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2010 : un printemps pour les “petits partis”? (3)

Numéro 1 Janvier 2011 par Paul Wynants

janvier 2011

La pre­mière et la deuxième par­ties de cet article sont parues dans les numé­ros pré­cé­dents (novembre et décembre 2010).

Quel ave­nir pour les dissidences
et les par­tis assimilés ?

Au cours des der­nières années, les grandes familles poli­tiques ont connu des dis­si­dences qui ont don­né nais­sance à des for­ma­tions concur­rentes. Ain­si, le CDF (Chré­tiens démo­crates fédé­raux) réunit des catho­liques en rup­ture de ban avec le CDH. De même, le Mou­ve­ment socia­liste (MSPlus) ras­semble des per­son­na­li­tés en déli­ca­tesse avec le PS. Le cas du Par­ti popu­laire est dif­fé­rent à cer­tains égards : si Mischaël Modri­ka­men et Rudy Aer­noudt sont issus de la mou­vance libé­rale, dont pro­vient aus­si une par­tie de leurs troupes, la créa­tion de leur for­ma­tion résulte d’une impos­si­bi­li­té à trou­ver un ter­rain d’entente avec le Mou­ve­ment réfor­ma­teur, non à pro­pre­ment par­ler d’une scis­sion. Les résul­tats du scru­tin du 13juin 2010 laissent entre­voir des pers­pec­tives d’avenir assez contras­tées pour ces « petits par­tis ». Voyons com­ment ceux-ci se sont consti­tués et com­ment ils ont évo­lué jusqu’à nos jours.

Belg. Unie

Le 6 mai 2010, les Chré­tiens démo­crates fédé­raux (CDF), issus d’une dis­si­dence du CDH, et le par­ti Bel­gische Unie-Union Belge (BUB) annoncent qu’ils se pré­sen­te­ront en car­tel au scru­tin fédé­ral sous le sigle Belg. Unie, confor­mé­ment à l’accord conclu la veille 1. Ils se disent « inter­pe­lés par la crise ins­ti­tu­tion­nelle et scan­da­li­sés par l’attitude irres­pon­sable de la classe poli­tique ». Axée sur la paci­fi­ca­tion com­mu­nau­taire, la pla­te­forme que les deux for­ma­tions pré­sentent est très som­maire : comme solu­tions aux dif­fi­cul­tés que tra­verse la Bel­gique, ce court docu­ment met l’accent sur la pro­mo­tion du bilin­guisme, la créa­tion d’une Région bilingue de Bruxelles-Bra­bant, la restruc­tu­ra­tion du pays sur la base de neuf pro­vinces, la défense de la Consti­tu­tion, des pré­ro­ga­tives de la monar­chie et du Sénat. Mais que repré­sentent les pro­ta­go­nistes de ce cartel ?

Les Chrétiens démocrates fédéraux (CDF)

La for­ma­tion dont il s’agit est créée sous le nom de Chré­tiens démo­crates fran­co­phones, le 19 mai 2002, au len­de­main du congrès qui consacre la mue du Par­ti social chré­tien en Centre démo­crate huma­niste. Ses ini­tia­teurs rompent avec le par­ti de Joëlle Mil­quet, auquel ils reprochent l’abandon de toute réfé­rence chré­tienne. Par­mi les dis­si­dents de la pre­mière heure figurent Benoît Vel­de­kens, ancien par­le­men­taire régio­nal bruxel­lois, Marc-Antoine Mathi­j­sen, membre du bureau du PSC de Bruxelles-Hal-Vil­vorde, et Pierre-Alexandre de Maere d’Aertrycke, conseiller com­mu­nal à Woluwe-Saint-Lam­bert. Ils sont bien­tôt rejoints par Domi­nique Har­mel, ancien vice-pré­sident du PSC et ancien ministre de la Région de Bruxelles-Capitale.

Tout en récu­sant le sta­tut de par­ti confes­sion­nel, le CDF reprend à son compte le label chré­tien et la doc­trine du bien com­mun. Il se posi­tionne au centre-droit, en avan­çant des vues plu­tôt libé­rales au plan socioé­co­no­mique. Il se reven­dique du fédé­ra­lisme d’union. En matière éthique, il fait siennes les posi­tions de l’aile conser­va­trice du PSC sur « la défense de la vie, du mariage et de la famille ». Il annonce 1200 affi­liés à l’automne 2002, 4500 en mai2003. Il peut comp­ter sur la mobi­li­sa­tion de nom­breux béné­voles, issus pour la plu­part de cercles de notables.

En vue du scru­tin fédé­ral du 18 mai 2003, le nou­veau par­ti se lance dans l’arène élec­to­rale, non sans obs­tacles : il ne jouit pas d’un finan­ce­ment public, est dépour­vu de locaux et de numé­ro natio­nal. Il ambi­tionne de décro­cher plu­sieurs sièges, mais l’instauration d’un seuil d’éligibilité de 5%, sauf en Bra­bant, rend d’emblée ce scé­na­rio fort impro­bable. De plus, ses listes sont, pour la plu­part, conduites par des nou­veaux venus en poli­tique, incon­nus du grand public. Le CDF obtient 1,4% des suf­frages en Wal­lo­nie, 1,7% dans les can­tons bruxel­lois et 0,1% à Hal-Vil­vorde. Il ne peut donc faire son entrée au Par­le­ment. Déçus, cer­tains de ses mili­tants et de ses cadres se rap­prochent du Mou­ve­ment réfor­ma­teur ou, à l’instar de M.-A. Mathi­j­sen, intègrent le CDH.

À l’issue des élec­tions régio­nales du 13 juin 2004, les Chré­tiens démo­crates fran­co­phones n’ont pas de quoi pavoi­ser. Pré­sents dans onze cir­cons­crip­tions wal­lonnes, ils y captent 0,7% des voix. Avec 0,9% des suf­frages en Région de Bruxelles-Capi­tale, ils ne font guère mieux. Le 8 octobre 2006, ils obtiennent quelques sièges de conseillers com­mu­naux, notam­ment à Woluwe-Saint-Lam­bert, Molen­beek et Chau­mont-Gis­toux. Le pré­sident du par­ti, Benoît Vel­de­kens, élu à Woluwe sur la Liste du bourg­mestre Oli­vier Main­gain, sou­haite se consa­crer plei­ne­ment à son man­dat d’échevin des Finances. Le 30 décembre, il cède le témoin à Pierre-Alexandre de Maere.

En 2007, le CDF se trans­forme en par­ti bilingue, doté d’une sec­tion néer­lan­do­phone. Dans cet esprit, il adopte le nom de Chré­tiens démo­crates fédé­raux. La même année, lors du scru­tin fédé­ral du 10 juin, il est pré­sent au Sénat, ain­si que dans toutes les cir­cons­crip­tions de Wal­lo­nie et de Bruxelles, pour la Chambre. Il recueille 0,4% des voix au sud du pays, 0,5% dans les can­tons bruxel­lois et 0,03% à Hal-Vilvorde.

Par la suite, les Chré­tiens démo­crates fédé­raux prennent part à dif­fé­rentes ini­tia­tives — péti­tions et mani­fes­ta­tions — lan­cées en faveur de l’unité du pays ou contre le sépa­ra­tisme. Ils se mobi­lisent contre le pro­jet de décret « Ins­crip­tions » du gou­ver­ne­ment de la Com­mu­nau­té fran­çaise, auquel ils reprochent d’attenter au libre choix des parents et à la liber­té péda­go­gique des écoles. Ils sou­tiennent l’attitude du grand-duc Hen­ri de Luxem­bourg lorsque ce der­nier refuse, au début décembre 2008, de sanc­tion­ner une loi sur l’euthanasie pour rai­sons de conscience. Ils prennent la défense du pape Benoît XVI, mis en cause dans les médias et au Par­le­ment à la suite de ses décla­ra­tions sur le pré­ser­va­tif. Quand Rudy Aer­noudt lance le mou­ve­ment LiDé, dont il sera ques­tion par la suite, les diri­geants du CDF ren­contrent l’intéressé et par­ti­cipent à des séances de tra­vail avec lui, « afin de pou­voir cer­ner s’il y a une pos­si­bi­li­té de construire quelque chose ensemble ». Ils concluent par la néga­tive. Ils décident, dès lors, de se pré­sen­ter seuls aux élec­tions régio­nales du 7juin 20092.

Lors de ces scru­tins, le CDF n’entre pas en lice au niveau euro­péen. Pour le Par­le­ment wal­lon, il ne dépose de listes que dans les cir­cons­crip­tions de Namur, Dinant-Phi­lip­pe­ville et Neuf­châ­teau-Vir­ton, faute de par­rai­nages et de signa­tures en nombre suf­fi­sant. À cette occa­sion, il dénonce le cadre légal, les règle­ments élec­to­raux et les pra­tiques qui han­di­capent les petites for­ma­tions : outre les dif­fi­cul­tés d’obtenir l’appui d’élus sor­tants et d’accéder aux médias, l’absence de finan­ce­ment public, le seuil d’éligibilité de 5% et la taille trop petite des cir­cons­crip­tions, il pointe les délais trop courts lais­sés aux mili­tants pour col­lec­ter les signa­tures de citoyens et les faire vali­der par les admi­nis­tra­tions com­mu­nales, l’obtention tar­dive des numé­ros de liste dépour­vus de carac­tère natio­nal et les inéga­li­tés de trai­te­ment en matière d’affichage 3. C’est pour­quoi, tant pour le scru­tin euro­péen que dans les cir­cons­crip­tions wal­lonnes où il ne peut être pré­sent, le CDF pré­co­nise « le vote de conscience » : il invite les citoyens à émettre un vote blanc, si ce der­nier est élec­tro­nique, ou à annu­ler leur bul­le­tin en y ins­cri­vant le sigle du par­ti, si l’opération se déroule sur sup­port papier. Il ne peut être ques­tion, affirme-t-il, de sou­te­nir des for­ma­tions qui « bafouent nos valeurs et détruisent notre pays 4.

Les Chré­tiens démo­crates fédé­raux ne recueillent que 0,4% des voix en Région de Bruxelles-Capi­tale et 0,1% en Région wal­lonne. Ils attri­buent ce mau­vais score « au silence des médias, à l’absence de sub­sides et d’espace d’affichage », ain­si qu’au manque d’audace des citoyens, « qui n’osent pas chan­ger de com­por­te­ment élec­to­ral 5. Dans le der­nier numé­ro du tri­mes­triel CDF-info de l’année 2009, le pré­sident P.-A. de Maere explique aux mili­tants et aux membres pour quelles rai­sons ils ne peuvent « ni sou­te­nir, ni rejoindre le Par­ti popu­laire ». De prime abord, estime-t-il, l’initiative de M.Modrikamen et R.Aernoudt est salubre : elle met en évi­dence des thé­ma­tiques per­ti­nentes, comme le renou­vè­le­ment du pay­sage poli­tique, la défense de l’unité du pays, l’assainissement des finances publiques, la réforme de la jus­tice, le ren­for­ce­ment de la sécu­ri­té. Trois rai­sons empêchent, cepen­dant, le CDF de se ral­lier à la nou­velle for­ma­tion : le Par­ti popu­laire serait trop mar­qué à droite, trop laïque et trop res­tric­tif en matière de libre choix sco­laire 6.

