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Japon : le duel Abe-Koke

Numéro 1 - 2018 par Mohamed Chourak

février 2018

Le duel que se sont livrés pen­dant près d’un an et demi Shin­zo Abe, Pre­mier ministre, et Yuri­ko Koike, gou­ver­neure de Tokyo, a connu un trai­te­ment média­tique hors norme au Japon. Si de prime abord, ces deux per­son­nages semblent s’opposer sur bien des points, il existe pour­tant une véri­table conver­gence idéo­lo­gique entre leurs programmes.
Décryp­tage des enjeux d’un duel au sommet.

Article

Sur le plan natio­nal japo­nais, le duel entre le samou­raï Abe et l’onna-bugei­sha1 Koike a mobi­li­sé et mono­po­li­sé l’information dans le pays pen­dant plus d’une année et demie avant de reve­nir à ses habi­tudes quo­ti­diennes à la suite de la défaite de Koike aux élec­tions légis­la­tives du 22 octobre 2017 et sa démis­sion de la pré­si­dence du Par­ti de l’espoir un mois plus tard.

Il s’agira de reve­nir sur le che­mi­ne­ment poli­tique qui a ame­né cette onna-bugei­sha à sor­tir de son rela­tif ano­ny­mat deve­nant en moins d’une année une des femmes les plus connues non seule­ment au Japon, mais aus­si à l’étranger. Elle a pu conqué­rir la mai­rie de Tokyo, puis l’assemblée métro­po­li­taine de la capi­tale nip­ponne et enfin se poser un cer­tain moment en vrai concur­rente du Pre­mier ministre Abe, avant que ce der­nier réus­sisse à remon­ter la pente avec la défaite de Koike aux légis­la­tives anticipées.

Le parcours d’une militante

La gou­ver­neure de Tokyo Yuri­ko Koike, âgée de soixante-quatre ans, a un par­cours poli­tique riche, mais peu ortho­doxe par rap­port à celui d’Abe, même si les deux per­son­na­li­tés demeurent le fruit du sys­tème. Yuri­ko Koike, ancienne jour­na­liste, a été encou­ra­gée à entrer en poli­tique durant la « révo­lu­tion interne » du Par­ti libé­ral démo­crate (PLD) qui sera ame­né à perdre le pou­voir dans le début des années 1990.

Dans la fou­lée de la mise en cause du « sys­tème dit de 19552 », Koike, comme de nom­breux jeunes de sa géné­ra­tion, adhère à la nou­velle for­ma­tion poli­tique, le Nou­veau par­ti du Japon (NPJ), for­ma­tion diri­gée par Mori­hi­ro Hoso­ka­wa, ancien gou­ver­neur de la pré­fec­ture de Kuma­mo­to et des­cen­dant des samou­raïs. Hoso­ka­wa dira de Koike qu’elle est la seule jour­na­liste qui pose des ques­tions inté­res­santes et il la rap­pro­che­ra de lui. En 1992, elle sera élue à la Chambre Haute (des conseillers) de la Diète sous l’étiquette du par­ti. Par la suite et en « oiseau migra­teur3 », elle vole­ra entre les dif­fé­rents mou­ve­ments réfor­ma­teurs issus de la dis­lo­ca­tion du PLD avant de retour­ner en son sein.

Le peu d’expérience de l’opposition qui a rem­pla­cé le PLD, sa com­po­si­tion très hété­ro­gène sans oublier les consé­quences de la catas­trophe de Fuku­shi­ma du 11 mars 2011 ont eu rai­son de la courte paren­thèse de celle-ci et ont pré­ci­pi­té le retour en force au pou­voir du PLD, per­met­tant ain­si à Mme Koike de deve­nir ministre de l’Environnement dans le gou­ver­ne­ment Koi­zu­mi en 2003 et ensuite ministre de la Défense dans le pre­mier et éphé­mère gou­ver­ne­ment Abe de 20074.

La conquête de la mairie de Tokyo

Mme Koike était jusqu’à la veille des élec­tions de Tokyo, membre du PLD du Pre­mier ministre Shin­zo Abe, avec qui elle par­tage son pen­chant conser­va­teur et natio­na­liste. Ils ont la même vision de la défense et de la pro­mo­tion d’une nou­velle Consti­tu­tion « libé­rant » le Japon de ses contraintes mili­taires impo­sées par les Amé­ri­cains après 1945. Ils ont tous les deux tra­vaillé avec l’ancien Pre­mier ministre Koi­zu­mi et, d’une cer­taine manière, ils sont à maints égards influen­cés par son style particulier.

À l’image de la socia­liste Taka­ko Doi5 qui s’est fait remar­quer par ses fortes cri­tiques à pro­pos de l’inégalité sexiste au Japon can­ton­nant la femme au foyer, Yuri­ko Koike n’a pas hési­té elle aus­si à s’attaquer au pou­voir hégé­mo­nique des hommes au sein de son propre par­ti et a réus­si à les détrô­ner de l’assemblée métro­po­li­taine de Tokyo.

Les pre­miers démê­lés avec ses col­lègues du par­ti remontent à 2008 lorsqu’elle se pré­sente à l’élection de la pré­si­dence du PLD6. Elle sou­haite s’engager poli­ti­que­ment car, dit-elle, « je crois que le pays doit peut-être avoir éga­le­ment une femme can­di­date afin de cas­ser le blo­cage face à la socié­té japo­naise. Clin­ton a uti­li­sé le mot “pla­fond de verre”, mais au Japon ce n’est pas du verre, c’est plu­tôt du fer. Je ne suis pas That­cher, mais ce qu’il faut c’est une stra­té­gie qui avance une cause avec convic­tion, des poli­tiques claires et de la sym­pa­thie avec le peuple7 ».

La démis­sion en 2016 du gou­ver­neur de Tokyo Yoi­chi Masu­zoe, empor­té par un scan­dale finan­cier, offre l’occasion à Koike de reve­nir au centre de la poli­tique japo­naise. Appa­rem­ment, elle a tort de croire que l’hostilité du par­ti se soit affai­blie depuis ses der­niers démê­lés avec lui. Frois­sée, elle décide alors de défier le Par­ti et de se lan­cer dans la conquête de la mai­rie de Tokyo, sans son appui.

