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L’équilibre précaire de la Justice

Numéro 2 - 2015 par Alexia Jonckheere Helena Almeida Manuel Lambert

mars 2015

Fichier BNG : la vie des autres Manuel Lam­bert  Pour pou­voir mener à bien leurs mis­sions de pré­ven­tion et de recherche des infrac­tions et de leurs auteurs, les ser­vices de police doivent néces­sai­re­ment récol­ter des infor­ma­tions diverses et variées. Lorsque celles-ci sont amas­sées, il faut bien les conser­ver quelque part, afin qu’elles puissent être consul­tées et utilisées […]

Dossier

Fichier BNG : la vie des autres

Manuel Lambert 

Pour pou­voir mener à bien leurs mis­sions de pré­ven­tion et de recherche des infrac­tions et de leurs auteurs, les ser­vices de police doivent néces­sai­re­ment récol­ter des infor­ma­tions diverses et variées. Lorsque celles-ci sont amas­sées, il faut bien les conser­ver quelque part, afin qu’elles puissent être consul­tées et uti­li­sées par les dif­fé­rents ser­vices com­pé­tents. C’est dans cette optique que sont consti­tuées une série de bases de don­nées et de fichiers poli­ciers conte­nant d’abondants ren­sei­gne­ments sur les citoyens : coor­don­nées, carac­té­ris­tiques diverses, pas­sé infrac­tion­nel, don­nées bio­lo­giques… C’est une évi­dence : un bon poli­cier est un poli­cier bien renseigné.

Afin de mettre de l’ordre dans l’ensemble des bases de don­nées poli­cières exis­tantes, le légis­la­teur a adop­té une loi visant à règle­men­ter la récolte, la trans­mis­sion et la conser­va­tion d’informations par les forces de police au sein d’un fichier appe­lé banque de don­nées natio­nale géné­rale (BNG).

De la néces­si­té d’une loi

Cette loi est d’une impor­tance cru­ciale. Elle a tout d’abord le mérite d’exister : elle per­met en effet de règle­men­ter un domaine qui ne l’était pas, ce qui, de ce fait, pou­vait entrai­ner des vio­la­tions des droits du citoyen (fichage illé­gi­time, consul­ta­tion de fichiers sans jus­ti­fi­ca­tion, etc.). Et ces vio­la­tions étaient plus nom­breuses que ce que les auto­ri­tés poli­cières vou­laient bien admettre. Par exemple, selon le quo­ti­dien De Mor­gen, au len­de­main du sui­cide de la chan­teuse fla­mande Yas­mine en sep­tembre 2009, plus de neuf-cents poli­ciers auraient consul­té ses don­nées per­son­nelles. On peut dou­ter que ces consul­ta­tions aient toutes eu pour objec­tif de faire avan­cer l’enquête… Dif­fé­rents actes de ce type ont mis en évi­dence le fait que les poli­ciers consul­taient régu­liè­re­ment les don­nées qu’ils pos­sèdent sur envi­ron 1,6 mil­lion de citoyens ins­crits dans la BNG, en dehors de toute jus­ti­fi­ca­tion professionnelle.

Tou­te­fois, si la récente loi contient cer­taines amé­lio­ra­tions par rap­port la situa­tion pré­exis­tante, elle n’est pas à l’abri des critiques.

Ques­tions de conservation
Si la police enre­gistre un citoyen pour un fait pour lequel il est ensuite acquit­té, rien ne pré­voit l’effacement auto­ma­tique des don­nées liées à ce fait. En effet, dans cette hypo­thèse, une com­mu­ni­ca­tion vers les ser­vices de police est pré­vue, ces der­niers devant alors prendre les mesures néces­saires. Mais, dans l’hypothèse où les ser­vices de police ne pro­cè­de­raient pas à l’effacement qui s’impose alors — la don­née en ques­tion n’étant plus per­ti­nente, aucune voie de recours n’est ouverte aux citoyens. Il existe donc un risque de res­ter fiché par la police pour une infrac­tion même si on a été acquit­té pour ce même fait par la justice.

Outre le fait que les don­nées pou­vant être enco­dées sont très variées, les délais de conser­va­tion en sont extrê­me­ment longs. En effet, après écou­le­ment du délai pré­vu pour la conser­va­tion des don­nées (jusqu’à quinze ans dans cer­tains cas), celles-ci ne font pas l’objet d’un effa­ce­ment, mais bien d’un archivage.

