Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

1948 : les territoires contre la paix

Numéro 05/6 Mai-Juin 1998 - Proche et Moyen-orient par Paul Delmotte

juillet 2008

Voi­ci trente ans, Maxime Rodin­son inti­tu­lait un ouvrage qui allait faire date Israël et le refus arabe. L’au­teur, tou­te­fois, ne stig­ma­ti­sait pas ce refus. S’ins­cri­vant en faux contre « des idées lar­ge­ment répan­dues », il allait, l’un des pre­miers, en expo­ser au public euro­péen les causes et les argu­ments. D’autres, depuis, ont pour­sui­vi les réflexions de Rodin­son, confir­mé ses conclu­sions et, à leur tour, sus­ci­té « un flot de pas­sions inha­bi­tuel ». Des recherches, des conclu­sions, des pas­sions aux­quelles, dix ans plus tard, un évè­ne­ment appa­rem­ment ano­din allait don­ner une nou­velle vigueur : la « déclas­si­fi­ca­tion », en 1978, d’ar­chives israé­liennes rela­tives au pre­mier round du conflit « israé­lo-arabe ». C’est en effet sur la base de ces docu­ments qu’une nou­velle géné­ra­tion d’his­to­riens israé­liens — par­fois qua­li­fiés non sans malice de « révi­sion­nistes » — a entre­pris de bri­ser « de l’in­té­rieur » cer­tains mythes. Pour l’un des plus connus de ces « nou­veaux his­to­riens », Ben­ny Mor­ris, l’ex­pli­ca­tion sio­niste tra­di­tion­nelle, qui veut que les Arabes ne vou­laient pas la paix, « n’est pas conforme aux faits ».

Le monde arabe est-il ou non entré en guerre en 1948 ?

La ques­tion ouvre les cha­pitres que consacre Ilan Pap­pé à la pre­mière guerre israé­lo-arabe de 1948 – 1949. À pre­mière vue pro­vo­ca­trice, elle prend tout son sens au vu du peu d’ar­deur qui, dès le vote en novembre 1947 du plan de par­tage, carac­té­ri­sa les réac­tions des gou­ver­ne­ments arabes à l’é­gard de la Palestine.

La pro­cras­ti­na­tion — et les assauts rhé­to­riques — sem­blèrent en effet carac­té­ri­ser l’at­ti­tude des capi­tales arabes. En témoignent les ter­gi­ver­sa­tions face aux appels de la Ligue arabe qui, ayant très cor­rec­te­ment esti­mé les rap­ports de forces, jugeait que seul un déploie­ment immé­diat des armées arabes aurait pu contre­ba­lan­cer les avan­tages numé­riques et orga­ni­sa­tion­nels des forces juives. Hési­ta­tions qui allaient sérieu­se­ment com­pro­mettre les pré­pa­ra­tifs mili­taires. Misant pro­ba­ble­ment, jus­qu’à leur échec, en avril 1948, sur les capa­ci­tés propres des Pales­ti­niens et des volon­taires arabes d’Al-Kaouk­ji à retour­ner par leur com­bat l’o­pi­nion inter­na­tio­nale en défa­veur de la par­ti­tion, les diri­geants arabes n’ac­cé­lè­re­ront ces pré­pa­ra­tifs que face à la mul­ti­pli­ca­tion des pro­tes­ta­tions popu­laires consé­cu­tive à l’ar­ri­vée des pre­mières vagues de réfu­giés palestiniens.

En tout état de cause, conclut Pap­pé, une inter­ven­tion en Pales­tine ne fai­sait pas par­tie des prio­ri­tés des diri­geants arabes qui ten­tèrent de l’é­vi­ter dans la mesure du pos­sible. Des diri­geants bien plus pré­oc­cu­pés par des ques­tions de poli­tique inté­rieure, étroi­te­ment liées — pour l’É­gypte et l’I­rak — à l’im­pé­ra­tif de liqui­der les encom­brants ves­tiges du colo­nia­lisme bri­tan­nique. Et, plus encore, par les inten­tions de leurs voi­sins arabes. Ce der­nier type d’ap­pré­hen­sion semble en effet avoir pesé de façon déter­mi­nante dans la déci­sion res­pec­tive de chaque État arabe à envoyer des contin­gents en Palestine.

