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Histoire du politique au Congo Kinshasa. Les concepts à l’épreuve, de Gauthier de Villers
Voici un ouvrage qui sort du commun à plus d’un titre. Premièrement, en raison de son objet : une histoire du Congo postcolonial focalisée sur la conquête et l’exercice du pouvoir politique. Loin de parcourir à nouveau des sentiers battus, il constitue un complément essentiel aux contributions sur l’histoire générale du Congo. Deuxièmement, il se présente pour ainsi […]
Voici un ouvrage1 qui sort du commun à plus d’un titre. Premièrement, en raison de son objet : une histoire du Congo postcolonial focalisée sur la conquête et l’exercice du pouvoir politique. Loin de parcourir à nouveau des sentiers battus, il constitue un complément essentiel aux contributions sur l’histoire générale du Congo2. Deuxièmement, il se présente pour ainsi dire comme le testament intellectuel d’un sociologue « africaniste » peu médiatisé, mais très rigoureux dans ses approches3. Troisièmement, il s’agit à la fois d’un livre d’histoire évènementielle et d’une tentative d’explication sociologique qui reposent sur l’examen d’une vaste « littérature », francophone et anglophone. Quatrièmement, comme l’ensemble ne se laisse pas lire en diagonale, son écho risque d’être réduit alors qu’il constitue un outil très utile pour la recherche et la réflexion « africanistes ».
« C’est le chemin qui compte, autant que son résultat…»: cet adage est bien à propos ici. Puissent ces pages inciter les spécialistes à emprunter eux-mêmes le chemin de la lecture de l’ouvrage. Une fois franchie l’austère introduction sur l’historiographie relative au Congo (7 – 34), ils entreront dans la première partie, qui suit le fil de l’histoire du Congo indépendant en se centrant sur la relation entre les processus politiques nationaux et les influences internationales. Dans la deuxième partie, ils réitèreront ce parcours lequel les focalisera cette fois sur l’exercice du pouvoir et la nature de l’État congolais, à travers les formes successives qu’il a revêtues.
Instruit par un tel parcours, je me risquerai ici à livrer une saisie directe du résultat, à savoir une synthèse, forcément partielle, de ce qui ressort du cheminement en me plaçant au point de vue de qui, sans être spécialiste, a acquis une certaine connaissance du Congo et est attaché à ce pays.
Préambule
L’objet particulier de cet ouvrage — l’État congolais de l’indépendance en 1960 aux élections de 20064 — est d’une importance majeure pour mettre l’évolution sociale en perspective.
1960 : Indépendance |
1960 – 1965 : Première République |
1965 – 1990 : Deuxième République (J. Mobutu), de l’édification au déclin |
1990 – 2006 : De la guerre (L. D. Kabila) au régime de semi-tutelle |
2006 – 2007 : Troisième République (J. Kabila) |
1960 : Indépendance
1960 – 1965 : Première République
1965 – 1990 : Deuxième République (J. Mobutu), de l’édification au déclin
1990 – 2006 : De la guerre (L. D. Kabila) au régime de semi-tutelle
2006 – 2007 : Troisième République (J. Kabila)
La Première République s’est d’abord inscrite dans les formes étatiques héritées de la construction coloniale, tout en l’adaptant dans le sens d’un État intégral qui serait à la fois moteur de développement et garant d’un retour à la tradition. Cependant, dans le cadre du régime Mobutu, cette construction allait bien vite dériver vers un État néopatrimonial, à savoir non seulement un instrument de la nue-possession du pouvoir du chef et, par ricochet, de l’enrichissement de membres de sa famille et de son ethnie, mais aussi une entité régie par l’influence de ceux qui peuvent payer, sont membres réels ou potentiels de l’«élite » indépendamment de ce qu’ils sont par ailleurs à titre personnel. Avec la raréfaction des opportunités à la suite des échecs économiques et des politiques d’austérité, cette machine à assujettir les élites a conduit à une informalisation de l’État et, par là, de l’ensemble de la société. On n’a pas simplement assisté à un dédoublement entre les institutions et des pratiques qui se juxtaposent à elles, mais au détournement profond et continu du fonctionnement du système de décision, de l’administration, des appareils de l’État y compris l’armée et la police.
Ces formes « informelles » vont elles-mêmes devenir informes. Cet État va s’effondrer, sous les coups de butoir de l’extérieur relayés par la division du pays entre factions. En fait, il n’avait pas été « formé », c’est-à-dire porté par des mouvements sociaux sur un temps long, mais « construit » dans le sillage de la colonisation. Néanmoins, la communauté internationale a été amenée à rééditer le scénario : « re-construire » l’État congolais en plaçant provisoirement le pays sous un régime de semi-tutelle.
