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2010 : un printemps pour les « petits partis » ? (4)

Numéro 2 Février 2011 par Paul Wynants

février 2011

Les trois premières parties de cet article sont parues dans les numéros précédents (novembre, décembre 2010 et janvier 2011).

Vivant et quelques autres

Quelques autres listes sont déposées, en prévision du scrutin du 13 juin 2010, dans telle ou telle circonscription, avec des chances très minces de succès. On se contentera d’en donner un aperçu synthétique.

Vivant

Ce parti unitaire, trilingue et présent sous le même sigle dans les trois Communautés, est fondé en 1997 par l’homme d’affaires Roland Duchâtelet, détenteur d’une des plus grosses fortunes du pays. L’intéressé est l’auteur de deux ouvrages intitulés N.V. België, verslag aan de aandeelhouders (S.A. Belgique, rapport aux actionnaires, 1994) et De weg naar meer netto binnenlands geluk (La voie vers plus de bonheur national net, 2004). Sponsor et président du club de football de Saint-Trond depuis 2004, devenu premier échevin de cette ville en charge des finances, en 2006, il siège au Sénat, de 2007 à 2010 sous les couleurs de l’Open VLD.

Duchâtelet aborde les difficultés socioéconomiques du pays en chef d’entreprise. Il se demande de quelle manière il gèrerait la « Société Belgique » s’il en était le patron. Ne trouvant pas de solutions efficaces dans les modèles préexistants, devenus obsolètes, il élabore un programme alternatif1, inspiré par le libéralisme progressiste. L’objectif poursuivi est de « libérer les forces vives des citoyens, pour que chacun puisse librement disposer de sa vie, dans le bien-être, la sécurité et un environnement de qualité ». Le moyen d’y parvenir est la construction d’une société démocratique de services par la combinaison de trois mesures fondamentales : la détaxation du travail, le financement des dépenses de l’État par la TVA et l’instauration d’un revenu de base inconditionnel pour tous, appelé communément « allocation universelle ».

Telles sont les lignes de force que l’on retrouve dans le programme de Vivant. Cette formation préconise, en effet, l’abolition des charges sociales (précompte et cotisations ONSS) sur le travail, la suppression des prélèvements sur les revenus des personnes physiques inférieurs à 1500 euros par mois et leur diminution au-delà de ce plafond. Elle prône la baisse de l’impôt sur les revenus des sociétés, plafonné à 15%, ainsi que le financement des dépenses de l’État par un relèvement de la TVA et l’établissement d’une taxe sur les opérations financières. Elle propose l’instauration d’un revenu de base inconditionnel et d’une assurance-maladie gratuite pour tous.

Aux élections fédérales du 13 juin 1999, Vivant recueille 130.701 voix : 76.475 (2%) dans les cantons flamands, 46.742 (2,5%) dans les cantons wallons et 7.484 (1,8%) dans les cantons bruxellois. Il se tasse lors du scrutin fédéral du 18 mai 2003, avec 81.337 suffrages : 47.896 (1,2%) dans les cantons flamands, 29.194 (1,5%) dans les cantons wallons et 4.247 (0,9%) dans les cantons bruxellois.

Le 13 décembre 2003, R. Duchâtelet fait adopter une décision qui, à terme, est de nature à hypothéquer l’avenir du parti en Belgique francophone : la constitution d’un cartel VLD-Vivant, en Flandre et à Bruxelles, en vue des élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004, moyennant l’obtention de quelques places de combat pour sa formation. Invités à apporter leurs suffrages à un cartel néerlandophone, les membres bruxellois d’expression française ne sont pas unanimes à suivre cette recommandation. De plus, handicapé par un vote sanction frappant les libéraux néerlandophones, Vivant ne bénéficie pas de cette stratégie : il ne décroche aucun siège en Flandre. En Wallonie, le parti se présente seul dans neuf circonscriptions sur treize : il obtient à peine 16281 voix (0,8%). En Communauté germanophone, au contraire, il double son score de 1999 : avec 2665 suffrages (7,34%), il occupe désormais deux sièges au Rat d’Eupen. Depuis lors, Vivant connait des destins contrastés dans les trois Communautés : alliance avec les libéraux au Nord, atonie au Sud et dynamisme dans les cantons de l’Est, sous l’impulsion de personnalités locales.

