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Avignon 2014. Les intermittences du théâtre

Numéro 9/10 septembre/octobre 2014 - Avignon festival théâtre par Joëlle Kwaschin

septembre 2014

Depuis sa créa­tion en 1947, le fes­ti­val d’Avignon s’est construit comme théâtre de ser­vice public avec pour mis­sion la démo­cra­ti­sa­tion cultu­relle et il conti­nue d’incarner la volon­té de Jean Vilar de pro­mou­voir le théâtre popu­laire. L’annulation du fes­ti­val en 2003, déjà en rai­son des ten­sions sociales liées aux condi­tions de tra­vail des inter­mit­tents — ces tra­vailleurs pré­caires du spec­tacle dont les diffi­cul­tés s’apparentent à celles des artistes et tech­ni­ciens belges —, a lais­sé des traces, et cette année, les craintes étaient vives parce que les inter­mit­tents dénon­çaient la réforme de l’assurance chô­mage et mena­çaient les fes­ti­vals de l’été. Le Prin­temps des comé­diens à Mont­pel­lier, le fes­ti­val de Mar­seille ont été sérieu­se­ment per­tur­bés, mais dans l’ensemble, à Avi­gnon, seuls deux spec­tacles d’ouverture ont été sup­pri­més. Quant au Off qui repre­nait quelque treize-cents spec­tacles dans plus de cent-trente lieux, si la soli­da­ri­té était forte, les com­pa­gnies n’avaient d’autre choix que de jouer.

Que ce soit pour le In ou le Off, le bilan après trois semaines de fes­ti­val est tou­jours l’occasion d’égrener des pour­cen­tages de fré­quen­ta­tion, de nombre de billets ven­dus, de com­pa­rai­son avec les chiffres des années anté­rieures… Certes, les com­pa­gnies, les artistes et les tech­ni­ciens ne peuvent vivre uni­que­ment du bon­heur de créer, mais cette année, les consi­dé­ra­tions finan­cières étaient très prégnantes. 

Le plus grand marché du monde 

Dans le Off, où aucune sélec­tion n’est opé­rée, où chaque com­pa­gnie vient à ses risques et périls, une troupe dépense en moyenne 25 000 euros en frais de loca­tion de salle, de loge­ment pour les comé­diens… et compte sur les achats de spec­tacles pour amor­tir ses frais. Avi­gnon, le plus grand théâtre du monde, comme le clai­ronne fière­ment le Off, est aus­si un grand mar­ché. Il ne suffit pas de rem­plir les salles de spec­ta­teurs, il faut assu­rer les tour­nées de l’année à venir grâce à la pré­sence de nom­breux pro­gram­ma­teurs. Annu­ler des spec­tacles signifie que ces repré­sen­ta­tions ne pour­ront pas être prises en compte dans le cal­cul des indem­ni­tés de chô­mage, mais risque aus­si de mettre en péril la sur­vie d’une com­pa­gnie. Jouer est donc un acte exis­ten­tiel dans tous les sens du terme. 

Dans son bilan du In, Oli­vier Py, qui vient de suc­cé­der à Hor­tense Archam­bault et à Vincent Bau­driller, deux ges­tion­naires qui ont été à la tête du fes­ti­val pen­dant dix ans, a, avec insis­tance, mis l’accent sur la perte finan­cière enre­gis­trée par les quelques annu­la­tions de spec­tacles dues à la grève des inter­mit­tents et au mau­vais temps et appe­lé les pou­voirs publics à aug­men­ter leur sou­tien pour péren­ni­ser le fes­ti­val. Oli­vier Py est le pre­mier direc­teur, depuis le fon­da­teur Jean Vilar qui le diri­gea de 1947 à sa mort en 1971, à être éga­le­ment met­teur en scène et comé­dien. Il a renon­cé à la pra­tique anté­rieure de l’artiste asso­cié qui per­met­tait d’élargir les points de vue, cha­cun nour­ris­sant les choix de pro­gram­ma­tion de son uni­vers propre. En 2005, les polé­miques avaient été fortes en rai­son du choix de Jan Fabre à qui était repro­chée sa « radicalité ». 

