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Culture du redoublement dans l’enseignement obligatoire, dégâts collatéraux dans l’enseignement supérieur (version longue)

Numéro 3 - 2018 - enseignement enseignement supérieur par Jean-Paul Lambert

mai 2018

Poli­tiques de « stra­ti­fi­ca­tion » dans l’enseignement obli­ga­toire : où se situe la FWB ? L’OCDE orga­nise, tous les trois ans depuis l’année 2000, la vaste enquête inter­na­tio­nale Pisa (sep­­tante-deux pays par­ti­ci­pants en 2015) por­tant sur les com­pé­tences (en lec­ture, en mathé­ma­tiques et en sciences) des élèves âgés de 15 ans. Au-delà de la mesure des com­pé­tences des élèves, ces […]

Le Mois

Politiques de « stratification » dans l’enseignement obligatoire : où se situe la FWB ?

L’OCDE orga­nise, tous les trois ans depuis l’année 2000, la vaste enquête inter­na­tio­nale Pisa (sep­tante-deux pays par­ti­ci­pants en 2015) por­tant sur les com­pé­tences (en lec­ture, en mathé­ma­tiques et en sciences) des élèves âgés de 15 ans. Au-delà de la mesure des com­pé­tences des élèves, ces enquêtes Pisa four­nissent aus­si l’occasion de col­lec­ter un grand nombre d’informations sur diverses dimen­sions et carac­té­ris­tiques struc­tu­relles des sys­tèmes éducatifs.

Une carac­té­ris­tique struc­tu­relle de pre­mière impor­tance, en termes d’implications sur les per­for­mances des sys­tèmes, se révèle être l’ampleur de la « stra­ti­fi­ca­tion » orga­ni­sée entre élèves ou groupes d’élèves. Cette stra­ti­fi­ca­tion peut prendre deux dimen­sions (non exclu­sives): « hori­zon­tale » et/ou « ver­ti­cale »1.

Par « stra­ti­fi­ca­tion hori­zon­tale », on vise les poli­tiques de seg­men­ta­tion de la popu­la­tion sco­laire en « filières » dis­tinctes (tra­cking en anglais). En Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles (FWB), une telle poli­tique paraît aller de soi tant nous sommes accou­tu­més à voir les élèves orien­tés, dès la troi­sième année du secon­daire (c’est-à-dire en prin­cipe à l’âge de 14 ans), vers l’une de nos quatre « filières » (géné­ral, tech­nique de tran­si­tion, tech­nique de qua­li­fi­ca­tion, pro­fes­sion­nel). Certes, d’autres pays euro­péens pra­tiquent aus­si une poli­tique de seg­men­ta­tion en « filières », pour cer­tains à un âge même plus pré­coce que chez nous. Mais un cer­tain nombre de pays (pays scan­di­naves, Royaume-Uni, Espagne, États-Unis, Cana­da, etc.) ont une approche — dite « inté­grée » (ou com­pre­hen­sive) — radi­ca­le­ment dif­fé­rente, par laquelle tous les élèves pour­suivent leur sco­la­ri­té au sein d’un même programme.

La « stra­ti­fi­ca­tion ver­ti­cale » vise essen­tiel­le­ment la pra­tique péda­go­gique du redou­ble­ment qui a pour effet de dis­tri­buer des élèves du même âge en des années d’études de niveaux dif­fé­rents. Les enquêtes Pisa nous per­mettent de mesu­rer l’ampleur de cette pra­tique, dans les dif­fé­rents pays de l’OCDE, par le « taux de retard sco­laire » (à l’âge de 15 ans), c’est-à-dire la pro­por­tion d’élèves qui, à l’âge de 15 ans, ont déjà redou­blé au moins une fois. En moyenne, au sein de l’OCDE, cette pro­por­tion (dans la der­nière enquête Pisa 2015) est de 11%. Sous cette moyenne, se situent des pays (Nor­vège, Japon) qui ne recourent pas au redou­ble­ment (taux de 0%) et plu­sieurs pays (pays scan­di­naves, Royaume-Uni) qui n’y recourent que de façon très « par­ci­mo­nieuse » (taux de quelques pour­cents seule­ment). Le contin­gent des pays « gros redou­bleurs » (Alle­magne, Suisse, Pays-Bas, France, Com­mu­nau­té fla­mande) se retrouve regrou­pé autour des 20%. Au-delà des 20%, on ne trouve plus aucun pays2, sauf la FWB, qui, avec un taux de… 46% (soit plus de quatre fois la moyenne de l’OCDE!) peut être qua­li­fiée de « cham­pionne hors caté­go­rie de l’OCDE » en matière de redoublement.

[*Figure 1 pré­sente l’évolution de ce taux de retard sur les 25 der­nières années (voir les sources et com­men­taires plus “tech­niques” en Annexe 1).*] 

Figure 1. Taux de retard sco­laire en 5e année de l’enseignement secon­daire ordi­naire de plein exer­cice (en %)
(source : FWB ; voir Annexe 1)

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Si le taux de retard sco­laire à l’âge de 15 ans est actuel­le­ment de 46%3 en FWB, il atteint le chiffre effa­rant de 61%4 en cin­quième année du secon­daire (où l’âge « théo­rique » est de seize ans). La figure 1 pré­sente l’évolution de ce taux de retard sur les vingt-cinq der­nières années (voir les sources et com­men­taires plus « tech­niques » en annexe 1).

Ce taux s’est main­te­nu à des niveaux très éle­vés, supé­rieurs à 50%, tout au long de la période. Il pré­sente néan­moins des fluc­tua­tions qui reflètent l’alternance de périodes de modé­ra­tion ou, au contraire, d’exacerbation de la pra­tique du redou­ble­ment dans l’enseignement fon­da­men­tal et secon­daire5 : le taux de retard sco­laire, qui s’était (quelque peu) réduit tout au long des années 1990, s’est remis à croitre à par­tir du milieu de la décen­nie 20006.

Si, en FWB, la pra­tique du redou­ble­ment atteint ces niveaux inéga­lés, c’est qu’elle peut s’appuyer sur une « culture du redou­ble­ment » encore lar­ge­ment par­ta­gée par cer­tains parents et ensei­gnants, qui y voient une garan­tie de rigueur et donc le moyen le plus sûr — per­çu comme pénible, certes, mais néces­saire — pour viser l’excellence.

Comme on le ver­ra à la sec­tion sui­vante, cette croyance dans les ver­tus du redou­ble­ment « à large échelle » est non seule­ment infon­dée, mais elle pro­duit des résul­tats désastreux.

Conséquences désastreuses de ces politiques pour le secondaire

De nom­breux tra­vaux7 ont exa­mi­né les mérites pré­su­més de la poli­tique de seg­men­ta­tion de la popu­la­tion sco­laire en « filières » dis­tinctes (tra­cking). Ces tra­vaux abou­tissent à des conclu­sions conver­gentes : le tra­cking tend à répli­quer les dis­pa­ri­tés socioé­co­no­miques et à exa­cer­ber les inéga­li­tés dans l’éducation, avec des effets néga­tifs d’autant plus pro­non­cés que la seg­men­ta­tion en filières dis­tinctes s’opère à un âge pré­coce8.

De même, les recherches menées sur la pra­tique du redou­ble­ment9 abou­tissent à des conclu­sions tout aus­si sévères. Du point de vue péda­go­gique d’abord, cette pra­tique appa­rait inef­fi­cace et même — plus grave — contre-pro­duc­trice pour le cur­sus ulté­rieur de l’élève. Si pour cer­tains élèves un redou­ble­ment per­met effec­ti­ve­ment de pour­suivre le cur­sus sur des bases plus solides, il s’agit d’une mino­ri­té ; pour la grande majo­ri­té des élèves, le redou­ble­ment — a for­tio­ri, s’il se répète10 — abime pro­fon­dé­ment et dura­ble­ment la confiance de l’élève dans ses propres capa­ci­tés et réduit par consé­quent son gout d’apprendre et sa téna­ci­té à l’effort. Et du point de vue des impli­ca­tions sociales, il appa­rait que ce sont les élèves des caté­go­ries socioé­co­no­miques modestes qui sont, dans les faits, les prin­ci­pales vic­times de cette pra­tique du redoublement.