Comme l’a déjà sou­li­gné la Cour euro­péenne des droits de l’homme (CEDH), les don­nées doivent être conser­vées « pen­dant une durée n’excédant pas celle néces­saire aux fina­li­tés pour les­quelles elles sont enre­gis­trées ». Dans l’arrêt M.K. c. France, on lira avec inté­rêt que « Compte tenu de son pré­cé­dent constat selon lequel les chances de suc­cès des demandes d’effacement sont pour le moins hypo­thé­tiques, une telle durée [une période d’archivage de vingt-cinq ans] est en pra­tique assi­mi­lable à une conser­va­tion indé­fi­nie […].» L’État fran­çais a été condam­né alors qu’il pré­voyait un délai de conser­va­tion de vingt-cinq ans. Dans la loi belge, le délai d’archivage est de trente ans, aux­quels il faut ajou­ter les délais de trai­te­ment actif…

Fichage sans limites des mineurs

La loi pré­voit par ailleurs une pos­si­bi­li­té très large du fichage des mineurs : pour un mineur de qua­torze à dix-huit ans, l’inscription en BNG se fait sans l’intervention d’un quel­conque magis­trat. Le poli­cier décide seul du fichage BNG du mineur… L’inscription en BNG d’un mineur en des­sous de qua­torze ans se fait quant à elle avec l’autorisation d’un magis­trat, mais pas du juge de la jeu­nesse. En effet, le texte laisse la pos­si­bi­li­té d’un fichage sur simple auto­ri­sa­tion d’un sub­sti­tut du pro­cu­reur. Enfin, aucune limite mini­mum n’étant fixée pour l’inscription en BNG, un enfant de n’importe quel âge peut être fiché en BNG. Un fichage dès la crèche est donc théo­ri­que­ment possible…

Ces cri­tiques, ain­si que de nom­breuses autres, ont pous­sé la LDH à deman­der à la Cour consti­tu­tion­nelle d’annuler une par­tie de cette loi. En effet, si l’existence même de cette loi consti­tue une avan­cée, elle ne com­porte pas les garan­ties néces­saires en termes de contrôle démo­cra­tique pour res­pec­ter le pres­crit euro­péen et les liber­tés fon­da­men­tales. S’il est évident que les forces de police doivent avoir les moyens d’exercer leurs fonc­tions, il n’est pas moins évident que les citoyens doivent pou­voir s’assurer que ces moyens seront uti­li­sés dans le res­pect des valeurs fon­da­men­tales inhé­rentes à toute démo­cra­tie. Dans l’état actuel des choses, on en est loin.


Vidéosurveillance dans les commissariats : circulez, y’a rien à voir ?

Hele­na Almeida

En avril 2014, le bourg­mestre de la ville de Bruxelles, en concer­ta­tion avec le chef de corps de la zone de police, a impo­sé l’installation de camé­ras dans les cou­loirs du com­mis­sa­riat cen­tral de Bruxelles et à proxi­mi­té des cel­lules. À la suite de cette ini­tia­tive, le nombre de plaintes aurait bais­sé de manière non négligeable.

Cette déci­sion n’a pas été appré­ciée par plu­sieurs syn­di­cats poli­ciers qui ont dépo­sé, en juillet, un pré­avis de grève pour la police de Bruxelles-Ixelles. Davan­tage que les images recueillies, c’est sur­tout la prise de son qui a heur­té les fonc­tion­naires ain­si que l’observation conti­nue de ces séquences, contraires selon eux à la loi sur la vie pri­vée. Cette réac­tion nous pose une ques­tion essen­tielle : la vidéo­sur­veillance pour lut­ter contre les vio­lences poli­cières est-elle acceptable ?

Une méthode de sur­veillance qui a ses limites

L’intérêt de la pré­sence d’un sys­tème de vidéo­sur­veillance dans les com­mis­sa­riats semble à pre­mière vue évident. Tout d’abord, il est dif­fi­cile de prou­ver les faits décrits par les pré­su­mées vic­times de vio­lences poli­cières, sur­tout en l’absence de témoin. C’est la parole de l’un contre celle de l’autre, la ver­sion des forces de l’ordre l’emportant sou­vent en rai­son de leur asser­men­ta­tion et d’un éven­tuel pro­cès-ver­bal de rébel­lion qui les protège.