« Regards croisés » et arrière-pensées

À la veille des com­bats, note Pap­pé, « les ser­vices de ren­sei­gne­ment bri­tan­niques esti­maient impos­sible de cer­ti­fier que l’ar­mée égyp­tienne par­ti­ci­pe­rait aux opé­ra­tions ». C’est que Le Caire — où, l’« égyp­tia­nisme » pri­mant les sen­ti­ments ara­bistes, les bureaux sio­nistes avaient long­temps tenu pignon sur rue — était avant tout pré­oc­cu­pé par ses conten­tieux avec Londres quant à l’é­va­cua­tion du canal de Suez et à l’a­ve­nir du Sou­dan. Envoyé en Égypte deux ans plus tôt, Elia­hou Sas­son, en charge de la « sec­tion arabe » de l’A­gence juive, ne s’y étai­til pas lais­sé dire que l’É­gypte « n’au­rait pas d’ob­jec­tion à la créa­tion d’un État juif en Pales­tine » ? Pour l’his­to­rien israé­lien Yoav Gel­ber, cité par Pap­pé, Londres avait même craint, un temps, la for­ma­tion d’un axe israé­lo-égyp­tien hos­tile à la Grande-Bre­tagne… Ce n’est en fait que sous la pres­sion popu­laire que l’É­gypte aurait déci­dé d’a­gir. Et à la suite des injonc­tions du roi Farouk, sou­cieux de trou­ver une issue à son impo­pu­la­ri­té et de garan­tir son rôle régio­nal face aux ambi­tions hégé­mo­niques des Haché­mites au pou­voir à Bag­dad et à Amman. C’est, dit Pap­pé, la déter­mi­na­tion trans­jor­da­nienne à inter­ve­nir qui déci­da le Sénat à approu­ver l’in­ter­ven­tion égyptienne.

Des craintes que par­ta­geait la Syrie. L’ac­ti­visme de Damas en faveur d’une inter­ven­tion s’ex­pli­quait peut-être par cer­tains pro­jets « grandsyriens3 » en Pales­tine. Mais cela d’au­tant plus que la réa­li­sa­tion de ceux-ci aurait don­né à la Syrie un « poids » accru face aux ambi­tions des deux régimes, voi­sins et cou­sins, d’I­rak et de Trans­jor­da­nie. Ain­si, la fai­blesse du contin­gent syrien dépê­ché en Pales­tine s’ex­pli­quait peut-être par les sou­cis inté­rieurs du Bloc natio­nal, au pou­voir, mais fra­gi­li­sé depuis les élec­tions de l’é­té 1947. Le « par­ti de l’in­dé­pen­dance » syrienne visait sans doute à se pré­mu­nir des visées d’une oppo­si­tion beau­coup plus radi­cale, tant sur le plan natio­na­liste que sur le plan social4. Mais veillait aus­si à ne pas dégar­nir le pays face aux convoi­tises des Haché­mites et de leurs par­ti­sans en Syrie. Qu’il s’a­gisse des pro­jets ira­kiens dits du Crois­sant fer­tile visant à rat­ta­cher la Syrie à l’I­rak ou de ceux du régent de Bag­dad, Abdou­lil­lah, gui­gnant plus pro­saï­que­ment une fin de car­rière pres­ti­gieuse sur un trône syrien5. Qu’il s’a­gisse des ambi­tions du roi haché­mite de Trans­jor­da­nie, Abdal­lah. Ce der­nier n’a­vait-il pas cares­sé un an plus tôt le pro­jet d’an­nexer le « Dje­bel druze » syrien ? En 1949, Abdal­lah sem­blait, rap­pelle Pap­pé, à nou­veau envi­sa­ger une inva­sion de la Syrie. Et allait d’ailleurs s’en­qué­rir auprès de ses inter­lo­cu­teurs israé­liens des réac­tions éven­tuelles de Tel-Aviv à ce pro­jet : selon Avi Shlaïm, autre « nou­vel his­to­rien », l’un des envoyés israé­liens auprès d’Ab­dal­lah avait eu le sen­ti­ment qu’« en obte­nant Damas, le roi n’au­rait pas insis­té sur l’an­nexion de la Pales­tine arabe »…