Au terme de ce processus, l’adoption d’une nouvelle Constitution et les élections de 2006 marquent la fondation de la Troisième République sous la présidence de Joseph Kabila (réélu en 2011 dans des conditions contestées, alors que de nouvelles élections devaient en principe avoir lieu en 2017). Gauthier de Villers caractérise ce qui est en devenir comme une reconduction5 de l’État néopatrimonial. Ce concept couvre une réalité très complexe.
Premièrement, la reconstruction d’une réalité étatique s’est bel et bien produite. L’État survit dans l’esprit de l’opinion publique et dispose d’agents qui sont censés administrer le territoire au nom d’une autorité régulatrice. On est cependant à mille lieues de la centralisation passée de l’État zaïrois. On assiste à une diffraction des formes, à une démultiplication des centres d’influence, à un éclatement du pouvoir, dont l’exercice est fondé sur la négociation pour concilier des acteurs complaisants. Au sein de catégories d’élites de plus en plus dispersées, les ralliements et les dissidences sont opportunistes, mus par la satisfaction des appétits alimentaires ou par la corruption. La tentative de reconstruction se solde donc par un échec relatif. Avec, cependant, une évolution significative. La population a gouté à une ébauche de démocratie, des amorces de véritable contestation ont émergé, notamment dans la jeunesse, et l’autolégitimation autoritaire du pouvoir ne va plus de soi.
Deuxièmement, ceci amène à s’interroger sur la portée de décompositions-recompositions à l’échelle locale, notamment dans des zones en proie à la violence. Des enquêtes signalent des évolutions prometteuses dans le sens de l’émergence de systèmes alternatifs de pouvoir et de protection, autour d’enjeux fonciers, miniers, coutumiers… Toutefois, Gauthier de Villers reste prudent à ce sujet. Selon lui, l’idée qu’une dynamique de restructuration puisse être en gestation à partir de situations de guerre et s’amplifier doit pour le moins être relativisée (299).
Troisièmement, on assiste à la permanence et à la résurgence de cette culture politique qui a imprégné les manières de gouverner dans une large mesure depuis l’indépendance. Gauthier de Villers recourt à un concept emprunté à la médecine oncologique pour caractériser ce qui mine actuellement une évolution positive : métastases. Somme toute, de Mobutu à Kabila, on aurait jusqu’ici assisté à l’essaimage du mode de gestion prédateur et prébendier (306).
La destinée paradoxale de l’ancienne colonie belge, « scandale géologique » quant à sa richesse potentielle, mais désastre en termes de bien-être de la population par comparaison à d’autres pays africains bien moins dotés, est une énigme lancinante : qu’est-il arrivé à ce pays et où va-t-il ? L’ouvrage a le mérite de permettre de systématiser les questions à ce sujet et de les arracher au sens commun6.
Question 1. Un ensemble flou
L’État congolais s’est construit et reconstruit à la suite de la greffe d’une forme juridico-politique sur un territoire dont les contours ont été définis dans le cadre d’un partage de l’Afrique entre puissances impériales, abstraction faite des conditions de géographie humaine et physique intrinsèques au pays. Or, ces dernières étaient à priori défavorables à la cohérence d’un pouvoir étatique : un territoire éclaté entre un centre forestier quasiment vide et des périphéries peuplées, mais difficiles à relier entre elles ; de surcroit, une zone est très singulière quant à la diversité de sa population qui relevait d’anciennes organisations étatiques transfrontalières.
Le pouvoir de la loi s’est quand même imposé sur une entité multiethnique. Les leadeurs se sont attachés à faire apparaitre comme naturel un État dont la réalité était juridique. La reconnaissance officielle les dotait du pouvoir de commandement. Au sommet de la vague, un sentiment national a été dopé à partir d’en haut. Au creux de la vague, n’a subsisté qu’une souveraineté négative, que l’extérieur s’évertue à maintenir alors que l’intérieur se délite. Prenant acte de l’absence de capacité étatique effective à promouvoir l’unité nationale, certaines analyses débouchent sur un jugement radical : la seule manière de venir en aide au Congo serait de cesser de prétendre qu’il existe…
Gauthier de Villers critique l’arbitraire de cette conclusion. Elle ne tient pas compte « du brassage social, des expériences historiques communes, de la création de manières d’être et de vivre qui font qu’une nation congolaise s’est progressivement affirmée en dépit de la faillite de l’État » (44). Et de rappeler que le Congo n’a jamais connu de véritable entreprise de sécession en dehors de l’affaire katangaise en 1960.
