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L’interdit qui voile
Alors que le débat est toujours d’actualité, la majorité des écoles bruxelloises ont interdit le voile. Chaque matin, ils disparaissent à la grille de l’école, mais ce « problème difficile à gérer » n’a jamais quitté l’école et la vie des quartiers qui l’entourent. Hier, cette réalité faisait partie intégrante de l’école, aujourd’hui, c’est toujours le cas à une différence près : par l’interdit, l’institution tente de la nier.
« Et chaudasse, tu sais que ta façon de t’habiller c’est pas hallal ! » Mohamed interpelle une fois de plus une élève de sa classe. Pas hallal ou pas licite. Donc pas autorisé, donc interdit. Nous y voilà. Les jeunes Bruxellois de milieu populaire et issus d’une famille de confession musulmane ne perçoivent souvent l’islam qui est le leur (l’est-il vraiment?) que par une dualité unique : le licite et l’illicite. Viande, amour, sexualité, tenue vestimentaire… La vie est régie par ce qui est interdit d’un côté et ce qui est autorisé de l’autre. Derrière son bureau, le prof, lui, entre en collision frontale avec ce monde. Un monde qu’il peut tenter d’ignorer, mais qui va très vite le rattraper. Une fois rattrapé, l’enseignant peut choisir de déconstruire ce mécanisme pour ensuite mieux le reconstruire avec ses élèves. Mais voilà que, dans l’école où j’enseigne, on a choisi d’adopter le même schéma que les élèves : l’interdit. Interdit dans l’enceinte de l’école, autorisé en dehors, le voile devient l’objet d’une dualité lui aussi : interdit de le porter à l’école, interdit de ne pas le porter pour l’islam pratiqué par les élèves…
De la longueur du voile…
Retour en arrière : mai 2008, le pouvoir organisateur de l’école décide, sans consultation du corps professoral ni des élèves, d’interdire le port du « couvrechef » dès la rentrée scolaire. Les parents seront dès lors avertis par un courrier qui annonce l’interdit du couvrechef, « casquette, voile…». Le voile, un couvrechef comme un autre pour la direction. Le voile, un signe de la foi pour les destinataires. Deux réalités, un oppresseur qui croit savoir et un opprimé qui ne peut que subir. Et la raison d’être de cet interdit n’est pas dévoilée. Ou à peine : les filles voilées n’auraient pas respecté le règlement qui était d’application jusque-là. En effet, un an plus tôt la direction avait décidé d’interdire les « voiles longs ». Mais le flou sur ce qu’il fallait entendre par « voile long » avait amené certains à parler d’un voile « à la pirate » (donc attaché à l’arrière du cou, mais sans le cacher) alors que, pour d’autres, il fallait entendre « un voile qui ne recouvrait pas l’ensemble du corps ». Un compromis sera trouvé : le voile « traditionnel » est autorisé à condition de le mettre à l’intérieur du col du chemisier. Globalement, la règle sera bien respectée. Et pour avoir observé la traque par certaines enseignantes des filles qui manquaient à la règle, je peux dire qu’il était difficile d’esquiver… Alors qu’au même moment, ce n’était pas d’esquiver, mais d’impunité dont on pouvait parler lorsque la direction admettait qu’il était impossible de faire respecter aux garçons l’interdiction de fumer imposée par la Communauté française. Deux poids, deux mesures.
Quant au voile à porter à l’intérieur du col, le fait que les filles aient accepté cette règle alors même que le coran parle de se « couvrir la poitrine », montre comment, pour certaines au moins, ce sont les cheveux qu’il convient de cacher avant tout…
… à son interdiction
Septembre 2008. La rentrée scolaire a lieu. Les élèves reviennent. Toutes sont désormais « dévoilées ». En fait, non. Toutes les filles qui ont pour habitude de porter le voile se dévoilent à l’entrée de l’établissement. Premier contact avec des filles dont je n’avais jamais aperçu la chevelure. Des visages parfois fort différents. Un mélange de honte, de timidité, de questionnement, de surprise aussi… traverse nos regards. L’interdit est néanmoins bien respecté. Mais surtout, le contrôle est bien présent. Ainsi, s’il m’arrive d’apercevoir des garçons portant une casquette dans la cour de récréation sans que quelqu’un ne pense à rappeler l’interdit, le voile est quant à lui absent de l’enceinte de l’école. Il ne ressort qu’en fin de matinée et en fin de journée lorsque les élèves quittent l’établissement. Elles peuvent alors le remettre dans le hall d’entrée de l’école où une matière réfléchissante qui tient lieu de miroir a été collée sur le côté du distributeur de boissons.