En par­rai­nant un can­di­dat non membre du PLD, les caciques du Par­ti veulent don­ner une leçon à Koike, mais la défaite de leur can­di­dat Masu­da, un ancien ministre, donne, en fait, à l’élection un sens par­ti­cu­lier et appa­rait comme une bataille interne au PLD entre les « réfor­ma­teurs » et les « anti­ré­for­ma­teurs » met­tant en cause le pou­voir du pré­sident du Par­ti, Abe lui même.

Koike devient ain­si la pre­mière femme à assu­mer la res­pon­sa­bi­li­té de la pre­mière ville du Japon, métro­pole de plus de 14 mil­lions d’habitants et dont l’économie est équi­va­lente à celle des Pays-Bas. Cer­tains médias n’ont pas man­qué à l’époque de com­pa­rer cette dyna­mique dame à Ange­la Mer­kel ou à Hila­ry Clin­ton (qui était en com­pagne élec­to­rale et dont les pro­nos­tics disaient qu’elle allait être élue!).

La conquête du Parlement métropolitain de Tokyo

Une fois élue, Yuri­ko Koike dis­sout l’assemblée métro­po­li­taine de Tokyo et orga­nise de nou­velles élec­tions pour avoir une majo­ri­té à l’assemblée. Pour ce faire elle va mettre sur pied un ins­ti­tut8 « Kibo no Juku » ou « École de l’espoir » pour for­mer une nou­velle élite diri­geante dont le but est de conqué­rir la mai­rie de Tokyo en s’attaquant aux bas­tions d’intérêts acquis d’une classe poli­tique peu encline au changement.

L’École de l’espoir ne tarde pas à deve­nir un phé­no­mène d’ampleur et des mil­liers de jeunes s’y ins­crivent. Koike en retient moins de 10 % (soit quatre-cents jeunes) à qui elle a don­né une bonne for­ma­tion pour l’entrée en poli­tique, pour la ges­tion des affaires publiques et le cas échéant pour conqué­rir la mai­rie de Tokyo et peut-être un jour le pays.

N’ayant pas de choix, Koike se lance alors corps et âme dans l’élection de juillet 2017 renou­ve­lant l’assemblée métro­po­li­taine de Tokyo. Ses enne­mis du LDP, coin­cés dans leurs fiefs mena­cés, deviennent trop agres­sifs vis-à-vis de cette onna-bugei­sha et l’ancien maire de Tokyo Shin­ta­ro Ishi­ha­ra9 déclare « que gou­ver­ner Tokyo ne peut pas être lais­sé à une femme qui se maquille trop ».

Le pre­mier avant-gout de la bataille entre Koike et le LDP (en fait Abe) aura lieu le 23 octobre 2016, lors de l’élection par­tielle pour la rem­pla­cer à son poste à la Chambre Basse res­té vacant après son élec­tion comme gou­ver­neure de Tokyo. Sou­te­nant Masa­ru Waka­sa, un anti-membre du LDP contre un autre can­di­dat endos­sé par le LDP, Koike a vu dans cette élec­tion une cer­taine répé­ti­tion de l’échéance élec­to­rale à venir et une occa­sion pour conso­li­der sa popularité.

Dans sa bataille contre Aba, elle va gagner cette pre­mière manche haut la main puisque Waka­sa va rem­por­ter l’élection et repré­sen­te­ra la dixième cir­cons­crip­tion de Tokyo à la Chambre Basse. Cette pre­mière défaite du LDP depuis 2012 à Tokyo se déroule le jour même du lan­ce­ment offi­ciel de « Kibo no Juku » ou « École de l’espoir » par Koike. En réac­tion, le LDP chas­se­ra de ses rangs les membres qui ont sou­te­nu Koike, à l’exception tou­te­fois d’elle-même qui n’a pré­sen­té sa démis­sion du Par­ti que pour deve­nir conseillère de « Kibo no Juku » qu’à la veille de l’élection de l’assemblée métro­po­li­taine de Tokyo.

Pour don­ner plus de visi­bi­li­té à sa cam­pagne élec­to­rale, Koike lance alors son propre groupe poli­tique « Tomin First no Kai » ou le « Groupe des citoyens de Tokyo d’abord », regrou­pant les membres de l’«École de l’espoir », de nom­breuses figures du monde asso­cia­tif et des « jeunes talents » dont beau­coup de femmes. En plus, Koike va pro­cé­der à une sélec­tion rigou­reuse de ses élèves/candidats en leur fai­sant pas­ser des tests écrits et des essais sur la bonne gou­ver­nance, la réforme poli­tique et elle n’en retien­dra que les cin­quante meilleurs pour l’élection de Tokyo.

Aux élec­tions de 2 juillet 2017, son mou­ve­ment « Tomin First no Kai » a fait un tabac en réus­sis­sant à faire élire qua­rante-neuf des cin­quante can­di­dats pré­sen­tés et en aidant à l’élection de sept autres can­di­dats indé­pen­dants ; « Nous avons réa­li­sé davan­tage que nos attentes », décla­ra Koike, enchan­tée, à la chaine de télé­vi­sion Fuji le soir de l’élection. Pour récom­pen­ser son nou­vel allié le Komei­to, Koike a évi­té de faire de l’ombre à ses can­di­dats dans leurs fiefs, per­met­tant ain­si à ce par­ti de main­te­nir sa place à cette assem­blée de Tokyo.

Au terme de cette consul­ta­tion, Koike s’assure donc une confor­table majo­ri­té à l’assemblée de la pré­fec­ture de Tokyo en ras­sem­blant sep­tante-neuf sièges sur les cent-vingt-sept10 qu’elle compte. Elle a donc les mains libres pour mener à bien son pro­gramme élec­to­ral rela­tif à la restruc­tu­ra­tion et à la ges­tion de cette métro­pole au bud­get équi­valent à celui de l’Indonésie.