Néanmoins, cette réalité « nationale » qui existe bel et bien au-delà des formes politico-juridiques est affectée par l’exercice « brut » d’un pouvoir d’État dont les instruments, au lieu d’être des lois, sont des tactiques de gouvernement multiformes du pouvoir. Coercitif, celui-ci a recouru à la force, à la puissance corruptrice, à l’entretien des réseaux de clientélisme ; persuasif, il a manipulé « les attentes à l’égard de l’État créées par le colonisateur, attentes toujours déçues, mais aussi ravivées par des discours, des réalisations et démonstrations de puissance, les promesses de renouveau qui accompagnent chaque changement politique » (47).
L’application de la décentralisation, retardée, contrecarrée, détournée, est aujourd’hui un exemple significatif de cette faiblesse (306). Les hautes sphères du pouvoir continuent à pratiquer un mode de gestion prédateur tandis que les seuls services organisés à l’échelon local sont ceux qui permettent aux agents d’extraire des ressources.
L’unité dans la diversité dont dépend la création d’un espace politique se heurtait d’emblée à des obstacles géographiques et démographiques. Mais ce n’est pas un destin… (41). D’autres facteurs entrent en ligne de compte.
Question 2. L’empreinte coloniale7
Partout, l’ordre colonial a consisté dans l’imposition, de l’extérieur et par la force, d’un ordre politique, économique et social à une société qui lui était hétérogène. Au Congo, après l’usage extensif de la violence et l’économie de la prédation qui caractérisa l’État « indépendant » de Léopold II, cela s’est soldé par une mise en valeur du territoire, mais de façon très inégale, et par la création d’infrastructures, mais de façon très déséquilibrée en faveur de l’exploitation minière.
L’attention se concentre ici sur les traces durables que la colonisation belge a laissées dans l’ethos politique congolais. En effet, en dépit des affirmations nationalistes, on a assisté à une réflexion « en miroir » de structures et de comportements hybrides de l’époque coloniale que G. de Villers met en évidence8.
L’État colonial ne constituait pas un véritable État. Au Congo belge, tous les pouvoirs émanaient de Bruxelles dans une organisation fortement hiérarchisée. Néanmoins, il s’agissait moins de totalitarisme que de « fantasme totalitaire », dans un exercice à la fois paternaliste et didactique du pouvoir. Le colonisateur entendait faire œuvre de civilisation sur une masse indigène malléable.
Il tablait pour ce faire sur une élite locale à la fois docile et privilégiée. Les « évolués » aspiraient à une reconnaissance qui fasse d’eux des intermédiaires entre les indigènes, les Congolais ordinaires, et les Européens. Ils étaient formés à une activité professionnelle, dans l’administration ou dans le sillage des missions. Aux alentours de l’indépendance, la notion d’évolué a fait place à celle d’«intellectuel » dont la supériorité reposait sur une représentation fétichiste du diplôme universitaire. D’abord rares, les détenteurs de titres allaient être érigés en garants de la maitrise des modèles occidentaux de gouvernement et de développement… dans une société qui restait dépourvue des institutions et des procédures de la démocratie.
Cependant, même si la hiérarchie coloniale était de type militaire, la pratique était celle d’un agencement instable et fluctuant des intérêts locaux. Il s’agissait de concilier des préoccupations différentes : « trilogie coloniale » (État, entreprises, missions), autorités territoriales à divers niveaux, élite immatriculée, autorités indigènes…
Cette imbrication complexe d’autoritarisme et de localisme, de formes modernes et ethniques, de conformisme politique de pair avec une promotion des populations se traduisait concrètement par un régime d’incertitude, d’arbitraire et de petite violence.
S’agissant de cette question qui l’interpelle, le lecteur sort du texte avec le sentiment que si sur un plan « objectif », la colonisation belge ne fut pas pire que les autres — on peut même faire valoir nombre de réalisations remarquables9 —, elle a laissé un héritage profondément ambigu après une indépendance sans véritable décolonisation des esprits. À ce propos, Gauthier de Villers cite Achille Mbembe, un sociologue camerounais : « le “nativisme” s’est substitué à la logique raciste tout en récupérant, au passage, les idiomes principaux du discours colonial et en les ordonnant à la même économie symbolique : celle de l’adoration mortifère du potentat » (109). Mais Bembe écrit aussi qu’à certains égards, « la colonisation fut une invention conjointe. Elle fut le produit de la violence occidentale aussi bien que l’œuvre d’une masse d’auxiliaires africains en quête d’un profit. » Et il ajoute : « on doit reconnaitre que le colonialisme a exercé un grand pouvoir de séduction sur les Africains, non moins sur les plans mental et moral que sur le plan matériel » (34).
Question 3. Dedans — dehors
10Dans cette perspective, même si la relation entre le dedans et le dehors est restée fondamentalement inégalitaire après l’indépendance, Gauthier de Villers considère qu’on ne peut hiérarchiser l’influence des facteurs externes et internes de manière univoque. Il procède en faisant la distinction entre deux aspects : d’une part, l’étude historique des interventions extérieures directes, unilatérales ou multilatérales, d’autre part, l’analyse des structures de la dépendance en termes de ressources matérielles et culturelles (49).