Certains craignaient que des filles abandonnent l’école en raison de l’interdit, mais cela n’a pas été le cas. Certaines filles ont suivi le message issu de la communauté musulmane elle-même mettant en avant l’importance de l’enseignement. D’autres reprendront cette idée en ajoutant qu’au « jour du jugement dernier, Dieu saura…».
Du côté d’une majorité du corps professoral et de la direction, c’est la satisfaction. Du « tu as vu Latifa, elle est si belle sans son voile…» au « eh bien, on fait tant d’histoires autour du voile, mais c’est quand même mieux ainsi » en passant par les « moi, j’ai l’impression que Samia est libérée de ne plus devoir porter ce voile noir qui cachait son visage. Elle porte aussi d’autres vêtements depuis…»
Tout irait donc bien dans le meilleur du monde ? Ceux qui prônent un interdit complet du port du voile au sein de l’ensemble des écoles de la Communauté française de Belgique ne peuvent que juger la mesure satisfaisante. Or le problème, c’est que cet interdit nous amène à penser que le voile a disparu, que le « problème » est résolu. Deux éléments tendent à montrer le contraire. D’un côté, l’interdit suscite encore la discussion lorsque les élèves abordent la question. De l’autre, le fait que les filles qui portent le voile ne le retirent que pendant le temps qu’elles doivent passer au sein de l’école. Si certains comptaient sur une disparition de l’islam et des « problèmes » ou questions qu’il soulève…
Du respect de l’interdit…
Deux phases ont suivi l’interdiction du port du voile, une première qui concerne surtout la première année de l’interdit. Et puis, cette année, la deuxième année, où des langues se délient.
La première année, le cours de religion catholique était le lieu de toutes les questions. Les nouveaux élèves qui, apprenant que, jusque-là, le voile avait été autorisé, demandaient à connaitre les raisons de ce changement. Les autres, les « anciens », reviennent eux aussi sur cette nouveauté. Le PO n’apportera jamais de réponse à cette question à laquelle moi-même je ne peux pas répondre. L’enseignant est tenu de se soumettre à la décision. Le questionnement est alors difficile à gérer et est surtout l’expression d’une double difficulté : d’une part, accepter qu’un signe qui apparait aux yeux des élèves comme innocent tout en étant hautement symbolique puisse être interdit sans raison apparente, et, d’autre part, participer aux cours dans une école que, jusque-là, ils appréciaient beaucoup. Une école qui, à les écouter, ne les considérait justement pas comme des élèves de seconde zone. Or l’interdit du voile les amène à penser qu’ils sont des croyants de seconde zone.
Mais, les difficultés vont alors apparaitre au cours de religion catholique. Fort d’une formation en sciences religieuses « islam » de l’UCL, je tente, avec mes classes parfois composées exclusivement d’élèves issus d’une famille de confession musulmane, de les aider à approcher la religion qui est la leur tout en respectant le programme de religion catholique. Mais cette approche est mise à mal par les élèves qui me reprochent de leur permettre d’exprimer leur foi dans une école qui en interdit l’un des signes. On a beau être un élève de l’enseignement professionnel, on est bien capable de souligner une incohérence que certains adultes n’avaient, semble-t-il, pas perçue. J’ai donc été contraint de modifier ma méthode de travail, le temps de quelques semaines au moins, pour permettre à ces élèves de s’habituer à ce changement.
