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Le flash trading annonce-t-il l’émergence de l’@finance ?

Numéro 11 Novembre 2012 par Fernandez

novembre 2012

Il ne s’écoule plus une jour­née sans que la presse finan­cière, les régu­la­teurs du G20 ou le monde aca­dé­mique com­mentent la révo­lu­tion IT en cours sur les mar­chés finan­ciers. D’une part, on retrouve une course folle vers « le tou­jours plus vite » du tra­ding à haute fré­quence et, d’autre part, une crainte gran­dis­sante tant des régu­la­teurs que […]

Il ne s’écoule plus une jour­née sans que la presse finan­cière, les régu­la­teurs du G20 ou le monde aca­dé­mique com­mentent la révo­lu­tion IT en cours sur les mar­chés financiers.

D’une part, on retrouve une course folle vers « le tou­jours plus vite » du tra­ding à haute fré­quence et, d’autre part, une crainte gran­dis­sante tant des régu­la­teurs que des inves­tis­seurs sur les risques poten­tiels de ces nou­velles tech­no­lo­gies en matière de vola­ti­li­té, de liqui­di­té et de mani­pu­la­tion des marchés.

Dia­bo­li­sé par les uns, sou­te­nu par d’autres, le tra­ding à haute fré­quence n’est pour­tant qu’emblématique des ques­tions sou­le­vées par l’émergence des mar­chés finan­ciers « modernes » ou de la @finance.

De l’émergence ful­gu­rante d’internet aux réseaux sociaux en moins d’une géné­ra­tion, le para­digme majeur de l’économie mon­diale nais­sante repose sur la pro­duc­tion et l’exploitation expo­nen­tielle d’informations, sur la com­plexi­fi­ca­tion des orga­ni­sa­tions ain­si que sur leur pro­fonde inter­con­nec­ti­vi­té ren­due pos­sible par la révo­lu­tion IT. Ce nou­veau para­digme est valable dans notre vie sociale de tous les jours ain­si que dans la struc­tu­ra­tion de l’économie mon­diale et de la finance.

Tant en science humaine qu’en finance, l’utilisation d’algorithmes de plus en plus per­fec­tion­nés per­met de gérer la crois­sance expo­nen­tielle de l’information et de la com­plexi­té. Les algo­rithmes nous per­mettent au quo­ti­dien d’effectuer en des temps records des cal­culs hors de por­tée du cer­veau humain. Illus­trant cette évo­lu­tion, IBm pré­di­sait que la masse d’informations dans le monde dou­ble­rait toutes les onze heures à par­tir de 2010. En 2012, la même socié­té invente le plus petit sto­ckage infor­ma­tique du monde en sto­ckant un bit (un zéro ou un un) sur douze atomes.

Est-il dès lors anor­mal de voir ces inno­va­tions tech­no­lo­giques se déve­lop­per dans le monde de la finance ? Au regard des enjeux d’efficience, d’intégrité et de sta­bi­li­té des mar­chés finan­ciers, la tech­no­lo­gique d’exécution d’opérations finan­cières à haute vitesse ne repré­sente-elle pas plu­tôt une avan­cée néces­saire et utile ?

En route vers la nanoseconde…

Lorsqu’on prend la mesure de la révo­lu­tion tech­no-finan­cière en cours, il est légi­time de s’interroger sur la per­ti­nence et l’applicabilité de cer­taines pro­po­si­tions législatives.

Pre­nons par exemple la pro­po­si­tion du Par­le­ment euro­péen sur l’obligation de déte­nir une posi­tion de tra­ding au mini­mum une demi-seconde. Cette pro­po­si­tion est pré­sen­tée comme une solu­tion pour contrer l’avantage com­pé­ti­tif déte­nu par les flash tra­ders ; ceux-ci annon­çant au même moment le cap de la nano­se­conde1. Est-il per­ti­nent de vou­loir contrer une évo­lu­tion tech­no­lo­gique géné­ra­li­sée dans le seul cas d’application du tra­ding ? Ne fau­drait-il pas plu­tôt accom­pa­gner l’innovation pour en pré­ve­nir les risques ?

Le para­doxe de cette évo­lu­tion est résu­mé par le Finan­cial Times dans son article évo­ca­teur « Rage against the machine2 ». Paral­lè­le­ment aux inter­ro­ga­tions et craintes des super­vi­seurs quant à l’impact du flash tra­ding sur la vola­ti­li­té intra­day (c’est-à-dire les opé­ra­tions d’achat et de vente réa­li­sées sur la même jour­née) et les risques d’évaporation de la liqui­di­té en période de crise, de plus en plus d’investisseurs perdent confiance en cette tech­no­lo­gie jugée trop com­plexe, trop risquée.