Dans sa reconstitution de l’histoire des relations, il fait minutieusement le point sur un ensemble d’enchainements en discutant les sources et en prenant acte d’une complexité telle qu’elle exclut toute théorie du complot (150). Ceci se vérifie à différents moments cruciaux : de l’assassinat de Lumumba à l’avènement de Mobutu ; de l’assassinat de Laurent Désiré Kabila à la succession de son fils Joseph ; de la « grande guerre africaine » à l’aménagement de la transition. Les Occidentaux ont bien les moyens de contrecarrer ou d’impulser des évènements, avec une responsabilité politique plus ou moins grande selon les cas, mais ils ne sont pas pour autant maitres du jeu (77). Les « amis » congolais poursuivent leurs fins propres, loin d’être simplement soumis à une relation de commandement (60 – 61). Les partenaires extérieurs ne sont pas simplement mus par des appétits économiques, mais par des considérations géopolitiques allant de pair avec une certaine visée occidentale de la modernisation. Les élites congolaises adaptent celle-ci et, dans la durée, elles instrumentalisent la dépendance initiale dans laquelle elles avaient été placées et s’emploient à s’en affranchir
En définitive, Gauthier de Villers ne considère pas d’abord la dépendance en termes de modes d’action politiques, mais comme un « fait de structure ». Celui-ci est caractérisé par des « différences dans la forme et le degré de développement politique, économique, technologique, des sociétés mises en relation, ces différences entrainant des rapports d’inégalité, tant du point de vue des moyens matériels et financiers d’action que des compétences et des capacités de gestion » (288). Mais ce cadre contraignant laisse place à des logiques internes d’évolution. La pertinence du concept d’extraversion pour en expliquer le contenu est donc récusée. Domination du capitalisme mondial ? Il s’agit bien plutôt d’un capitalisme qui fonctionne à l’envers, en absence d’accumulation du capital et de création de l’emploi, avec une économie marchande qui pervertit les bases des autres modes de production (86). Mimétisme culturel ? Oui, mais réduit à une envie de biens de consommation accessibles moyennant une captation des ressources par des moyens détournés, en échappant à l’emprise institutionnelle et normative de l’extérieur…
Les exemples abondent à chaque période. Le plus accompli est celui de la Gécamines, avec une nationalisation en trompe‑l’œil qui était censée mettre fin à la dépendance, qui s’est muée en privatisation interne et ensuite externe, jusqu’à l’opacité des contrats chinois : « malédiction des ressources naturelles » ou décisions humaines qui instrumentalisent une structure au gré des intérêts ?
Un énorme malentendu a proliféré autour de la structure de dépendance.
Face aux échecs, les organisations internationales et les bailleurs du Nord ont été accusés de duplicité. Gauthier de Villers estime que le véritable problème est que les interventions extérieures ne peuvent que s’engager dans une (re-)construction à partir du sommet. Elles sont en effet nécessairement centrées sur le préalable d’une restauration de la capacité de gouverner. Or, tant qu’elles n’entrent pas en connexion avec des dynamiques internes, elles sont « impuissantes à transformer un ordre social et politique produit par des évolutions historiques de longue durée » (287).
Quant aux acteurs congolais, ils se réclament de bonnes pratiques de gestion et de la démocratie tout en les adaptant à la logique du clientélisme. Ces effets de leurre amènent alors à taxer leurs comportements comme relevant de la « mascarade ». Pour G. de Villers la réalité est plus complexe : « le rapport de ces sociétés à une modernité occidentale globalisée est fait de rejet en même temps que d’adhésion ». La rhétorique des élites ne serait pas pure tactique et hypocrisie en quête de pouvoir et d’argent. Elle exprimerait aussi une « défiance réelle fondée sur l’histoire, à l’égard des interventions occidentales » et « reflèterait des intérêts et des valeurs divers, complexes, changeants et contradictoires » (289).
On a vu que le processus d’occidentalisation du monde avait conféré le caractère d’une norme universelle à l’État rationnel légal. Plus récemment, les organisations internationales ont mis en avant la « bonne gouvernance » comme condition d’un développement économique et social à même de répondre aux attentes des populations confrontées à la pauvreté et à la rareté. Ces notions et leur application peuvent être critiquées, eu égard au passé et d’autant plus vivement qu’on assiste à un desserrement de l’emprise de l’Occident et à une émancipation des dynamiques internes. Néanmoins, le chercheur estime qu’une analyse sociohistorique ne peut faire l’économie de la référence à des normes universelles ; on « ne peut s’abstenir d’apprécier les actions des acteurs politiques de son temps en fonction des besoins d’une population et de ses attentes de “vie meilleure”» (339).