C’est en chef de Tokyo que Koike, vêtue d’un joli kimo­no, se dépla­ce­ra à Rio pour rece­voir le dra­peau olym­pique pour l’organisation des jeux olym­piques et para­lym­piques de 2020 à Tokyo. Poli­ti­que­ment, l’occasion est éga­le­ment très belle pour une appa­ri­tion spec­ta­cu­laire du Pre­mier ministre Abe dégui­sé en Super Mario pen­dant la céré­mo­nie de clô­ture de ces jeux de Rio.

Koike ne tarde pas à ren­trer en confron­ta­tion avec les bureau­crates sur les couts exor­bi­tants de construc­tion des infra­struc­tures olym­piques à Tokyo. Elle réus­sit, mal­gré une forte oppo­si­tion, à dépla­cer quelques acti­vi­tés dans les pré­fec­tures voi­sines de la capi­tale. Elle se heurte éga­le­ment à ses oppo­sants sur le pro­jet du nou­vel empla­ce­ment pol­lué du fameux mar­ché au pois­son Tsu­ku­ji de Tokyo en deman­dant une enquête pour repé­rer les res­pon­sables des man­que­ments. Dans ce cadre, Ishi­ha­ra, ancien maire de Tokyo qui a auto­ri­sé le lan­ce­ment des tra­vaux, est convo­qué à la Diète et est enten­du plu­sieurs fois sur le sujet.

La contrattaque d’Abe : les élections législatives anticipées

Abe n’est pas res­té les mains croi­sées devant le dan­ger poli­tique que lui pose Koike. En poli­ti­cien expé­ri­men­té, et dans un sou­ci du res­pect du rituel de la guerre au Japon et des formes de com­bat, Abe va uti­li­ser le Kata­na11 (sym­bole de la force) pour affron­ter la nagi­na­ta12 (ambi­tion) de Koike.

Tout d’abord, Abe va essayer de ras­su­rer les élec­teurs mécon­tents quant aux erre­ments de cer­tains membres de son gou­ver­ne­ment en pro­cé­dant, en aout 2017, à un rema­nie­ment minis­té­riel congé­diant les ministres13 à pro­blèmes ce qui, paral­lè­le­ment, lui per­met de faire taire et de neu­tra­li­ser les voix qui com­mencent à se faire entendre au sein même de son propre parti.

Par la suite, il va adop­ter une stra­té­gie de « quitte ou double » et de dis­so­lu­tion de la Chambre Basse de la Diète14 pour des élec­tions légis­la­tives anti­ci­pées et ce mal­gré la crise diplo­ma­tique grave que tra­verse la région avec le lan­ce­ment de mis­siles dans le ciel du Japon par Pyongyang.

Avec l’annonce, à la fin du mois de sep­tembre 2017, de la dis­so­lu­tion de la Chambre Basse de la Diète et l’appel à des élec­tions légis­la­tives anti­ci­pées, Abe décide de prendre le tau­reau par les cornes. Mal­gré l’opposition de cer­tains au PLD, il décide donc d’affronter direc­te­ment Koike devant les élec­teurs et de prendre le risque d’une défaite pro­bable. D’autant que sa jus­ti­fi­ca­tion « d’obtenir un nou­veau man­dat du peuple japo­nais pour pou­voir uti­li­ser le pro­duit de l’augmentation de la TVA de 8 à 10 % pré­vue en octobre 2019 pour finan­cer la gra­tui­té des crèches et des écoles mater­nelles et de faire face aux menaces et aux pro­vo­ca­tions de la Corée du Nord » ne satis­fait pas grand monde. Même si ce der­nier argu­ment est dis­sua­sif pour une frange impor­tante de la popu­la­tion qui sait que Pyon­gyang est capable d’actions très hos­tiles vis-à-vis de leur pays15.

Cepen­dant les sou­bre­sauts de la poli­tique natio­nale avec la mon­tée de sa cote de popu­la­ri­té à la fin de l’été et de la diplo­ma­tie régio­nale, avec les agis­se­ments de Pyon­gyang, ont chan­gé la donne et Abe a sen­ti le vent souf­fler en sa faveur d’autant qu’en cas de crise le pays semble se ral­lier à de son lea­deur16. Il a conclu qu’attendre la fin de son man­dat en 2018 pour affron­ter Koike n’est nul­le­ment en sa faveur.

Abe semble avoir du flair et contrai­re­ment à tous les pro­nos­tics, non seule­ment il réus­sit à arrê­ter la lan­cée poli­tique de Koike que d’aucuns pen­saient inamo­vible, mais il par­vient à lui infli­ger une cin­glante défaite, aux élec­tions du 22 octobre 201717.

Sur le plan du cal­cul poli­tique inté­rieur du PLD à la tête duquel Abe veut être recon­duit pour un nou­veau man­dat en sep­tembre 2018, la consul­ta­tion élec­to­rale lui offre un atout pré­cieux. S’il réus­sit son pari, il peut res­ter au pou­voir jusqu’en 2021 et il peut réa­li­ser ain­si cer­tains des pro­jets qui lui tiennent à cœur et notam­ment amen­der la Consti­tu­tion de 1947.

Le 28 sep­tembre 2017, Abe convoque la Chambre Basse qu’il dis­sout le même jour et ren­voie les 475 dépu­tés dans leur cir­cons­crip­tion18. Cepen­dant, ce fai­sant et en décla­rant direc­te­ment la guerre à Koike, Abe semble sous-esti­mer la rapi­di­té de réac­tion et la déter­mi­na­tion de la femme combattante.

En effet, même prise de vitesse, Koike se res­sai­sit rapi­de­ment et met sa stra­té­gie de « my first » comme l’a qua­li­fiée le jour­nal conser­va­teur Yomiu­ri, en annon­çant le 25 sep­tembre la créa­tion d’une nou­velle for­ma­tion poli­tique natio­nale qu’elle bap­tise le Par­ti de l’espoir (PDE). À cette occa­sion, Koike déclare « Aujourd’hui, je lance le Par­ti de l’espoir pour faire redé­mar­rer le Japon ». Et d’ajouter « il est temps d’être auda­cieuse et de réa­li­ser la poli­tique sans limites ni garde-fous »19. Elle a défi­ni le PDE comme un par­ti conser­va­teur réa­liste en pré­ci­sant que « nous sommes un par­ti gui­dé par l’esprit per­mis­sif du conser­va­tisme » et d’ajouter que « l’esprit du conser­va­tisme consti­tue la base des réformes ».