Lorsqu’un sys­tème com­bine, comme c’est le cas en FWB, la poli­tique de tra­cking avec une pra­tique « com­pul­sive » du redou­ble­ment, les résul­tats sont désas­treux. Un exa­men récent des évo­lu­tions du secon­daire en FWB (Lam­bert, 2014) illustre com­ment la pra­tique exa­cer­bée du redou­ble­ment (sou­vent accom­pa­gné d’un chan­ge­ment d’école) conduit à des « relé­ga­tions » en cas­cade d’une filière à l’autre, com­ment ces « relé­ga­tions » affectent pré­fé­ren­tiel­le­ment les élèves issus des milieux socioé­co­no­miques modestes et com­ment ces « relé­ga­tions » abou­tissent à éjec­ter du sys­tème sco­laire, sans aucune cer­ti­fi­ca­tion du secon­daire supé­rieur, une pro­por­tion éle­vée de jeunes de la classe d’âge 20 – 24 ans.

Il n’est donc pas sur­pre­nant que notre ensei­gne­ment secon­daire appa­raisse comme l’un des plus « inéga­li­taires » de l’OCDE, quel que soit le cri­tère adop­té : écart entre les scores moyens des 25% des élèves les plus et les moins favo­ri­sés (Quittre et al., 2016), ségré­ga­tion sociale entre les écoles (Hin­driks, 2017), etc.

Peut-être pour­rait-on se poser la ques­tion sui­vante « Certes, notre pra­tique exa­cer­bée du redou­ble­ment génère de fortes inéga­li­tés, mais, peut-être, est-ce le prix à payer pour géné­rer des per­for­mances moyennes éle­vées ? ». Hélas, la réponse est sans appel : les scores moyens de nos élèves sont très médiocres, infé­rieurs à ceux de la moyenne de l’OCDE et bien infé­rieurs à ceux de nos voi­sins (voir Quittre et al., 2016).

Ce n’est pas sur­pre­nant, les tra­vaux menés à par­tir des enquêtes Pisa montrent en effet que les sys­tèmes inéga­li­taires assurent une moindre mobi­li­té sociale à l’école et génèrent des per­for­mances moyennes plus faibles de la part des élèves (voir Hin­driks et Godin, 2017).

On pour­rait alors refor­mu­ler la ques­tion comme suit « Certes, notre pra­tique exa­cer­bée du redou­ble­ment génère de fortes inéga­li­tés et des per­for­mances moyennes médiocres, mais sans doute, en seg­men­tant davan­tage les élèves selon leurs apti­tudes, par­ve­nons-nous, in fine, à “pro­duire” un bon contin­gent d’élèves “forts”?». Hélas à nou­veau, les tra­vaux menés à par­tir des enquêtes Pisa montrent que la FWB se carac­té­rise par une pro­por­tion d’élèves « forts »11 très réduite, bien plus faible que celle des pays à faible retard sco­laire et que celle des pays à retard sco­laire « moyen » (voir Lam­bert, 2018).

C’est sur la base de ces constats que, sou­cieuse à la fois d’améliorer les per­for­mances et de réduire les inéga­li­tés, l’OCDE prêche, depuis de nom­breuses années, pour une réduc­tion des redou­ble­ments. Les pays de l’OCDE ont bien com­pris le mes­sage : entre Pisa 2009 et Pisa 2015, tous les pays de l’OCDE pré­sen­tant des taux de retard sco­laire supé­rieurs à la moyenne de l’OCDE ont réduit ce taux, par­fois de façon spec­ta­cu­laire ( – 16% pour la France, –7% pour les Pays-Bas) [voir OECD, 2016]. Tous… sauf la FWB qui reste accro­chée à son niveau, inchan­gé, « hors caté­go­rie ». Certes, beau­coup d’espoirs sont mis dans le « Pacte pour un ensei­gne­ment d’excellence », mais sur la ques­tion du redou­ble­ment celui-ci appa­rait fort timide12.

Culture du redoublement dans le secondaire : effets directs sur le supérieur

Les dégâts des poli­tiques de « stra­ti­fi­ca­tion » de l’enseignement secon­daire res­tent-ils confi­nés à ce niveau d’enseignement ? Se pour­rait-il que ces poli­tiques, en par­ti­cu­lier le recours exa­cer­bé à la pra­tique du redou­ble­ment, exercent éga­le­ment des effets directs sur l’enseignement supé­rieur ? C’est cette ques­tion, sou­vent négli­gée, que nous exa­mi­nons à présent.

À cette fin, nous avons col­lec­té et (re)constitué, à par­tir de diverses sources, un cer­tain nombre de séries longues de don­nées sta­tis­tiques per­ti­nentes pour notre pro­pos. Pour la clar­té de l’exposé, les don­nées utiles seront pré­sen­tées gra­phi­que­ment dans le texte, les séries sta­tis­tiques étant relé­guées en annexe(s), avec men­tion des sources. Pour des rai­sons pra­tiques (dis­po­ni­bi­li­té des don­nées13), nous exa­mi­ne­rons sur­tout les effets directs sur l’université avec, lorsque des don­nées sont dis­po­nibles, quelques obser­va­tions com­plé­men­taires sur le supé­rieur « hors université ».

Si la pra­tique exa­cer­bée du redou­ble­ment dans le secon­daire devait éga­le­ment affec­ter l’université, c’est évi­dem­ment au début du cur­sus uni­ver­si­taire, au moment du « test » des résul­tats de fin de pre­mière année, que les éven­tuels effets seraient les plus visibles.

La figure 2 pré­sente l’évolution du taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion14 sur la période qui va de l’année aca­dé­mique 1975 – 1976 à l’année aca­dé­mique 2012 – 2013 (voir les sources et com­men­taires plus « tech­niques » en annexe 2).

Figure 2. Taux de réus­site des étu­diants universitaires
de pre­mière géné­ra­tion (en %)

(source : Droes­beke et al., 2001 et CRef ; voir Annexe 2)

fig_2.jpg

Si l’on fait abs­trac­tion des quelques obser­va­tions de la fin des années 1970, bref inter­mède mar­qué par des taux de réus­site « anor­ma­le­ment » éle­vés, et que l’on porte son atten­tion sur la suite, que constate-t-on ? Sur l’ensemble de la période qui va de 1980 – 1981 à 2013 – 2014 (der­nière obser­va­tion dis­po­nible), on constate que le taux de réus­site a constam­ment fluc­tué dans un « cou­loir » com­pris entre 37% et 43%15. On ne peut dis­cer­ner de « ten­dances sécu­laire » à la hausse ni à la baisse, mais on peut clai­re­ment dis­cer­ner des « cycles », soit des alter­nances de périodes carac­té­ri­sées par une pro­gres­sive amé­lio­ra­tion et de périodes carac­té­ri­sées par une pro­gres­sive dégra­da­tion. Ain­si, pour prendre l’exemple des vingt der­nières années, après plus d’une décen­nie de redres­se­ment conti­nu enta­mé au début des années 1990, l’évolution s’est-elle inver­sée au milieu des années 2000 et nous assis­tons main­te­nant, depuis près de dix ans, à une irré­sis­tible dégradation.

Pre­mier effet : via le « taux de retard sco­laire » de la popu­la­tion étu­diante de pre­mière génération

Pour ten­ter de com­prendre les res­sorts de ce phé­no­mène, il faut se repor­ter aux conclu­sions des nom­breux tra­vaux et sources sta­tis­tiques16 visant à iden­ti­fier les carac­té­ris­tiques des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion les plus sus­cep­tibles d’affecter leurs taux de réus­site. Une constante se dégage : sur l’ensemble de la période étu­diée (des années 1970 à ce jour), la carac­té­ris­tique, de loin, la plus « dis­cri­mi­nante » pour la réus­site (ou non) des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion se révèle être l’absence (ou non) de retard sco­laire à l’entrée de l’université17. La dif­fé­rence (en matière de taux de réus­site) est très impor­tante entre les étu­diants « à l’heure » (ceux qui ne pré­sentent aucun retard sco­laire à l’issue du secon­daire) et les étu­diants « en retard » : taux de réus­site autour de 50% pour les pre­miers et à peine la moi­tié (de l’ordre de 25%) pour les seconds18.

On com­prend dès lors com­ment la pra­tique du redou­ble­ment dans le secon­daire peut exer­cer des effets directs sur l’enseignement supé­rieur (en l’occurrence, ici, l’université). Quand la pra­tique du redou­ble­ment se fait plus mesu­rée dans le secon­daire, la pro­por­tion d’élèves abor­dant l’université « à l’heure » aug­mente (et celle abor­dant l’université « en retard » dimi­nue) et inver­se­ment quand la pra­tique du redou­ble­ment s’exacerbe. Et quand, dans le contin­gent des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion, la part des étu­diants « à l’heure » (dont les taux de réus­site sont net­te­ment plus éle­vés que ceux des étu­diants « en retard ») aug­mente, le taux glo­bal de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion aug­mente (et inver­se­ment quand la part des étu­diants « à l’heure » diminue).