Question 4. Le « haut » et le « bas »
11Précisément, on peut s’interroger sur la place de cette immense majorité, le « bas » de la société, dans les changements structurels qui l’ont affectée. Gauthier de Villers a renoncé à aborder d’emblée ces mutations en termes de rapports de classes. La scène sociale du Congo-Zaïre n’étant pas (encore?) structurée autour d’un axe central de conflits, l’analyse s’est centrée sur l’État comme agent des changements qui affectent la société.
Une telle perspective amène à mettre l’accent sur l’initiative des acteurs du « haut ». L’État a composé avec la société à travers les relations de clientélisme, il a fonctionné comme une immense machine d’assujettissement des différentes élites (administratives, scolaires, marchandes, religieuses) nées du processus de modernisation coloniale. De ce brassage d’un monde social de privilégiés, via des liens de solidarité, d’allégeance, d’une complicité qui ne vont pas sans compétition, a résulté non une classe dirigeante, mais une « confrérie régnante », à la fois fractionnée et mouvante dans ses contours (313).
À partir du délitement de la Deuxième République dans les années 1990, les entrées en scène du « bas ont été de plus en plus manifestes, tout en étant submergées par la prolifération des mouvements de dissidence et de rébellion, et réprimées ou détournées dans le cadre de la reproduction de l’État néopatrimonial ». Gauthier de Villers cherche à expliquer la difficulté de l’affirmation d’une contestation. Entre la culture de l’élite et celle des classes populaires, il existe un espace d’«entre deux » dans lequel les manœuvres d’agents de médiation coiffent la pression des groupes subordonnés. Les interventions du « bas » restent donc ambigües et contradictoires (313). Elles se caractérisent par une indocilité par rapport au pouvoir (esquive, ruse, « cannibalisation » de ses ressources) dans le cadre d’un certain consentement à celui-ci, sans émergence d’un mouvement social ouvrant des perspectives politiques. Jusqu’ici, on a bien plus assisté à une « déconstruction quotidienne » de la domination étatique accompagnée d’affirmations symboliques (cf. la multiplication des églises de réveil et de guérison) qu’à une dynamique de réelle démocratisation (315).
L’ascension d’une « société civile » avait cependant suscité bien des espoirs. Dans le cadre du Congo, ce concept a pris une acception militante : un ensemble d’organisations qui incarnent la révolte ou la résistance de la société face à un État oppresseur. Mais « on a dû constater que les ONG, les Églises, les syndicats, les partis politiques n’échappaient généralement pas à la logique patrimoniale et clientéliste qui régit le système politique » (316).
« Généralement pas…» Cela laisse la porte ouverte à « quand même ». Il se pourrait qu’un acquis du momentum qu’ont constitué les premières élections libres en 2006 soit l’affermissement d’une conscience citoyenne autonome par rapport aux stratégies des élites, qui intériorise et fait valoir des normes démocratiques de légitimation du pouvoir. À partir de là, on pourrait espérer que les revendications de la population, notamment de la nouvelle génération, se conjuguent dans un projet collectif de changement social et politique12. À cet égard, Gauthier de Villers considère que la question décisive ne consiste pas simplement dans l’opposition en « gens du haut » et « gens du bas ». Le système est voué à se reproduire tant que dominants et dominés partagent les « mêmes dispositions et orientations culturelles » (315).
Question 5. Et la culture ?
13Les contradictions entre, d’un côté, des orientations culturelles et, de l’autre, la démocratie et le développement sont amplement traitées dans les travaux africanistes. Cette problématique prête néanmoins à bien des lieux communs, notamment quand il s’agit d’expliquer l’évolution politique du Congo. Gauthier de Villers ne récuse pas l’énorme incidence de la culture, mais il se garde de la considérer comme un ensemble monolithique et de dissocier son devenir des conditions sociohistoriques qu’il a mises en évidence.
Il procède à partir de cette définition générale de la culture : une sorte de code au moyen duquel les membres d’une communauté donnent forme à leur expérience. Appliquée au contexte africain, elle amène à mettre l’accent sur le potentiel de résistance au changement, y compris dans la sphère du politique : les attitudes et conventions héritées du passé sont remodelées en une idéologie qui leur donne une forme plus consciente et explicite. On a vu que le recours à l’authenticité au début de la Deuxième République peut être interprété en adoptant cette perspective. Pourtant, l’évolution ultérieure du régime Mobutu amène à se demander si l’élite montante pensait ce qu’elle disait…
C’est que les discours, même axés sur la tradition, sont empreints d’équivoques. Ils ne se laissent pas interpréter comme si la culture qui leur est sous-jacente était un ensemble unifié. Les approches de situations sociales en Afrique sur la base de tels présupposés « culturalistes » sont insatisfaisantes. D’une part, elles font référence à un « noyau dur » des traditions en sous-estimant l’impact culturel du remodelage qui s’est produit au fil des échanges brutaux avec le monde « moderne », bien plus profondément que telle ou telle influence ou emprunt. D’autre part, elles présentent comme cohérente une réalité culturelle qui est hétérogène, eu égard à une diversité de référentiels et à la pluralité de logiques qu’on peut observer. Par exemple, au nom de quoi décrète-t-on que la solidarité communautaire est à elle seule une valeur ancrée profondément en Afrique alors que les comportements hyperindividualistes y sont très importants ? Au-delà des présupposés théoriques, il s’agit de déterminer par l’observation quelles pratiques et représentations sont partagées, par qui et avec qui.