Cette année, par contre, j’ai remarqué un retour à la normale. Ainsi, une élève m’a même demandé si l’on pouvait aborder la thématique du port du voile dans le cadre du cours. Elle-même voilée précisera par la suite sa demande : « Je voudrais savoir si le voile est recommandé ou obligatoire. » La question est simple. Et elle montre surtout comment l’interdit n’a que peu de sens ou d’intérêt à ses yeux. Elle cherche une réponse au sein même de la jurisprudence musulmane. Or c’est à son professeur de religion catholique qu’elle pose la question. Ceux qui pensent donc qu’en interdisant le port du voile à l’école c’est tout l’islam qui va disparaitre font erreur. Cela montre aussi qu’il est important de permettre à ces jeunes de trouver un lieu d’expression au sein de l’école. Sa question n’est-elle pas l’occasion rêvée de réfléchir à son rapport à la foi et surtout à sa pratique ? Pourquoi pose-t-elle la question du « comment » et non du « pourquoi » ? Et puisqu’elle le porte déjà, pourquoi se demande-t-elle s’il n’est peut-être que recommandé ?
… à L’exigence du respect
Les questions apparaissent aussi en dehors de la classe. Lors d’une rencontre, les élèves expriment une série de revendications sur l’école en général. Dans le top trois, l’on retrouve celle de « modifier la manière de demander aux filles de retirer le foulard à la grille de l’école ». Surpris, l’éducateur, lui-même de confession musulmane, interrogera les élèves. Réponse d’une fille non voilée, mais qui porte la parole de la classe : « Les filles voilées demandent à ce que les éducateurs leur demandent plus gentiment de retirer le voile. » Assistant à la discussion, j’ai l’impression d’élèves qui prennent leur revanche. « On doit retirer le voile ? D’accord, mais alors vous allez devoir nous le demander avec le respect qui s’impose. » Suit alors une deuxième revendication : celle d’un miroir plus approprié que ce qui est actuellement mis à la disposition des élèves. Deux demandes qui apparaissent plus d’un an après la mise en place de l’interdit.
Et puis cette intervention qui pose question. Lors de la même réunion, une élève qui porte le voile interpelle l’équipe éducative : « Je voudrais savoir si la règle de l’interdit du voile est valable sur l’autre site de l’école ? » L’école comporte en effet deux sites, l’autre étant celui où se donnent les cours de l’enseignement général. Réponse positive. L’élève explique alors que sur l’autre site les filles peuvent retirer leur voile, non pas à l’entrée de l’école, mais dans les toilettes. Elle souligne là une injustice. L’équipe éducative explique ne pas être au courant d’une telle différence, mais si elle existe, elle ne peut être admise car tous doivent être sur un pied d’égalité. Quelle que soit l’implantation, le voile doit être retiré à l’entrée de l’établissement. Réponse de l’élève : « Je suis d’accord avec vous, juste c’est juste. » Voilà que des élèves souvent obsédés par l’idée de ne pas « balancer », diminuaient le droit des filles voilées de l’autre site. Si l’objectif était d’obtenir le même « droit », l’élève s’y est mal prise. L’étonnement domine de voir que là où elle aurait pu lutter pour plus de droits, elle décide, par une intervention d’un individualisme criant, de retirer le petit droit supplémentaire que les filles de l’autre site avaient jusque-là.
Autre situation qui, nous allons le voir, n’est pas un cas isolé. La question de l’interdit en cas de sorties. Il y a d’abord ce sms reçu d’une élève de septième qui m’écrit : « Excusez-moi de vous déranger, mais j’ai une question à vous poser, lors d’une activité scolaire en dehors de l’école (cinéma), est-on obligé d’enlever son foulard ? » La semaine suivante, l’élève m’explique qu’un enseignant lui a demandé de retirer son foulard dans la salle de cinéma… Une autre fois, j’accompagne une équipe d’enseignants et deux classes dans le cadre d’un voyage de trois jours à Tournai. Quelques filles portent le voile. Et très rapidement lors d’une réunion pendant le voyage afin de vérifier que les règles de vie sont bien définies, une enseignante s’interroge sur le voile : « Ce matin, on a demandé aux garçons de retirer leurs casquettes, mais pas aux filles qui portent le voile ». À nouveau, le voile et la casquette sont mis sur le même plan. Par ailleurs, le règlement d’ordre intérieur est clair : le voile est autorisé pendant les sorties sauf dans les lieux où le règlement l’interdit. La question ne se pose donc pas dans le cas d’une auberge de jeunesse… Il faudra néanmoins en discuter pendant plusieurs minutes et, surtout, à deux reprises pour arriver à conclure cette discussion.