À l’op­po­sé, ce serait sur­tout la volon­té de contrô­ler les pro­jets de Damas qui aurait pous­sé les Ira­kiens à envoyer (au détri­ment du poten­tiel requis par la répres­sion de l’a­gi­ta­tion kurde et chiite) des forces, éga­le­ment limi­tées, en Pales­tine. Arrière-pen­sées que sem­blaient d’ailleurs confir­mer les accu­sa­tions de l’op­po­si­tion ira­kienne repro­chant aux auto­ri­tés de Bag­dad de mar­chan­der leur « inac­tion » en Pales­tine contre la révi­sion, à l’é­poque en cours de négo­cia­tion, du trai­té de défense avec Londres. Accu­sa­tions qui auraient sérieu­se­ment contri­bué à leur déci­sion d’« agir ». De même, la logor­rhée bel­li­ciste de l’I­rak allait s’a­vé­rer pro­por­tion­nelle à son éloi­gne­ment géo­gra­phique de la Pales­tine : en 1949, Bag­dad sera le seul bel­li­gé­rant à refu­ser un armis­tice avec Israël. Pro­por­tion­nelle aus­si à son sou­ci d’oc­cul­ter sa cau­tion offi­cieuse aux ambi­tions pales­ti­niennes d’Abdallah6.

Abdalla h et Israël : collaboration…

La volon­té d’Ab­dal­lah de s’ac­ca­pa­rer les par­ties de la Pales­tine dévo­lues par l’O.N.U. à l’É­tat arabe devait déter­mi­ner l’is­sue de la guerre de 1948. En modi­fiant le rap­port des forces sur le champ de bataille.

Expri­mée dès le pre­mier pro­jet de par­tage de la Pales­tine, en 1937, cette volon­té d’an­nexion allait deve­nir la pierre angu­laire de sa politique.

Les motifs prin­ci­paux qui avaient pous­sé Abdal­lah à for­ger dès les années trente et qua­rante des contacts avec les diri­geants du yishouv décou­laient sans doute de la géo­gra­phie. Une real­po­li­tik qu’a­li­men­tait aus­si l’es­poir d’aides finan­cières et de conces­sions ter­ri­to­riales aptes à confor­ter le poids, au sein du concert arabe, d’une Trans­jor­da­nie décriée comme « fan­toche » de la Grande-Bre­tagne. Les ambi­tions du monarque s’ins­cri­vaient en effet aus­si dans ses pro­jets « grand-syriens » qui, pré­ci­sé­ment, s’a­vé­raient avant tout réa­li­sables en Pales­tine. Notam­ment parce que sus­cep­tibles de rece­voir l’a­val de Londres : au début de 1948, l’é­lar­gis­se­ment de la Trans­jor­da­nie à la rive ouest (Cis­jor­da­nie) deve­nait éga­le­ment le leit­mo­tiv de la poli­tique bri­tan­nique. Outre le refus com­mun de voir naitre un État pales­ti­nien régi par Amin Al-Hus­sei­ni, héraut d’un « pales­ti­nia­nisme » aus­si hos­tile aux Anglais qu’aux Haché­mites, la Grande-Bre­tagne y voyait aus­si la pos­si­bi­li­té de res­ter, via son seul allié local fiable, « impli­quée » dans une région dont la « perte » de l’Inde avait rehaus­sé la valeur stratégique7.

Négo­ciées lors de ren­contres secrètes, les pro­messes non écrites que s’é­taient échan­gées envoyés d’Ab­dal­lah et émis­saires sio­nistes pré­voyaient l’an­nexion par la Trans­jor­da­nie des zones den­sé­ment peu­plées de « Judée » et de « Sama­rie » contigües au royaume ain­si que la recon­nais­sance, ne fut-ce que tacite, du futur Israël qu’Ab­dal­lah s’en­ga­geait à ne pas attaquer.

… Conflictuelle

Cepen­dant, rap­pelle Pap­pé, même si l’A­gence juive avait misé dès 1946 sur les avan­tages qu’of­fraient les pro­jets du roi, « les Juifs ne pro­mirent jamais à Abdal­lah l’en­semble de la zone allouée par les Nations unies à l’É­tat arabe de Pales­tine ». Et Ben Gou­rion n’a­vait-il pas décla­ré à un repré­sen­tant amé­ri­cain avoir « droit sur toute la Pales­tine occi­den­tale » (c’est-à-dire du Jour­dain à la Médi­ter­ra­née) ? Conscient de ces réserves, le roi allait de ce fait par­fois se mon­trer, sinon hési­tant quant à son « deal » avec Tel-Aviv8, du moins sou­cieux de gar­der deux fers au feu.