Solidarité avec les intermittents 

Cette année, Oli­vier Py annon­çait que cette édi­tion serait « réso­lu­ment intran­quille et vigi­lante » et la clô­tu­rait en disant « eh bien, ça n’a pas été simple, mais ça a été beau ». Artiste enga­gé, il se disait prêt à des mesures radi­cales à l’issue du pre­mier tour des élec­tions muni­ci­pales qui don­nait le FN majo­ri­taire à Avi­gnon. « Je n’envisage que deux solu­tions pos­sibles : soit je démis­sionne et on nomme un nou­veau direc­teur, soit on délo­ca­lise le fes­ti­val dans une autre ville. » Cette prise de posi­tion avait sus­ci­té beau­coup de réac­tions, assez néga­tives, même si, pour cer­tains, elle a contri­bué à bar­rer la mai­rie aux fron­tistes. Le sou­tien aux inter­mit­tents est-il en par­tie contraint par les évè­ne­ments et est-il le reflet de l’habileté poli­tique de Py ou s’inscrit-il dans le droit fil de son enga­ge­ment et de celui du festival ? 

Avi­gnon, où résonne le fra­cas insen­sé du monde, a tou­jours pas­sion­né­ment pris par­ti dans les conflits contem­po­rains. Dis­cus­sions et débats publics sont d’ailleurs pré­sents dans la pro­gram­ma­tion avi­gnon­naise. Comé­diens et tech­ni­ciens se sont réunis sur scène à chaque début de spec­tacle pour rap­pe­ler au public leurs reven­di­ca­tions, disant notam­ment un texte s’en pre­nant avec force à la dimi­nu­tion du bud­get des « sciences, des lettres et des arts ». On appre­nait ensuite qu’il s’agissait d’une inter­ven­tion de Vic­tor Hugo à l’Assemblée natio­nale le 10 novembre 1848… Les spec­ta­teurs étaient par­ta­gés entre soli­da­ri­té et agacement.

En écho, Fabrice Mur­gia, dont La peur de n’être1 a été très bien accueilli et que l’on pour­ra voir chez nous la sai­son pro­chaine, a, entou­ré d’artistes belges pré­sents à Avi­gnon, lu un texte sur la pré­ca­ri­té des artistes et l’importance de la culture. « Quand je réa­lise que nous avons accès à inter­net depuis trente ans, et que nous sommes inca­pables d’inventer de nou­velles formes d’économie cultu­relle, notam­ment en matière de par­tage des œuvres, je me sens pris pour un con, alors j’ai peur. […] Quand je lis la presse et les articles sur la situa­tion des artistes, qu’à la fi n de l’article, je par­cours les com­men­taires des tri­bunes popu­laires sur les forums inter-net, ce n’est plus de la peur. C’est quelque chose d’autre, c’est plus qu’une peur… Enfin… Nous sommes beau­coup ici, et ima­gi­nez qu’on parle comme ça de vous… Ça fait plus que peur. C’est comme une peur qui vous dépasse, qui touche à votre mémoire géné­tique glo­bale, humaine. C’est comme quand on se bat à défendre la beau­té, à dres­ser le por­trait de l’Homme, mais que le modèle est hor­rible, stu­pide, égoïste, mépri­sant, il vous regarde de tra­vers, comme s’il allait des­cendre de son socle, arra­cher votre che­va­let, vous le taper sur la gueule, et prendre en plus votre por­te­feuille qui était presque vide… oui ça fait peur, et en même temps, com­ment dire, on doit l’aimer, sinon on ne peut pas le peindre, évi­dem­ment. C’est une peur qui touche à ce qui nous relie, ce qui nous per­met de vivre ensemble dans le res­pect mutuel. Cette peur pour nos enfants, le monde qu’on leur laisse. Une peur que tout à coup, tout le monde se mette à pen­ser la même chose des artistes. » 