Idéo­lo­gi­que­ment très proche de son ancien com­pa­gnon Abe qui est comme elle membre de Nip­pon Kai­gi20, elle a cepen­dant d’énormes dif­fi­cul­tés à se dis­tin­guer poli­ti­que­ment du PLD, d’autant que Koike se donne comme but de concur­ren­cer et de consti­tuer une alter­na­tive à ce par­ti. L’ancrage très à droite de l’échiquier poli­tique japo­nais du PDE ne fait de lui en fait qu’un « PLD-bis », confon­dant davan­tage les élec­teurs mécon­tents et ceux qui s’opposent à la poli­tique d’Abe.

Pour for­mer un large front d’opposition et cir­cons­crire le PLD, Koike doit s’appuyer sur les enne­mis du Pre­mier ministre et se rap­pro­cher de l’opposition et notam­ment du vul­né­rable Par­ti démo­crate du Japon en plein désar­roi. Frai­che­ment élu, le nou­veau pré­sident du PDJ, Sei­ji Mai­ha­ra, n’a pas eu de dif­fi­cul­tés à se mettre d’accord avec Koike pour fondre son par­ti dans la nou­velle for­ma­tion et se pré­sen­ter aux élec­tions sous la ban­nière du Par­ti de l’espoir.

Les obser­va­teurs de la scène poli­tique nip­ponne peinent à expli­quer le com­por­te­ment de Mai­ha­ra, chef d’un grand par­ti de l’opposition comp­tant plus de cent dépu­tés, et son accep­ta­tion de mettre son sort entre les mains d’une for­ma­tion poli­tique à peine créée et qui pos­sède six dépu­tés dont d’ailleurs deux tiers sont des trans­fuges de son par­ti. Il est vrai que la démarche de Mai­ha­ra est incom­pré­hen­sible si elle n’est pas située dans l’intenable posi­tion de ce par­ti qui se carac­té­rise par une lutte intes­ti­nale entre les libé­raux (anciens socia­listes) et les conser­va­teurs. Tout indique qu’elle a atteint un point de non retour et que le par­ti risque d’exploser à tout moment.

Étant situé à droite du par­ti, Mai­ha­ra semble trou­ver l’occasion idéale pour se débar­ras­ser de son aile gauche (les libé­raux) qui empêche le par­ti de tra­vailler et de gou­ver­ner avec les autres par­tis conser­va­teurs y com­pris le LDP. D’autant que de nom­breux membres du par­ti ont déjà com­men­cé à se ral­lier à Koike, pous­sant le pré­sident à arrê­ter l’hémorragie de son par­ti avant que cela soit trop tard. Il espé­rait appa­rem­ment pro­fi­ter de l’aura de Koike pour sau­ver le reste de son par­ti d’autant que ses col­lègues conser­va­teurs ont de nom­breux points com­muns avec la nou­velle for­ma­tion poli­tique de Koike.

Cepen­dant la stra­té­gie de Mai­ha­ra est vite mise à nu lorsque Koike déclare qu’elle n’accepte que les membres du PDJ qui par­tagent ses idées « conser­va­trices » en matière consti­tu­tion­nelle et de sécu­ri­té du Japon et acceptent d’avaliser la loi en ce domaine pas­sée en 2016. Cette loi adop­tée en force par la Diète, qui élar­git le rôle des mili­taires japo­nais et notam­ment à secou­rir des pays tiers hors de l’archipel, a été for­te­ment contes­tée par l’opposition et l’opinion publique.

Par ailleurs, la presse a rap­por­té que le PDE a eu recours à des méthodes peu ortho­doxes pour le choix de nou­veaux membres vou­lant inté­grer le PDJ en éta­blis­sant une liste dite « liste de la mort » où ceux-ci sont scru­tés sur leur posi­tion poli­tique et idéo­lo­gique et même sur leurs décla­ra­tions antérieures !

Humi­liés, les membres libé­raux du Par­ti démo­crate du Japon21 ont rejoint Yukio Eda­no, qui fut porte-parole du gou­ver­ne­ment lors du séisme et du tsu­na­mi de la côte paci­fique du Japon en 2011, qui a lan­cé à son tour le Par­ti consti­tu­tion­nel démo­crate du Japon (PCDJ). Ain­si, Koike a réus­si à faire écla­ter la pre­mière et la plus grande for­ma­tion poli­tique de l’opposition au grand enchan­te­ment du PLD et d’Abe.

La nou­velle for­ma­tion poli­tique le PCDJ comme son nom l’indique vise à sau­ve­gar­der la Consti­tu­tion paci­fique nip­ponne des ten­ta­tives d’amendement. Eda­no et ses col­lègues jugent que la loi sur la sécu­ri­té votée en 2016 qui a élar­gi le rôle des mili­taires est incons­ti­tu­tion­nelle. Aus­si s’oppose-t-il à la révi­sion de la Consti­tu­tion de 1947 pour légi­ti­mer les forces d’autodéfense, comme le sou­haitent Abe et tous les conser­va­teurs y com­pris le Par­ti de l’espoir.

Les mots qui tuent politiquement

Empor­tée par sa popu­la­ri­té et aus­si grâce à son talent d’ancienne jour­na­liste, Koike est deve­nue la vedette incon­tes­tée de la télé­vi­sion et des jour­naux. Cette grande sol­li­ci­ta­tion et même com­plai­sance de la presse envers elle, lui ont fait pous­ser les ailes. Elle devient arro­gante22 à tel point qu’elle n’arrive plus à contrô­ler son lan­gage dans une socié­té très sen­sible à la parole.