Ensuite, la pré­sence de ces appa­reils res­treint les zones où des bru­ta­li­tés peuvent être com­mises mal­gré l’impossibilité de toutes les cou­vrir. Leur pla­ce­ment sur des « ter­rains sen­sibles » rédui­rait les risques de déra­pages, comme les cel­lules des com­mis­sa­riats, les four­gons ou les cou­loirs d’accès aux avions en cas d’expulsion.

Mais ce sys­tème de sur­veillance a éga­le­ment des limites.

Les oppo­sants à cet outil pro­clament son inadap­ta­tion à résoudre le phé­no­mène com­plexe de la vio­lence poli­cière et aux divers fac­teurs qui la com­posent : lacunes dans la for­ma­tion, effets de groupe, usage de la force inhé­rent à la « culture » du métier, etc.

De plus, les témoi­gnages et les constats médi­caux consti­tuent déjà des preuves rece­vables en jus­tice. Ce sont plu­tôt les réponses judi­ciaires qui sont jugées insa­tis­fai­santes, telles l’absence de pour­suites par le par­quet ou l’indépendance dis­cu­table du Comi­té P1 ou de l’Inspection géné­rale. Or, en l’absence de répres­sion, un sen­ti­ment d’impunité peut s’installer.

En outre, concer­nant l’organisation de ce pro­cé­dé, des inter­ro­ga­tions épi­neuses sur­gissent : qui serait dési­gné pour récol­ter les images ? Quel serait le poids de cette res­pon­sa­bi­li­té ? Quelle mise en pra­tique et quel cout ? Cet argent pour­rait être inves­ti dans la pré­ven­tion plu­tôt que dans la tech­no­lo­gie, pri­vi­lé­giant la proxi­mi­té et le lien social.

Enfin, la ques­tion de l’atteinte à la vie pri­vée des agents et des per­sonnes qui font l’objet de mesures répres­sives est ici capi­tale : est-il légi­time de limi­ter ce droit pour en pro­té­ger un autre ?

Pour un enca­dre­ment règlementaire

La « loi camé­ra » votée le 21 mars 2007 auto­rise l’installation d’appareils de vidéo­sur­veillance sous cer­taines condi­tions et sauf excep­tions. Un ren­ver­se­ment de cette logique per­met­trait de pro­té­ger davan­tage la vie pri­vée des per­sonnes : il s’agirait d’interdire le recours à ces ins­tru­ments de manière géné­rale, mais d’accepter et d’encadrer leur uti­li­sa­tion uni­que­ment lors d’occasions spé­ci­fiques. Autre­ment dit, dans des zones échap­pant au contrôle social, ce qui n’est pas le cas de l’espace public, mais bien des locaux fer­més des com­mis­sa­riats de police.

Dans ce conflit entre deux droits fon­da­men­taux, le droit à l’intégrité phy­sique devrait pro­vi­soi­re­ment pri­mer sur le droit à la vie pri­vée, en limi­tant l’intrusion au maxi­mum. Pour ce faire, l’accès aux images et la durée de conser­va­tion néces­si­te­raient une stricte règle­men­ta­tion. Le per­son­nel man­da­té pour vision­ner les séquences fil­mées devrait rece­voir une for­ma­tion adap­tée et appar­te­nir à une struc­ture indé­pen­dante et suf­fi­sam­ment finan­cée. La sau­ve­garde des vidéos devrait requé­rir quant à elle la demande d’un juge d’instruction ou d’un pro­cu­reur à la suite du dépôt d’une plainte, endéans un délai rai­son­nable per­met­tant à la vic­time de réagir en cas d’incident.

Plu­sieurs orga­nismes inter­na­tio­naux de pro­tec­tion des droits humains ont recom­man­dé à la Bel­gique le recours à la sur­veillance vidéo. De même, la Com­mis­sion de la pro­tec­tion de la vie pri­vée2 rap­pelle que la vidéo­sur­veillance des lieux de déten­tion est pré­vue, auto­ri­sée et enca­drée3 et est éga­le­ment favo­rable à l’enregistrement sonore pour contri­buer à éta­blir la véri­té des faits. Cette tech­nique ne vise pas seule­ment la pro­tec­tion des per­sonnes pri­vées de liber­té, mais consti­tue aus­si un moyen de contrer les accu­sa­tions men­son­gères por­tées à l’égard des forces de l’ordre. Ou la camé­ra comme outil tant de pro­tec­tion que de transparence.