Per­dant une part de sa sub­stance à chaque scru­tin, pei­nant à recueillir le nombre requis de signa­tures pour le dépôt de listes, le CDF est mani­fes­te­ment en quête d’un par­te­na­riat. Il noue ce der­nier avec le BUB lorsque les élec­tions anti­ci­pées du 13juin 2010 se pro­filent à l’horizon.

Belgische Unie – Union Belge (BUB)

Pré­si­dé par l’avocat Hans Van de Cau­ter, le par­ti BUB a été créé le 5 juillet 1982. Il a suc­cé­dé au groupe inti­tu­lé Nou­velle Bel­gique. Il se pré­sente comme une for­ma­tion cen­triste, atta­ché à une Bel­gique uni­taire. Il pré­tend incar­ner « les seules idées qui offrent une solu­tion durable aux pro­blèmes poli­ti­co-com­mu­nau­taires » du pays. Il com­bat le natio­na­lisme, le fédé­ra­lisme lin­guis­tique, la par­ti­cra­tie et la média­cra­tie, qu’il sou­haite rem­pla­cer par « le bilin­guisme, l’unitarisme, la démo­cra­tie et la liber­té des médias 7. Son dra­peau bleu étoi­lé porte le sigle du par­ti tra­cé en cou­leurs noire, jaune et rouge.

Au plan ins­ti­tu­tion­nel, le pro­gramme du BUB 8 pour­fend le fédé­ra­lisme. Ce der­nier serait cou­teux, com­pli­qué, inef­fi­cace, anti­dé­mo­cra­tique et dis­cri­mi­na­toire. Il favo­ri­se­rait la cor­rup­tion, la toute-puis­sance des par­tis et le « racisme lin­guis­tique ». Désta­bi­li­sant le pays, contraire au sens de l’histoire natio­nale et à l’esprit de la Consti­tu­tion, aso­cial et anti­eu­ro­péen, il mine­rait la pros­pé­ri­té et l’image du Royaume. Absurde, illo­gique et immo­ral, il ne se per­pé­tue­rait qu’en rai­son des entraves empê­chant la libre cir­cu­la­tion des idées. Pareil sys­tème devrait céder la place à une Bel­gique sans Régions, ni Com­mu­nau­tés, décen­tra­li­sée sur la base des neuf pro­vinces his­to­riques, dotée d’une cir­cons­crip­tion élec­to­rale natio­nale et conduite par la mai­son royale. Les dix-neuf com­munes bruxel­loises devraient être fusion­nées et les lois lin­guis­tiques maintenues.

Le BUB pré­co­nise le mul­ti­lin­guisme, la sup­pres­sion des dota­tions publiques aux par­tis et aux médias, l’instauration du réfé­ren­dum contrai­gnant pour le pou­voir poli­tique. Il plaide en faveur d’un véri­table par­te­na­riat avec le Congo, de l’encouragement de l’immigration éco­no­mique de diplô­més, sur­tout dans les sec­teurs en pénu­rie de main‑d’œuvre, et de la sou­mis­sion des chô­meurs à un régime de for­ma­tion ou de tra­vaux d’intérêt public, après douze mois d’inactivité. Il prône le main­tien de la sécu­ri­té sociale, mais éga­le­ment son assai­nis­se­ment par la lutte contre les gas­pillages. À son estime, le ren­for­ce­ment de l’État belge devrait per­mettre de com­battre plus effi­ca­ce­ment la cri­mi­na­li­té organisée.

Dépo­sant des listes aux élec­tions fédé­rales et régio­nales depuis 2003, le BUB ne recueille que quelques cen­taines ou quelques mil­liers de suf­frages. Ni dans les cir­cons­crip­tions wal­lonnes, ni dans la capi­tale, il ne par­vient à fran­chir le seuil de 0,1% des voix. Il lui faut mani­fes­te­ment conclure une alliance pour sor­tir de la mar­gi­na­li­té. C’est chose faite avec le CDF, le 6mai 2010.

Les résultats de Belg.Unie

Le 13juin 2010, le car­tel n’est pré­sent ni au Sénat, ni en Hai­naut pour la Chambre. Dans les autres cir­cons­crip­tions, il réa­lise les scores suivants :

– cir­cons­crip­tion de Bruxelles-Hal-Vil­vorde : 5734 voix (0,69%);

– cir­cons­crip­tion du Bra­bant wal­lon : 3389 voix (1,49%);

– cir­cons­crip­tion de Liège : 5429 voix (0,90%);

– cir­cons­crip­tion du Luxem­bourg : 2618 voix (1,63%);

– cir­cons­crip­tion de Namur : 3495 voix (1,21%).

Asso­ciés, le CDF et le BUB font mieux que la somme de leurs résul­tats anté­rieurs, sans doute en rai­son de l’inquiétude géné­rée, dans cer­tains milieux, par les ten­sions com­mu­nau­taires per­sis­tantes. Tou­te­fois, le nombre de voix recueillies est tout à fait insuf­fi­sant pour l’obtention d’une repré­sen­ta­tion par­le­men­taire. Il faut noter qu’en se diluant dans un car­tel uni­ta­riste, le CDF ne donne plus guère de visi­bi­li­té à son éti­quette chré­tienne. Un tel label ne serait-il plus por­teur au plan élec­to­ral ? Si pareille hypo­thèse devait se confir­mer, il convien­drait de s’interroger sur la péren­ni­té du CDF comme dis­si­dence du CDH.

Le Mouvement socialiste (MS, puis MSPlus)

Le Mou­ve­ment socia­liste tient son congrès fon­da­teur à Flé­malle, le 17novembre 2002, en pré­sence de 150 mili­tants. Il est pré­si­dé par Fran­cis Bies­mans, ancien direc­teur du Ser­vice des études et des sta­tis­tiques de la Région wal­lonne, pro­fes­seur aux Uni­ver­si­tés de Lille II, puis de Nancy.

Au départ, le MS agrège des repré­sen­tants de listes dis­si­dentes du Par­ti socia­liste, consti­tuées à l’approche des élec­tions com­mu­nales du 8octobre 2000. L’une de ces for­ma­tions est l’Alternative socia­liste citoyenne de Flé­malle (ASCF), conduite par l’avocat Mar­cel Cools, fils du ministre d’État André Cools (assas­si­né le 18juillet 1991). Elle obtient envi­ron 20% des suf­frages et six élus au conseil com­mu­nal, avant d’imploser en 2005 à la suite de dif­fé­rends per­son­nels. Au MS s’intègre éga­le­ment la com­po­sante socia­liste de la liste Union, consti­tuée à Binche par des dis­si­dents du PS oppo­sés au « para­chu­tage » dans leur ville de Marie Are­na, ministre régio­nale wal­lonne de l’Emploi, et à la poli­tique menée par la fédé­ra­tion thu­di­nienne. Elle est emme­née par André Navez, dépu­té régio­nal wal­lon et éche­vin des Affaires sociales, qui ral­lie à ses vues des sociaux chré­tiens et des can­di­dats d’ouverture. Elle recueille 47,7% des voix et décroche, de jus­tesse, une majo­ri­té abso­lue en sièges. Elle dirige la cité pen­dant six ans. Le ral­lie­ment d’autres dis­si­dents, comme ceux de Socia­lisme et Par­ti­ci­pa­tion tubi­zienne, semble moins durable.

Par la suite, d’autres groupes locaux qui rompent les ponts avec le PS rejoignent gra­duel­le­ment le MS : il en est ain­si dans l’arrondissement de Dinant-Phi­lip­pe­ville, mais aus­si à Amay, Andenne, Ander­lues, Ath, Braives et Nivelles. Quelques anciens éche­vins socia­listes ral­lient le Mou­ve­ment à titre per­son­nel, tels Jean-Pierre Molle (Flo­rennes, Affaires sociales) et Éric Col­lin (Cou­vin, Ensei­gne­ment et Culture).

Le MS entend défendre un pro­gramme authen­ti­que­ment socia­liste, qu’il estime « tra­hi » par la for­ma­tion d’Elio Di Rupo. Il se posi­tionne à la gauche du PS, à l’instar du Par­ti de gauche, fon­dé en France par Jean-Luc Mélan­chon. Il plaide en faveur d’une sécu­ri­té sociale ren­for­cée, d’une réforme fis­cale favo­rable aux petits et moyens reve­nus, d’une moder­ni­sa­tion de la jus­tice et d’une démo­cra­tie citoyenne.

Au plan local, le MS a quelques points d’ancrage solides. Ceux-ci ten­dant, tou­te­fois, à s’éroder, comme en témoignent les résul­tats du scru­tin com­mu­nal du 8octobre 2006. Ain­si, à Ander­lues, le dépu­té-bourg­mestre José Canon, brouillé avec son ancienne majo­ri­té abso­lue socia­liste, brigue le mayo­rat. Sa liste décroche 25,5% des voix et cinq sièges, mais elle est relé­guée dans l’opposition. À Binche, la liste plu­ra­liste Union, conduite par A. Navez, rem­porte 45,9% des suf­frages et seize sièges, pour 39,7% et qua­torze sièges au PS, 6,7% et un siège au MR. Cepen­dant, la défec­tion d’une conseillère, qui s’allie comme indé­pen­dante au PS et au MR, per­met le ren­ver­se­ment de la majo­ri­té locale. C’est l’élu socia­liste qui récolte le plus de voix de pré­fé­rence, en l’occurrence Laurent Devin, et non Marie Are­na, qui devient bourgmestre.

Aux plans fédé­ral et régio­nal, par contre, le MS ne par­vient pas à dépo­ser des listes dans toutes les cir­cons­crip­tions du Sud du pays. Il ne perce pas. Lors du scru­tin fédé­ral du 18 mai 2003, il obtient 0,4% des voix en Wal­lo­nie. Aux élec­tions régio­nales du 13juin 2004, dans le même espace, il fait moins bien encore : 0,1% des suf­frages. Il est absent du scru­tin fédé­ral du 10juin 2007.