Tout comme l’É­gypte se voyait for­cée, mal­gré ses sus­pi­cions, d’im­pli­quer dans le conflit la seule force mili­taire arabe valable, la Légion arabe trans­jor­da­nienne, Abdal­lah eut, du moins dans un pre­mier temps, besoin de l’É­gypte. À ses yeux, en effet, des pres­sions mili­taires égyp­tiennes au sud de la Pales­tine — même si elles visaient à contrer les ambi­tions trans­jor­da­niennes — pou­vaient favo­ri­ser à la fois sa main­mise sur le centre du pays et… les conces­sions israé­liennes. Misant sur son atout mili­taire — et sur la marge de manoeuvre que lui confé­rait le fait d’être le seul à ne pas craindre des dif­fi­cul­tés inté­rieures -, Abdal­lah allait reven­di­quer la direc­tion des opé­ra­tions afin de s’as­su­rer de l’o­rien­ta­tion du conflit… tout en conser­vant son accord avec les sio­nistes. Constat una­nime, la Trans­jor­da­nie ne s’en­ga­gea réso­lu­ment dans la guerre que là où ses conten­tieux avec Israël res­taient ouverts. Ce fut le cas à Jérusalem.

Éla­bo­ré en mars 1948, le « plan D » (« Dalet ») pré­voyait que les Israé­liens s’emparent des quar­tiers arabes adja­cents aux quar­tiers juifs de Jéru­sa­lem ain­si que du quar­tier armé­nien. « En der­nière ana­lyse, pré­cise Pap­pé, il pré­voyait l’oc­cu­pa­tion de la majeure par­tie de Jéru­sa­lem, excep­té les quar­tiers chré­tien et musul­man de la Vieille Ville. » Dont l’i­so­le­ment consé­cu­tif, sup­po­sait-on, entrai­ne­rait l’exode des habi­tants. La Légion arabe, entrée à Jéru­sa­lem le 19 mai, mit ce plan en échec. Et sa pug­na­ci­té, confor­tant celle des « alliés » arabes9, explique sans doute pour­quoi les Israé­liens acce­ptèrent, avec « enthou­siasme » selon Pap­pé, une pre­mière trêve trois jours plus tard. Dès le 25 mai, Abdal­lah, ayant conquis l’en­semble de la Pales­tine arabe, accep­ta à son tour la trêve et s’ef­for­ça ensuite de convaincre les autres capi­tales arabes de faire de même.

Entre-temps cepen­dant, les choses avaient bou­gé sur le ter­rain : les Israé­liens avaient repous­sé les forces syriennes et libanaises10 au nord et infli­gé au sud une débâcle aux Égyp­tiens. Grâce à la non-inter­ven­tion de la Légion. L’« ivresse de la vic­toire », écrit Pap­pé, devait alors les mener à cher­cher à repous­ser la trêve, à « conqué­rir le plus grand nombre de ter­ri­toires avant la par­tie diplo­ma­tique » et à… mettre en jeu l’ac­cord avec les Trans­jor­da­niens. Dans le but de cap­tu­rer le « Tri­angle », les Israé­liens atta­quèrent Jénine. La trêve, effec­tive le 11 juin, les pri­va d’une vic­toire, mais leur per­mit de se renforcer.

Abdal­lah, qui dès la pre­mière semaine de com­bats avait atteint ses buts en Pales­tine, aurait expri­mé — d’emblée et contre son gou­ver­ne­ment — ses voeux d’une paix offi­cielle et non seule­ment de fac­to. Pour le roi, c’é­tait là la meilleure garan­tie contre les appé­tits israé­liens en Cis­jor­da­nie. Ce furent, conclut Pap­pé, les pres­sions arabes et — lorsque les com­bats reprirent pour une « guerre des dix jours » (9 – 18 juillet 1948) — l’of­fen­sive israé­lienne sur Jéru­sa­lem qui main­tint la Légion dans la guerre11. La prise, le 12 juillet — lors de l’o­pé­ra­tion « Dani » diri­gée par Yitz­hak Rabin -, de Lyd­da et Ram­leh, qu’Ab­dal­lah avait « dégar­nies » pour faire face aux attaques sur Jéru­sa­lem, fut, pour­suit Pap­pé, la pre­mière action israé­lienne visant à occu­per des zones dévo­lues à l’É­tat arabe. Elle ne fut pas la dernière.