Le 6 février 2007, Vivant-Flandre se fond dans l’Open VLD, qui reprend une partie de son programme. Mis devant le fait accompli, un responsable de Vivant-Wallonie, Jean-Paul Brasseur, ne dissimule pas son malaise (La Libre Belgique, 7 février 2007). L’intégration à l’Open VLD permet au parti d’accéder à une représentation parlementaire : il détient deux sièges au Sénat, occupés par Nele Lijnen (2006 à nos jours) et par Roland Duchâtelet (2007 à 2010). En Wallonie, par contre, Vivant s’étiole. En vue du scrutin fédéral du 10 juin 2007, il ne dépose des listes que dans les circonscriptions du Hainaut et de Liège : il obtient seulement 5.742 voix (0,3%). Il ne se présente pas aux élections pour le Parlement wallon du 7 juin 2009. À cette date, en Communauté germanophone, il réédite son score de 2004 : avec 2.684 suffrages (7,16%), il conserve ses deux sièges au Parlement d’Eupen.

Lors des élections fédérales du 13 juin 2010, Vivant ne se présente sous ses propres couleurs que dans la circonscription de Liège, à la Chambre, avec une liste composée en grande majorité de germanophones, et dans le collège français du Sénat. Il recueille 6211 voix dans la province de Liège, dont plus de la moitié dans les cantons de l’Est, et 15.462 suffrages (0,63% du total du collège français) pour la Haute Assemblée. L’avenir de Vivant-Wallonie semble irrémédiablement compromis : « Nous sommes bien obligés d’adopter un profil bas, déclare un responsable. Notre programme est difficile à vendre : nous avons une image de traitres puisque Vivant se développe au sein d’un parti flamand.2 »

En Brabant wallon : la liste N

Le parti N (pour Nouveau-Nieuw-Neu) se présente pour la première fois devant les électeurs en juin 2010. La liste est menée par André Prevot. Unioniste, cette formation entend rassembler des francophones, des néerlandophones et des germanophones « dans un élan de nouveauté, d’égalité et de fierté d’être Belge ». Ne se positionnant « ni à droite, ni à gauche », elle s’adresse à « Monsieur Tout le Monde », en particulier aux citoyens « qui en ont assez d’une politique d’immobilisme ». Elle n’obtient que 610 voix, soit 0,3% des votes valables émis dans la province.

À Bruxelles-Hal-Vilvorde : Égalité, Pro Bruxsel et le Parti Pirate

Le parti Égalité milite en faveur de l’abrogation des discriminations entre Belges de souche et Belges d’origine immigrée. Ses candidats sont, pour la plupart, d’ascendance étrangère ou des militants de la gauche radicale, investis dans la lutte pour la cause palestinienne. D’origine marocaine, le fondateur de cette formation, Nordine Saïdi, membre du Mouvement citoyen Palestine, a été exclu du bureau du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie pour avoir refusé de retirer des textes jugés antisémites de son site Internet. Aux élections régionales du 7 juin 2009, Égalité recueille 4.289 voix (0,9% du collège français). Le 13 juin 2010, le parti réunit 5.670 suffrages (0,7% du total des votes valables émis).