La figure 3 illustre ces effets en pré­sen­tant en paral­lèle les évo­lu­tions de deux sta­tis­tiques : dans la courbe du haut (qui n’est que la repro­duc­tion de la figure 2), le taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion (mesu­ré sur l’axe ver­ti­cal de droite) et, dans la courbe du bas, la pro­por­tion des étu­diants « à l’heure » par­mi les étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion (mesu­rée sur l’axe ver­ti­cal de gauche).

Figure 3. Taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion (en %)
(courbe du haut ; axe ver­ti­cal de droite ; sources : voir Annexe 2)/small>
Pro­por­tion des étu­diants “à l’heure” par­mi les étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion (en %)
(courbe du bas ; axe ver­ti­cal de gauche ; sources : voir Annexe 3)

fig_3.jpg

On véri­fie que :

  • la pro­por­tion des étu­diants « à l’heure » par­mi les étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion pré­sente des fluc­tua­tions au cours de la période. Sachant que, sauf rares excep­tions, les étu­diants de pre­mière géné­ra­tion sortent direc­te­ment du secon­daire, ces fluc­tua­tions reflètent direc­te­ment les fluc­tua­tions dans l’intensité des pra­tiques de redou­ble­ment à l’œuvre dans l’enseignement secon­daire (se repor­ter à la dis­cus­sion de la sec­tion 1 et, en par­ti­cu­lier, à la figure 119).
  • chaque épi­sode de réduc­tion — ou, inver­se­ment, de redres­se­ment — de la pro­por­tion des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion « à l’heure » entraine une évo­lu­tion ana­logue du taux de réus­site glo­bal des étu­diants de pre­mière génération.

Les varia­tions en matière de pra­tiques de redou­ble­ment dans le secon­daire exercent donc clai­re­ment un impact direct sur le taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière génération.

L’exercice mené jusqu’ici ne s’est pen­ché que le seul impact des varia­tions du « taux de retard » sco­laire à l’entrée de l’université. La « culture du redou­ble­ment » pro­duit aus­si d’autres effets sur l’université, que nous exa­mi­ne­rons à présent.

Deuxième effet : via la com­po­si­tion de la popu­la­tion étu­diante de pre­mière géné­ra­tion en termes de « filières » d’origine

Comme vu plus haut en sec­tion 1, la « culture du redou­ble­ment » s’articule étroi­te­ment à la seg­men­ta­tion de notre ensei­gne­ment secon­daire en « filières » dis­tinctes. À l’exception d’une petite mino­ri­té d’élèves qui font le choix déli­bé­ré de l’enseignement secon­daire qua­li­fiant (tech­nique de qua­li­fi­ca­tion et pro­fes­sion­nel), la réa­li­té est celle d’un pro­ces­sus pro­gres­sif de relé­ga­tion20 en cas­cade (au gré des échecs sco­laires, des attes­ta­tions d’orientation déli­vrées par les conseils de classe et des conseils don­nés aux parents) d’une filière à l’autre : du géné­ral vers le tech­nique de tran­si­tion, du tech­nique de tran­si­tion vers le tech­nique de qua­li­fi­ca­tion et ensuite vers le professionnel.

Dans les périodes où la pra­tique du redou­ble­ment s’exacerbe dans le secon­daire, le nombre d’élèves se voyant pro­gres­si­ve­ment relé­gués dans les filières tech­niques (de tran­si­tion ou de qua­li­fi­ca­tion) et pro­fes­sion­nelle aug­mente, au détri­ment de la popu­la­tion du secon­daire géné­ral (voir Lam­bert, 2014).

Ces modi­fi­ca­tions de la com­po­si­tion du public des élèves de fin du secon­daire rejaillissent aus­si sur l’université, comme l’illustre le tableau de l’annexe 4 qui pré­sente (pour le maxi­mum d’observations dis­po­nibles) la pro­por­tion d’étudiants pro­ve­nant de l’enseignement secon­daire tech­nique (de tran­si­tion et de qua­li­fi­ca­tion) et pro­fes­sion­nel par­mi les étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion. Les étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion sont, dans leur immense majo­ri­té (his­to­ri­que­ment, autour des 93%), issus de l’enseignement secon­daire géné­ral. Mais on constate que cette pro­por­tion peut éga­le­ment fluc­tuer dans le temps. L’annexe 4 illustre deux épi­sodes inté­res­sants. Au cours des années 1990, période mar­quée, comme on l’a vu plus haut, par une pro­gres­sive modé­ra­tion des pra­tiques du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion dans le secon­daire, la part des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion issus des filières tech­nique ou pro­fes­sion­nel se contracte ; tan­dis que dans les années 2004 – 2005 à 2012 – 2013, mar­quées, comme on l’a vu plus haut, par une forte exa­cer­ba­tion des pra­tiques de redou­ble­ment et de relé­ga­tion dans le secon­daire, cette même part aug­mente for­te­ment (de 7% à près de 12%).

Ceci n’est évi­dem­ment pas sans consé­quence pour les taux de réus­site à l’entrée de l’université. Le secon­daire géné­ral (qui regroupe près de 50% des élèves en fin de secon­daire) est la filière qui, par voca­tion, pré­pare prin­ci­pa­le­ment — et le mieux — à l’université (et à l’enseignement supé­rieur en géné­ral). En témoignent les taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion, iden­ti­fiés par filière d’origine : celui des étu­diants issus du secon­daire géné­ral dépasse les 40% tan­dis que celui des étu­diants issus des filières tech­nique ou pro­fes­sion­nel est de l’ordre des 10%21. Dès lors, quand la com­po­si­tion du public des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion se modi­fie au détri­ment au détri­ment de la part d’étudiants issus du secon­daire géné­ral, le taux de réus­site glo­bal des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion se dégrade (et inver­se­ment dans les périodes où la part des étu­diants issus du secon­daire géné­ral augmente).

Nous avons mon­tré que la « culture du redou­ble­ment » dans le secon­daire affecte aus­si l’université. Nous n’avons consi­dé­ré, jusqu’ici, que deux effets directs : celui des varia­tions de la part des étu­diants « à l’heure » et celui des varia­tions de la part des étu­diants issus du secon­daire géné­ral. On pour­rait croire, de prime abord, que ces varia­tions, somme toute ténues (quelques pour­cents seule­ment), sont insuf­fi­santes pour expli­quer véri­ta­ble­ment les varia­tions enre­gis­trées dans le taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion. Il n’en est rien : on véri­fie aisé­ment que ces deux effets directs rendent compte, à eux seuls, de l’essentiel des varia­tions du taux de réus­site22.

Troi­sième effet : via la com­po­si­tion de la popu­la­tion étu­diante de pre­mière géné­ra­tion en matière d’options sui­vies dans le secon­daire général

Mais la « culture du redou­ble­ment » pro­duit aus­si d’autres effets, au tra­vers des choix d’options dans le secon­daire géné­ral. Cer­taines options de base, comme « mathé­ma­tiques fortes » (6 heures ou plus) et « langues anciennes » sont répu­tées plus exi­geantes que d’autres et elles attirent d’ailleurs les « meilleurs » élèves. Dans les périodes où la pra­tique du redou­ble­ment s’exacerbe, une pro­por­tion plus éle­vée des élèves du secon­daire géné­ral se résigne à choi­sir l’option de la « sécu­ri­té » en déser­tant les options de base répu­tées « dif­fi­ciles » pour d’autres options moins ris­quées23. Ce fai­sant, ils évitent peut-être le redou­ble­ment dans le secon­daire, mais n’échappent pas à un risque accru à l’entrée de l’université. Tous les tra­vaux dis­po­nibles24 convergent, en effet, pour mon­trer que le taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion issus du secon­daire géné­ral est consi­dé­ra­ble­ment plus éle­vé pour les étu­diants ayant sui­vi les options répu­tées « exi­geantes » (taux moyen de réus­site supé­rieur à 50%) que pour les étu­diants n’ayant pas sui­vi ces options (taux moyen de réus­site autour de 30%). Et donc quand, dans les périodes d’exacerbation de la pra­tique du redou­ble­ment dans le secon­daire, la part des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion ayant sui­vi des options répu­tées « exi­geantes » se contracte, cette modi­fi­ca­tion du « pro­fil » moyen des étu­diants entraine iné­luc­ta­ble­ment une réduc­tion du taux glo­bal de réus­site des étu­diants de pre­mière génération.