Le 23 mars 2007, lors d’une assem­blée géné­rale, le Mou­ve­ment socia­liste affirme plus net­te­ment sa volon­té de « ras­sem­bler les gauches ». Il pré­cise cette option, deux ans plus tard 9. C’est à la « gauche de trans­for­ma­tion », répu­tée « alter­na­tive et plu­rielle » que la main est ten­due, pour­vu qu’elle accorde la prio­ri­té à quatre enjeux : la lutte contre la crise éco­no­mique et finan­cière, l’approfondissement de la réforme de l’État, la défense de la laï­ci­té face au retour en force du reli­gieux et la pré­ser­va­tion des res­sources natu­relles de la bio­sphère. Il n’est pas ques­tion d’envisager la voie « anti­ca­pi­ta­liste », jugée pure­ment néga­tive. À ses éven­tuels par­te­naires, le MS pro­pose d’établir un pro­gramme syn­thé­tique et cohé­rent, puis de struc­tu­rer une nou­velle for­ma­tion com­mune de manière démo­cra­tique, en pro­cé­dant de la base au som­met. Cet appel demeure sans réponse.

Iso­lé, le MS ne perd pas espoir, cepen­dant. Aux élec­tions régio­nales du 7juin 2009, il croit pou­voir conqué­rir deux sièges, l’un en Hai­naut et l’autre dans une cir­cons­crip­tion lié­geoise. Pour atteindre pareils résul­tats, il compte sur le ral­lie­ment de Michel Lizin, époux de la popu­laire Anne-Marie Lizin, bourg­mestre de Huy sus­pen­due par le Par­ti socia­liste, puis accu­lée à la démis­sion pour irré­gu­la­ri­tés dans la ges­tion du Centre hos­pi­ta­lier régio­nal. En réa­li­té, le par­ti obtient à peine 6470 voix (0,3% du total), avec des pointes dans la cir­cons­crip­tion de Thuin (3,6%), grâce à A. Navez, et dans le can­ton de Huy (2,9%), avec M. Lizin.

En vue des élec­tions fédé­rales du 13juin 2010, le Mou­ve­ment socia­liste adopte le sigle de MSPlus : il veut signi­fier par là qu’il s’est ouvert à d’autres mou­vances, notam­ment à des can­di­dats issus de la CSC et du Par­ti com­mu­niste. Il axe son pro­gramme sur quatre enjeux : la réforme ban­caire et fis­cale, la défense de la laï­ci­té, l’instauration du confé­dé­ra­lisme, avec trans­fert aux Régions de toute la poli­tique éco­no­mique et de la per­cep­tion de l’impôt, la pla­ni­fi­ca­tion éco­lo­gique. Une nou­velle fois, dans la cir­cons­crip­tion de Liège, il place en tête de liste le Hutois Michel Lizin, qui dit « vou­loir renouer avec les vrais valeurs de la gauche 10.

Les scores réa­li­sés sont faibles à la Chambre :

– cir­cons­crip­tion du Bra­bant wal­lon : pas de liste déposée ;

– cir­cons­crip­tion du Hai­naut : 1031 voix (0,14%);

– cir­cons­crip­tion de Liège : 1293 voix (0,21%);

– cir­cons­crip­tion du Luxem­bourg : 135 voix (0,08%).

– cir­cons­crip­tion de Namur : 368 voix (0,13%).

Dans le col­lège élec­to­ral fran­çais du Sénat, le par­ti recueille 3981 voix (1,16% des suffrages).

Mani­fes­te­ment, les appels lan­cés en faveur d’une « alter­na­tive socia­liste », assor­tis de posi­tions très laïques et d’une option confé­dé­ra­liste peu argu­men­tée, ne convainquent guère. Pas­sé le temps des res­sen­ti­ments locaux, le MSPlus ne semble guère avoir de pers­pec­tive d’avenir.

Le Parti populaire (PP)

L’évolution décrite ci-des­sous se décline en quatre étapes : l’accession de Rudy Aer­noudt à la noto­rié­té média­tique, la créa­tion de LiDé, l’échec de son arri­mage au MR et de sa pre­mière par­ti­ci­pa­tion élec­to­rale, les débuts du Par­ti populaire.

**Acces­sion de R.Aernoudt à la noto­rié­té médiatique

Titu­laire de plu­sieurs diplômes uni­ver­si­taires (éco­no­mie, éco­no­mie euro­péenne, phi­lo­so­phie), Rudy Aer­noudt com­mence sa car­rière à la Com­mis­sion euro­péenne, comme char­gé du contrôle des aides publiques régio­nales. De sen­si­bi­li­té libé­rale, il est l’auteur de plu­sieurs études sur la cor­rup­tion et sur la manière de la com­battre. En 2001, il devient chef de cabi­net adjoint de Serge Kubla (MR), ministre wal­lon de l’Économie, des Entre­prises, de la Recherche & déve­lop­pe­ment, dont il demeu­re­ra un ami per­son­nel. En 2003, il est nom­mé chef de cabi­net de Fientje Moer­man (VLD), ministre fédé­rale de l’Économie, de l’Énergie, du Com­merce exté­rieur et de la Poli­tique scien­ti­fique. Il pour­suit sa col­la­bo­ra­tion avec l’intéressée, lorsqu’elle devient ministre fla­mande de l’Économie.

En 2006, Aer­noudt se fait connaitre du grand public comme auteur de l’ouvrage Wal­lo­nie-Flandre, je t’aime moi non plus. En réponse au mani­feste du groupe de La Warande en faveur de l’indépendance éco­no­mique de la Flandre, il bat en brèche une série de pré­ju­gés véhi­cu­lés sur la Wal­lo­nie et tente de démon­trer la per­ti­nence de l’unité belge. La même année, il dénonce des irré­gu­la­ri­tés de ges­tion qu’aurait com­mises la ministre Moer­man, accu­lée à la démis­sion quelques mois plus tard. Il devient secré­taire géné­ral du dépar­te­ment Éco­no­mie, Science et Inno­va­tion de l’administration fla­mande. En 2007, il publie Bruxelles, l’enfant mal-aimé, afin de mettre en lumière les atouts, à ses yeux sous-exploi­tés, de la capi­tale pour l’ensemble du pays.

Licen­cié de l’administration fla­mande en 2007, Aer­noudt expose les vicis­si­tudes de sa car­rière dans Péri­pé­ties d’un cabi­net­tard. En 2008, il crée un think tank bilingue, « Bel­gië Anders – La Bel­gique Autre­ment », mul­ti­plie les confé­rences en Wal­lo­nie et à Bruxelles, tout en publiant, avec le séna­teur MR Alain Des­texhe, l’ouvrage contro­ver­sé Com­ment l’État gas­pille votre argent.

Proche du libé­ral radi­cal fla­mand Jean-Marie Dede­cker, l’ancien haut fonc­tion­naire reven­dique la pater­ni­té du pro­gramme socioé­co­no­mique du par­ti épo­nyme (Lijst Dede­cker, LDD), qui effec­tue une per­cée aux élec­tions légis­la­tives du 10juin 2007 en Flandre. Durant l’automne 2008, pen­dant quelques semaines, la presse prête au duo Dede­cker-Aer­noudt l’intention de créer un « par­ti-frère » de la LDD en Wal­lo­nie et à Bruxelles. L’information est démen­tie for­mel­le­ment le 19 octobre 2008, lorsque le second nom­mé se lance dans l’arène poli­tique pour son propre compte. Aer­noudt par­tage, sans doute, les vues socioé­co­no­miques de Dede­cker, mais il se sépare de ce der­nier sur le ter­rain com­mu­nau­taire. Loin d’être confé­dé­ra­liste, il ne peut se ral­lier à la for­mule de l’ancien entrai­neur de l’équipe natio­nale de judo : « Avec la Bel­gique si c’est pos­sible, sans elle s’il le faut ». Il défend le prin­cipe d’un trans­fert de com­pé­tences « vers le niveau de pou­voir le plus effi­cace », n’excluant pas la rétro­ces­sion de cer­taines matières à l’État fédé­ral (Le Soir, 20 et 24octobre 2008).

Création de LiDé

Le 20 octobre 2008, R. Aer­noudt annonce son inten­tion de fon­der un nou­veau par­ti en Wal­lo­nie et à Bruxelles, en vue des élec­tions régio­nales et euro­péennes du 7 juin 2009. Il s’en prend aux maux qui acca­ble­raient l’État : inef­fi­ca­ci­té du sec­teur public, gas­pillages, para­si­tisme et copi­nage. Il entend, dit-il, « renouer avec une fonc­tion publique per­for­mante, mettre un terme au clien­té­lisme orga­ni­sé, don­ner de l’oxygène à ceux qui veulent faire quelque chose de leur vie, inver­ser la logique d’une région où les hommes poli­tiques pro­tègent ceux qui ne tra­vaillent pas et où une per­sonne sur deux tra­vaille dans l’administration ou béné­fi­cie d’allocations de chô­mage ». Aer­noudt s’adresse à trois groupes cibles : « les gens qui tra­vaillent et qui gagnent à peine davan­tage que ceux qui ne tra­vaillent pas ; ceux qui veulent tra­vailler et sor­tir à tout prix du chô­mage ; ceux qui ont tra­vaillé et ont droit à une pen­sion » (Le Soir, 20 et 24octobre 2008).

Sur son cap poli­tique en termes d’alliance, le nou­veau venu se montre à la fois clair et nébu­leux. Il cultive un anti­so­cia­lisme patent : « Il faut beau­coup de cou­rage, en Wal­lo­nie, pour ne pas être socia­liste. Il faut une autre vague pour ren­ver­ser la vague PS ». Cepen­dant, il se montre cri­tique envers les libé­raux réfor­ma­teurs ; « Je me sens proche de beau­coup de gens au MR. Mais, comme au VLD, il y a au MR de gros embou­teillages sur la bande du milieu. Moi, je passe par celle de droite » (Le Soir, 24octobre 2008).

Ample­ment média­ti­sées, de telles décla­ra­tions embar­rassent le MR. Le par­ti de Didier Reyn­ders entend, en effet, confir­mer le « bas­cu­le­ment du centre de gra­vi­té du pay­sage poli­tique fran­co­phone » réa­li­sé en 2007, en conso­li­dant son rang de pre­mière for­ma­tion en Com­mu­nau­té fran­çaise, en Wal­lo­nie et à Bruxelles. De la sorte, il per­met­trait à son pré­sident de « prendre la main » en juin2009, en vue de for­mer les gou­ver­ne­ments com­mu­nau­taires et régio­naux. Or, l’arrivée d’un concur­rent, posi­tion­né à la droite du MR, à même de cap­ter les suf­frages des déçus du libé­ra­lisme, pour­rait entrai­ner des pertes de voix et de sièges pré­ju­di­ciables à la réa­li­sa­tion de ce scé­na­rio. On com­prend dès lors qu’à l’avenue de la Toi­son d’Or, les diri­geants se montrent cir­cons­pects, dans l’attente de la publi­ca­tion du pro­gramme de R. Aernoudt.