Olivier Py, un directeur passionné par le texte 

L’actuel direc­teur, poète, met­teur en scène, réa­li­sa­teur, comé­dien, pré­sen­tait plu­sieurs spec­tacles, dont Orlan­do ou l’impatience à la Fabri­cA, un nou­veau lieu extra-muros vou­lu par les deux pré­cé­dents direc­teurs, une salle de spec­tacles des­ti­née éga­le­ment à l’accueil de rési­dence d’artistes. Le jeune et bel Orlan­do est à la recherche de son père, mais sa mère, une actrice extra­va­gante le conduit de bonne foi de fausses pistes en fausses pistes parce que sa mémoire n’a gar­dé qu’un sou­ve­nir flou de la soi­rée où Orlan­do a été conçu. La pièce se veut un mani­feste qui entraine le spec­ta­teur dans les ques­tion­ne­ments contem­po­rains, ceux qui irriguent toute l’œuvre de Py, le poli­tique, l’art, le sexe, la foi, la phi­lo­so­phie… tra­vaillés sur un pla­teau tour­nant, fait d’étages. Chaque père poten­tiel incarne une forme pos­sible de théâtre.L’écriture de Py, catho­lique et homo­sexuel mili­tant, est lyrique et flam­boyante, mais en rai­son de ses faci­li­tés manque un peu son effet, et les trois heures trente du spec­tacle finissent par las­ser. Oli­vier Py a beau se récla­mer de Clau­del et de son écri­ture baroque, n’est pas Clau­del qui veut. 

Py met­tait éga­le­ment en scène Vitrio­li, une chro­nique de la crise du Grec Yan­nis Mavrit­sa­kis, et Les Perses, d’après Eschyle dans une adap­ta­tion légère qui se reven­dique du « théâtre d’intervention » pou­vant être joué dans des lieux ordi­naires et enfin un spec­tacle pour enfants La jeune fille, le diable et le mou­lin, d’après un conte des frères Grimm. 

Vingt-quatre heures chrono 

Avi­gnon est sou­vent le lieu de per­for­mances. En 1995, Oli­vier Py est révé­lé dans le In par une pièce de vingt-quatre heures, La Ser­vante, his­toire sans fin ; aujourd’hui le jeune met­teur en scène de trente-deux ans, Tho­mas Jol­ly pro­pose Hen­ri VI, de Sha­kes­peare qui dure dix-huit heures, entractes et longues pauses com­prises — entrée à 10 heures du matin pour en sor­tir à quatre heures le matin sui­vant, joyeux et exté­nué en tenant le pré­cieux pin’s dis­tri­bué à la sor­tie, « J’ai vu Hen­ri VI en entier ». Avec son col­lec­tif, la Pic­co­la Fami­lia, Jol­ly met au cœur de sa démarche un théâtre « exi­geant, popu­laire et fes­tif » qui lutte contre la « stan­dar­di­sa­tion » des pro­jets cultu­rels. Les trois pièces qui forment Hen­ri VI retracent cent-cin­quante ans d’histoire qui, pour le met­teur en scène, sont à l’origine de notre époque et de l’« aban­don, par l’homme, d’un monde de valeurs com­mu­nau­taires pour un monde indi­vi­dua­li­sé ». Hen­ri VI, dont il ne semble pas (encore ?) pré­vu de tour­nées en Bel­gique, mêle tous les registres, comme Sha­kes­peare en est cou­tu­mier. Tra­gé­die, farce, gro­tesque, gran­di­lo­quence… consti­tuent un soap ope­ra que Jol­ly reven­dique dans le pro­lon­ge­ment de la mode des séries télé­vi­sées. Et ça marche, tout le monde tient le coup, les comé­diens et les spec­ta­teurs, presque per­sonne ne quitte la salle alors que le public fuit Hypé­rion — qui dure tout de même cinq heures —, mis en scène par Marie-José Malis. 

Coup fatal2 d’Alain Pla­tel réunit en un spec­tacle dyna­mique un contre­té­nor congo­lais, Serge Kakud­ji, et treize musi­ciens congo­lais. Ce spec­tacle mêle avec un bon­heur inat­ten­du réper­toire baroque et musiques popu­laires joués sur des ins­tru­ments tra­di­tion­nels, sur fond de rideau de scène consti­tué de douilles de muni­tions. Ah, il faut les voir jouer et dan­ser avec une belle éner­gie, en par­ti­cu­lier le ténor qui danse lit­té­ra­le­ment sur sa chaise en plastique. 

Pour répondre peut-être aux cri­tiques de ceux qui contes­taient le trop grand nombre de per­for­mances les années pré­cé­dentes, il y eut beau­coup de pièces de fac­ture clas­sique dans ce In, Orlan­do, Le prince de Hom­bourg, peu ins­pi­ré et assez plat, La Sorelle Maca­lu­so, de l’Italienne Emma Dante. Celle-ci signe une belle réus­site que l’on ver­ra à Bruxelles3. Dans l’ensemble, pour autant que l’on puisse en juger puisqu’il est vain d’espérer tout voir, le In n’a pas pré­sen­té de pro­jets percutants. 