Cette sec­tion 3 avait essen­tiel­le­ment pour objec­tif de dépas­ser les simples décla­ra­tions selon les­quelles « l’enseignement secon­daire nous envoie des étu­diants moins bien pré­pa­rés que par le pas­sé ». Nous avons mon­tré par quelles voies la « culture du redou­ble­ment » dans le secon­daire affecte les taux de réus­site des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion et avons démon­tré que ces effets com­bi­nés sont impor­tants, à même d’expliquer les fluc­tua­tions de ces taux de réus­site et, en par­ti­cu­lier, la forte baisse enre­gis­trée depuis dix ans. La sec­tion sui­vante se pro­po­se­ra d’établir une « éva­lua­tion poli­tique » des dégâts.

Avant de pas­ser à la sec­tion sui­vante, quelques mots sur l’enseignement supé­rieur « hors uni­ver­si­té ». Nous avons ici por­té notre atten­tion sur l’université car c’est ce type d’enseignement supé­rieur qui a fait l’objet des tra­vaux les plus nom­breux et pour lequel nous dis­po­sions donc des séries sta­tis­tiques les plus four­nies. On dis­pose néan­moins, pour l’enseignement supé­rieur « hors uni­ver­si­té » de type long et de type court, de sta­tis­tiques por­tant sur la période 2003 – 2004 à 2012 – 201325. Ces sta­tis­tiques per­mettent d’évaluer l’effet des varia­tions de la part des étu­diants « à l’heure » et celui des varia­tions de la part des étu­diants issus du secon­daire géné­ral. On véri­fie aisé­ment que les constats éta­blis pour l’université sont tota­le­ment trans­po­sables à l’ensemble de l’enseignement supé­rieur26.

« Culture du redou­ble­ment » dans le secon­daire : « éva­lua­tion poli­tique » des dégâts dans le supérieur

Dans cette sec­tion, nous exa­mi­ne­rons les effets de la « culture du redou­ble­ment » dans le secon­daire — et, en par­ti­cu­lier, de l’exacerbation de la pra­tique du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion — sur les grands objec­tifs « poli­tiques » que consti­tuent, pour les nou­velles géné­ra­tions concer­nées, le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur et la pro­por­tion d’une classe d’âge diplô­mée de l’enseignement supérieur.

Exa­mi­nons d’abord l’évolution de notre « score » en matière de pro­por­tion de la classe d’âge 25 – 34 ans diplô­mée de l’enseignement supé­rieur. Pour rap­pel, l’Union euro­péenne (UE) a rete­nu l’amélioration de cet indi­ca­teur comme un des objec­tifs de la stra­té­gie « Europe 2020 ». Il s’agit à la fois de doter l’Europe des com­pé­tences exi­gées par une « socié­té de la connais­sance » et de doter les jeunes euro­péens des atouts néces­saires pour évo­luer dans une socié­té qui exige un niveau de qua­li­fi­ca­tion plus éle­vé que par le passé.

Le tableau 1 pré­sente l’évolution de cet indi­ca­teur pour plu­sieurs pays (ou groupe de pays) euro­péens, pour l’UE dans son ensemble, ain­si que pour la zone « Amé­rique du Nord-Asie-Paci­fique », sur les quinze der­nières années.

Tableau 1. Pro­por­tion de la classe d’âge 25 – 34 ans diplômée
de l’enseignement supé­rieur (en %)
27
(source : OCDE et Eurostat)

2000 2005 2010 2015
Bel­gique
‑FWB
 — Com­mu­nau­té flamande
36
33
38
41
39
43
44
43
45
43
41
45
Pays-Bas 27 35 41 45
France 31 40 43 45
Royaume-Uni 29 35 46 49
Pays scan­di­naves28 34 39 42 45
Alle­magne29 22 22 26 30
Moyenne UE 24 30 35 40
Amé­rique du Nord-Asie-Paci­fique30 40 47 53 57

On véri­fie que l’Europe reste encore très à la traine par rap­port aux pays concur­rents de la zone « Amé­rique du Nord-Asie-Paci­fique » en matière de pro­por­tion de la classe d’âge 25 – 34 ans diplô­mée de l’enseignement supé­rieur. On constate aus­si que la FWB qui, en 2000, fai­sait encore figure de bon élève, avec un score supé­rieur à celui de la moyenne euro­péenne et même de ses voi­sins euro­péens, se fait à pré­sent (en 2015) dépas­ser par la plu­part de ses voi­sins (à l’exception du cas par­ti­cu­lier de l’Allemagne : voir la note de bas de page sur l’«exception cultu­relle » allemande).

Que s’est-il pas­sé ? Alors que tous les pays euro­péens (comme non euro­péens, d’ailleurs) ont vu pro­gres­ser de façon conti­nue, de 2000 à 2015, la pro­por­tion de leur classe d’âge 25 – 34 ans diplô­mée de l’enseignement supé­rieur, il n’en a pas été de même pour la FWB. Pour cette der­nière, après une belle pro­gres­sion entre 2000 et 2010, le sys­tème s’est grip­pé à par­tir de 2010, pour géné­rer même une régres­sion du taux de diplô­més de l’enseignement supé­rieur. La FWB consti­tue le seul cas d’un « pays » de l’OCDE qui a vu son taux de diplô­més de l’enseignement supé­rieur (de la tranche d’âge 25 – 34 ans) régres­ser au cours des cinq der­nières années !

Ce constat de la « panne » de notre ascen­seur social31 est éga­le­ment mis en avant dans le récent rap­port remis, à sa demande, au pré­sident de l’Ares (Aca­dé­mie de recherche et d’enseignement supé­rieur), par un « Col­lège d’experts exté­rieurs » (voir Ares, 2017). Mais l’origine et les causes de cette « panne » res­taient, jusqu’à pré­sent, une énigme, faute d’examen plus appro­fon­di. C’est cet exa­men que nous mène­rons à présent.

L’évolution du taux de diplo­ma­tion de l’enseignement supé­rieur d’une tranche d’âge don­née dépend de deux variables : d’une part, l’évolution du taux d’accès à l’enseignement supé­rieur des jeunes de la tranche d’âge consi­dé­rée et, d’autre part, l’évolution du taux final de diplo­ma­tion de ces jeunes ayant accé­dé à l’enseignement supérieur.

L’évolution du taux d’accès à l’enseignement supé­rieur dépend certes d’évolutions « cultu­relles » (comme la pro­gres­sion de l’accès des femmes à l’enseignement supé­rieur, mais aus­si, comme on le ver­ra plus loin, des évo­lu­tions de l’enseignement secon­daire. Pour prendre un exemple, si la filière du secon­daire géné­ral, prin­ci­pale « pour­voyeuse » d’étudiants du supé­rieur, venait à se contrac­ter, le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur en souf­fri­rait nécessairement.

L’évolution du taux final de diplo­ma­tion des étu­diants accé­dant au supé­rieur dépend cru­cia­le­ment de l’évolution du taux de réus­site en pre­mière année de ces étu­diants de pre­mière géné­ra­tion. On sait, en effet, que la toute grande majo­ri­té des échecs sui­vis d’abandon se pro­duisent à l’issue de cette pre­mière année32. Or nous avons vu plus haut, dans la sec­tion 3, que les évo­lu­tions du taux de réus­site des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion sont très étroi­te­ment déter­mi­nées par l’alternance de la modé­ra­tion ou, au contraire, de l’exacerbation des pra­tiques du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion dans le secondaire.

Exa­mi­nons donc com­ment ont évo­lué ces deux variables pour la tranche d’âge des 25 – 34 ans. Il s’agit d’établir soi­gneu­se­ment les repères chro­no­lo­giques : à titre d’illustration, les per­sonnes se trou­vant en 2005 dans la tranche d’âge des 25 – 34 ans sont nées entre 1971 (pour les 34 ans) et 1980 (pour les 25 ans). Elles accé­daient donc à l’enseignement supé­rieur (au plus tôt, c’est-à-dire à l’âge de 18 ans) entre les années aca­dé­miques 1989 – 1990 (pour les 34 ans) et 1998 – 1999 (pour les 25 ans).