C’est chose faite le 3 novembre 2008. Aer­noudt annonce que son par­ti por­te­ra le sigle de LiDé (pour Libé­ral Démo­crate). Éric Bru­ck­mann et Jacques Lit­wak en sont les co-fon­da­teurs. La nou­velle for­ma­tion entend « créer un élec­tro­choc en Wal­lo­nie, remettre les citoyens au centre des dis­cus­sions, lut­ter contre les inco­hé­rences et les gas­pillages du sys­tème, contre le clien­té­lisme et les magouilles, ban­nir la culture de l’assistance » (La Libre Bel­gique, 3 et 14 novembre 2008).

Au pro­gramme ins­ti­tu­tion­nel de LiDé figurent la sup­pres­sion des pro­vinces et des Com­mu­nau­tés, ain­si que la créa­tion d’une cir­cons­crip­tion élec­to­rale fédé­rale. En matière socioé­co­no­mique, le par­ti pré­co­nise la limi­ta­tion des allo­ca­tions de chô­mage dans le temps, la sup­pres­sion du stage d’attente, la lutte contre le tra­vail au noir, l’instauration d’une taxa­tion unique (flat tax) de 25% à par­tir de 12500euros de reve­nus bruts par per­sonne, l’abolition des sub­ven­tions publiques aux entre­prises et du paie­ment des allo­ca­tions de chô­mage par les syn­di­cats. Pour mettre fin aux « gas­pillages », il plaide en faveur d’une fusion des dif­fé­rents réseaux d’enseignement, d’une réduc­tion dras­tique des effec­tifs des cabi­nets minis­té­riels et d’un rem­pla­ce­ment des fonc­tion­naires à rai­son d’un tiers des départs à la retraite. Il annonce le dépôt de listes dans les cir­cons­crip­tions où il estime pou­voir décro­cher un siège : Bruxelles, Char­le­roi, Liège, Mons et Namur.

La publi­ca­tion du pro­gramme de LiDé lance le débat : Aer­noudt et son mou­ve­ment seraient-ils popu­listes ? Jérôme Jamin, poli­to­logue à l’université de Liège (Le Soir, 20 octobre 2008), et Michel Qué­vit, pro­fes­seur émé­rite à l’UCL (La Libre Bel­gique, 28 février/1er/sup>mars 2009), sont enclins à le pen­ser : dans le chef des libé­raux démo­crates, ils relèvent notam­ment une forte pro­pen­sion à tenir un dis­cours déma­go­gique axé sur le « bon sens », une pré­sen­ta­tion sim­pli­fi­ca­trice des enjeux de la vie publique, un rejet des « élites mani­pu­la­trices » et des acteurs inter­mé­diaires entre le peuple et le pou­voir (par­tis, syn­di­cats, admi­nis­tra­tions). Ils épinglent aus­si une ten­dance à oppo­ser sys­té­ma­ti­que­ment « le bon tra­vailleur wal­lon au fonc­tion­naire fai­néant ». De son côté, Vincent de Coore­by­ter ne retrouve pas chez Aer­noudt, à un degré suf­fi­sam­ment éle­vé, les quatre carac­té­ris­tiques prin­ci­pales du popu­lisme (Deleers­ni­j­der): l’antiélitisme, l’antiparlementarisme, la déma­go­gie et l’appel lan­cé au peuple pour qu’il se dresse contre les pou­voirs éta­blis, les défie et les fasse plier. Selon le direc­teur géné­ral du Crisp, le pro­gramme de LiDé relaie­rait plu­tôt les vues du libé­ra­lisme radi­cal. Deux obser­va­teurs — le jour­na­liste Paul Piret (La Libre Bel­gique, 21octobre 2008) et le poli­to­logue lié­geois Pierre Ver­jans (La Libre Bel­gique, 23 février 2009) — sou­tiennent une thèse inter­mé­diaire : selon la for­mule de Piret, la démarche du nou­veau par­ti « s’inscrit aux lisières incer­taines qui séparent un libé­ra­lisme pur et dur d’un popu­lisme assu­mé ». Tel est éga­le­ment mon diagnostic.

Échec de l’arrimage au MR et insuccès électoral

Au sein du MR, la créa­tion de LiDé fait appa­raitre des diver­gences de vues stra­té­giques (La Libre Bel­gique, 24 octobre et 15 – 16 novembre 2008). Une par­tie des réfor­ma­teurs ancrée à droite (D. Reyn­ders, S. Kubla, A. Des­texhe, A. Zen­ner…) pense qu’il faut « unir les forces du chan­ge­ment, d’autant qu’il y a suf­fi­sam­ment de pas­se­relles entre les idées d’Aernoudt et celles des libé­raux ». Une autre frac­tion (L. Michel, Ch. Defraigne, le FDF et le MCC) rap­pelle la phrase célèbre de Jean Gol : « À force de ratis­ser large, on reste avec le manche du râteau en main ». Refu­sant de trans­for­mer le MR en « auberge espa­gnole », elle pointe les sim­plismes de R. Aer­noudt, notam­ment lorsque ce der­nier s’exprime sur le chô­mage. De son côté, le FDF fait remar­quer qu’au plan ins­ti­tu­tion­nel, le fon­da­teur de LiDé s’écarte de la charte du Mou­ve­ment réfor­ma­teur sur des points essen­tiels : la conso­li­da­tion de la Com­mu­nau­té fran­çaise, l’élargissement de Bruxelles, le main­tien de BHV… Le par­ti ama­rante s’inquiète, de sur­croit, des liens d’Aernoudt avec des per­son­na­li­tés contes­tées, comme l’ancien dépu­té UDRT Pas­cal de Rou­baix, répu­té proche de l’extrême droite.

En fin de compte, le choix stra­té­gique auquel le MR est confron­té prend la forme d’une alter­na­tive. Celle-ci est clai­re­ment pré­sen­tée par V. de Coore­by­ter (Le Soir, 27janvier 2009) en ces termes : soit Reyn­ders attire Aer­noudt sur une liste du MR « en lui pro­po­sant une place éli­gible de manière à évi­ter sa concur­rence », mais il encourt alors le risque de « l’encourager à faire mon­ter les enchères en récla­mant d’autres places éli­gibles pour les cadres de son par­ti », soit il le laisse « s’épuiser dans la confec­tion de listes pour le scru­tin régio­nal, exer­cice dif­fi­cile sachant que son par­ti est très récent et que les règles élec­to­rales sont exi­geantes (treize cir­cons­crip­tions pour la seule Région wal­lonne et des listes pari­taires hommes-femmes)».

En réa­li­té, ce n’est pas Reyn­ders, mais bien Aer­noudt qui s’assure la mai­trise de l’agenda des négo­cia­tions : selon la for­mule de Ber­nard Wes­phael, le second nom­mé « réus­sit brillam­ment à faire mon­ter les enchères, alors qu’il ne repré­sente que lui-même » (La Libre Bel­gique, 9février 2009). En débou­lant dans le pay­sage poli­tique et en dou­blant le MR sur sa droite, le fon­da­teur de LiDé force, en effet, les réfor­ma­teurs à se posi­tion­ner par rap­port à son pro­gramme en dix points. Entre­te­nant le sus­pense sur son ral­lie­ment éven­tuel au panache bleu, il agite le spectre d’une cap­ta­tion de l’électorat pro­tes­ta­taire de droite pour ten­ter d’obtenir son inté­gra­tion au camp libé­ral à ses condi­tions : la consti­tu­tion d’un car­tel MR-LiDé, sur le modèle de celui que Vivant a for­mé avec le VLD en Flandre, par laquelle son orga­ni­sa­tion décro­che­rait une repré­sen­ta­tion par­le­men­taire tout en gar­dant sa liber­té de parole. En réa­li­té, estime la presse, Aer­noudt bluffe : il n’a aucun relais en Wal­lo­nie ; ses seuls atouts sont sa noto­rié­té per­son­nelle et sa répu­ta­tion de « franc-par­leur » (Le Soir, 2, 6 et 23 février 2009 ; Le Vif‑L’Express, 13 février 2009).

Le 20 février 2009, sur pro­po­si­tion de Reyn­ders, l’intergroupe par­le­men­taire du MR est invi­té à se pro­non­cer en faveur de l’intégration de LiDé au par­ti. Des stra­tèges libé­raux ont cal­cu­lé qu’à cause de l’apparentement, le dépôt de listes sépa­rées par Aer­noudt pour­rait leur faire perdre quatre sièges. Sur les 53 par­ti­ci­pants, 42 opinent posi­ti­ve­ment, 5 s’opposent et 6 s’abstiennent. Tous les par­le­men­taires du MCC de Gérard Deprez émettent un vote néga­tif. Les repré­sen­tants du FDF se rangent soit dans le camp des oppo­sants, soit dans celui des abs­ten­tion­nistes. Le pré­sident du par­ti est man­da­té pour « cadrer » l’arrivée d’Aernoudt au MR : le nou­veau venu et ses aco­lytes devront adhé­rer per­son­nel­le­ment au Mou­ve­ment réfor­ma­teur et à son pro­gramme, sans pou­voir consti­tuer une ten­dance organisée.

Aer­noudt ne s’en tient pas à ces condi­tions. Dans les jours sui­vants, Oli­vier Main­gain et Didier Gosuin tonnent au nom du FDF : Reyn­ders est som­mé de choi­sir entre LiDé et son alliance avec la for­ma­tion bruxel­loise. À défaut, c’est celle-ci qui ferait implo­ser le MR, dût-elle dépo­ser des listes sépa­rées en vue des élec­tions du 7 juin 2009. Le MCC se joint à la fronde. Son pré­sident annonce qu’il ne se pré­sen­te­ra pas sur la liste euro­péenne du MR, par­ti dont il dénonce « la dérive droi­tière » et l’engagement « sur la voie de l’ultralibéralisme et de l’opportunisme » (Le Soir, 24 février 2009).

Reyn­ders est obli­gé de faire volte-face et d’interrompre l’intégration de LiDé au MR. Aer­noudt déplore cette issue, dénon­çant « une dic­ta­ture de la mino­ri­té et un manque d’éthique » dans le chef du FDF. Dans ces péri­pé­ties, il voit « une farce qui coute cher à son par­ti et lui fait perdre beau­coup de temps » (Le Soir, 24 février 2009). La presse est sévère pour le pré­sident réfor­ma­teur, dont elle épingle la capi­tu­la­tion en rase campagne.