Sa plus grande bévue est sa réponse à un jour­na­liste qui lui demande si elle vou­lait « mas­sa­crer » les dépu­tés libé­raux du PDJ en les refu­sant sur la liste de son par­ti, elle répond « c’est exclu » et « je vais m’en débar­ras­ser »23. Ce mot exclusion/élimination (Hai­ji) a une très forte conno­ta­tion en japo­nais. Il va sans dire que cette décla­ra­tion a eu un effet de mas­sue sur les Japo­nais et les médias qui jusqu’alors étaient très com­plai­sants envers elle. Sa popu­la­ri­té chute immédiatement.

Koike, comme de nom­breux poli­ti­ciens, semble avoir la mémoire très courte, car elle avait oublié qu’en juillet 2017, Abe avait subi le même châ­ti­ment de rejet de la part de ses conci­toyens à la suite d’une fâcheuse décla­ra­tion. Durant sa cam­pagne aux élec­tions métro­po­li­taines de Tokyo, Abe s’était adres­sé à des mani­fes­tants qui l’ont reçu avec des cris de « rentre chez toi ou démis­sionne », qu’«on ne peut pas plaire à des gens comme ceux-là ! »24.

Le len­de­main la presse et les jour­naux cri­tiquent le dis­cours « arro­gant » d’Abe contre des citoyens qui ne font qu’exprimer leur opi­nion contre la poli­tique du gou­ver­ne­ment, et en tant que Pre­mier ministre du Japon, celui-ci, rap­pelle-t-on, est le repré­sen­tant de ces gens-là aus­si. Koike avait pro­fi­té d’ailleurs de la gaffe de son rival pour embel­lir sa propre image et détrô­ner le LDP de Tokyo.

Alors, Abe qui était déjà mal par­ti en patau­geant dans des scan­dales de soup­çons de tra­fic d’influence a vu l’opinion publique se détour­ner davan­tage de lui et de son par­ti. Ses dépla­ce­ments dans tout le pays pour s’excuser auprès de ses conci­toyens n’ont pas suf­fi à lui faire remon­ter la pente. C’était trop tard. Le résul­tat a été qu’un mois plus tard son Par­ti a connu sa pre­mière et cin­glante défaite depuis le retour d’Abe au pou­voir en 2012 ! Une leçon dont il va se sou­ve­nir toute sa vie, contrai­re­ment à Koike !

L’amendement de la Constitution

Les luttes Abe-Koike ont fait décou­vrir aux deux prin­ci­paux acteurs de la scène poli­tique nip­ponne l’intersection de leurs inté­rêts réci­proques. Leur duel se doit doré­na­vant de se jouer en gent­le­men. Aus­si ont-ils conscience que la réa­li­sa­tion d’un réfé­ren­dum pour l’approbation de l’amendement Consti­tu­tion­nel, cher à Abe, d’une part25, et l’organisation et la réus­site des jeux olym­piques de Tokyo de 2020 pour Koike, d’autre part, dépendent prin­ci­pa­le­ment de leur « coha­bi­ta­tion poli­tique » et de leur coopé­ra­tion dans la ges­tion de ces impor­tants dossiers.

Si les choses se passent en dou­ceur, il est pro­bable qu’Abe dis­solve la Chambre Basse à l’occasion du renou­vè­le­ment de la moi­tié de la Chambre Haute pré­vu en été 2019 et orga­nise ain­si des élec­tions géné­rales et le réfé­ren­dum sur l’amendement de l’article 9 de la Consti­tu­tion26. Ceci lui per­met­tra d’avoir la coopé­ra­tion et la com­pré­hen­sion de Koike, qui juste, un an après, orga­ni­se­ra les jeux olym­piques qu’elle veut réussir.

Abe se rap­proche de son but puisqu’avec ses alliés poli­tiques il peut ali­gner les deux-tiers des sièges néces­saires pour pro­po­ser un amen­de­ment, aus­si bien à la Chambre Basse qu’à la Chambre Haute. En effet, selon son article 96 « les amen­de­ments à la pré­sente Consti­tu­tion sont intro­duits sur l’initiative de la Diète, par le vote des deux-tiers au moins de tous les membres de chaque chambre ; après quoi ils sont sou­mis au peuple pour rati­fi­ca­tion, pour laquelle est requis un vote affir­ma­tif d’une majo­ri­té de tous les suf­frages expri­més à ce sujet, lors d’un réfé­ren­dum spé­cial ou à l’occasion d’élections fixées par la Diète…» À la Chambre Basse, Abe peut s’appuyer sur le Par­ti de la res­tau­ra­tion (Ishin no Kai) qui est fort ouvert à une telle ini­tia­tive27 et à la Chambre Haute, le LDP et Komei­to sont beau­coup plus à l’aise puisqu’ils tota­lisent cent-soixante-neuf sièges alors qu’il en faut seule­ment cent-soixante (voir tableau 1).

Pour le PDE, à qui l’on pré­di­sait qu’il crée­rait la sur­prise et concur­ren­ce­rait le LDP à la pre­mière place aux élec­tions et par consé­quent qu’il pour­rait pré­tendre for­mer le nou­veau gou­ver­ne­ment, la sen­tence est très sévère. Il s’est même pla­cé der­rière le PCDJ, qui a été for­mé pré­ci­pi­tam­ment par les membres du PDJ qu’il a refu­sé d’intégrer !

Le PDE comme le Komei­to d’ailleurs ne s’opposent pas à l’amendement de la Consti­tu­tion, mais ils sou­haitent le com­plé­ter et y ajou­ter des élé­ments rela­tifs à l’environnement ou à des ques­tions éthiques. La démis­sion de Koike28 de la pré­si­dence du PDE, le 23 octobre 2017 et l’élection de Yui­chi­ro Tama­ki, nou­veau pré­sident du par­ti, qui est idéo­lo­gi­que­ment plus proche de Koike, va dans le sens d’un cer­tain rap­pro­che­ment futur LDP-PDE.