Toutefois, cette diversité empirique va de pair avec un principe d’organisation qui n’est pas directement accessible à l’observation. Par exemple, les pratiques de corruption renvoient manifestement à une sphère du pouvoir associée à la prédation, tout en relevant en même temps d’autres logiques, et dans des couches étendues de la société : négociation, médiation, entraide… Néanmoins, on ne peut méconnaitre qu’elles exercent une fonction dans un système culturel profondément logé dans les esprits et les cœurs, qu’il s’agit de comprendre par raisonnement.
La conceptualisation de Bourdieu en termes d’habitus — système de dispositions — semble adéquate à Gauthier de Villers pour rendre compte d’une pratique des acteurs qui est à la fois diversifiée infiniment en fonction des situations et conjonctures et relative à des schèmes généraux qui renvoient au fait que la trajectoire de vie de chacun est reliée à des structures socioéconomiques où il occupe une position déterminée.
S’agissant des cultures africaines, l’observation fait apparaitre des ensembles apparentés de normes qui régissent les rapports sociaux et les modes de gouvernance, un habitus qui s’enracinerait dans un noyau originel. Trois dimensions de ce principe d’organisation sont couramment mises en avant : une vision idéalisée de la famille patriarcale, un « habitus communautaire », et la croyance en la sorcellerie (327).
Gauthier de Villers insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de règles, mais de principes malléables lesquels ne manifestent pas seulement une continuité par rapport à la tradition, mais s’adaptent à des circonstances nouvelles, laissant place à une gamme de choix, avec des microdynamiques multiples dans les comportements. Or, sur la base de sa compréhension de l’évolution du Congo, le sociologue considère qu’on n’a pas simplement affaire à des emprunts qui modifieraient un noyau originel, mais à un désajustement de l’habitus lié à la contradiction entre les conditions objectives de la domination et les dispositions subjectives des acteurs congolais.
Dès l’époque coloniale, les sujets étaient amenés à se construire dans un dédoublement de la conscience : distincts de l’Européen et confrontés à un mode de vie « blanc et supérieur », distincts entre eux selon leurs « appartenances tribales », tout en partageant la condition « indigène » en tant que noirs et inférieurs (332).
Dans la ligne des trois dimensions du principe d’organisation enraciné dans la tradition qui viennent d’être distinguées, on peut mettre en avant trois dimensions de l’habitus désajusté qui ont été produites par les changements historiques. À condition que ce regroupement ne fasse pas perdre de vue la multiplicité des logiques en fonction des positions et des trajectoires des groupes et des individus. Le principe d’organisation n’est en effet pas à concevoir sur le mode d’une règle d’uniformisation, mais d’un langage commun.
D’abord, la relation du gouvernement à ses administrés se présente comme étant de même nature que celle du père à ses enfants. « Le pouvoir se mange tout entier. » Dans l’environnement en voie de modernisation, cela signifie à la fois que l’accent est mis sur son unité et son indivisibilité, que le chef-père légitime a le droit d’accumuler richesse et prestige et de s’en nourrir, mais aussi le devoir d’assurer protection et bien-être à ses « enfants » qui se présentent. Cette toile de fond n’exclut pas l’apparition de phénomènes de recomposition politique à l’opposé du clientélisme, mais explique la difficulté qu’ils ont à s’étendre et à trouver la force expansive qui leur confèrerait une efficacité politique durable et probante (297).
Ensuite, les changements économiques et sociaux, vécus dans le cadre d’une (re-)construction de l’État à partir du sommet avec des résultats problématiques, se soldent par le maintien d’un « habitus communautaire », tout en concourant à un processus d’individualisation. Ils ont produit un sujet « fortement “individué” c’est-à-dire constitué par une trajectoire singulière, défini par des attributs scolaires, économiques, résidentiels…, mais peu “individualisé” si l’on entend par l’individualisation la “prise de distance objective et subjective de la personne vis-à-vis de ses inscriptions et déterminations sociales”14 » (327).