LiDé décide de se pré­sen­ter seul aux élec­tions régio­nales de 2009. Bien­tôt, cepen­dant, le par­ti connait des dis­sen­sions internes. Éric Bru­ck­mann reproche à Aer­noudt d’avoir ins­tru­men­ta­li­sé sa for­ma­tion pour assu­rer son ave­nir per­son­nel, mais aus­si d’avoir suc­com­bé à des « réflexes par­ti­cra­tiques et vani­teux ». Consi­dé­rant que l’ancien fonc­tion­naire s’est exclu lui-même, il exige sa démis­sion et l’élection d’un suc­ces­seur à la pré­si­dence. De son côté, Laurent Nys, coor­di­na­teur de LiDé pour Bruxelles, annonce son retrait : le com­pa­gnon­nage avec un Pas­cal de Rou­baix lui est insup­por­table (La Libre Bel­gique, 7 – 8 mars 2009). Fina­le­ment, Aer­noudt en per­sonne quitte LiDé, esti­mant que ce der­nier est infil­tré par l’extrême droite.

Dépour­vus de lea­deurs, les libé­raux démo­crates déposent des listes dans six cir­cons­crip­tions pour l’élection au Par­le­ment wal­lon : à Char­le­roi, Dinant-Phi­lip­pe­ville, Liège, Mons, Namur et Ver­viers. Ils recueillent 4763 voix, soit 0,2% des suf­frages vala­ble­ment expri­més et n’obtiennent aucun siège. C’en est fini du nou­veau parti.

Les débuts du Parti populaire (PP)

Le 11 juin 2009, Mischaël Modri­ka­men, avo­cat d’affaires, fon­da­teur d’un cabi­net spé­cia­li­sé en conten­tieux et per­son­na­li­té for­te­ment média­ti­sée dans l’affaire du rachat de For­tis Banque par BNP Pari­bas, annonce la créa­tion d’un nou­veau par­ti pour l’automne. Il s’agirait d’une for­ma­tion de droite qui, à l’instar du Par­ti­do Popu­lar de José Maria Aznar, s’assumerait comme telle : « sous une même ombrelle, elle ras­sem­ble­rait, affirme le ténor du bar­reau, la droite libé­rale, la droite conser­va­trice et les déçus du sys­tème, qui votent une fois FN, une fois Éco­lo » (Le Soir, 12 juin 2009).

Au début du mois de septembre2009, le lan­ce­ment du nou­veau par­ti est en bonne voie : le pro­gramme est en cours de rédac­tion, les sta­tuts et le plan de com­mu­ni­ca­tion sont fina­li­sés, le calen­drier des opé­ra­tions est fixé, le nom de la for­ma­tion est choi­si. Il faut encore pro­cé­der à une levée de fonds, de l’ordre d’un demi-mil­lion à un mil­lion d’euros, pour pou­voir faire face aux dépenses. C’est chose faite dans les mois suivants.

Fon­dé offi­ciel­le­ment le 26 novembre 2009, la Par­ti popu­laire – Per­so­nen­par­tij (PP) est une orga­ni­sa­tion poli­tique natio­nale et bilingue, qui entend s’implanter en Wal­lo­nie, en Flandre et à Bruxelles. Il est copré­si­dé par M. Modri­ka­men et R. Aer­noudt. Son bureau poli­tique réunit, en outre, Joël Rubin­feld, ancien pré­sident du Comi­té de coor­di­na­tion des orga­ni­sa­tions juives de Bel­gique, vice-pré­sident, char­gé de la com­mu­ni­ca­tion, Gré­go­ry Mathieu, consul­tant, porte-parole, Natha­lie Noi­ret, fonc­tion­naire à la Com­mu­nau­té fran­çaise, res­pon­sable des jeunes, et Chem­si Ché­ref-Khan, chef d’entreprise, pro­mo­teur d’un islam laïque. Le PP pré­tend incar­ner « la droite décom­plexée ». Arbo­rant les cou­leurs mauve et orange, il a pour slo­gan : « Le citoyen d’abord. Jus­tice, soli­da­ri­té et res­pon­sa­bi­li­té ». Il se posi­tionne clai­re­ment à la droite du MR.

Le pro­gramme du Par­ti popu­laire est plus étof­fé que celui de LiDé, dont il reprend tou­te­fois cer­tains élé­ments 11. En matière socioé­co­no­mique, il pré­voit notam­ment la limi­ta­tion des allo­ca­tions de chô­mage dans le temps, sauf accep­ta­tion d’un tra­vail d’intérêt public par les béné­fi­ciaires, l’abolition des allo­ca­tions d’attente, la sup­pres­sion des coti­sa­tions de sécu­ri­té sociale sur les bas salaires, le recul de l’âge de la retraite, l’augmentation du taux d’emploi et la dimi­nu­tion dras­tique de la pro­gres­si­vi­té de l’impôt, pré­le­vé sur tous les reve­nus glo­ba­li­sés. Dans le domaine de la sécu­ri­té, le PP se pro­nonce en faveur de la tolé­rance zéro, de l’élimination des zones de non-droit, de la réor­ga­ni­sa­tion pro­fonde des sys­tèmes judi­ciaire et car­cé­ral avec, si néces­saire, recours à l’armée pour accom­plir cer­taines tâches. En ce qui concerne l’immigration, le par­ti prône une poli­tique qu’il qua­li­fie de « juste et res­pon­sable » : contrôle des flux, adap­ta­tion des migrants aux valeurs du pays d’accueil, lutte contre le com­mu­nau­ta­risme, inter­dic­tion du port de signes reli­gieux osten­sibles dans les écoles et dans l’exercice de fonc­tions publiques, expul­sion des délin­quants étran­gers mul­ti­ré­ci­di­vistes, recon­duc­tion à la fron­tière des per­sonnes en situa­tion irré­gu­lière. Pour res­ti­tuer aux citoyens leur influence en poli­tique, le PP pré­co­nise l’instauration du scru­tin majo­ri­taire à deux tours et du réfé­ren­dum d’initiative popu­laire, l’abolition de l’effet dévo­lu­tif de la case de tête et des sup­pléances, la fin du vote obli­ga­toire. Au plan ins­ti­tu­tion­nel, il pro­pose l’élection de la moi­tié des par­le­men­taires dans une cir­cons­crip­tion fédé­rale, la trans­for­ma­tion du Bra­bant (sauf l’arrondissement de Lou­vain) en cir­cons­crip­tion admi­nis­tra­tive tri­lingue, la sup­pres­sion des Com­mu­nau­tés et des pro­vinces, la refé­dé­ra­li­sa­tion de cer­taines matières (com­merce exté­rieur, éner­gie, agri­cul­ture, normes envi­ron­ne­men­tales) et l’instauration d’une hié­rar­chie des normes entre niveaux de pou­voir. Bref, c’est une réor­ga­ni­sa­tion du pays axée sur un État fédé­ral et trois Régions qui est envi­sa­gée. En matière d’enseignement, la liber­té abso­lue des parents dans le choix de l’école devrait être garantie.

Le PP compte 600 membres en février 2010, 1300 affi­liés quatre mois plus tard. Il est sou­te­nu par plu­sieurs mil­liers de sym­pa­thi­sants. Par­mi les ral­lie­ments, on relève ceux de dis­si­dents du MR, tel Laurent Louis, pré­sident des Jeunes réfor­ma­teurs de Nivelles.

Le Par­ti popu­laire s’engage dans une cam­pagne élec­to­rale très active, mais non dépour­vue de dif­fi­cul­tés. Misant sur la tenue d’un scru­tin en 2011, il est pris au dépour­vu par la dis­so­lu­tion anti­ci­pée des Chambres, alors que son appa­reil manque d’expérience. Faute de temps, il ne peut pré­sen­ter de listes que dans le col­lège fran­çais du Sénat, ain­si que dans les cir­cons­crip­tions de Wal­lo­nie et de Bruxelles pour la Chambre, non en Flandre. À quelques enca­blures des élec­tions, il connait des sou­bre­sauts internes, notam­ment à Bruxelles, sui­vis d’exclusions et de défec­tions, dont cer­taines ont un par­fum de règle­ments de comptes. Depuis la fin mars2010, M. Modri­ka­men est incul­pé de faux, usage de faux et com­pli­ci­té de blan­chi­ment d’argent dans la faillite, consi­dé­rée comme frau­du­leuse, de la socié­té Donald­son. Épin­glé par les médias, il porte plainte pour dénon­cia­tion calom­nieuse et se pose en vic­time d’un des­sein mal­veillant, visant à nuire à sa formation.

Le débat sur le carac­tère popu­liste du PP est relan­cé. Cer­tains ana­lystes sou­tiennent la thèse d’un par­ti de droite rela­ti­ve­ment clas­sique 12. D’autres, issus de cénacles d’intellectuels de gauche 13, dénoncent des dérives qu’ils qua­li­fient de popu­listes : une pro­pen­sion à oppo­ser le peuple aux élites, consi­dé­rées comme irres­pon­sables, laxistes et obnu­bi­lées par leurs propres inté­rêts, un posi­tion­ne­ment en dehors du sys­tème poli­tique, avec rejet en bloc des par­tis éta­blis, accu­sés d’inefficacité, de clien­té­lisme et de cor­rup­tion, un lien abu­si­ve­ment éta­bli, dans la com­mu­ni­ca­tion, entre immi­gra­tion, cri­mi­na­li­té et insé­cu­ri­té, une rhé­to­rique foca­li­sée sur un « lea­deur vision­naire », reflet d’une cer­taine mégalomanie.

Le 13 juin 2010, à la Chambre, le Par­ti popu­laire réa­lise une per­cée indé­niable, mais moins ample que ce que pré­di­saient cer­tains son­dages. Il obtient les scores suivants :

– cir­cons­crip­tion de Bruxelles-Hal-Vil­vor­de : 21143 voix (2,53%);

– cir­cons­crip­tion du Bra­bant wal­lon : 11461 voix (5,04%);

– cir­cons­crip­tion du Hai­naut : 19852 voix (2,75%);

– cir­cons­crip­tion de Liège : 18642 voix (3,08%);

– cir­cons­crip­tion du Luxem­bourg : 3922 voix (2,44%);

– cir­cons­crip­tion de Namur : 8985 voix (3,12%).