En théo­rie donc, le Pre­mier ministre a la porte ouverte pour amen­der la Consti­tu­tion29. Cepen­dant en pra­tique il devait tenir compte de l’opposition et sur­tout de l’opinion publique qui demeure par­ta­gée. Un son­dage réa­li­sé par Kyo­do news30 le len­de­main de la for­ma­tion du nou­veau gou­ver­ne­ment par Abe après sa vic­toire élec­to­rale montre que si le sup­port du cabi­net a gagné 5 points en se fixant à 49,5 % d’opinions favo­rables par rap­port au mois de sep­tembre, cepen­dant la majo­ri­té des son­dés soit 50,2 % s’opposent à l’ambition d’Abe d’amender la Consti­tu­tion contre 39,4 % qui en sup­portent l’idée.

Même si l’opinion publique a été sur­ement gri­gno­tée en faveur de l’amendement consti­tu­tion­nel, ces der­niers mois, notam­ment par le lan­ce­ment répé­té de mis­siles nord coréens sur­vo­lant le Japon, il n’en demeure pas moins vrai que les Japo­nais res­tent encore divi­sés à pro­pos de ce sujet cru­cial. À cet égard, le lea­deur de l’opposition M. Eda­no a décla­ré31 : « peut être nous sommes mino­ri­taire à la Diète, mais les élec­teurs n’ont pas don­né à la légis­la­ture la carte blanche pour révi­ser l’article 9 de la Consti­tu­tion pour le pire ».

Les prin­ci­paux par­tis poli­tiques Japo­nais contem­po­rains repré­sen­tés à la Diète32 :
  • PLD : Par­ti libé­ral démo­crate 1955.
  • PCDJ : Par­ti consti­tu­tion­nel démo­crate du Japon, octobre 2017, né de l’éclatement du Par­ti démo­crate du Japon (PDJ).
  • PED : Par­ti de l’espoir, sep­tembre 2017 ; il a absor­bé une grande par­tie des membres du PDJ.
  • Komei­to : par­ti du gou­ver­ne­ment éclai­ré est lié à la secte boud­dhiste Soka Gak­kai, 1964.
  • PCJ : Par­ti com­mu­niste japo­nais, 1922.
  • PDJ : Par­ti démo­crate du Japon/les anciens membres du PDJ qui n’ont rejoint ni le PDE ni le PCDJ.
  • Par­ti de la res­tau­ra­tion (Ishin no kai), 2015.
  • PSD : Par­ti social démo­crate (ancien Par­ti socia­liste du Japon), 1945.|

Le futur de Koike

Avant les élec­tions anti­ci­pées et sa défaite, Koike sem­blait avoir des ailes en poli­tique et d’aucuns se réfé­rant à sa car­rière jusque-là réus­sie n’hésitaient pas à pré­dire un futur rayon­nant pour cette onna-bugei­sha !

Et cer­tains ont même vu en elle un futur Pre­mier ministre de la troi­sième puis­sance éco­no­mique du monde.

D’autant que Koike contrai­re­ment à Abe33 et à de nom­breux poli­ti­ciens nip­pons, n’a pas héri­té sa posi­tion d’une vieille lignée poli­tique ou de ses ancêtres34, mais elle y est arri­vée grâce à son tra­vail achar­né et à son cou­rage à rele­ver les défis. Sa noto­rié­té s’est éten­due au-delà des fron­tières du Japon et elle est deve­nue très connue à l’étranger où plu­sieurs médias et jour­na­listes occi­den­taux sont tom­bés sous son charme et lui ont consa­cré de nom­breux articles et repor­tages. Ceci est d’autant plus attrac­tif, pour les étran­gers, que la gent fémi­nine est peu pré­sente dans les cercles de déci­sion au Japon et que jamais une femme n’est arri­vée à se for­ger une telle aura et à se posi­tion­ner pour pré­tendre au poste de l’exécutif au Japon.

Cepen­dant sa « défaite abso­lue »35 aux élec­tions la fait « entrer dans sa car­casse », mais pas pour long­temps car en tant que gou­ver­neure de Tokyo, elle devra trou­ver un modus viven­di avec Abe pour que cha­cun d’eux puisse mener à bien l’échéancier poli­tique qui l’attend, amen­der la Consti­tu­tion pour ce der­nier et réus­sir les olym­piades pour Koike.

Pour réa­li­ser son ambi­tion d’amender la Consti­tu­tion paci­fique actuelle nip­ponne dans le calme, Abe est obli­gé d’avoir le sou­tien du PDE aus­si bien à la Diète qu’au niveau popu­laire pour convaincre les Japo­nais qui res­tent tou­jours par­ta­gés quant à la néces­si­té d’une telle entre­prise. Abe, n’oubliant pas com­ment le vent a tour­né pour les ini­tia­teurs du Brexit, hési­te­ra avant de s’engager sur ce che­min et avant de s’assurer du sou­tien d’un grand éven­tail des par­tis poli­tiques de la Diète. Car même pro­po­sé par cette der­nière, l’amendement consti­tu­tion­nel néces­site un réfé­ren­dum popu­laire qui, mal géré, pour­rait se retour­ner contre Abe et pro­vo­quer d’autres élec­tions anticipées.

Cepen­dant, avec la démis­sion de Koike de la pré­si­dence de PDE, après avoir ter­gi­ver­sé long­temps, il est légi­time de se deman­der si c’est la fin de ce que cer­tains de ses détrac­teurs appellent « théâtre de Koike » ?

Elle a pas­sé le bâton d’un PDE en chute libre et d’aucuns n’hésitent pas à lui pré­dire une éclipse aus­si rapide que son appa­ri­tion ! D’autant qu’il serait dif­fi­cile de gérer le par­ti consti­tué d’éléments dis­pa­rates et d’opportunistes en l’absence de Koike. De même le Komei­to a déci­dé de quit­ter le bloc qu’il for­mait avec le PDE au sein de l’assemblée métro­po­li­taine de Tokyo, don­nant à l’hypothèse d’une alliance objec­tive évo­quée par cer­tains entre Koike et Abe tout son sens et assu­rant la ges­tion de la capi­tale et la réus­site des olym­piades. Dans le jeu tri­an­gu­laire PLD-Komei­to-PDE, évo­qué par cette hypo­thèse, Abe appa­rait comme celui qui a le plus d’atouts et de pou­voir pour obte­nir la coopé­ra­tion de tous les deux.

