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En qui n’oublie

Numéro 07/8 Juillet-Août 2013 par Jacques Vandenschrick

juillet 2013

Que cher­­chons-nous, tai­seux amants de février, per­dus, ensau­va­gés dans l’ombre de quelques arbres, décou­pée sur la nuit ? Des paroles ? Ou des images sou­dain rejaillies d’un mur du cime­tière carme, tels en été, les mar­ti­nets cisaillant le cré­pus­cule ? * * * * * Qui donc ain­si s’efface et, pour nous, ne s’effacera pas ? Ceux qu’on ne voit ni n’entend […]

Que cher­chons-nous, tai­seux amants

de février, per­dus, ensau­va­gés dans l’ombre de

quelques arbres, décou­pée sur la nuit ? Des

paroles ? Ou des images sou­dain rejaillies d’un

mur du cime­tière carme, tels en été, les

mar­ti­nets cisaillant le crépuscule ?

* * * * *

Qui donc ain­si s’efface et, pour nous, ne

s’effacera pas ? Ceux qu’on ne voit ni n’entend

plus ? Ceux qui s’en vont dans l’assombri,

épaules sou­dées aux ciels d’ardoise ? Ou celles

qu’on vou­drait absoutes des falaises, des vitres,

des eaux, des rocs, des morgues de briques,

là où les poseurs d’iris attendent sans lampe la

fin des rancunes ?

* * * * *

Ces mères qui se détournent, occu­pées de nœuds

lourds ? Ou d’autres encore, qui ont voulu

mou­rir avec leurs enfants ? Ceux qui volaient

aux langues incon­nues des syl­labes rêveuses ?

Ou le der­nier convers qui dort seul dans

l’immense dor­toir effon­dré d’étoiles ?

* * * * *

Et même si les larmes devaient presser

pareille­ment sous toutes ces pau­pières, il est au

cœur de cha­cun des détresses très inégales, plus

pauvres, que l’on chasse et que l’on force contre

les fleuves. Là s’écrase de nuit un vent vieux de

vinaigre sur des barques à la dérive. Et certaines

s’enfoncent.

* * * * *

S’en allant tous vers leur déré­lic­tion, comment

espé­rer qu’à la fin ils soient moins abandonnés

que le dieu supplicié ?

* * * * *

Ce qui se dis­joint, ce qui se dis­loque et les

cha­grins qui n’en démordent pas, tout exige

droit de visite pour le vent, pour la vio­lence des

fleurs, pour les jacinthes et leur l’énigme. Et

pour la démence douce de la ten­dresse. Comme

en un haut pays, une grive de sel au bord de la

nuit, quand trois petites filles, se rapprochent

des mai­sons dans la neige. Et de leurs lumières jaunes…

Jacques Vandenschrick


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