Or, pendant la soirée et surtout au début de la nuit, certains élèves, filles et garçons confondus, vont prier dans leur chambre ou dans le couloir. Et là, la question ne se pose pas. Les enseignants n’ont-ils pas remarqué ? Impossible. Alors pourquoi ?
L’institution change aussi. Ainsi, et alors même que ce n’était pas spécialement une demande des élèves, l’équipe éducative va demander l’autorisation pour les filles de garder le voile dans la cour de récréation en cas de pluie. Difficile, en effet, d’interdire à quelqu’un de se couvrir la tête lorsqu’il pleut ou neige… À lire le règlement, c’est ce qui était d’application depuis un an…
La réunion des parents est également l’occasion de perplexité. L’élève se présente avec sa mère et, parfois, ses sœurs ou cousines qui ne sont pas scolarisées dans l’établissement. Elle est contrainte d’enlever son voile alors que les femmes de sa famille peuvent le conserver… On peut aussi se demander comment des parents qui n’ont parfois aucune connaissance de la langue française vivent, mais surtout comprennent (ou pas) cet interdit. De quoi faire dire aux élèves une phrase qui revient trop souvent : « De toute façon, la Belgique, ce sont nos parents qui l’ont construite. Les trains, les autoroutes, les usines… Sans eux, il n’y aurait rien ici. Et pourtant, aujourd’hui, regardez comment on les remercie…»
Enfin, l’école a décidé dernièrement d’autoriser les élèves du troisième degré et les enseignants de fumer dans un endroit précis de la cour de récréation. Une autorisation qui a de quoi surprendre alors qu’un décret de la Communauté française est clair sur la question : l’interdit concerne l’ensemble du site de l’établissement. Mais c’est surtout la réaction de la classe de septième année qui est intéressante : le lieu prévu pour les fumeurs est situé juste devant leurs locaux… N’ayant pas été consultés par l’école, ils ont décidé de s’y opposer et font parvenir une lettre recommandée au PO et à la direction où ils posent une série de questions qui visent la logique d’autorisation de quelque chose qui est interdit par un décret. Mais le lien avec le voile n’est pas absent de leur démarche. Nombreux sont les élèves de cette classe qui n’avaient pas apprécié la décision d’interdire le voile. Ils soulignent donc ici un non-sens à leurs yeux : « Ce n’est pas normal Monsieur ! D’un côté, d’autoriser un objet qui nuit à la santé et est interdit par un décret. Et, de l’autre, d’interdire le voile qui ne nuit à personne et ne fait pas l’objet d’une loi. » À quoi l’on pourrait ajouter une interrogation : pourquoi l’interdiction de fumer est-elle assortie d’une campagne de prévention alors que ce n’est pas le cas du voile ? Un point qui confirme l’idée que l’école ne veut pas réfléchir à la problématique du voile, mais simplement l’éradiquer.
Le visage, prioritaire ?
Dévoilé, l’islam reste présent en classe. Présent dans la tête des élèves, mais dans leurs sacs aussi, dans les ouvrages qu’elles lisent parfois pendant le cours ou lors de la pause. Prenons par exemple un livre rédigé par un certain ‘Abd al-‘Azîz al-Muqbil, et qui s’intitule Pour toi, sœur musulmane1. L’ouvrage aborde différentes problématiques, dont celle du voile. On peut donc y lire qu’«en imposant le voile, l’islam veut, dans le cadre de ses sagesses et ses nobles objectifs, assurer pour la femme une vie de couple stable » (p. 61). Ou encore que « l’islam ordonne également à la femme d’exercer les travaux qui n’attirent pas les regards vers elle et lui demande de se voiler complètement » (p. 63). Un autre ouvrage, Questions fréquemment posées par les femmes2, précise que « Le voile légal, c’est le fait de cacher ce qui doit être légalement caché et en priorité le visage, car c’est ce qui séduit chez une femme » (p. 58). Enfin, un livre qu’une élève m’avait fortement conseillé, car « c’est écrit par Hassan Amdouni, vous ne le connaissez pas ? Il est vraiment bien, il a été mon prof de religion islamique à André Thomas…», s’intitule Le hijab de la femme musulmane. Les règles juridiques de l’habit et de la toilette de la femme musulmane3. Pour Hassan Amdouni « le hijab, pour la femme musulmane croyante, relève des Lois de Dieu qui font de lui une obligation ». Trois exemples qui montrent que l’école fait erreur en interdisant le port du voile. En effet, l’élève se voit imposer un interdit — sans raison apparente — alors que des auteurs musulmans que ce jeune tient pour des références en la matière lui expliquent que le voile est une obligation. À mes yeux, un travail de lecture critique des écrits de ces auteurs dans le cadre du cours de religion s’impose. Si l’enseignant nie, comme le fait l’institution, les lectures de son élève, il fait fausse route.