Pour les 25 – 34 ans de 2005 ain­si que ceux de 2010 [ensemble des per­sonnes nées entre 1971 et 1985 et qui ont donc accé­dé à l’enseignement supé­rieur (au plus tôt, c’est-à-dire à l’âge de 18 ans) entre les années aca­dé­miques 1989 – 1990 et 2003 – 2004], les deux variables déter­mi­nantes étaient orien­tées comme suit :

  • Le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur se voyait d’abord « boos­té » par un pre­mier fac­teur : le phé­no­mène de « rat­tra­page » (puis de « dépas­se­ment ») de la par­ti­ci­pa­tion des femmes à l’enseignement supé­rieur33. Ce phé­no­mène est mon­dial : dans (qua­si) tous les pays de l’OCDE, les femmes sont à pré­sent plus nom­breuses que les hommes dans l’enseignement supérieur.
  • Le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur se voyait éga­le­ment « boos­té » par un second fac­teur : la modé­ra­tion pro­gres­sive, durant toutes les années 1990 jusqu’au début des années 2000, des pra­tiques du redou­ble­ment et de relé­ga­tion dans le secon­daire (voir la sec­tion 3). Cette modé­ra­tion a entrai­né plu­sieurs effets béné­fiques34 : d’abord, elle a per­mis, en rédui­sant les relé­ga­tions, de main­te­nir dans la filière « géné­rale » du secon­daire, le maxi­mum d’élèves. Or le secon­daire géné­ral, dont la voca­tion prin­ci­pale est de pré­pa­rer à l’enseignement supé­rieur, pré­sente un taux d’accès à l’enseignement supé­rieur de très loin supé­rieur à celui des autres filières. Ensuite le taux de retard sco­laire se rédui­sant dans l’ensemble du secon­daire, toutes les filières ont vu aug­men­ter leur taux d’accès à l’enseignement supé­rieur, mais c’est pour la filière « géné­rale » que l’augmentation fut la plus marquée.
  • Le taux final de diplo­ma­tion des étu­diants ayant accé­dé à l’enseignement supé­rieur s’est éga­le­ment amé­lio­ré tout au long de la décen­nie 1990 jusqu’au début des années 2000, au fur et à mesure que l’augmentation de la part « à l’heure » des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion amé­lio­rait les taux de réus­site (voir la sec­tion 3).

Conclu­sion : la pro­gres­sion conti­nue du taux de diplo­ma­tion de l’enseignement supé­rieur des 25 – 34 ans entre 2000 et 2010 s’explique par l’amélioration — conjointe et conti­nue — des deux variables déter­mi­nantes durant toute la décen­nie 1990 jusqu’au début des années 2000, sous l’effet de la modé­ra­tion pro­gres­sive des pra­tiques du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion dans le secon­daire pen­dant cette période.

Les 25 – 34 ans de 2015 [nés entre 1981 et 1990 et qui ont donc accé­dé à l’enseignement supé­rieur (au plus tôt, c’est-à-dire à l’âge de 18 ans) entre les années aca­dé­miques 1999 – 2000 et 2008 – 2009] ont connu, pour la plu­part d’entre eux, des condi­tions très dif­fé­rentes de leurs ainés. À l’exception des plus âgés de cette cohorte, ils ont été « vic­times » (dès le début des années 2000) du revi­re­ment — dans le sens de l’exacerbation — des pra­tiques du redou­ble­ment et de relé­ga­tion dans le secondaire :

  • L’amélioration du taux d’accès à l’enseignement supé­rieur s’est arrê­tée pour faire place à une sta­bi­li­sa­tion35. Cette sta­bi­li­sa­tion du taux recouvre néan­moins des évo­lu­tions contras­tées entre le secon­daire géné­ral, dont le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur s’est dégra­dé tan­dis que le taux d’accès des autres filières du secon­daire (bien infé­rieur à celui du secon­daire géné­ral) a conti­nué de s’améliorer. Outre la réduc­tion de son taux d’accès, le secon­daire géné­ral a aus­si vu son poids rela­tif se réduire (dans la popu­la­tion des années ter­mi­nales du secon­daire)36 sous l’effet de l’amplification des pra­tiques de relégation ;
  • Le taux final de diplo­ma­tion des étu­diants ayant accé­dé à l’enseignement supé­rieur a com­men­cé à se dégra­der peu avant le milieu des années 2000, au fur et à mesure que l’altération du « pro­fil » des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion (aug­men­ta­tion de la pro­por­tion des étu­diants « en retard », réduc­tion de la part des étu­diants issus du secon­daire géné­ral, etc.) plom­bait pro­gres­si­ve­ment les taux de réus­site (voir la sec­tion 3).
  • Conclu­sion : le recul du taux de diplo­ma­tion de l’enseignement supé­rieur des 25 – 34 ans entre 2010 et 2015 s’explique par la dégra­da­tion (amor­cée peu avant le milieu des années 2000) des deux variables déter­mi­nantes, sous l’effet du revi­re­ment — dans le sens de l’exacerbation — des pra­tiques du redou­ble­ment et de relé­ga­tion dans le secondaire.

Et pour les 25 – 34 ans de 2020 [nés entre 1986 et 1995 et qui ont donc accé­dé à l’enseignement supé­rieur (au plus tôt, c’est-à-dire à l’âge de 18 ans) entre les années aca­dé­miques 2004 – 2005 et 2013 – 2014], quel sera le taux de diplô­més de l’enseignement supé­rieur ? Bien sûr, à ce jour, cette sta­tis­tique n’est pas encore connue, mais nous connais­sons déjà, par diverses publi­ca­tions37, l’évolution des deux variables déterminantes :

  • Le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur est res­té glo­ba­le­ment stable. Cette sta­bi­li­sa­tion du taux recouvre des évo­lu­tions contras­tées entre le secon­daire géné­ral, dont le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur reste stable tan­dis que le taux d’accès des autres filières du secon­daire (bien infé­rieur à celui du secon­daire géné­ral) a conti­nué de s’améliorer. Mais le secon­daire géné­ral a conti­nué à voir son poids rela­tif se réduire (dans la popu­la­tion des années ter­mi­nales du secon­daire)38 sous l’effet de l’amplification des pra­tiques de relégation ;
  • Le taux final de diplo­ma­tion des étu­diants ayant accé­dé à l’enseignement supé­rieur a conti­nué à se dégra­der, au fur et à mesure que l’altération du « pro­fil » des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion (aug­men­ta­tion de la pro­por­tion des étu­diants « en retard », réduc­tion de la part des étu­diants issus du secon­daire géné­ral, etc.) plom­bait pro­gres­si­ve­ment les taux de réus­site (voir la sec­tion 3).

Conclu­sion : on peut anti­ci­per une pour­suite du recul, entre 2015 et 2020, du taux de diplo­ma­tion de l’enseignement supé­rieur des 25 – 34 ans.

Conclusions

Les enquêtes Pisa ont mis en lumière les faibles per­for­mances de notre ensei­gne­ment obli­ga­toire, sur­tout au niveau du secon­daire : score (moyen) médiocre des élèves, inéga­li­tés extrêmes entre élèves et entre les écoles, forte ségré­ga­tion sociale entre les écoles, etc.

Mais les enquêtes Pisa ont aus­si four­ni l’occasion de mettre en évi­dence — grâce aux col­lectes inter­na­tio­nales de don­nées — cer­taines carac­té­ris­tiques struc­tu­relles de notre ensei­gne­ment secon­daire. Il appa­rait par­ti­cu­liè­re­ment « stra­ti­fié », tant hori­zon­ta­le­ment (seg­men­ta­tion de la popu­la­tion sco­laire en filières dis­tinctes) que ver­ti­ca­le­ment (ampleur du recours au redou­ble­ment). En matière de redou­ble­ment, la FWB s’illustre même comme la cham­pionne « hors caté­go­rie » de l’OCDE avec ses taux de retard sco­laire à des dis­tances « stra­to­sphé­riques » de ceux de tous les autres pays — même des plus « gros redou­bleurs » — de l’OCDE. Or les tra­vaux menés, depuis de nom­breuses années, sur ces ques­tions abou­tissent à des résul­tats conver­gents : les poli­tiques de « stra­ti­fi­ca­tion » dans l’enseignement secon­daire induisent de faibles per­for­mances du sys­tème, à l’image de celles four­nies par la FWB.