Le foisonnement du Off 

Quant au Off, avec davan­tage de spec­tacles si pos­sible que l’an pas­sé — quelque 1 300 por­tés par 114 com­pa­gnies dont 25 étran­gères —, il a vu son taux de fré­quen­ta­tion légè­re­ment en baisse. Si des spec­tacles ont fait salle comble, d’autres ont pei­né à trou­ver leur public. Pour s’orienter dans pareil dédale, chaque spec­ta­teur a ses cri­tères, par exemple les lieux qu’il faut exclure à tout prix, le Palace, le Paris… qui ne pro­gramment que du café-théâtre et des one-man-show dont la vul­ga­ri­té des titres suffit. Sinon des com­pa­gnies que l’on suit d’années en années, des théâtres qui éta­blissent une pro­gram­ma­tion cohé­rente, sont gage de qua­li­té autant que les bons comé­diens. Le théâtre du Chêne noir fon­dé en 1966 par Gérard Gélas est l’un des théâtres per­ma­nents d’Avignon qui pré­sente ses créa­tions propres et accueille éga­le­ment d’autres com­pa­gnies. Denis Lavant incar­nait Céline dans un mon­tage de lettres, Faire dan­ser les alli­ga­tors sur la flute de Pan, qui décrit l’ambition du doc­teur Des­touches de plier sa plume à sa volon­té. Éruc­tant, tor­du, Lavant est cette « cocotte-minute humaine [avec ses] pul­sions homo­phobes, racistes, anti­sé­mites, miso­gynes, toute la haine qu’on a de l’autre et de soi-même ». Ce labo­ra­toire d’écriture est tout à la fois fas­ci­nant et inquié­tant d’ouverture sur le mys­tère d’un écri­vain si génial et si méprisable. 

Gélas met­tait en scène Le Tar­tufe nou­veau, que Jean-Pierre Pelaez écrit « à la manière de » Molière pour pour­fendre les « hypo­crites modernes de tout poil, ces Tar­tuffes nou­veaux, qu’ils aient leur compte en Suisse pour le bien de la France, ou qu’ils portent des sacs de riz sous le nez de camé­ras amies ». Bien jouée, la pièce est assez drôle, même si sous cou­vert de dénon­cia­tion, cer­tains per­son­nages sont cari­ca­tu­rés. Fon­da­men­ta­le­ment, qu’apporte cette démarche ? En 1995, Ariane Mnou­ch­kine avait mis en scène un Tar­tuffe qui gar­dait le texte d’origine où toute la charge était por­tée par le jeu des comé­diens et les cos­tumes. Tar­tuffe évo­quait un extré­miste musul­man, et la scène de séduc­tion d’Elmire, la femme de son hôte, était jouée comme une impres­sion­nante ten­ta­tive de viol. Le spec­tacle avait une puis­sance sub­ver­sive que n’a pas Le Tar­tuffe nou­veau. Le Chêne noir accueillait aus­si La fuite, du prix Nobel de lit­té­ra­ture, le Chi­nois Gao Xing­jian, un texte, qui en dépit de ses qua­li­tés, reste artifi­ciel et ne convainc pas tout à fait. 

Lorsqu’en 1938, Kathrine Kress­mann Tay­lor écrit Incon­nu à cette adresse, l’éditeur qui finit par accep­ter de publier ce texte refu­sé par­tout ne le fait qu’à condi­tion qu’elle sup­prime son pré­nom dans une « démarche à la fois com­mer­ciale et puri­taine, dit la met­teuse en scène, Del­phine de Mal­herbe, puisque l’éditeur a pen­sé que c’était un meilleur argu­ment de vente et que le fait qu’une femme l’ait écrit n’était pas cré­dible ». Très sou­vent joué, c’est Domi­nique Pinon et Fran­cis Lalanne, qui reprennent ce roman épis­to­laire qui narre l’amitié entre un Juif amé­ri­cain et un Alle­mand mar­chands d’art asso­ciés que la mon­tée du nazisme sépa­re­ra. L’Allemand s’engagera aux côtés du régime hit­lé­rien et tra­hi­ra son ami qui se ven­ge­ra en fai­sant preuve de la même cruau­té. Mise en scène inti­miste et sobre pour deux comé­diens qui jouent excel­lem­ment ce texte qui rap­pelle qu’en 1938, il n’était déjà, pour des êtres lucides, plus pos­sible de se trom­per sur la véri­table nature du régime nazi. 