À Tel-Aviv, en effet, l’u­ti­li­té de main­te­nir l’en­tente avec Amman fut à diverses reprises remise en ques­tion. Cer­tains, notam­ment dans les cercles mili­taires, sou­hai­taient s’emparer au moins de cer­taines par­ties de la Cis­jor­da­nie. En sep­tembre et octobre 1948, puis, par trois fois entre décembre 1948 et avril 1949, le gou­ver­ne­ment israé­lien prit en consi­dé­ra­tion, sur la sug­ges­tion de Ben Gou­rion, l’i­dée d’une attaque contre les zones tenues par Abdal­lah. Enfin, en mars 1949, alors que l’ou­ver­ture deux mois plus tôt de pour­par­lers d’ar­mis­tice avec l’É­gypte fai­sait craindre au roi la conclu­sion d’un accord israé­lo-égyp­tien à son détri­ment, les Israé­liens annon­cèrent aux Trans­jor­da­niens qu’ils vou­laient recon­si­dé­rer l’a­ve­nir de la « Sama­rie ». Et exi­gèrent le « petit Tri­angle » en « com­pen­sa­tion » de leur recon­nais­sance de l’an­nexion par le roi de la Cis­jor­da­nie. Abdal­lah obtem­pé­ra le 1er juin 194912.

La bataille du Néguev

En attri­buant le Néguev à l’É­tat juif13, l’U.N.S.C.O.P. avait inno­vé : le rap­port Peel (1937) et le plan Mor­ri­son-Gra­dy (1947) ran­geaient tous deux cette région du sud de la Pales­tine man­da­taire dans la zone arabe. Ber­na­dotte allait reprendre — au vu des posi­tions des armées et à la satis­fac­tion de Londres14 — ces pre­mières concep­tions. Il envi­sa­geait l’é­change de ter­ri­toires (le « prin­cipe Jes­sup ») et l’in­ver­sion du plan de par­ti­tion : la Gali­lée occi­den­tale serait don­née à Israël, et le Néguev aux Arabes.

En juillet 1948, la reprise des com­bats avait été une ini­tia­tive égyp­tienne, per­çue avec appré­hen­sion par ses « alliés » arabes. La « guerre des dix jours » se sol­da néan­moins, pour Israël, par de nou­veaux gains ter­ri­to­riaux : au nord, la Gali­lée occi­den­tale tom­ba sous le contrôle qua­si total des forces juives. À cette époque, note Pap­pé, le jour­nal de Ben Gou­rion « révèle son appré­hen­sion constante d’une trêve pré­ma­tu­rée ». Et pour­tant, au Néguev, ce qui parais­sait de la part des Égyp­tiens un achar­ne­ment dénué d’es­poir — face à la pro­gres­sion israé­lienne et étant don­né la défec­tion dès le 12 juillet de la Légion arabe — sem­blait avoir un but pré­cis : à lire Pap­pé, si Le Caire cher­chait encore des « gains pos­sibles » dans le Néguev, c’é­tait déjà dans la pers­pec­tive de voir ceux-ci consti­tuer une « mon­naie d’échange ».

Une pers­pec­tive qu’une par­tie des diri­geants sio­nistes sem­blèrent prendre en consi­dé­ra­tion. Moshé Sha­rett sem­blait en effet « dis­po­sé à envi­sa­ger un échange de la Gali­lée occi­den­tale contre le sud du Néguev ». Cepen­dant, rap­pelle Pap­pé, la « colombe prag­ma­tique » qu’é­tait Sha­rett était aus­si une « voix dans le désert » face à Ben Gou­rion, « maitre qua­si incon­tes­té de la déci­sion poli­tique israé­lienne ». Et pour le Pre­mier ministre, le Néguev était visi­ble­ment une priorité.