Sur un thème simi­laire, ren­dez-vous sur le site www.revuenouvelle.be pour lire un article inédit de Mathieu Beys : « Le droit à la vie pri­vée : bouée de sau­ve­tage des poli­ciers vio­lents et bâillon des témoins gênants ? ».


Sipar ou l’étrange survivance d’un outil obsolète

Alexia Jonckheere 

Le 10 octobre 2004, l’usage de Sipar, une appli­ca­tion infor­ma­tique, était impo­sé par voie de cir­cu­laire dans toutes les mai­sons de jus­tice du pays, mais aujourd’hui, dix ans après son intro­duc­tion, nul ne songe à fêter son anni­ver­saire. Est-ce le signe d’une bana­li­sa­tion de l’informatisation de la jus­tice ? Dans la note stra­té­gique du 2 avril 2014 du comi­té de direc­tion du SPF Jus­tice sont men­tion­nées pas moins de soixante-six appli­ca­tions en usage au sein de l’administration de la jus­tice, appli­ca­tions jugées en par­tie obso­lètes et incom­pa­tibles. Ce constat vaut pour Sipar, mais cet outil per­dure mal­gré ses dys­fonc­tion­ne­ments. Il sur­vi­vra étran­ge­ment (pour un temps limi­té?) à la com­mu­nau­ta­ri­sa­tion des mai­sons de jus­tice. Depuis le 1er juillet 2014, les com­pé­tences des mai­sons de jus­tice ont en effet été trans­fé­rées aux Com­mu­nau­tés. Cepen­dant, les moyens finan­ciers, le per­son­nel et la logis­tique sont res­tés aux mains de l’État fédé­ral jusqu’au 31 décembre der­nier. Que va-t-il se pas­ser alors en termes d’informatisation ? Pour l’heure, nul ne le sait. Tout au plus est-il cer­tain qu’à défaut d’anticipation, les Com­mu­nau­tés n’auront d’autre choix que de pro­lon­ger l’existence d’un outil quelque peu obso­lète. C’est inquié­tant. Au vu notam­ment du dés­œu­vre­ment des assis­tants de jus­tice lorsqu’il tombe en panne. Les dix ans de Sipar sont l’occasion d’une mise en lumière des ten­sions qu’il cris­tal­lise au sein du tra­vail social en justice.

Un outil tentaculaire

Long­temps dis­sé­mi­nés au sein de l’administration de la jus­tice, de nom­breux tra­vailleurs sociaux ont été ras­sem­blés, en 1999, au sein des mai­sons de jus­tice, char­gées prin­ci­pa­le­ment du sui­vi d’auteurs d’infraction en dehors des pri­sons. Alors qu’ils ne fai­saient jusque-là l’objet que d’une faible régu­la­tion de leurs pra­tiques, l’introduction des prin­cipes du nou­veau mana­ge­ment public dans les struc­tures admi­nis­tra­tives de l’État les confronte aujourd’hui à une règle­men­ta­tion qui a par­cel­li­sé et stan­dar­di­sé leur acti­vi­té. Chaque étape de l’intervention sociale est à pré­sent iden­ti­fiée et codi­fiée, d’une façon extrê­me­ment pré­cise, à tra­vers des cen­taines d’instructions de tra­vail. L’application infor­ma­tique sou­tient l’exécution de ces ins­truc­tions : rien ne se passe en mai­son de jus­tice sans que l’information y rela­tive n’y soit dument consi­gnée. Cela vaut pour chaque nou­veau dos­sier, appel télé­pho­nique, entre­tien, etc. C’est l’assistant de jus­tice qui est res­pon­sable de l’exactitude et de l’exhaustivité des infor­ma­tions enre­gis­trées et ren­dues acces­sibles, dans les vingt-quatre heures, dans toutes les mai­sons de jus­tice du pays. Ain­si, après avoir consi­gné les don­nées dans l’application, l’assistant de jus­tice n’en a plus la mai­trise, dans un contexte où leurs usages ne cessent de croitre. Outre la cen­tra­li­sa­tion des infor­ma­tions rela­tives aux per­sonnes sui­vies, la base de don­nées assure par exemple l’alimentation d’indicateurs de per­for­mance visant à déter­mi­ner la rapi­di­té des prises en charge ou la remise des rap­ports dans les délais impar­tis. Elle sou­tient éga­le­ment la pro­duc­tion auto­ma­ti­sée de cour­riers et de rap­ports, sur la base de modèles prédéfinis.