Cette brève remise en pers­pec­tive faite, nous abor­dons la ques­tion sui­vante, jusqu’ici sou­vent négli­gée : au-delà des dégâts internes cau­sés à notre ensei­gne­ment secon­daire, ces poli­tiques et pra­tiques « struc­tu­relles » de notre ensei­gne­ment secon­daire affec­te­raient-elles aus­si notre ensei­gne­ment supé­rieur (en ce com­pris l’université)? On pressent que oui. Encore faut-il le démon­trer, iden­ti­fier les dif­fé­rents canaux de trans­mis­sion des effets et en mesu­rer l’importance.

Nous mon­trons que les périodes de modé­ra­tion de la pra­tique du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion dans le secon­daire (comme celle que l’on a connue tout au long des années 1990 jusqu’au début des années 2000) génèrent une amé­lio­ra­tion pro­gres­sive des taux de réus­site des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion accé­dant à l’enseignement supé­rieur et que les périodes d’exacerbation de ces pra­tiques dans le secon­daire (comme celle que nous connais­sons depuis le milieu des années 2000) génèrent une dégra­da­tion pro­gres­sive des taux de réus­site de ces étu­diants de pre­mière génération.

Il ne s’agit pas d’une simple cor­ré­la­tion, car la cau­sa­li­té est clai­re­ment mise en évi­dence : l’orientation (modé­ra­tion ou exa­cer­ba­tion) de la pra­tique du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion dans le secon­daire exerce un effet puis­sant sur la « qua­li­té » — disons plu­tôt le « pro­fil aca­dé­mique »39 — des géné­ra­tions d’étudiants accé­dant au supé­rieur. On véri­fie que, dans les périodes de modé­ra­tion des pra­tiques du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion dans le secon­daire, les jeunes accé­dant à l’enseignement supé­rieur comptent, d’année en année, une pro­por­tion de plus en plus réduite d’étudiants « en retard » et d’étudiants issus des filières « qua­li­fiantes », caté­go­ries d’étudiants dont le taux de réus­site est très net­te­ment infé­rieur à celui de leurs condis­ciples issus — sans retard sco­laire — du secon­daire géné­ral. Le taux de réus­site glo­bal des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion (tant à l’université que dans le supé­rieur « hors uni­ver­si­té ») s’améliore donc, méca­ni­que­ment, d’année en année. Les mêmes effets — mais dans le sens inverse — jouent dans les périodes d’exacerbation des pra­tiques du redou­ble­ment et de la relé­ga­tion dans le secon­daire, ce qui explique la dégra­da­tion conti­nue du taux de réus­site des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion à laquelle nous assis­tons, depuis plus de dix ans, dans l’ensemble de l’enseignement supé­rieur de la FWB.

Nous démon­trons éga­le­ment que les pra­tiques mal­heu­reuses de notre ensei­gne­ment secon­daire sont à la base d’un phé­no­mène par­fois pré­sen­té comme une énigme : pour­quoi, alors que tous les pays de l’OCDE ont réus­si à faire aug­men­ter de façon conti­nue, entre 2000 et 2015, la pro­por­tion de leur popu­la­tion de 25 – 34 ans diplô­mée de l’enseignement supé­rieur, la FWB n’a‑t-elle pas réus­si à faire de même, cette pro­por­tion se rédui­sant même chez nous entre 2010 et 2015 ? L’évolution de cet indi­ca­teur dépend de celle de deux variables déter­mi­nantes : le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur des nou­velles tranches d’âge et le taux de diplo­ma­tion final des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion accé­dant au supé­rieur. Nous mon­trons que taux d’accès à l’enseignement supé­rieur, après avoir long­temps aug­men­té, s’est mis à pla­fon­ner, essen­tiel­le­ment sous l’effet de la contrac­tion de la part du secon­daire géné­ral dans la popu­la­tion totale des années ter­mi­nales du secon­daire40. Quant au taux de diplo­ma­tion final des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion accé­dant au supé­rieur, il ne peut que se contrac­ter, dès lors que les taux de réus­site en pre­mière année du supé­rieur — déter­mi­nants pour la suite du par­cours dans le supé­rieur — se mettent à plon­ger sous l’effet des pra­tiques péda­go­giques du secon­daire, comme expli­qué plus haut.

Ter­mi­nons par quelques réflexions à la tona­li­té plus « politique » :