Le 15 octobre 1948, les Israé­liens — pou­vant concen­trer tous leurs efforts sur le sud et pro­fi­tant des contraintes et de l’é­vo­lu­tion de la poli­tique américaine15 — lan­cèrent une offen­sive éclair, dont Abdal­lah tira d’ailleurs pro­fit pour occu­per Hébron, éva­cuée par les Égyp­tiens. Ils cap­tu­rèrent Beer­she­ba, s’as­su­rant de ce fait le contrôle mili­taire effec­tif du Néguev. En novembre, les Égyp­tiens offrirent un armis­tice — per­ma­nent — en échange de l’a­ban­don par Abdal­lah de la par­tie arabe de la Pales­tine et de la ces­sion à l’É­gypte du sud du Néguev. Israël refu­sa, et les com­bats reprirent en décembre : cette fois, les Israé­liens péné­trèrent au Sinaï égyp­tien, ris­quant une confron­ta­tion ouverte avec les troupes britanniques16 qui fut évi­tée de jus­tesse. Le 7 jan­vier 1949 mar­qua la fin des com­bats avec l’É­gypte. Mais pas celle des ambi­tions de Ben Gou­rion au Néguev. En signant un armis­tice le 24 février, les Égyp­tiens — qui, observe encore Pap­pé, avaient depuis octobre déjà accep­té l’i­dée d’une par­ti­tion — avaient bel et bien recon­nu le contrôle d’Is­raël sur la par­tie du Néguev qu’il déte­nait. Le mois sui­vant, tou­te­fois, les Israé­liens lan­cèrent leurs troupes jus­qu’au golfe d’A­ka­ba. L’o­pé­ra­tion « Fait accom­pli » fit d’une pierre deux coups : elle mit éga­le­ment fin aux pré­ten­tions d’Ab­dal­lah — et de Londres — sur le Néguev. « En mars 1949, le vil­lage de pêcheurs arabes d’Oumm Rash­rash était deve­nu Eilat. »

L’É­gypte devait alors déci­der de ne pas recon­naitre un fait accom­pli opé­ré en vio­la­tion de l’ac­cord d’ar­mis­tice et qui la cou­pait de son hin­ter­land proche-orien­tal et arabe. Le Caire allait s’op­po­ser à l’ac­cès des Israé­liens à la mer Rouge : ce fut, rap­pelle Hen­ry Lau­rens, « le début d’un conten­tieux qui sera la cause des guerres de 1956 et 1967 ». Cet appé­tit ter­ri­to­rial allait éga­le­ment se révé­ler face à la Syrie. Et se dou­bler, chez le Pre­mier ministre, d’une atti­tude que Pap­pé épingle à diverses reprises comme « mépri­sante » à l’é­gard des ouver­tures arabes.

Hosni Zaïm ou le chemin de Damas ?

Arri­vé au pou­voir à Damas par un coup d’É­tat le 30 mars 1949, élu comme can­di­dat pré­si­den­tiel unique au mois de juin sui­vant, le colo­nel Hos­ni Zaïm fit, selon les termes de Pap­pé, des pro­po­si­tions « peu conven­tion­nelles » à Israël. Pen­dant l’é­té 1949, il deman­da à ren­con­trer Ben Gou­rion, offrant une paix en bonne et due forme : échange d’am­bas­sa­deurs, ouver­ture des fron­tières, coopé­ra­tion éco­no­mique et — selon Ben Gou­rion lui-même, cité par Tom Segev… — une « armée conjointe » ! Plus, Zaïm s’en­ga­geait à inté­grer en Syrie quelque 250 000 réfu­giés pales­ti­niens, chiffre qu’il aurait por­té ensuite à 350 000. En échange, il deman­dait la conser­va­tion d’une étroite bande de ter­ri­toire que la Syrie avait conquise à l’ouest de la fron­tière inter­na­tio­nale et don­nant accès au lac de Tibé­riade. Le refus de Ben Gou­rion, exi­geant au préa­lable le retrait des Syriens sur la fron­tière inter­na­tio­nale, aurait selon Lau­rens « stu­pé­fié » les Amé­ri­cains, favo­rables à Zaïm et à son initiative17. C’est que, à en croire Pap­pé, pour Ben Gou­rion, déjà satis­fait de l’ar­mis­tice avec Abdal­lah, « la paix avec les autres États arabes ne figu­rait pas bien haut sur sa liste de prio­ri­tés ». Aux yeux des Israé­liens, les choses, visi­ble­ment, pou­vaient attendre, les Syriens sem­blant affi­cher un « besoin de paix » plus urgent que celui d’Is­raël. Et cela pro­ba­ble­ment d’au­tant plus que les pro­po­si­tions ter­ri­to­riales de Zaïm tou­chaient au pro­blème cru­cial du contrôle des res­sources en eau.