De grands auteurs consti­tuent éga­le­ment un cri­tère de choix ; si l’interprétation est mau­vaise, au moins le spec­ta­teur n’aura pas tout per­du. Ce n’était pas du tout le cas avec Le joueur d’échecs, écrit en 1942, de Ste­fan Zweig, son der­nier texte non des­ti­né au théâtre et qui, par une mise en abyme inat­ten­due, ne traite pas du cham­pion d’échec, homme vul­gaire, mais remar­quable joueur, mais d’un ama­teur qui, à l’isolement dans une pri­son nazie en Autriche, joue jusqu’à les connaitre par cœur les grandes par­ties clas­siques pour résis­ter à la tor­ture men­tale raffi­née à laquelle il est sou­mis. André Sal­zet donne ici une inter­pré­ta­tion tout en rete­nue et en fi nesse de cette dénon­cia­tion de l’hitlérisme.

La pré­sence belge au théâtre des Doms — la vitrine sud de la créa­tion en Bel­gique fran­co­phone —, par­ti­cu­liè­re­ment atten­tive aux écri­tures contem­po­raines, est tou­jours copieuse et de qua­li­té, et rien que l’affiche cultive une note déca­lée. Cette année, une gaufre de Liège sor­tait d’une boite de sar­dine. On pour­ra voir la plu­part des spec­tacles en Bel­gique la sai­son prochaine. 

L’ailleurs des lucioles 

Quel autre lieu qu’une pri­son peut sem­bler le plus éloi­gné du théâtre, ce luxe indis­pen­sable ? À deux pas du théâtre des Doms et du jar­din qui la sur­plombe se trouve la pri­son Sainte-Anne, qui n’a été désaf­fec­tée qu’en 2003. Du jar­din, les familles des déte­nus avaient vue sur la cour, épar­pillaient au gré du mis­tral les nou­velles, lan­çaient de menus objets enfer­més dans une balle de ten­nis que l’on retrouve dans une par­tie de l’exposition « La dis­pa­ri­tion des lucioles ». La pre­mière chose qui sidère le visi­teur dès l’entrée et le prend à la gorge est l’odeur d’enfermement, la vétus­té de ces longs cou­loirs, de ces cel­lules étroites avec, au mieux, toi­lettes et douche dans un seul minus­cule cagi­bi, des cours de pro­me­nades tel­le­ment réduites (en par­ti­cu­lier celle de l’aile des femmes) que l’on com­prend pour­quoi dans une pri­son tous les déte­nus tournent dans le même sens… Tout est sale, plein de gra­vats et de détri­tus, le plâ­tras tombe par larges plaques, toutes les pièces métal­liques sont rouillées…, tout a été lais­sé en l’état pour accueillir la très belle col­lec­tion Lam­bert d’art contem­po­rain, le temps de tra­vaux d’extension.

Le titre de l’exposition rend hom­mage à Pier Pao­lo Paso­li­ni et consti­tue une méta­phore d’une culture révo­lue qui éclai­rait le monde et a été dévo­rée par la « société

  1. Au Natio­nal (Bruxelles) du 7 au 16 octobre, à la Mai­son de la culture de Tournai/Festival Next les 20 et 21 novembre, au Manège à Mons du 25 au 27 novembre, au théâtre de Liège du 27 au 29 jan­vier, à l’Ancre/PBA de Char­le­roi le 10 février, au Toneel­huis d’Anvers le 26 février, au théâtre de Namur du 3 au 5 mars 2015.
  2. Le spec­tacle sera au KVS du 6 au 15 novembre, au théâtre de Namur les 24 et 25 avril 2015, à Bruges, Cour­trai et Leuven.
  3. Théâtre natio­nal du 24 au 27 février 2015, qua­trième réa­li­sa­tion du pro­jet euro­péen Villes en scène/Cities on stage.

Joëlle Kwaschin


Auteur

Licenciée en philosophie