Une mise en ten­sion du tra­vail par l’informatique

Sipar struc­ture l’intervention sociale et en orga­nise une « tra­ça­bi­li­té », ce qui ras­sure les tra­vailleurs et les sou­tient dans leur acti­vi­té. Mais il emporte éga­le­ment quelques évo­lu­tions silen­cieuses, (trop) peu ques­tion­nées. Il est tout d’abord à craindre que l’individualisation des prises en charge s’estompe face à la mon­tée en puis­sance de la nor­ma­li­sa­tion des pra­tiques. Celle-ci est recher­chée au nom du prin­cipe d’égalité (chaque tra­vailleur doit assu­rer un niveau de pres­ta­tion équi­valent à l’égard de chaque auteur d’infraction) et à des fins de pré­vi­si­bi­li­té (il s’agit de satis­faire la « clien­tèle » des mai­sons de jus­tice, à savoir les auto­ri­tés judi­ciaires et admi­nis­tra­tives qui les man­datent, en déter­mi­nant à l’avance les pres­ta­tions offertes). Sipar sou­tient cette nor­ma­li­sa­tion, par ses effets de struc­tu­ra­tion : il encou­rage les tra­vailleurs à n’accomplir que les pres­ta­tions dont ils peuvent infor­ma­ti­que­ment rendre compte, leur per­cep­tion des auteurs d’infraction tend à être réduite aux variables dont ils doivent assu­rer l’enregistrement, les rap­ports rela­tifs aux prises en charge s’appuient prin­ci­pa­le­ment sur des infor­ma­tions pré­en­re­gis­trées, peu contex­tua­li­sées. Par ailleurs, Sipar auto­rise un contrôle des tra­vailleurs qui se super­pose au contrôle des auteurs d’infraction (voire, le rem­place?). L’outil rend néan­moins fac­tice la véri­fi­ca­tion du tra­vail, se cen­trant sur un contrôle pro­cé­du­ral et non sub­stan­tiel. Il s’appuie éga­le­ment sur des aspects for­mels lors du contrôle des per­sonnes sui­vies, dans la mesure où leur res­pon­sa­bi­li­sa­tion dans l’exécution de leurs peines va jusqu’à exi­ger qu’ils pro­duisent eux-mêmes la preuve de cette exé­cu­tion, preuve dont peuvent se satis­faire les assis­tants de jus­tice. Mais c’est en termes de domi­na­tion que l’outil exerce son pou­voir de contrôle. Les assis­tants de jus­tice pensent être sur­veillés à tra­vers Sipar, mais ils n’en ont pas la confir­ma­tion. Dès lors, ils tendent à s’autocontrôler afin d’éviter d’être sanc­tion­nés s’ils s’écartent des normes impo­sées. Enfin, Sipar invite à inter­ro­ger l’espace encore dévo­lu à la dimen­sion sociale du tra­vail en mai­son de jus­tice dès lors qu’il sou­tient de façon pri­vi­lé­giée la dimen­sion admi­nis­tra­tive de l’activité des travailleurs.

À par­tir du 1er jan­vier 2015, les Com­mu­nau­tés seront-elles à l’écoute de ces évo­lu­tions silen­cieuses et enten­dront-elles éta­blir les règles éthiques qu’appelle l’outil ? À com­men­cer par celles rela­tives à l’échange des don­nées entre enti­tés fédé­rées et l’État fédéral.

Ce texte s’appuie sur un ouvrage paru récem­ment : A. Jonck­heere, (Dés)équilibres. L’informatisation du tra­vail social en jus­tice, éd. Lar­cier, coll. « Cri­men », 2013.

  1. Comi­té per­ma­nent de contrôle des ser­vices de police.
  2. Recom­man­da­tion n° 06/2011 du 6 juillet 2011 : Recom­man­da­tion sur l’installation et l’utilisation de camé­ras de sur­veillance dans les lieux de déten­tion et dans d’autres lieux du com­mis­sa­riat (CO-AR-2010 – 04).
  3. Arrê­té royal du 14 sep­tembre 2007 rela­tif aux normes mini­males, à l’implantation et à l’usage des lieux de déten­tion uti­li­sés par les ser­vices de police (« arrê­té “cel­lule”»).

Alexia Jonckheere


Auteur

Helena Almeida


Auteur

Manuel Lambert


Auteur

conseiller juridique, membre de la commission Prison (LDH)