  • La réduc­tion — de l’ordre de 2 à 3% — entre 2010 et 2015, de la pro­por­tion des 25 – 34 ans diplô­més de l’enseignement supé­rieur signi­fie concrè­te­ment, si l’on fait le compte, que 15000 de ces jeunes (de l’ensemble de la tranche d’âge 25 – 34 ans) ont été pri­vés d’un diplôme de l’enseignement supé­rieur et cela, comme nous l’avons vu, par les seuls effets de l’exacerbation de la « culture du redou­ble­ment » dans le secon­daire. Une telle poli­tique — unique dans l’OCDE — n’est-elle pas « sui­ci­daire » lorsqu’on sait que les mul­tiples défis41 que nos socié­tés devront affron­ter requièrent une élé­va­tion du niveau de qua­li­fi­ca­tion des nou­velles géné­ra­tions42 ?
  • Au-delà du « cout humain », la « culture du redou­ble­ment » entraine aus­si des couts bud­gé­taires impor­tants, comme le sou­ligne l’OCDE. Pour une même popu­la­tion de la tranche d’âge 12 – 18 ans, les pays recou­rant de façon inten­sive à la pra­tique du redou­ble­ment main­tien­dront dans le secon­daire une popu­la­tion sco­laire plus nom­breuse, a for­tio­ri s’ils recourent volon­tiers (comme la FWB) au redou­ble­ment répé­té (élèves ayant redou­blé à plus d’une reprise). Cette popu­la­tion sco­laire plus nom­breuse néces­site davan­tage d’infrastructures (écoles), d’enseignants, etc. On cal­cule que, si la FWB ali­gnait ses pra­tiques de redou­ble­ment sur celles de la Flandre (clas­sée pour­tant par­mi les « gros redou­bleurs » de l’OCDE, mais qui recourt très peu au redou­ble­ment répé­té), la popu­la­tion sco­la­ri­sée dans le secon­daire de la FWB serait infé­rieure de plus de 11% à ce qu’elle est actuel­le­ment. Soit un « sur­cout bud­gé­taire »43 annuel de quelque 350 mil­lions d’euros par rap­port à la Flandre, ce qui équi­vaut à la moi­tié du bud­get annuel des uni­ver­si­tés de la FWB.
  • Les choix poli­tiques en matière d’éducation en FWB ne pèchent-ils pas par un manque de cohé­rence ? C’est, en effet, au moment où l’exacerbation de la « culture du redou­ble­ment » dans le secon­daire abou­tit à envoyer vers l’enseignement supé­rieur un public étu­diant plus « fra­gile » qu’auparavant que les res­pon­sables poli­tiques décident d’étrangler finan­ciè­re­ment l’enseignement supé­rieur (via le sys­tème d’enveloppe fer­mée), le contrai­gnant à réduire dras­ti­que­ment les condi­tions d’encadrement de ces nou­veaux étu­diants44 ?
  • Confron­tés à la chute des taux de réus­site à l’entrée de l’enseignement supé­rieur, de nom­breux res­pon­sables (tant aca­dé­miques que poli­tiques) incri­minent les défaillances quant à l’orientation des étu­diants. Or l’origine du « pro­blème » n’est pas là, comme on vient de le démon­trer, mais plu­tôt dans la dégra­da­tion de la « qua­li­té » — ou, si l’on veut, du « pro­fil aca­dé­mique » — des nou­velles géné­ra­tions d’étudiants de pre­mière géné­ra­tion. Une meilleure orien­ta­tion des étu­diants est certes bien­ve­nue, dans l’état actuel des choses, mais elle s’apparente davan­tage à « un emplâtre sur une jambe de bois » qu’à une solu­tion de fond. Mieux vaut atta­quer le « pro­blème » à la racine en assi­gnant (plus) expli­ci­te­ment au « Pacte pour un ensei­gne­ment d’excellence » un objec­tif prio­ri­taire de réduc­tion rapide (avec échéan­cier et sui­vi) des taux de redou­ble­ment et de son coro­laire, la relé­ga­tion en cascade.
  1. Voir OECD (2016).
  2. Sauf le Por­tu­gal et Espagne, tous deux à 31%.
  3. Avec une pro­por­tion d’élèves de quinze ans accu­sant un retard sco­laire de deux ans (ou plus) de 13%.
  4. Avec une pro­por­tion d’élèves de 5e secon­daire accu­sant un retard sco­laire de deux ans (ou +) s’élevant à 33%.
  5. C’est dans le secon­daire que la pra­tique du redou­ble­ment est la plus viru­lente : le taux de retard sco­laire n’est « que » de 19% en sixième année du pri­maire alors qu’il atteint 61% en cin­quième année du secon­daire. Plus de 2/3 des retards sco­laires s’accumulent dans le secondaire.
  6. Voir FWB (2006 – 2016), sec­tion « Redou­ble­ment dans l’enseignement ordi­naire de plein exercice ».
  7. Voir, par exemple, Oakes (2005), Hanu­shek et Woess­mann (2005) et OECD (2016).
  8. Rai­son pour laquelle le « Pacte pour un ensei­gne­ment d’excellence » recom­mande, pour la FWB, l’allongement (d’un an, en l’occurrence) du « tronc commun ».
  9. Voir Cra­hay (2013) et Demeuse et al. (2005) pour des tra­vaux belges et OECD (2016) pour les réfé­rences à des tra­vaux internationaux.
  10. En FWB, plus de la moi­tié des élèves en retard sco­laire en fin de secon­daire a redou­blé deux fois, sinon plus. À titre de com­pa­rai­son, très rares sont les élèves que l’on fait redou­bler plus d’une fois en Com­mu­nau­té fla­mande, pour­tant clas­sée par­mi les pays « gros redoubleurs ».
  11. Les enquêtes Pisa, qui mesurent les com­pé­tences des élèves de quinze ans (en lec­ture, mathé­ma­tiques et sciences) éta­lonnent ces com­pé­tences selon des niveaux allant de 1 (élèves « faibles ») à 5 et 6 (élèves « forts »).
  12. Les tra­vaux pré­pa­ra­toires du « Pacte » dési­gnaient expli­ci­te­ment la réduc­tion des redou­ble­ments comme un objec­tif de la plus haute prio­ri­té. Ce carac­tère prio­ri­taire s’est pro­gres­si­ve­ment estom­pé à la faveur des révi­sions suc­ces­sives du texte, la réduc­tion des redou­ble­ments étant à pré­sent évo­quée davan­tage comme une « retom­bée » pos­sible, certes sou­hai­table mais nul­le­ment garan­tie, d’un ensemble de mesures qui met­tront de longues années à se concré­ti­ser. On constate com­bien la « culture du redou­ble­ment » fait de la résis­tance en FWB…
  13. L’université ayant fait l’objet de davan­tage de recherches en FWB que le supé­rieur « hors uni­ver­si­té », c’est pour l’université que des séries sta­tis­tiques longues sont disponibles.
  14. Sont dits « de pre­mière géné­ra­tion » les étu­diants ins­crits pour la pre­mière fois en pre­mière année du pre­mier cycle dans une uni­ver­si­té de la FWB et qui n’ont jamais été ins­crits aupa­ra­vant dans une uni­ver­si­té belge ou étrangère.
  15. Sauf rares et fugaces excur­sions aux marges de ce « cou­loir » en 1984 – 1985, 1992 – 1993 et 2004 – 2005.
  16. Voir, par exemple, de Ker­chove et Lam­bert (1996), Droes­beke et al. (2001) ain­si que, pour les années 2003 – 2004 et sui­vantes, les tableaux 2.3.2 des Annuaires sta­tis­tiques du CRef.
  17. Ce constat rejoint les conclu­sions des tra­vaux évo­qués dans la sec­tion 2 sur le carac­tère contre­pro­duc­tif du redou­ble­ment pour la pour­suite du cur­sus ulté­rieur de l’élève.
  18. Ce taux de réus­site de 50% pour les étu­diants (de pre­mière géné­ra­tion) « à l’heure » appa­rait stable, avec des varia­tions réduites (de l’ordre de 2 à 3%), tout au long de la période d’observation, qu’il s’agisse des années 1975 – 1980 ou des années 1990 (Droes­beke et al., 2001) ou de la décen­nie 2003 – 2004 à 2012 – 2013 (Annuaires du CRef). Pour ces mêmes années d’observations, le taux de réus­site des étu­diants (de pre­mière géné­ra­tion) « en retard » évo­lue entre 22% et 28%, selon l’évolution des poids res­pec­tifs des étu­diants en retard d’un an (taux de réus­site moyen de 30%) et de ceux en retard de deux ans ou plus (taux de réus­site moyen de 20%, voire moins).
  19. Si on peut confron­ter la figure 1 avec la courbe du bas de la figure 3 pour iden­ti­fier les périodes de réduc­tion (ou, alter­na­ti­ve­ment, de crois­sance) des taux de retard sco­laire, on ne peut com­pa­rer direc­te­ment ces deux courbes pour ce qui concerne les niveaux de ces taux de retard. La figure 1 pré­sente en effet les taux de retard en cin­quième année du secon­daire, toutes filières confon­dues, tan­dis que la courbe du bas de la figure 3 pré­sente les taux de « non-retard » sco­laire des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion qui, dans leur immense majo­ri­té, viennent de l’enseignement secon­daire géné­ral (lequel ne sco­la­rise qu’un peu moins de 50% des élèves de 6e année du secondaire).
  20. La réa­li­té de ce pro­ces­sus de relé­ga­tion en cas­cade est d’ailleurs expli­ci­te­ment expri­mée dans des publi­ca­tions offi­cielles de la FWB (voir FWB, 2006 – 2016).
  21. Voir, pour les années 1990, la sec­tion 7.7 de Droes­beke et al. (2001) et, pour les années 2003 – 2004 à 2012 – 2013, le Tableau « Taux de réus­site en pre­mière année des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion dans l’enseignement supé­rieur en haute école et à l’université » dans les publi­ca­tions FWB (2006 – 2016).
  22. Illus­trons pour l’épisode le plus récent, qui a vu se dégra­der de quelque 4% le taux de réus­site depuis le pre­mier tiers des années 2000. Sur la même période, la part des étu­diants « à l’heure » (taux moyen de réus­site = 50%) s’est réduite de quelque 7% au pro­fit de celle des étu­diants « en retard » (taux moyen de réus­site = 25%). Et, dans le même temps, la part des étu­diants issus du secon­daire géné­ral (taux moyen de réus­site = 42%) s’est réduite de quelque 4% au pro­fit des étu­diants issus des filières tech­niques et pro­fes­sion­nelle (taux moyen de réus­site = 10%). Un bref cal­cul montre que ces deux effets génèrent, à eux seuls, une réduc­tion de plus de 3% du taux de réus­site glo­bal des étu­diants uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion, soit plus de 3/4 de la réduc­tion observée.