Enfin, même si le sujet est difficile à aborder en raison de la stigmatisation à laquelle la question de la sorcellerie est attachée, Gauthier de Villers souligne l’importance de la dimension de l’occulte et interprète les raisons pour lesquelles elle s’est nichée dans la sphère politique. Le contexte d’incertitude, compétition et risques de disgrâce au sommet, vulnérabilité au bas de la société, a renforcé le recours aux forces occultes dans l’exercice du pouvoir et l’explication causale de décisions, de succès, d’échecs qui se produisent dans la vie politique ordinaire et au quotidien. À la suite de divers auteurs, Gauthier de Villers ne se prononce pas sur ces actions fantomatiques, mais considère que leurs effets réels sont indéniables, et surtout que ce facteur culturel, enraciné dans le devenir socioéconomique et contribuant à la reproduction élargie de la domination, est très important.
Les sociétés politiques en Afrique, et plus particulièrement au Congo, sont fréquemment comparées à une maison sous les tropiques : avec un côté « climatiseur » (la société du jour qui sacrifie aux règles et procédures officiellement instituées) et un côté « véranda » (la société de l’ombre, où règne l’informel). De Villers souscrit à cette comparaison, mais à condition de reconnaitre que ce qui est fondamental se déroule dans l’univers de la véranda. « Dans la société congolaise/zaïroise, le dédoublement culturel se manifeste de façon générale par la coexistence de l’officiel et de l’informel, de la référence aux institutions étatiques et à leur légalité et de pratiques répondant à de tout autres logiques et normes. Il se traduit dans le comportement des acteurs politiques. Ils ne tiennent pas le même langage quand ils s’expriment en français ou dans une langue nationale » (332).
* * * *
Au début de l’ouvrage, Gauthier de Villers avait rappelé les points de vue de deux chercheurs marquants quant à l’histoire immédiate des années 1960 et 1970 : Benoît Verhaegen et Valentin Mudimbe. Le premier, un sociologue belge, cherchait à discerner le cheminement d’une révolution émancipatrice qui contrecarrerait la dérive. Le second, un philosophe congolais, laissait entendre en 1980 que la crise n’avait pas été le temps de la gestation d’un ordre nouveau, mais celui de « l’instauration d’un état de “désordre inouï et fondamental” où s’institue une durable rupture entre les normes invoquées ou héritées et les comportements, où on assiste à une “dissolution de fait des normes”15 » (20). Quant à Gauthier de Villers aujourd’hui : « Dans les décennies 1990 et 2000, ce jugement parait s’imposer avec encore plus de force » (20).
Dans la conclusion, il constate qu’une nouvelle phase s’est ouverte dans l’histoire du Congo avec les élections générales, mais que la contingence des évènements et la complexité des processus de changement défient la prévision. Son ouvrage a été centré sur la forme que l’évolution a prise au niveau du politique et du pouvoir d’État. Au moment de le refermer, j’apprécie que cette lecture approfondie ait permis de sortir des lieux communs dans la façon d’aborder les questions posées. Mais, heureusement, elle ne fournit pas des réponses clé sur porte mais incite à prolonger la réflexion.
Le point de vue adopté, la centration sur l’État dans la ligne de Max Weber, a permis de faire ressortir le décalage entre la forme « rationnelle légale » qui est invoquée et son application au quotidien. Ce décalage est subtil : « l’informel n’est pas l’informe » (337). Se concentrant ainsi sur les stratégies des élites, G. de Villers a montré que leur caractère dédoublé n’est pas qu’une « mascarade » : quelque chose cherche à se recomposer au-delà des interventions occidentales (289). Mais qu’en est-il plus largement des gens ? Ils ne contestent pas que l’État fasse des règles, mais le fait qu’il ne les applique pas. Au cours de l’exposé, l’auteur a laissé entendre que la vision du chaos, trop réductrice, est trompeuse et il a ici et là pointé des faits qui suggèrent l’émergence d’une inculturation axée sur la recherche du bien commun au-delà de l’individualisme de groupe. Cependant, ce qui ressort surtout, c’est l’absence de « phénomènes de recomposition qui auraient une large emprise territoriale et une force expansive, qui manifesteraient une efficacité politique et économique durable et probante16 » (297).
Pour vérifier ou infirmer cette présomption, il faudrait traiter plus avant deux thèmes insuffisamment approfondis de l’aveu même de l’auteur : la configuration des rapports sociaux et les orientations culturelles (339). À cet égard, il nous semble qu’il conviendrait d’abord de scruter soigneusement la diversité des « élites » et d’étudier la présence et la nature des résistances populaires en référence à cette différenciation. Ensuite, les enjeux fonciers sous-jacents au politique seraient à analyser spécifiquement : ils concernent l’immense majorité de la population, directement dans les zones rurales tout en rejaillissant sur l’ensemble de la vie sociale17. Enfin, la question ethnique nous semble sous-estimée. Quand bien même une conscience nationale a été créée à partir du sommet, ces identités ont largement été instrumentalisées, principalement dans le sillage du rebondissement des évènements du Rwanda au Congo.