Mais au même moment, la tech­no­lo­gie algo­rith­mique cou­plée à une capa­ci­té d’exécution et de trans­mis­sion d’informations de plus en plus rapide consti­tue une base essen­tielle de l’innovation de l’économie mondiale…

L’exemple des chambres de compensation…

Après la crise finan­cière de 2008 – 2009, les prin­ci­paux régu­la­teurs du G20 ont déci­dé d’imposer des chambres de com­pen­sa­tion cen­tra­li­sées3. L’objectif est de rendre plus visible l’immense mar­ché des pro­duits déri­vés négo­ciés jusque-là de gré à gré. Cette situa­tion impli­quait un défaut de visi­bi­li­té sur le risque de contre­par­tie, et dès lors, de mesure du risque sys­té­mique de ce sec­teur. Aujourd’hui, les mar­chés assistent à une marche for­cée, tant aux États-Unis qu’en Europe, vers une cen­tra­li­sa­tion, mais éga­le­ment une auto­ma­ti­sa­tion à haute vitesse du cal­cul du risque de contre­par­tie des pro­duits dérivés.

Comme le sou­ligne le Finan­cial Times4, la tech­no­lo­gie de la haute fré­quence d’exécution per­met dès lors la mise en cor­res­pon­dance (map­ping) de plus en plus rapide de mil­lions de deals au tra­vers de ces chambres de com­pen­sa­tion. Ce nou­veau cock­tail de cen­tra­li­sa­tion et d’automatisation de pro­duits déri­vés, pré­sen­té comme une avan­cée posi­tive pour la sta­bi­li­té des mar­chés, sou­lève mal­gré tout de nou­velles interrogations.

Vers le renforcement des pratiques de risk management

À l’image de ce qui s’est pas­sé dans le sec­teur ban­caire, l’évolution en cours dans les chambres de com­pen­sa­tion sou­lève diverses ques­tions. Ne faut-il pas craindre une trop forte cen­tra­li­sa­tion débou­chant sur la pro­blé­ma­tique du « trop grand pour pou­voir faire faillite » ? Qui pour­ra assu­rer le rôle du « sta­bi­li­sa­teur » de der­nier res­sort en cas de faillite d’une chambre de com­pen­sa­tion sys­té­mique ? Com­ment la super­vi­sion de ces ins­ti­tu­tions sys­té­miques pour­ra-t-elle pré­ve­nir en temps réel le risque de défaillance de la tech­no­lo­gie du flash map­ping des risques de contrepartie ?

À l’heure des débats sur l’Union ban­caire euro­péenne, cette nou­velle archi­tec­ture des mar­chés finan­ciers balan­cée entre frag­men­ta­tion et cen­tra­li­sa­tion ne sou­lève-t-elle pas le besoin d’une vue conso­li­dée inté­grant le nou­veau para­digme de la @finance ? À savoir l’articulation de l’information et de la com­plexi­té (dans une expan­sion crois­sante) cou­plée à une inter­con­nec­ti­vi­té allant jusqu’au smart­phone individuel.

Ce nou­veau para­digme implique sans conteste un besoin urgent de normes et d’outils de ges­tion du risque per­met­tant d’évaluer la ques­tion cen­trale : quelle est la valeur sociale ajou­tée d’innovations tech­no-finan­cières telles le flash trading ?

  1. Une nano­se­conde égale un mil­liar­dième de seconde. Zep­to­nics, une socié­té spé­cia­li­sée en tech­no­lo­gie finan­cière de Syd­ney, annonce aujourd’hui la com­mer­cia­li­sa­tion de la tech­no­lo­gie la plus rapide du monde allant de 5 à 130 nano­se­condes. www.zeptonics.com/news/index.html.
  2. 16 octobre 2012.
  3. La chambre de com­pen­sa­tion est un orga­nisme finan­cier ayant pour but d’éliminer les risques de contre­par­tie sur les mar­chés déri­vés. Concrè­te­ment, la chambre de com­pen­sa­tion est la contre­par­tie unique de tous les opé­ra­teurs. Elle assure la sur­veillance des posi­tions. Elle exige la for­ma­tion dans ses livres d’un dépôt de garan­tie le jour de la conclu­sion d’un contrat. En cas de perte poten­tielle d’un inter­ve­nant, elle pro­cède à un appel de marge.
  4. « Swaps trades on brink of tough new regime », Finan­cial Times, 17 octobre 2012.

Fernandez


Auteur

est consultant Financial risk et assistant à Solvay Brussels School of Economics and Management (ULB)