M. Modri­ka­men recueille 6890 voix de pré­fé­rence à Bruxelles-Hal-Vil­vorde, cir­cons­crip­tion dans laquelle il se classe au trente-hui­tième rang. Au Sénat, dans le col­lège fran­çais, le PP réunit 98858 suf­frages (4,01%). Avec 22621 voix de pré­fé­rence, R. Aer­noudt réa­lise le trente et unième score. Au total, la nou­velle for­ma­tion obtient, de jus­tesse et par appa­ren­te­ment, un siège de dépu­té en Bra­bant wal­lon, dévo­lu à Laurent Louis. De la sorte, elle accède au finan­ce­ment public des par­tis, ce qui devrait lui per­mettre de déve­lop­per ses activités.

Deux études du Cevi­pol-ULB 14 sur les trans­ferts de voix entre les scru­tins de2009 et2010 indiquent qu’en Wal­lo­nie, le PP aurait pris 21753 suf­frages au MR, 10827 à Éco­lo, 9489 au CDH, 9149 au FN et 5578 au PS. Il en serait de même à Bruxelles : res­pec­ti­ve­ment, 8983 élec­teurs du MR, 1353 d’Écolo, 868 du CDH et 531 du PS auraient migré vers la nou­velle for­ma­tion. Celle-ci se serait donc affir­mée au détri­ment de tous les prin­ci­paux par­tis, mais sur­tout aux dépens des réfor­ma­teurs et des écologistes.

Au len­de­main du scru­tin, M.Modrikamen émet le com­men­taire sui­vant : « Sans que ce soit un triomphe, nous en sommes bien conscients, notre résul­tat est un bel exploit pour un par­ti lan­cé le 26novembre 2009 et qui a dû se mettre immé­dia­te­ment en ordre de marche pour affron­ter l’électeur avec des moyens tota­le­ment déri­soires […]. Notre par­ti vient de débar­quer sur la plage nor­mande à Oma­ha Beach, il va main­te­nant com­men­cer à se déployer […]. Cela nous don­ne­ra une visi­bi­li­té cer­taine et, osons-nous espé­rer, une recon­nais­sance des médias » (La Libre Bel­gique, 15 juin 2010).

En réa­li­té, l’été est mou­ve­men­té pour le PP. Le copré­sident Aer­noudt entre en conflit avec le dépu­té Louis, après une prise de posi­tion de ce der­nier liant expli­ci­te­ment la pré­sence des Roms à la délin­quance en Bel­gique. La contro­verse est le révé­la­teur d’un malaise plus pro­fond. En effet, le 23aout 2010, Aer­noudt est des­ti­tué, puis exclu de sa for­ma­tion, par une majo­ri­té du bureau poli­tique, pour « déloyau­té » : selon M.Modrikamen, il aurait ten­té de prendre le contrôle du par­ti avec l’aide d’anciens membres de LiDé, pour deve­nir seul maître à bord. L’intéressé conteste cette ver­sion des faits et met en cause la régu­la­ri­té de la pro­cé­dure qui lui est appli­quée. Dans le chef de Modri­ka­men, Aer­noudt dénonce le ral­lie­ment à un « pro­jet sépa­ra­tiste Wal­lo­nie-Bruxelles », avec trans­for­ma­tion du par­ti en for­ma­tion pure­ment fran­co­phone, réplique de la N‑VA en Com­mu­nau­té fran­çaise. L’avocat bruxel­lois conteste ces allé­ga­tions. Il annonce une révi­sion des sta­tuts, des­ti­née à ins­tau­rer une pré­si­dence unique. Telle est la situa­tion au moment où nous écri­vons ces lignes.

À la dif­fé­rence du CDF et du MSPlus, le Par­ti popu­laire n’est pas à pro­pre­ment par­ler une dis­si­dence, même s’il accueille des cadres et des membres issus du sérail libé­ral. Posi­tion­né à la droite du Mou­ve­ment réfor­ma­teur, doté d’un pro­fil assez mar­qué sur des ques­tions de socié­té sen­sibles, il attire à lui des élec­teurs mécon­tents, pro­ba­ble­ment vola­tils, issus de tous les seg­ments du spectre poli­tique. Au len­de­main du der­nier scru­tin et avant les sou­bre­sauts récents, il sem­blait que, pour assu­rer son ave­nir, le PP devait avant tout fidé­li­ser cet élec­to­rat et l’élargir. Mais com­ment y parvenir ?

Depuis que la ziza­nie s’est ins­tal­lée dans ses rangs, on est en droit de se poser d’autres ques­tions. Tout d’abord, la prise de posi­tion de Louis sur les Roms demeu­re­ra-t-elle un inci­dent unique en son genre ou annonce-t-elle, au contraire, une radi­ca­li­sa­tion du par­ti, ten­té d’utiliser la xéno­pho­bie comme attrape-voix en vue de séduire des élec­teurs en déshé­rence du Front natio­nal ? Ensuite, le PP étale ses divi­sions sur la place publique : le com­bat des chefs ne risque-t-il pas de pro­vo­quer une implo­sion de cette for­ma­tion, après une rup­ture entre l’aile sécu­ri­taire (Modri­ka­men) et l’aile anti-esta­blish­ment (Aer­noudt)? Enfin, le Par­ti popu­laire s’est pré­sen­té comme une alter­na­tive au fonc­tion­ne­ment clas­sique de la vie poli­tique, plus res­pec­tueuse des choix des citoyens, étran­gère aux manœuvres et aux que­relles d’ego qui pré­valent dans d’autres états-majors. Comme dans la para­bole de la paille et de la poutre, n’est-il pas en train de s’enliser dans les tra­vers qu’il dénonce chez autrui ?

Quoi qu’il en soit, il est frap­pant de consta­ter qu’à l’instar du PTB+, le PP recourt à un argu­men­taire à relents popu­listes. La crise éco­no­mique, finan­cière, sociale et ins­ti­tu­tion­nelle semble avoir ser­vi de trem­plin aux for­ma­tions uti­li­sant de telles recettes pour drai­ner des votes de protestation.-n

Dans les années soixante, le Mou­ve­ment wal­lon a por­té la reven­di­ca­tion fédé­ra­liste avec suc­cès. Il s’est affai­bli depuis deux décen­nies. Les for­ma­tions poli­tiques qui en émanent ne sont plus, à pré­sent, que l’ombre de leurs devan­cières. Elles sont, de sur­croit, tiraillées entre divers cou­rants et minées pério­di­que­ment par des riva­li­tés per­son­nelles. Une des lignes de frac­ture qui sépare les orga­ni­sa­tions en pré­sence tient à la stra­té­gie : la réunion de la Wal­lo­nie à la France, avec ou sans Bruxelles, est-elle iné­luc­table et passe-t-elle par l’accession préa­lable du Sud du pays à l’indépendance ? Ce débat de fond ali­mente des dis­sen­sions entre ten­dances et leadeurs.

Le Rassemblement Wallonie-France (RWF)

Ce par­ti est la prin­ci­pale incar­na­tion du cou­rant réunio­niste (dit « rat­ta­chiste »), sans pou­voir reven­di­quer un mono­pole en la matière. Durant la majeure par­tie de son exis­tence, il est diri­gé par une per­son­na­li­té contro­ver­sée, dont l’itinéraire est, à cer­tains égards, emblé­ma­tique du par­cours effec­tué par le Mou­ve­ment wal­lon au cours des der­niers lustres : Paul-Hen­ry Gen­de­bien. Ce der­nier est pas­sé du com­bat en faveur du fédé­ra­lisme à la dés­illu­sion à l’égard de pareil sys­tème. Il a évo­lué vers la reven­di­ca­tion de l’indépendance de la Wal­lo­nie, puis vers le scé­na­rio d’une réunion à la France.

Une figure emblématique : Gendebien

Issu du Par­ti social chré­tien, Paul-Hen­ry Gen­de­bien quitte cette for­ma­tion à l’occasion de l’affaire de Lou­vain. Fédé­ra­liste convain­cu, il rejoint le Ras­sem­ble­ment Wal­lon (RW) qu’il pré­side de 1974 à 1979. Sous cette ban­nière, il est dépu­té de l’arrondissement de Thuin (1971), puis par­le­men­taire euro­péen (1979). Il refuse l’alliance avec le FDF bruxel­lois, pré­co­ni­sée par son suc­ces­seur Hen­ri Mor­dant, et quitte le par­ti. En octobre1981, il se pro­nonce en faveur de l’indépendance de la Wallonie.

Gen­de­bien fonde l’Alliance démo­cra­tique wal­lonne (ADW), asso­ciée au PSC, qu’il pré­side de 1985 à 1988, tout en sié­geant sur les bancs du Conseil régio­nal (Par­le­ment) wal­lon. Il devient ensuite délé­gué géné­ral de la Com­mu­nau­té fran­çaise à Paris (1988 – 1996). Lorsqu’il rentre en Bel­gique, il défend la thèse du rat­ta­che­ment de la Wal­lo­nie à la France. Telle est la posi­tion qu’il sou­tient comme can­di­dat aux élec­tions régio­nales du 13juin 1999, sous les cou­leurs de la liste Wallon.

L’analyse que déve­loppe Gen­de­bien rejoint celle d’un cer­tain nombre de cadres et de mili­tants de la mou­vance wal­lonne radi­cale. Elle se fonde sur un constat : le fédé­ra­lisme est un échec, parce qu’il consti­tu­tion­na­lise le sta­tut de mino­ri­té non pro­té­gée des Wal­lons et des Bruxel­lois au sein d’un État bel­go-fla­mand. La Bel­gique n’est pas seule­ment gan­gré­née par le régime des par­tis, elle est aus­si ron­gée de l’intérieur par un natio­na­lisme fla­mand à voca­tion sépa­ra­tiste. Iné­luc­ta­ble­ment, elle est vouée à la dis­lo­ca­tion. La Région wal­lonne péri­clite, elle aus­si, sous la chape de plomb d’un Par­ti socia­liste domi­na­teur et clien­té­liste. Tous les com­pro­mis ins­ti­tu­tion­nels accep­tés par les par­tis tra­di­tion­nels fran­co­phones sont des capi­tu­la­tions. La seule voie vers un ave­nir meilleur passe par une « sépa­ra­tion de velours », démo­cra­tique et paci­fique, sur le modèle tché­co­slo­vaque. Vien­drait alors l’intégration négo­ciée de la Wal­lo­nie, de Bruxelles et des com­munes fran­co­phones de la péri­phé­rie à la Répu­blique fran­çaise, avec main­tien d’une iden­ti­té propre.