En définitive, en procédant à partir du politique, cet ouvrage apporte un cadre à la fois solide, pluriel et ample pour aborder la singularité de l’histoire congolaise. Même si la probité intellectuelle amène l’auteur à affirmer lui-même que pour mieux cerner et expliciter cette dernière, « ce sont en amont les différentes dimensions de la réalité sociale qu’il faudrait appréhender » plus profondément (339).
- Academia‑L’Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2016. Les indications de pages sans autre mention renvoient à cet ouvrage. Je fais référence à des sections, mais me permets de ne pas faire de références détaillées, sauf quand il s’agit de prises de position marquées de l’auteur ou de citations explicites (soit de celui-ci, soit d’autres qu’il reprend).
- I. Ndaywel è Nziem, Histoire générale du Congo : de l’héritage ancien à la République démocratique, Paris, Bruxelles, 1998. D. Van Reybrouck, cf. P. Géradin, Congo. Een geschiedenis de David Van Reybrouck. Parcours et résonances, dans La Revue nouvelle, octobre 2011, p. 39 – 47.
- G. de Villers a été directeur du Centre d’études et de documentation africaines (Cedaf), qui a donné naissance à la section d’histoire du Musée royal de l’Afrique centrale. Il est l’auteur de différents ouvrages et articles portant sur l’histoire sociopolitique de l’Algérie et du Congo Kinshasa. Dans ce dernier pays, il a enseigné et effectué des recherches, surtout sur la période 1990 – 2006.
- La conceptualisation de l’État qui sous-tend le cœur de l’analyse est fortement (mais pas exclusivement) tributaire de la sociologie historique de Max Weber. Gauthier de Villers justifie cette référence majeure et explique sa méthode de façon circonstanciée (192 – 195 ; 336 – 339).
- Non point à l’identique car la situation historique se caractérise par deux changements majeurs. D’une part, un délitement progressif de l’emprise occidentale au profit d’une africanisation du contexte géopolitique (États et mouvements rebelles des pays voisins) et de l’entrée en scène économique de partenaires des pays émergents (principalement la Chine). D’autre part, une militarisation des luttes et l’irruption d’une violence quotidienne dans les rapports sociaux.
- Pour ce faire, on s’appuiera à la fois sur l’ensemble de l’ouvrage et sur des segments plus explicitement relatifs aux questions posées. Sans perdre de vue que ce qui est présenté ici (et aussi interprété…) comme allant de soi fait l’objet d’amples développements en dialogue avec des études fouillées.
- À ce sujet, cf. spécifiquement 197 – 208.
- Au sujet de cette dimension, couramment sous-estimée quand on fait le bilan de la colonisation belge, Gauthier de Villers s’appuie notamment sur J.-M. Mukamaba Makombo et J.-L. Vellut (200 – 201).
- Notamment une promotion des services de base, enseignement fondamental et les soins de santé primaires ; et aussi le souci de valorisation des cultures locales par des missionnaires (266).
- Cette thématique est au cœur de la deuxième partie consacrée à l’histoire évènementielle (33 – 186).
- Le rôle des acteurs d’en bas est abordé, mais insuffisamment développé de l’aveu même de l’auteur (339), dans une brève section 311 – 317.
- Cf. « La jeunesse mobilisée sur le terrain », dans African Arguments, trad. le Courrier international, 22 – 28 juin 2017, p. 31. Après avoir émergé il y a cinq ans, le mouvement Lucha préconise des réformes au sommet tout en étant très actif au niveau local, vise à responsabiliser les plus hauts échelons du pouvoir tout en restant en dehors des cercles politiques conventionnels. « Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que les choses ne changeront pas du jour au lendemain des prochaines élections. Peut-être que dans cinquante ans, avec la responsabilisation accrue de nos dirigeants, nous verrons des changements de terrain…»
- G. de Villers estime qu’il a insuffisamment développé le rôle des orientations culturelles en relation avec la configuration des rapports sociaux et les trajectoires politiques. Néanmoins, la discussion autour d’une compréhension sociologique de la culture est menée avec beaucoup d’acuité dans les considérations finales (317 – 333).
- Citation d’A. Marie.
- Citation V. Mudimbe.
- En référence à des « enquêtes de qualité dont on dispose ».
- À ce sujet, cf. une thèse récente et particulièrement remarquable : E. Mushagalusa Mudinga, La création des espaces ingouvernables dans les luttes foncières : analyse de la résistance paysanne à l’accaparement des terres au Sud Kivu, RD. Congo, Louvain-la-Neuve, 2017.