Ce qui est sûr, c’est que même si poli­ti­que­ment Abe et Koike, ne s’aiment pas, idéo­lo­gi­que­ment ils par­tagent de nom­breux points en com­mun — davan­tage qu’avec le Komei­to en fait — et stra­té­gi­que­ment ils sont obli­gés de coopé­rer pour le suc­cès des jeux olym­piques et de l’amendement constitutionnel.

Sa course à détrô­ner le PLD a fini dans un désastre en rai­son notam­ment de ses vacille­ments poli­tiques peu convain­cants et il semble qu’obnubilée par ses ful­gu­rants pre­miers suc­cès à Tokyo, elle n’arriva plus à faire le choix et à s’embarquer réso­lu­ment en poli­tique natio­nale en déve­lop­pant une vision claire pour la place de son par­ti sur la scène poli­tique de son pays.

Après une mon­tée poli­tique ful­gu­rante de Koike et sa chute bru­tale et moins pré­vue, on est légi­ti­me­ment en droit de se deman­der que res­te­ra de la légende de l’onna-bugei­sha Koike et de son parti ?

À cet égard, il est indé­niable que son appa­ri­tion sur la scène poli­tique a sou­li­gné la ques­tion de la très faible repré­sen­ta­tion fémi­nine au niveau déci­sion­nel au Japon. Les choses com­mencent à bou­ger dans le bon sens pour la gent fémi­nine et le pro­gramme d’Abe de créer « un Japon où les femmes puissent briller »36 et le débat sou­le­vé sur la pos­si­bi­li­té de la suc­ces­sion fémi­nine au sein de la famille impé­riale37 à la suite des vœux expri­més par l’Empereur de se reti­rer du pou­voir, sont des exemples de cette évo­lu­tion posi­tive. Dans ce sens, Koike, par son cou­rage et son mili­tan­tisme, a pu mar­quer la poli­tique de son pays où le rôle de la gent mas­cu­line demeure hégémonique.

Tableau1 : Résul­tats des élec­tions anti­ci­pées de la Chambre Basse du 22 octobre 2017
PLD Komei PCDJ PDE PCJ Ishin PSD Indp. PDJ Total
281 29 54 50 12 11 2 13 13 (1) 465
* * 310

(1): les amis d’Okada, qui sont tou­jours ins­crits en tant que membres du PDJ.

Tableau 2 : Com­po­si­tion de la Chambre Haute
PLD Komei PCDJ PDE PCJ Ishin PSD Indp. PDJ Total
123 25 1 3 14 11 2 17 46 242
* * 169

* : les deux tiers de sièges néces­saires dans chaque Chambre pour enta­mer la pro­cé­dure de l’amendement de la Consti­tu­tion. À la Chambre Basse le LDP et le Komei­to ont juste les deux tiers des sièges qu’il faut (310). Tan­dis qu’à la Chambre Haute les deux par­tis font davan­tage 169, alors qu’il leur faut seule­ment 160 (les 2/3).