Dans le même ordre d’idées, dans la classe de septième où les élèves ont parfois vingt-et-un ans ou plus, j’aperçois les garçons discuter lors du premier cours qui suit le congé de Noël de la nouvelle barbe d’un garçon de la classe. « Une barbe islamique, comme l’a recommandé le prophète », me lance son ami. L’inégalité de l’interdit du voile pour les filles face aux garçons qui peuvent porter la barbe apparait ici clairement. Un élément qui concerne aussi certains membres du personnel enseignant, mais on imagine difficilement d’interdire le port de la barbe ou de définir la longueur des pantalons…
Enseigner pour libérer
La libération du « voile oppressif » que portent les jeunes filles musulmanes passe, pour l’institution scolaire, par l’interdit. La question est : à qui profite-t-il ? Aux filles voilées ou à l’institution et à son personnel ? On optera, au risque de surprendre, pour les seconds. En mal d’autorité, l’école et son corps professoral tentent de reprendre la main. S’ajoutent à cela des arguments plus personnels tels que le rapport que l’enseignant peut entretenir avec la foi et/ou l’islam. Or la réalité de terrain tend à montrer que le choix du port du voile peut être le signe d’un parcours de libération pour la jeune fille musulmane vivant dans un quartier de Bruxelles. Le recours à un islam « pur », qui n’a pas été contaminé par la culture et la tradition du pays d’origine, permet, par exemple, à ces filles de justifier le refus d’un mariage arrangé.
Il en va de même pour la culture du quartier qui amène les garçons à traiter de « putes » des filles qu’ils seront les premiers à importuner. Culture de là-bas, culture d’ici. L’oppression est la même. La solution aussi : le voile.
C’est pourquoi la question de savoir si l’interdit peut avoir un apport positif et contribuer à libérer des filles qui seraient « victimes » de l’obligation parentale (il reste à prouver qu’elles sont majoritaires) ou si tout simplement cela permet à ces filles de faire l’expérience de l’absence de voile afin de les préparer à d’autres situations où elles ne le porteraient pas n’a que peu de sens.
Un nombre important d’enseignants pensent au monde du travail, mais les filles voilées répondent souvent qu’elles comptent bien chercher un lieu de travail où elles pourront le porter. La réalité du terrain tend d’ailleurs à leur donner raison : « Monsieur, même chez Ikea, les caissières peuvent porter le voile ! » On peut aussi se demander si c’est le fait de ne plus porter le voile pendant les heures de cours qui fait que ces filles « semblent » mieux arranger leurs cheveux qu’on ne pouvait voir auparavant. Un peu comme si le pauvre ne pouvait avoir une idée du luxe, la fille voilée ne pourrait découvrir la beauté qu’avec l’interdit du voile à l’école…
C’est là que l’école oublie sa mission première : enseigner. Enseigner au lieu de penser qu’un interdit va changer des jeunes filles qui sont une des composantes de la société belge d’aujourd’hui et, donc, de demain. Enseigner pour libérer ces filles de l’oppression de la famille, du quartier, de la société de consommation, du système, mais aussi d’un islam à sens unique.
- Abd al-‘Azîz al-Muqbil, Pour toi, sœur musulmane, éditions al-Hadith, 2009
- Ibn Sâlih al-‘Uthaymîn, Questions fréquemment posées par les femmes, éditions Almadina, 2009.
- Hassan Amdouni, Le hijab de la femme musulmane. Les règles juridiques de l’habit et de la toilette de la femme musulmane, Le savoir éditions en 2004.