa­ti­vi­tés des pro­fes­sion­nels de l’accompagnement, de l’animation et des soins appa­rait indis­pen­sable. Ce tra­vail cultu­rel contri­bue­ra à évi­ter la sur­mé­di­ca­li­sa­tion de la vieillesse et à rendre le métier d’infirmier en mai­son de repos plus attractif.

Rare­ment une poli­tique aus­si essen­tielle n’a eu aus­si peu d’informations à sa dis­po­si­tion. Des enquêtes et ana­lyses régu­lières doivent per­mettre de mieux connaitre l’état des lieux et l’évolution (pros­pec­tive) des besoins, des dyna­miques à l’œuvre, des repré­sen­ta­tions socio­lo­giques, etc. Un bon point serait déjà de com­men­cer par une étude sur les mai­sons de repos (listes d’attente, lieu d’origine des rési­dents, nombre de per­sonnes qui ont besoin d’être aidées finan­ciè­re­ment, mon­tants et détails des fac­tures, etc., toutes choses très peu ou mal connues).

Il faut réflé­chir la poli­tique de loge­ment et d’hébergement des per­sonnes âgées autour de trois concepts : un tis­su de struc­tures et infra­struc­tures, for­mant un conti­nuum, avec par­fois des allers-retours, arti­cu­lé par des coor­di­na­tions par­ti­ci­pa­tives. La ges­tion des flux entre l’hôpital (par­ti­cu­liè­re­ment les ser­vices géria­triques) et le domi­cile ou d’autres lieux d’accueil appa­rait être un enjeu majeur.

Les normes doivent être revi­si­tées et reca­li­brées pour évi­ter un trop grand ration­ne­ment de l’offre, pour faci­li­ter la vie, pour allé­ger les tâches admi­nis­tra­tives et les com­pli­ca­tions inutiles. Peut-être a‑t-on pro­gram­mé trop vite la dis­pa­ri­tion des petites maisons !

Si l’on veut évi­ter inquié­tudes, voire angoisses, des per­sonnes âgées au fur et à mesure qu’elles vieillissent, il faut mettre sur pied une assu­rance auto­no­mie solide pour finan­cer le main­tien à domi­cile (ou for­mules assi­mi­lées) et garan­tis­sant l’accès à une mai­son de repos (et struc­tures assi­mi­lées) sans dépendre de l’assistance.

La recon­ver­sion d’une par­tie des moyens bud­gé­taires pha­go­cy­tés par les titres-ser­vices en finan­ce­ment des quo­tas d’heures des ser­vices d’aides fami­liales, aides-séniors et gardes-malades appa­rait indispensable.

Il faut consa­crer plus de moyens — en abso­lu et en termes rela­tifs — aux infra­struc­tures autres que les mai­sons de repos (rési­dences-ser­vices, centres d’accueil, centres com­mu­nau­taires, centres de soins de jour…). D’autres for­mules, comme par exemple les pen­sions de famille pro­mues par la Fon­da­tion abbé Pierre en France ou des lieux d’accueil en hôpi­tal de per­sonnes en début de conva­les­cence, doivent être tes­tées en Wallonie.

Le main­tien à domi­cile doit s’appuyer sur des concer­ta­tions plus larges, plus par­ti­ci­pa­tives et plus créa­tives. La créa­tion de per­sonnes réfé­rentes, dont le fonc­tion­ne­ment pour­rait s’inspirer de celui du concierge de rue, dans les rues ou quar­tiers où il y a beau­coup de per­sonnes âgées, pour­rait sou­te­nir ces concertations.

Créer des agences immo­bi­lières sociales spé­cia­li­sées pour les per­sonnes âgées per­met­trait de faci­li­ter le (gros) entre­tien de leur loge­ment et de sti­mu­ler l’accueil d’étudiants, de per­sonnes seules… dans des loge­ments deve­nus sou­vent trop grands et trop vides.

Il faut libé­rer du temps, pour du tra­vail béné­vole et les aides et sou­tiens four­nis par les proches. Néces­saire pour d’autres rai­sons, une poli­tique d’aménagement et de réduc­tion du temps de tra­vail trouve ici une néces­si­té sup­plé­men­taire. Pen­ser que l’on pour­ra conso­li­der et déve­lop­per une poli­tique de main­tien à domi­cile et d’accueil des per­sonnes âgées en ins­ti­tu­tions sans une part — inévi­ta­ble­ment crois­sante — de soli­da­ri­tés de proxi­mi­té (proches et volon­taires) est une illu­sion qu’il faut dis­si­per. La mobi­li­sa­tion de ces res­sources pas­se­ra aus­si par un sou­tien accru aux aidants7.

La lutte contre la soli­tude et la dépres­sion des per­sonnes doit consti­tuer une autre priorité.

Enfin, il faut se pré­pa­rer à « gérer » au mieux de nou­veaux publics : per­sonnes d’origine étran­gère ou por­tant d’autres cultures, couples homo­sexuels, per­sonnes han­di­ca­pées, ménages dont l’un entre en mai­son de repos et l’autre reste au domi­cile, etc.

Pour les per­sonnes âgées aus­si : moins de biens, plus de liens !

  1. Voir, par exemple : Bureau fédé­ral du Plan, « Adé­qua­tion des pen­sions et cout bud­gé­taire du vieillis­se­ment : impacts de réformes et de scé­na­rios alter­na­tifs », Wor­king Paper, 22 – 10, 2010.
  2. Les mai­sons de repos (MRPA) sont sup­po­sées accueillir des rési­dents ne néces­si­tant pas de soins lourds. Les mai­sons de repos et de soins (MRS) accueillent des per­sonnes âgées plus dépen­dantes (pour diverses rai­sons). Dans les faits, de nom­breuses ins­ti­tu­tions accueillent, dans les mêmes lieux, les deux types de rési­dents (dans des pro­por­tions variables) et le sec­teur public et asso­cia­tif accueillent pro­por­tion­nel­le­ment beau­coup plus de rési­dents « MRS ».
  3. Elles sont, par exemple, très nom­breuses dans les mai­sons de repos de la région de Tournai.
  4. Le texte qui suit reprend l’essentiel de la pré­face de la publi­ca­tion « Envie de vie ! Pro­duire de la qua­li­té de vie, en mai­son de repos… cela ne s’improvise pas », UCP, 2010.
  5. Concrè­te­ment, la per­sonne âgée s’installe au rez-de-chaus­sée d’un habi­tat tan­dis qu’un jeune ménage ou une famille occupe le reste de la mai­son. Sou­vent la per­sonne âgée est la pro­prié­taire ou le bailleur des lieux et il est pré­vu un contrat qui pré­cise les moda­li­tés de la rela­tion de ser­vices et le loyer modique payé par la famille.
  6. Voir pour plus de déve­lop­pe­ments par exemple : Roset­ta Flon­chon, « L’accueil fami­lial des ainés : l’expérience contre­dit le décret », Alte­rE­chos, n° 275.
  7. Voir, par exemple : Périne Brot­corne, « Quel sou­tien adé­quat pour aider les aidants proches ? », Démo­cra­tie, 1er mai 2011.

Philippe Defeyt


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