Un vecteur : le RWF

Pré­si­dé par Gen­de­bien, le Ras­sem­ble­ment Wal­lo­nie-France est un par­ti plu­ra­liste et inter­clas­siste : il réunit des mili­tants issus de dif­fé­rents milieux phi­lo­so­phiques et sociaux. Il est fon­dé à Char­le­roi, le 27novembre 1999, à la suite du vote par le Par­le­ment fla­mand de réso­lu­tions ten­dant à l’instauration du confé­dé­ra­lisme, per­çu par la mou­vance wal­lonne radi­cale comme une étape vers la conquête de l’indépendance. La créa­tion de la nou­velle for­ma­tion poli­tique résulte du rap­pro­che­ment de trois orga­ni­sa­tions : une par­tie de l’Alliance démo­cra­tique wal­lonne (Paul-Hen­ry Gen­de­bien), les reli­quats du Ras­sem­ble­ment wal­lon (André Libert) et le Mou­ve­ment wal­lon pour le retour à la France (Mau­rice Lebeau). Le RWF compte en son sein une sec­tion bruxel­loise, dénom­mée Ras­sem­ble­ment Bruxelles-France (RBF). De la sorte, il se démarque d’une for­ma­tion réunio­niste pré­exis­tante — le par­ti France, diri­gé par Marie-France Jar­bi­net — qui prône l’indépendance de la Wal­lo­nie comme jalon posé en direc­tion d’un rat­ta­che­ment à l’Hexagone, sans asso­cier Bruxelles à ce pro­ces­sus. Pour le RWF, l’indépendance serait « un inter­mé­diaire désor­don­né, voire chao­tique » (La Libre Bel­gique, 26 mai 2010), dont il faut faire l’économie.

Le mani­feste du RWF 15 expose les objec­tifs et la stra­té­gie du par­ti. Ce der­nier ne compte pas engran­ger des résul­tats à très court terme. Selon lui, la fin de la Bel­gique sera pro­gram­mée uni­la­té­ra­le­ment par la Flandre, lorsque celle-ci y trou­ve­ra un inté­rêt. Entre­temps, le rôle du RWF consiste à « ouvrir les yeux, éveiller les consciences et pré­pa­rer l’avenir ». Ce futur passe par la « redé­cou­verte » de la véri­table iden­ti­té natio­nale wal­lonne, qui est fran­çaise. Le RWF se défend de toute accoin­tance avec un natio­na­lisme eth­nique, lié au sang ou au sol. Dans le chef des Wal­lons et des Bruxel­lois, il pré­co­nise une adhé­sion volon­taire « à l’idée fran­çaise et répu­bli­caine de démo­cra­tie dans la liber­té et l’égalité ». En rejoi­gnant le pays voi­sin, la Wal­lo­nie devien­drait « plus forte, plus viable, plus sociale et plus libre, sans perdre son iden­ti­té, ses spé­ci­fi­ci­tés et sa per­son­na­li­té ». Il en serait de même pour Bruxelles.

Le RWF entend rompre avec l’attitude des quatre par­tis fran­co­phones domi­nants, qua­li­fiés de « néo­bel­gi­cistes ». À son estime, ces for­ma­tions auraient pour objec­tifs de « gérer le pré­sent et d’occuper alter­na­ti­ve­ment le pou­voir ou son appa­rence, dans des gou­ver­ne­ments de ren­contre et de cir­cons­tance ». Flé­tri comme « muni­chois », ce com­por­te­ment aurait pour effet de ber­cer la popu­la­tion wal­lonne d’illusions et de la chlo­ro­for­mer, afin de lui faire accep­ter de nou­velles défaites. Aux yeux du par­ti réunio­niste, la Wal­lo­nie ploie­rait sous le faix du loca­lisme, du pro­vin­cia­lisme, du clien­té­lisme et des oli­gar­chies par­ti­cra­tiques. L’intégration à la France remé­die­rait à ces maux grâce aux ver­tus du scru­tin majo­ri­taire à deux tours, à la redé­cou­verte de la notion de citoyen­ne­té, à l’insertion dans un État-nation struc­tu­ré et dans un espace cultu­rel de rang mondial.

Vicissitudes

Lors des élec­tions fédé­rales du 13mai 2003, le RWF recueille 22732 voix (1,1%) dans les pro­vinces wal­lonnes. La liste réunio­niste concur­rente, France, obtient 5669 suf­frages (0,3%). Au début d’avril2004, la presse (La Libre Bel­gique, 3 – 4avril 2004) annonce que le lea­deur du RW, André Libert, quitte le RWF avec fra­cas pour pré­si­der un groupe inti­tu­lé Wal­lon, qui s’allierait à France. La for­ma­tion de Gen­de­bien explique cette dis­si­dence par le dépit d’une per­sonne, non rete­nue comme tête de liste en vue des élec­tions régio­nales dans l’arrondissement de Char­le­roi. De son côté, Libert invoque un désac­cord de fond, rela­tif à la pré­sence des Bruxel­lois dans le pro­ces­sus de réunion à la France. Lors des scru­tins régio­naux du 13juin 2004, le RWF régresse : 20019 voix (1%) en Wal­lo­nie et 1575 suf­frages (0,4%) à Bruxelles. Il connait alors de sérieuses dif­fi­cul­tés, si l’on en croit Claude Thayse, qui accède à la pré­si­dence pour deux ans : les finances du par­ti sont obé­rées par des cam­pagnes élec­to­rales cou­teuses et les effec­tifs stagnent.

Un redres­se­ment s’opère peu à peu. Aux élec­tions pro­vin­ciales du 8octobre 2006, le RWF recueille 25190 voix. La remon­tée se confirme à l’occasion du scru­tin fédé­ral du 10juin 2007 (1,5% dans le col­lège fran­çais du Sénat, 1,2% dans les cir­cons­crip­tions wal­lonnes de la Chambre). En vue des élec­tions régio­nales et euro­péennes du 7juin 2009, le par­ti mise sur la popu­la­ri­té de cer­tains can­di­dats et sur le patro­nyme de son pré­sident-fon­da­teur. Pour le Par­le­ment wal­lon, il aligne notam­ment Ernest Glinne, ancien ministre socia­liste, ancien bourg­mestre de Cour­celles (deuxième effec­tif à Char­le­roi), Paul-Hen­ry Gen­de­bien (tête de liste à Namur), son épouse Estelle (sep­tième effec­tive à Tour­nai-Ath-Mous­cron) et son fils Jean-Mathieu (troi­sième effec­tif à Arlon-Marche-Bas­togne). Pour le Par­le­ment euro­péen, il compte, entre autres, sur P.-H. Gen­de­bien, tête de liste, Lise Thi­ry, viro­logue connue et fille d’une grande figure du Mou­ve­ment wal­lon, sep­tième effec­tive, et Ernest Glinne, pre­mier sup­pléant. Le RWF pro­gresse quelque peu : il obtient 27955 voix en Wal­lo­nie (1,4%), 1321 suf­frages à Bruxelles (0,3%) et 1,2% des suf­frages pour le Par­le­ment européen.

Tou­te­fois, le pré­sident Gen­de­bien et son secré­taire géné­ral, Laurent Bro­gniet, font l’objet de cri­tiques : ils sont accu­sés d’autoritarisme par cer­tains, pour avoir refu­sé tout débat sur le pro­gramme, la ligne poli­tique et la stra­té­gie du par­ti. La pro­cé­dure sta­tu­taire d’élection à la pré­si­dence devrait être enclen­chée en septembre2009. Le peu d’empressement du titu­laire de la fonc­tion à la mettre en branle pro­voque des heurts avec Jean-Sébas­tien Jamart, rédac­teur en chef de la revue Wal­lo­nie-France, exclu le 21 novembre sui­vant. La consti­tu­tion d’un ticket concur­rent du tan­dem Gen­de­bien-Bro­gniet, for­mé de Jean-Claude Matrige (Liège) et de Serge Havet (Mons), met le feu aux poudres. Les inté­res­sés sont pré­sen­tés par Gen­de­bien comme des « infil­trés », télé­gui­dés par le FDF et par Wal­lon, le par­ti rival : voi­ci venue l’heure du « rifi­fi au RWF 16 ».

La ten­sion est à son comble. Gen­de­bien et Bro­gniet décident d’acheter la pro­tec­tion juri­dique, natio­nale et inter­na­tio­nale, du sigle et du logo de leur for­ma­tion. Ils sus­pendent les sta­tuts, dans l’attente d’une modi­fi­ca­tion. Ils des­ti­tuent les bureaux des comi­tés d’arrondissement de Liège et de Mons. Aux par­ti­sans de leur ligne, et à eux seuls, ils adressent une invi­ta­tion per­son­nelle à un congrès dit « de refon­da­tion », à tenir en janvierc2010. Les dis­si­dents dénoncent un putsch orga­ni­sé par un tan­dem d’autocrates.

Le 30 jan­vier 2010, le RWF tient son dixième congrès, dit « de refon­da­tion ». Il annonce la mise en place d’une direc­tion renou­ve­lée. Le bureau exé­cu­tif s’efface au pro­fit d’un conseil géné­ral. Le par­ti est désor­mais pilo­té par deux copré­si­dents, Gen­de­bien et Bro­gniet, assis­tés de quatre vice-pré­si­dents et d’un secré­taire géné­ral, Phi­lippe Ver­scho­ren. Il se remet en ordre de marche lorsque le scru­tin fédé­ral du 13 juin 2010 se pro­file à l’horizon.

À nou­veau, le patro­nyme du copré­sident est mis en évi­dence. P.-H. Gen­de­bien est tête de liste en pro­vince de Namur. Sa femme, Estelle, est quin­zième can­di­date effec­tive à Liège. Ses enfants, Jean-Mathieu et Cla­ra, sont res­pec­ti­ve­ment troi­sième effec­tif en Luxem­bourg pour la Chambre et quin­zième effec­tive dans le col­lège fran­co­phone du Sénat. Le RWF devien­drait-il une affaire de famille ?

Dans un cli­mat de crise com­mu­nau­taire exa­cer­bée, les scores de la for­ma­tion réunio­niste sont à la hausse, mais dans une mesure infé­rieure aux attentes des mili­tants : 35720 voix à la Chambre et 40393 suf­frages dans le col­lège fran­çais du Sénat. Pour la Chambre, les résul­tats se décom­posent comme suit :

– cir­cons­crip­tion de Bruxelles-Hal-Vil­vor­de : 1550 voix (0,19%, contre 0,28% en 2007);

– cir­cons­crip­tion du Bra­bant wal­lon : 4768 voix (2,10%, contre 1,18% en 2007);

– cir­cons­crip­tion du Hai­naut : 11414 voix (1,58%, contre 1,32% en 2007);

– cir­cons­crip­tion de Liège : 8474 voix (1,40%, contre 0,82% en 2007);

– cir­cons­crip­tion du Luxem­bourg : 2249 voix (1,40%, contre 1,21% en 2007);

– cir­cons­crip­tion de Namur : 7288 voix (2,53%, contre 1,41% en 2007).

Avec 1608 voix de pré­fé­rence, P.-H. Gen­debien réa­lise le qua­rante-neu­vième score dans cette der­nière province.