  1. Femme com­bat­tante peut se dire « samou­raï-femme » (mais ce n’est pas cor­rect). Dans le com­bat, l’onna-bugei­sha uti­lise la Nagi­na­ta, une sorte de faux long à lame courbe.
  2. Le sys­tème de 1955 fait réfé­rence à la situa­tion poli­tique pré­va­lant au Japon après la créa­tion du Par­ti libé­ral démo­crate et la réuni­fi­ca­tion du Par­ti socia­liste, résul­tant d’un sys­tème par­ti­cu­lier de confron­ta­tion entre les deux for­ma­tions où le PLD a exer­cé une hégé­mo­nie poli­tique et gou­ver­né sans par­tage. Le sys­tème s’est effon­dré en 1993 après trente-huit ans de règne hégé­mo­nique du PLD.
  3. The New York Times, 30 sep­tembre 2016.
  4. Abe a été élu la pre­mière fois au poste de Pre­mier ministre en sep­tembre 2006 avant de démis­sion­ner en sep­tembre 2007.
  5. Mme Taka­ko Doi (1928 – 2014), pré­si­dente du Par­ti socia­liste Japo­nais de 1986 a1991, était la pre­mière femme à être élue pré­si­dente de la Forte Chambre des Repré­sen­tants de la Diète nipponne.
  6. Du fait de l’élection du Pre­mier ministre par le Par­le­ment, le can­di­dat du Par­ti ayant le plus grand nombre de dépu­tés devient presque auto­ma­ti­que­ment Pre­mier ministre du Japon.
  7. Nan­cy Snow, The Japan Times du 13 juillet 2017, « Why Yuri­ko Koike is the new face of brand Japan ».
  8. Ce genre d’institut n’est pas étran­ger aux poli­ti­ciens japo­nais puisque dans les années 1990, l’institut Mat­su­shi­ta de Poli­tique et de Mana­ge­ment (fon­dé par le patron de Pana­so­nic) a for­mé et conti­nue de for­mer les jeunes poli­ti­ciens et lea­deurs japo­nais tels M. Yoshi­hi­ro Noda, ancien Pre­mier ministre, M. Sei­ji Mae­ha­ra, ancien ministre des Affaires étran­gères, et d’autres…
  9. Ancien membre du LDP, connu pour ses décla­ra­tions peu polies vis-à-vis de la gent fémi­nine. Il est l’auteur avec M. Akio Mori­ta, cofon­da­teur de Sony du livre The Japan that can say No qui cri­tique les pra­tiques com­mer­ciales amé­ri­caines et appelle Tokyo à prendre des posi­tions beau­coup plus indé­pen­dantes vis-à-vis de Washington.
  10. Le résul­tat de l’élection est : Tomin First no Kai/tokyoïtes d’abord : 49 (contre 6), Komei­to : 23 (22), LDP : 23 (57), Par­ti com­mu­niste : 19 (17), Par­ti démo­cra­tique : 5 (7), Indé­pen­dants proches de Tomin First no Kai : 6 (9), autres : 2 (8), Nik­kei du 6 juillet 2017.
  11. Sabre japo­nais, sym­bole des samurais.
  12. Une sorte de faux long à lame courte uti­li­sée par l’onna-bugei­sha.
  13. Il se défait en même temps de l’étiquette de gou­ver­ne­ment d’amis dont il a été affu­blé par la presse.
  14. Le par­le­ment japo­nais (Diète ou Kok­kai) est com­po­sé de deux chambres : la Chambre des Repré­sen­tants (shū­gi-in)/Chambre Basse et la Chambre des Conseillers/Chambre Haute (san­gi-in).
  15. Notam­ment Pyon­gyang a kid­nap­pé de nom­breux Japo­nais durant les années 1970 et 1980.
  16. « Inside Abe’s elec­tion gamble », Nik­kei Asian Review, 5 octobre 2017.
  17. Voir tableau 1 : le résul­tat des élec­tions anti­ci­pées du 22 octobre 2017.
  18. Ceux-ci ne seront plus que 465 dépu­tés (dix de moins que la sor­tante) dans la pro­chaine Chambre Basse, soit le plus petit nombre depuis la guerre fai­sant suite aux réamé­na­ge­ments suc­ces­sifs de cette chambre pour réduire l’écart de vote entre les régions les plus peu­plées et les moins peu­plées… et consti­tue éga­le­ment un indice sérieux sur la chute de la popu­la­tion du Japon en général.
  19. Voir le jour­nal Yomiu­ri du 27 sep­tembre 2017.
  20. Nip­pon Kai­gi ou Asso­cia­tion du Japon est une orga­ni­sa­tion de droite qui rap­pelle au retour du Japon à ses valeurs ances­trales en ce qui concerne la famille, l’éducation et sur­tout la révi­sion de la Consti­tu­tion de 1947 et qui ras­semble des cen­taines de dépu­tés dont Abe, Aso et Koike et cer­tains autres ministres du cabi­net Abe.
  21. La droite du par­ti a rejoint le PDE sans problème.
  22. De Paris où elle a su le résul­tat catas­tro­phique de son par­ti aux légis­la­tives anti­ci­pées, elle a admis son com­por­te­ment en décla­rant « je regrette d’avoir eu pro­ba­ble­ment un peu d’arrogance. Je réflé­chi­rai à cela et tra­vaille­rai dure­ment dans l’administration métro­po­li­taine », jour­nal The Mai­ni­chi du 22 octobre 2017.
  23. The Japan Times du 3 octobre 2017.
  24. Le jour­nal The Mai­ni­chi du 4 juillet 2017.
  25. Abe avait dit vou­loir réa­li­ser cet amen­de­ment avant 2020.
  26. Article 9 sti­pule : « Aspi­rant sin­cè­re­ment à une paix inter­na­tio­nale fon­dée sur la jus­tice et l’ordre, le peuple japo­nais renonce à jamais à la guerre en tant que droit sou­ve­rain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règle­ment des conflits inter­na­tio­naux. Pour atteindre le but fixé au para­graphe pré­cé­dent, il ne sera jamais main­te­nu de forces ter­restres, navales et aériennes, ou autre poten­tiel de guerre. Le droit de bel­li­gé­rance de l’État ne sera pas reconnu. »
  27. Ain­si les deux-tiers de 465 font 310 (LDP + komei­to = 281 + 29 = 310) aux­quels on peut y ajou­ter les 11 sièges de Ishin no kai (Par­ti de la restauration).
  28. Elle a décla­ré à ses col­lègues : « Je veux lais­ser les affaires de poli­tique natio­nale aux par­le­men­taires…, mais je conti­nue à vous sup­por­ter tous d’une manière appro­priée », le jour­nal Mai­ni­chi du 14 novembre 2017.
  29. Des, le 22 novembre 2017, le quar­tier géné­ral du PLD pour la Pro­mo­tion de la révi­sion de la Consti­tu­tion a repris ses tra­vaux pour la pré­pa­ra­tion du pro­jet de loi de modi­fi­ca­tion de la Constitution.
  30. Son­dage réa­li­sé par télé­phone, Mai­ni­chi du 3 novembre 2017.
  31. Le jour­nal Mai­ni­chi du 3 novembre 2017 rap­porte qu’un ras­sem­ble­ment a été orga­ni­sé contre la révi­sion de la Consti­tu­tion le même jour de la for­ma­tion du gou­ver­ne­ment et qui a ras­sem­blé qua­rante-mille per­sonnes selon les organisateurs.
  32. Voir D. Andel­fat­to et M. Chou­rak, op.cit., p. 134.
  33. Abe, son père était ministre des Affaires étran­gères, son grand-père mater­nel Nobu­su­ki Kishi était Pre­mier ministre (1957 – 1960) et c’est lui qui a signé l’accord de coopé­ra­tion mutuelle amé­ri­ca­no-japo­nais et puis son grand-oncle Eisa­to Sato (frère de Kishi) a occu­pé lui aus­si le poste de Pre­mier ministre du Japon (1964 – 1972).
  34. Fille d’un mar­chand com­mer­çant de pro­duits pétro­liers avec le Moyen Orient, qui a essayé d’entrer en poli­tique sous les cou­leurs du PLD, mais sans succès.
  35. Termes uti­li­sés par Koike elle-même pour décrire sa débâcle lors de sa démis­sion de la pré­si­dence du PDE.
  36. Dans son pro­gramme poli­tique Abe­no­mics, Abe pré­voit l’augmentation du rôle de la femme dans l’économie et la société.
  37. Au cours du débat ayant sui­vi la volon­té expri­mée par l’Empereur d’abdiquer, cer­tains poli­ti­ciens avaient émis l’espoir de pro­fi­ter de cette occa­sion pour modi­fier la loi de suc­ces­sion pour y inclure la pos­si­bi­li­té de per­mettre à une femme de suc­cé­der au trône impérial.

Mohamed Chourak


Auteur

professeur d’économie, université de Hiroshima