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Guide de survie pour les académiques (et les autres) en période de pandémie
Depuis le début de la pandémie, que ne nous a‑t‑on pas bassiné avec le « monde d’après » ! Tout allait changer : un autre rapport au réel, de l’entraide, du vivre ensemble, la fin du capitalisme, le retour du social, une prise de conscience écologique. Dans les faits, le monde d’après, c’est encore plus d’incertitude, plus d’impuissance, de […]
Depuis le début de la pandémie, que ne nous a‑t-on pas bassiné avec le « monde d’après » ! Tout allait changer : un autre rapport au réel, de l’entraide, du vivre ensemble, la fin du capitalisme, le retour du social, une prise de conscience écologique. Dans les faits, le monde d’après, c’est encore plus d’incertitude, plus d’impuissance, de l’angoisse et de la solitude, mais avec un émoji « solidaire » sur Facebook. Notre besoin de pictogrammes solidaires sera-t-il possible à rassasier ? Permettez-moi d’en douter. Aussi, j’ai jeté sur l’écran quelques idées destinées à mes collègues pour en réchapper.
1°) Soyez réalistes sur votre capacité à produire ! Votre institution survivra. Vous, que ce soit physiquement ou psychologiquement, c’est moins sûr. Dans un tel contexte, la fameuse injonction néolibérale « publish or perish » peut tout aussi bien se réduire à « perish ». On pourrait croire que le confinement est un atout pour le labeur intellectuel, la recherche, la rédaction. Eh bien, non. Pour beaucoup, seul fonctionne le désir fou de se priver volontairement de liberté pour penser et écrire quand on pourrait faire autre chose d’agréable.
2°) Soyez réalistes, encore, quant à votre devenir digital ! Certain·e·s semblent revenir à la normale, comme on dit, avec télé-enseignement et autres conférences online, alors que vous vous sentez anxieux·ses, déprimé·e·s et totalement dépassé·e·s, épuisé·e·s après des heures passées devant un écran anonyme (étudiant·e·s, êtes-vous là?) tandis que deux enfants braillards vous courent entre les jambes. Avalez un xanax, votre meilleur ami académique de toujours, et rappelez-vous que vous êtes la « nouvelle normalité ». Vous pouvez aussi crier dans une couverture douce et hurler sur un animal en peluche.
3°) Vous l’aurez compris, l’hygiène (mentale) d’abord ! Gel hydroalcoolique, gants stériles, masques, visière évidemment. Toussez et éternuez dans votre épaule ou, mieux, dans l’un de ces rapports administratifs que vous ne lirez de toute façon pas.
4°) Chérissez l’être domestique qui est en vous ! Moi qui suis ochlophobe et qui déteste voyager, le confinement a la vertu de me donner de fous désirs de bain de foule. Je rêve de m’évader au milieu des pèlerins de La Mecque, à un concert des Rolling Stones à Wembley, dans la cohue des touristes au Taj Mahal ou encore faisant la queue pour le Crush Coaster’s à Disneyland. Mais, franchement, qui aime ces mégaconférences à vous rendre claustrophobes, les rencontres avec des collègues tout aussi névrosé·e·s et les épuisantes missions d’enseignement interuniversitaires ? À la maison, vous trouverez votre espace de retraite : je vous écris depuis mon frigo.
5°) Considérez les aspects positifs des mesures sanitaires ! Enseigner camouflé·e derrière un masque et une visière aidera à cacher au monde votre éternel sentiment d’être un imposteur. Pour un râleur comme moi, le masque, c’est également la chance de pouvoir tirer la gueule en permanence. Donnez cours en ligne, et vous pourrez rester chez vous, affublé·e d’un vieux pyjama troué et vautré·e dans votre canapé, ce qui renforcera très probablement votre impression d’imposture.
6°) Déconnectez-vous des réseaux sociaux et faites-vous du bien ! Facebook, Twitter et consorts constituent une source avérée de nombreuses pathologies : la paranoïa virtuelle (qui se manifeste par une sensation que certains commentaires vous sont adressés personnellement), le malentendu thérapeutique digital (se dit de celles et ceux qui prennent les réseaux sociaux pour un psy), ou encore le cybermasochisme (comportement addictif d’un individu qui jouit de visiter la page de gens qu’il trouve insupportables). Rien de tel que de se faire du bien en dehors de ces espaces numériques. Ce soir, par exemple, je lirai De l’inconvénient d’être né de Cioran, un air de Barbara en arrière-fond, quelques ognons crus en guise de gueuleton, et puis je regarderai Shoah de Claude Lanzmann.
Bref, cher·e·s collègues, faites attention à vous en ces temps troublés et incertains.