Alors que la légis­la­ture 2007 – 2010 est mar­quée par la pro­blé­ma­tique com­mu­nau­taire et que cette thé­ma­tique figure à l’avant-plan de la cam­pagne élec­to­rale, le RWF ne décolle guère : jusqu’ici, il n’a pas réus­si à ral­lier de larges pans des élec­to­rats wal­lon et bruxel­lois à la cause de la réunion à la France.

W+

Le par­ti réunio­niste France, dont la porte-parole est la Lié­goise Marie-France Jar­bi­net, se pré­sente dans cer­taines cir­cons­crip­tions wal­lonnes lors de dif­fé­rents scru­tins. Le 13juin 1999, il récolte 7493 voix (0,4%) à la Chambre et 6665 suf­frages (0,3%) au Par­le­ment wal­lon. Aux élec­tions fédé­rales du 18mai 2003, il recueille 5669 voix (0,3%). L’année sui­vante, en Région wal­lonne, il en obtient 2870 (0,1%). Depuis avril2004, il se rap­proche du Ras­sem­ble­ment Wal­lon (RW), avec lequel il s’allie pour don­ner nais­sance au pôle Wal­lon, rebap­ti­sé ensuite Union pour la Wal­lo­nie (UPW).

De son côté, le RW, pré­si­dé par le Caro­lo­ré­gien André Libert, draine 11786 voix (0,6%) en Région wal­lonne, le 13juin 1999. En octobre de la même année, il s’intègre au Ras­sem­ble­ment Wal­lo­nie-France, qu’il quitte en janvier2004. Le 13juin de cette même année, il se pré­sente au scru­tin régio­nal sous le sigle Wal­lon, recueillant 5091 suf­frages (0,3%).

Au pôle Wal­lon, puis à l’Union pour la Wal­lo­nie, for­més de France et du RW, s’agrègent suc­ces­si­ve­ment d’autres orga­ni­sa­tions de petite taille : le mou­ve­ment Citoyens Wal­lons (juin2005 à juillet2007), le Par­ti social démo­cra­tique ita­lien PSDI-WSD de Sal­va­tore Man­ni­no (Fontaine‑l’Évêque) en mars2006, la mou­vance de Claude Thayse, dis­si­dente du RWF et fon­da­trice de Debout la Wal­lo­nie, en juin2008, l’Alliance démo­cra­tique wal­lonne du Ver­vié­tois Claude Hen­rard, en mai2009, l’Alliance des Wal­lons avec la France du Lié­geois Paul Durieux en février2010. Font éga­le­ment par­tie de ce regrou­pe­ment des for­ma­tions plus confi­den­tielles encore, comme le Par­ti répu­bli­cain, de Jean-Pierre Hel­lin-Robert, et Wal­lons de Bruxelles, de Jean-Fran­çois Goosse, ain­si que des dis­si­dents du RWF à titre indi­vi­duel. En février2010, cette nébu­leuse assez com­po­site renonce à l’appellation d’Union pour la Wal­lo­nie : elle devient W+, avec Claude Thayse comme président.

Le pôle Wal­lon et ses ava­tars ulté­rieurs (UPW et W+), réunissent dif­fé­rentes sen­si­bi­li­tés démo­cra­tiques du Sud du pays : régio­na­listes, indé­pen­dan­tistes, fran­co­philes, réunio­nistes, répu­bli­cains, etc. Leur objec­tif est de « sor­tir la Wal­lo­nie de la Bel­gique », c’est-à-dire de la conduire à terme à l’indépendance, en dehors de toute struc­ture comme la Com­mu­nau­té fran­çaise, vouée à l’abolition. Ensuite, le nou­vel État pour­rait, le cas échéant, négo­cier son ados­se­ment à la France en qua­li­té d’associé jouis­sant d’une large auto­no­mie, doté de ses ins­ti­tu­tions propres, de ses com­pé­tences et de son droit.

Dans les pro­vinces de Hai­naut, de Liège et de Namur, le pôle Wal­lon obtient 8688 voix (0,4% du total des suf­frages valables expri­més en Wal­lo­nie), lors du scru­tin fédé­ral du 10juin 2007. Aux élec­tions régio­nales du 7juin 2009, l’UPW dépose des listes dans sept cir­cons­crip­tions sous le sigle Wal­lons (pour : « Wal­lons, agis­sons et lut­tons pour la liber­té et une orga­ni­sa­tion nou­velle soli­daire »). Elle recueille 10008 voix (0,5%). C’est là son pla­fond historique.

W+ se pré­sente aux élec­tions fédé­rales du 13juin 2010 dans quatre cir­cons­crip­tions. Il réa­lise les scores suivants :

– cir­cons­crip­tion du Bra­bant wal­lon : 1136 voix (0,50%);

– cir­cons­crip­tion du Hai­naut : 1679 voix (0,23%);

– cir­cons­crip­tion de Liège : 1675 voix (0,28%);

– cir­cons­crip­tion de Namur : 1367 voix (0,47%).

Avec un total de 5857 suf­frages, le recul est mani­feste. Bref, ni le pôle Wal­lon, ni l’UPW, ni W+ ne réus­sissent à percer.

Réuni à Namur le 20 juin 2010, le bureau élar­gi de W+ tire les conclu­sions de cet échec. À l’unanimité moins deux abs­ten­tions, il modi­fie le nom du par­ti, qui (re)devient le Ras­sem­ble­ment wal­lon. De la sorte, la petite for­ma­tion entend « faire res­sor­tir son esprit ras­sem­bleur et d’héritier du Mou­ve­ment wal­lon » (La Libre Bel­gique, 28 juin 2010). Elle entend « veiller aux inté­rêts de la Wal­lo­nie dans le contexte de la dis­pa­ri­tion pro­bable, à moyen terme, de l’État belge » et « contrer les inten­tions de la Bel­gique conti­nuée dans des par­tis fran­co­phones, qui vivent dans une nos­tal­gie com­mu­nau­ta­riste et bruxello-centriste ».

Alors que des incer­ti­tudes pèsent sur la péren­ni­té de l’État belge et que le natio­na­lisme fla­mand est au plus haut, le RWF et W+ ne décrochent aucune repré­sen­ta­tion par­le­men­taire. Les pers­pec­tives que ces deux for­ma­tions offrent — la réunion à la France avec Bruxelles ou l’indépendance de la Wal­lo­nie sans Bruxelles — ne recueillent pas une adhé­sion suf­fi­sante auprès du corps élec­to­ral, mal­gré les efforts déployés par des mili­tants convain­cus. La divi­sion de la mou­vance wal­lonne radi­cale en cha­pelles et les conflits de per­sonnes qui la minent ne contri­buent pas à assoir la cré­di­bi­li­té de ce courant.

Orien­ta­tions
bibliographiques

- * Deleers­ni­j­der H. (2006), Popu­lisme. Vieilles pra­tiques, nou­veaux visages, Luc Pire.
 — * Wynants P. (2005), « Du PSC au CDH, II : 1999 – 2004 », Cour­rier heb­do­ma­daire du Crisp 1895 – 1896.
 — * Notices sur :
« Chré­tiens démo­crates fédéraux »
« Bel­gische Unie-Union Belge »
« Belgicanisme »
« Mou­ve­ment socia­liste (Bel­gique)»
« Binche »
« José Canon »
« Anne-Marie Lizin »
« Michel Lizin »
« Libé­ral Démocrate »
« Par­ti populaire »
« Rudy Aernoudt »
« Mischaël Modrikamen »
 — * Sites et blogs des formations
concernées :










 — * Les Amis du MS de la pro­vince de Namur sur

(consul­té en 2009)

 — * Sites personnels :


 — * Del­for­geP., Des­tatte Ph., Libon M. (2000 – 2001), Ency­clo­pé­die du Mou­ve­ment wal­lon, Ins­ti­tut Jules Des­trée, 3 vol.
 — * Gen­de­bien P.-H. (2001), Le choix de la France, Luc Pire éditeur.
 — * Gen­de­bien P.-H. (2006), Bel­gique, le der­nier quart d’heure?, Labor.
 — * Gen­de­bien P.-H. (2008), Wal­lons et Bruxel­lois avec la France!, Jean-Marc Dubray éditeur.
 — * Notices sur :
« Alliance des Wal­lons avec la France »
« Laurent Brogniet »
« Paul-Hen­ry Gendebien »
« Ras­sem­ble­ment Wallonie-France »
« Ras­sem­ble­ment Wallon »
« Rattachisme »
« W+ »
 — * Notice sur
:
« Union pour la Wallonie »
Sites et blogs des formations
concernées :




Blog personnel :

  1. « Décla­ra­tion com­mune du CDF et du BUB : liste com­mune Belg. Unie », sur , 6 mai 2010.
  2. « Rap­port d’activités 2008 – 2009 », dans CDF-info, n° 33, p. 2, sur .
  3. « Émer­gence de nou­veaux par­tis en Bel­gique. Com­mu­ni­qué du CDF du 27 mai 2009 », sur .
  4. « Pour l’Europe et pour les cir­cons­crip­tions où il n’y a pas de liste, le CDF pré­co­nise le “vote de conscience” plu­tôt que le report de voix vers une autre liste », dans CDF-info, n° 34, p. 5, sur .»
  5. « Remer­cie­ments », dans CDF-info, n° 35, p. 1,
    sur .»
  6. « Pour­quoi ne pou­vons-nous pas sou­te­nir ou rejoindre le Par­ti popu­laire ? », dans CDF-info, n° 36, p. 6,
    sur .
  7. « Pré­sen­ta­tion du BUB », sur .»
  8. « Nou­veau pro­gramme 2009 », sur .
  9. « Décla­ra­tion du Mou­ve­ment socialiste »,
    sur .
  10. « Michel Lizin tête de liste MS à la Chambre »,
    sur , 14 mai 2010. »
  11. Mani­feste du par­ti popu­laire, sur .
  12. Cf. de Coore­by­ter V., « La droite (et la gauche) », Le Soir, 5 jan­vier 2010.
  13. Comme l’historien de l’ULB Jean-Phi­lippe Schrei­ber, proche du Par­ti socia­liste. Voir « La menace popu­liste », La Libre Bel­gique, 11 mai 2010.
  14. Del­wit P., Gass­ner M., Pilet J.-B., van Haute É., op. cit.
  15. « Le mani­feste du RWF-RBF », sur .
  16. « Rifi­fi au RWF », sur , 31 décembre 2009.

Paul Wynants


Auteur

Paul Wynants est docteur en histoire, professeur ordinaire à l’Université de Namur et administrateur du Crisp – paul.wynants@unamur.be