  23. Voir le tableau 21 dans Ver­man­dele et al. (2010) pour le choix d’option « mathé­ma­tiques fortes » durant la période 1997 – 1998 à 2007 – 2008 et ETNIC (FWB) pour les choix d’options de base « langues anciennes » et « mathé­ma­tiques 6 heures » sur la période 2009 – 2010 à 2015 – 2016.
  24. Voir, pour les années 1990, la sec­tion 7.7 de Droes­beke et al. (2001) et, pour l’année 2001 – 2002, le tableau 1 de Ver­man­dele et al. (2012).
  25. Voir FWB (2006 – 2016), tableau « Taux de réus­site en pre­mière année des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion dans l’enseignement supé­rieur en haute école et à l’université ».
  26. L’enseignement supé­rieur « hors uni­ver­si­té », tant de type long (SHU long) que de type court (SHU court), enre­gistre, comme l’université, une chute du taux de réus­site des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion entre 2003 – 2004 et 2012 – 2013 : de – 7% pour le type long et de – 4% pour le type court. Comme à l’université, les taux de réus­site des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion « à l’heure » y sont signi­fi­ca­ti­ve­ment supé­rieurs à ceux des étu­diants « en retard ». Comme à l’université, la pro­por­tion des étu­diants « à l’heure » chute, pour le SHU long, de 59% en 2003 – 2004 à 48% en 2012 – 2013 et, pour le SHU court, de 45% en 2003 – 2004 à 33% en 2012 – 2013. Comme à l’université, on retrouve, tant dans le SHU long que dans le SHU court, la « hié­rar­chie » sui­vante des taux de réus­site pour les étu­diants issus des filières du secon­daire : géné­ral > tech­nique de tran­si­tion > tech­nique de qua­li­fi­ca­tion > pro­fes­sion­nel. Comme à l’université, la pro­por­tion des étu­diants issus du secon­daire géné­ral chute, pour le SHU long, de 87% en 2003 – 2004 à 81% en 2012 – 2013 et, pour le SHU court, de 54% en 2003 – 2004 à 45% en 2012 – 2013 (voir FWB (2006 – 2016), tableau « Taux de réus­site en pre­mière année des étu­diants de pre­mière géné­ra­tion dans l’enseignement supé­rieur en haute école et à l’université »).
  27. Les sta­tis­tiques des pays de l’OCDE (y com­pris la Bel­gique) pro­viennent de la publi­ca­tion Regards sur l’éducation de l’OCDE. La source EUROSTAT, qui four­nit des sta­tis­tiques régio­nales, nous livre les sta­tis­tiques pour la Région fla­mande, la Région wal­lonne et la Région de Bruxelles-Capi­tale. Les sta­tis­tiques rela­tives aux Com­mu­nau­tés (FWB et Com­mu­nau­té fla­mande) ont été cal­cu­lées à par­tir des sta­tis­tiques régio­nales, en pre­nant en compte les poids démo­gra­phiques res­pec­tifs des Régions dans la popu­la­tion de la classe d’âge consi­dé­rée et en consi­dé­rant que la FWB recouvre la Région wal­lonne + 80% de la Région de Bruxelles-Capi­tale (et que la Com­mu­nau­té fla­mande recouvre la Région fla­mande + 20% de la Région de Bruxelles-Capitale). 
  28. Pays scan­di­naves : Dane­mark, Nor­vège, Suède, Finlande
  29. L’Allemagne pré­sente, avec quelques pays de son ancienne “aire cultu­relle” (Répu­blique Tchèque, Slo­va­quie, Hon­grie) la par­ti­cu­la­ri­té – unique par­mi les pays déve­lop­pés de l’OCDE – de ne for­mer qu’une très faible pro­por­tion de sa popu­la­tion au niveau de l’enseignement supé­rieur. On remar­que­ra cepen­dant qu’elle met les bou­chées doubles depuis 2005.
  30. Zone “Amé­rique du Nord-Asie-Paci­fique” : Etats-Unis, Cana­da, Japon, Corée, Australie.
  31. Voir Lam­bert (2014) et IDD (2017).
  32. Au sur­plus, même pour les étu­diants qui, après un pre­mier échec, ne se résignent pas à l’abandon mais décident de redou­bler ou de se réorien­ter, la pro­ba­bi­li­té de réus­site à ce deuxième essai reste néga­ti­ve­ment affec­tée par les retards sco­laires accu­mu­lés dans le secon­daire (voir Ver­man­dele et al., 2012).
  33. Ce n’est qu’en 1994 – 1995 que le nombre d’étudiantes uni­ver­si­taires de pre­mière géné­ra­tion a dépas­sé celui de leurs condis­ciples mas­cu­lins (voir CRef, Tableau 3.3.) et l’écart entre les deux courbes n’a fait que s’amplifier depuis lors.
  34. Voir FWB (2009), Les Indi­ca­teurs de l’enseignement 2009, sec­tion 24 « Taux d’accès à l’enseignement supérieur ».
  35. Les infor­ma­tions com­mu­ni­quées dans cette sec­tion sur les évo­lu­tions du taux d’accès à l’enseignement supé­rieur pro­viennent des édi­tions annuelles de la publi­ca­tion Les Indi­ca­teurs de l’enseignement, FWB (2006 – 2016). Dans cette publi­ca­tion, le taux d’accès à l’enseignement supé­rieur est mesu­ré, année par année, pour les élèves de 17 ans pré­sents dans l’enseignement secon­daire ordi­naire de plein exer­cice. Ce taux d’accès sur­es­time donc quelque peu le taux d’accès « réel » dans la mesure où il ignore les jeunes de 17 ans sco­la­ri­sés dans d’autres formes de l’enseignement secon­daire (secon­daire spé­cia­li­sé, secon­daire en alter­nance) qui n’accèderont jamais à l’enseignement supé­rieur. La part des jeunes de 17 ans sco­la­ri­sés dans ces autres formes de l’enseignement secon­daire n’est pas négli­geable (de l’ordre de 5 à 6% du total des jeunes de 17 ans). Cette part aug­mente éga­le­ment avec l’exacerbation des pra­tiques de redou­ble­ment et de relé­ga­tion dans le secon­daire ordi­naire de plein exer­cice : elle est ain­si pas­sée de 4,7% du total à la fin des années 1990 à 6,7% du total au début des années 2010. La « sta­bi­li­té » du taux d’accès à l’enseignement supé­rieur (pour les élèves de 17 ans pré­sents dans l’enseignement secon­daire ordi­naire de plein exer­cice) évo­quée ci-des­sus pour les 25 – 34 ans de 2015 recouvre donc une éro­sion du taux « réel » d’accès à l’enseignement supé­rieur (pour l’ensemble des jeunes de 17 ans).
  36. La part du « géné­ral » dans la popu­la­tion totale des années ter­mi­nales du secon­daire, qui était encore de 52% en 2001 – 2002, s’était déjà contrac­tée à 50% en 2008 – 2009. Voir les publi­ca­tions annuelles Les Annuaires de l’Enseignement : l’enseignement de plein exer­cice de ETNIC (FWB).
  37. Les Indi­ca­teurs de l’enseignement (FWB), Annuaires sta­tis­tiques (CRef).
  38. La part du « géné­ral » dans la popu­la­tion totale des années ter­mi­nales du secon­daire, qui était encore de 52% en 2001 – 2002 et s’était déjà contrac­tée à 50% en 2008 – 2009 ne se situe plus qu’à 48% en 2014 – 2015. Voir les publi­ca­tions annuelles Les Annuaires de l’Enseignement : l’enseignement de plein exer­cice de ETNIC (FWB).
  39. Le terme « aca­dé­mique » ne vise pas ici la seule uni­ver­si­té mais l’ensemble de l’enseignement supé­rieur : il a trait aux condi­tions requises pour abor­der l’enseignement supé­rieur avec les meilleures chances de réussite.
  40. Cette contrac­tion de la part du secon­daire géné­ral résulte de l’exacerbation de la pra­tique du redou­ble­ment, avec son coro­laire, la relé­ga­tion en cas­cade d’une filière à l’autre, qui « vide » pro­gres­si­ve­ment le secon­daire géné­ral au pro­fit des filières « qua­li­fiantes » (tech­nique de tran­si­tion, tech­nique de qua­li­fi­ca­tion, professionnel).
  41. L’inversion de la pyra­mide des âges pro­vo­quée par l’accession pro­gres­sive à la retraite des « baby­bou­meurs » impli­que­ra d’augmenter le taux d’activité (dont on sait qu’il est plus éle­vé pour les diplô­més de l’enseignement supé­rieur) pour main­te­nir le niveau de notre pro­tec­tion sociale ; la capa­ci­té d’innovation d’une éco­no­mie est inti­me­ment liée à la dis­po­ni­bi­li­té d’un per­son­nel hau­te­ment qua­li­fié ; l’impact des nou­velles tech­no­lo­gies sur tous les sec­teurs d’activité requer­ra non seule­ment des « codeurs », mais aus­si — et sur­tout — la mai­trise de larges com­pé­tences trans­ver­sales, etc.
  42. Sans comp­ter que la for­ma­tion de diplô­més de l’enseignement supé­rieur consti­tue, pour les pou­voirs publics eux-mêmes, un inves­tis­se­ment au retour inéga­lé (voir Lam­bert, 2013).
  43. Le cal­cul du « sur­cout bud­gé­taire » se base sur la pro­por­tion (11%) d’élèves « en sur­plus » dans la popu­la­tion du secon­daire et tient aus­si compte du fait que les élèves ayant subi des redou­ble­ments répé­tés se retrouvent prin­ci­pa­le­ment dans les filières qua­li­fiantes, plus cou­teuses, notam­ment en termes d’encadrement.
  44. Dans les uni­ver­si­tés, en l’espace de quinze ans (1997 – 1998 à 2013 – 2014), le nombre de scien­ti­fiques (assis­tants) pour 100 étu­diants s’est réduit de 27%, le nombre d’académiques de 17% et le nombre de per­son­nels admi­nis­tra­tifs de sou­tien de 26% (voir Annuaires du CRef).

Jean-Paul Lambert


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