Pro Bruxsel est une formation régionaliste bruxelloise à caractère bilingue, créée le 16 avril 2008. Son président, Philippe Delstanche, en occupe la tête de liste. Parmi les candidats de ce parti figure Alain Maskens, initiateur de deux Manifestes bruxellois et de l’asbl Manifesto. Pro Bruxsel revendique une autonomie accrue de la Région de Bruxelles-Capitale, avec reprise par celle-ci des compétences exercées sur son territoire par les Communautés. Il préconise l’instauration du multilinguisme dans l’enseignement, la suppression des discriminations fondées sur la langue et la culture, le prélèvement du précompte professionnel sur le lieu de travail, la réduction de la congestion automobile par l’introduction d’un péage urbain, la promotion des moyens de transport « doux » et des secteurs économiques non polluants, ainsi qu’une politique du logement adaptée aux besoins des Bruxellois. Les militants du combat mené contre les nuisances sonores générées par l’aéroport de Zaventem exercent manifestement une influence au sein du mouvement. Présent aux élections régionales du 7 juin 2009, Pro Bruxsel draine 6840 voix dans le collège français et 1.225 suffrages dans le collège néerlandais. Le 13 juin 2010, avec une liste bilingue, il obtient 7.201 voix (0,9%).

Le Parti Pirate est créé le 28 juin 2009 sur le modèle de la formation éponyme suédoise, fondée le 1er janvier 2006. Il appartient à l’Internationale des Partis Pirate, constituée à Bruxelles, le 18 avril 2010, sous la présidence de Gregory Engels et de Jerry Weyer. Il mène campagne en faveur de la réforme du droit d’auteur, de l’abolition du système des brevets, de la promotion des logiciels libres et de la mise en place d’une démocratie électronique. Très attaché au respect du droit à la vie privée, il se positionne comme un parti jeune, branché et multiculturel. Il réclame « plus d’Europe, plus de traités internationaux, plus d’interaction avec le reste du monde ». Conduite par Jurgen Rateau, sa liste recueille 2.200 voix (0,3%), le 13 juin 2010.

Dans la province de Liège : MP éducation et le Parti des pensionnés

Le Mouvement pour l’éducation (MP éducation) est lancé en 2007 par Mohamed Saïd Guermit, un professeur de religion islamique qui défend le droit de porter le foulard au nom de la liberté individuelle. Il considère que l’éducation est « au centre de tous les problèmes de notre société », confrontée au réchauffement climatique, à la violence, à l’échec scolaire, à la déstabilisation de la famille « par le mariage de l’homme avec l’homme et de la femme avec la femme », à l’exclusion sociale et à la corruption. La « dérive de la société » se manifesterait, selon le président fondateur, par « le harcèlement de l’éducation, des valeurs familiales et des bonnes mœurs », ainsi que par le recul du bien-être et la baisse de la qualité de l’enseignement. En 2010, MP éducation mène campagne sur le thème « Refusons l’incompétence des gens qui ont conduit notre pays au bord de l’effondrement ». Tous ses candidats portent des noms à consonance arabe ou turque. Aux élections fédérales du 10 juin 2007, le parti réunit 1.362 suffrages (0,22% des votes exprimés dans la circonscription). Le 13 juin 2010, il en obtient 2.572 (0,42%.).

Dirigé par Marcel Florani, le Parti des pensionnés se revendique des valeurs de proximité, de bon sens, de réalisme, d’écoute et de respect. Il critique les décisions trop souvent prises au sommet par des « technocrates coupés des réalités quotidiennes ». Il plaide en faveur d’une pension décente pour tous, avec relèvement du minimum à 1.500 euros par mois. Il préconise aussi un encouragement à l’investissement des ainés dans la vie sociale. Aux élections régionales du 7 juin 2009, il recueille 3.939 voix (1,17% des votes émis dans la circonscription de Liège). Le 13 juin 2010, il en obtient 6.688 (1,1% des suffrages exprimés dans la province de Liège).

Hormis le cas particulier de Vivant en Flandre et en Communauté germanophone, mais non en Wallonie, toutes les formations évoquées ci-dessous sont confidentielles ou marginales. Elles n’ont aucune chance d’accéder à une représentation parlementaire.

Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus

  1. Voir « Roland Duchâtelet et le projet Vivant », sur www.forcevive.org, s.d.
  2. « Petits partis : pas facile de rester Vivant », sur www.levif.rnews.be, 26 mai 2010.

Paul Wynants


Auteur

Paul Wynants est docteur en histoire, professeur ordinaire à l’Université de Namur et administrateur du Crisp – paul.wynants@unamur.be