Dans quelle mesure Zaïm — qui sera ren­ver­sé et assas­si­né en aout 1949 — aurait-il pu pour­suivre son ini­tia­tive, vu les mécon­ten­te­ments qu’elle sou­le­vait ? Peut-on pen­ser — comme notam­ment Ralph Bunche, le « suc­ces­seur » de Ber­na­dotte qui pré­si­da aux négo­cia­tions d’ar­mis­tice (cité par Segev) — que « l’i­ni­tia­tive de Zaïm aurait pu don­ner lieu au pre­mier trai­té de paix entre Israël et un État arabe » ? « Ce que nous pou­vons apprendre de cet épi­sode, conclut Pap­pé, c’est qu’il y avait bien des lea­ders arabes qui recher­chaient la paix avec Israël. Et que cer­tains d’entre eux furent repous­sés par Israël. »

La Syrie s’en­ga­ge­ra fina­le­ment à éva­cuer la zone sous réserve de sa démi­li­ta­ri­sa­tion totale. Celle-ci n’en devien­dra pas moins, elle aus­si, un abcès de fixa­tion pour les années à venir. La « zone démi­li­ta­ri­sée » — dont l’es­sen­tiel de la super­fi­cie sera mise en culture par les colons israé­liens — mène­ra en effet à des esca­lades mili­taires, dont les plus graves auront lieu en 1953, 1955 et 1966. Une « confes­sion post­hume » de Moshé Dayan18 révè­le­ra que « 80 % des inci­dents armés » avec la Syrie déclen­chés dans la zone démi­li­ta­ri­sée avaient été déli­bé­ré­ment pro­vo­qués par les colons israéliens.

« Nuque raide » israélienne…

Sou­vent invo­qués par les Israé­liens pour « jus­ti­fier » les acquis ter­ri­to­riaux de la guerre de 1948, l’ac­cep­ta­tion par les diri­geants sio­nistes de la par­ti­tion de la Pales­tine et son rejet par les Arabes ne devraient occul­ter ni le pro­gramme « de Bilt­more » ni les conseils d’« atten­tisme » que Ben Gou­rion pro­di­gua aux mili­tants sio­nistes qu’in­di­gnait le plan de partage19. Dès le rejet arabe de la par­ti­tion, rap­pelle Pap­pé, Ben Gou­rion allait trai­ter celle-ci comme « lettre morte ».

Le rejet par Israël du plan Ber­na­dotte, dans ses deux ver­sions, s’é­claire dès lors d’un autre jour. Certes, les pre­mières pro­po­si­tions (juin 1948) du média­teur de l’O.N.U. cadraient mal avec le rêve sio­niste. Ces pro­po­si­tions visaient tou­te­fois, rap­pelle Pap­pé, à une paix glo­bale et « cher­chaient à com­bi­ner la demande arabe d’un État uni­taire avec l’am­bi­tion juive d’une enti­té natio­nale sépa­rée ». C’est dans cette pers­pec­tive qu’il faut repla­cer des idées par­ti­cu­liè­re­ment rebu­tantes pour les sio­nistes. Telle que celle de sou­mettre, comme les Bri­tan­niques depuis 1922, l’im­mi­gra­tion juive à l’ap­pro­ba­tion arabe. Ou celle — Ber­na­dotte jugeant alors l’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion impra­ti­cable — d’at­tri­buer Jéru­sa­lem à la par­tie arabe, avec une auto­no­mie admi­nis­tra­tive pour les Juifs. Selon Shlaïm, ce pro­jet « accrut le désir de Ben Gou­rion de cap­tu­rer la Vieille Ville ». Le comte relan­çait en fait l’i­dée d’une union bina­tio­nale et fédé­rale entre deux États membres, l’un juif et l’autre arabe, ce der­nier regrou­pant cette fois les par­ties de la Pales­tine man­da­taire dévo­lues aux Arabes et la Trans­jor­da­nie. Dans cette optique, Ber­na­dotte envi­sa­geait donc deux États membres gérant une sou­ve­rai­ne­té conjointe plu­tôt que, confor­mé­ment au plan de par­tage, deux États-nations liés par une union éco­no­mique. Le pro­jet fut inter­pré­té comme remet­tant en cause la légi­ti­mi­té du nou­vel État juif et dénon­cé, écrit Shlaïm, comme « une red­di­tion totale aux pres­sions anglo-trans­jor­da­niennes ». Signi­fi­ca­ti­ve­ment, il lui était aus­si repro­ché de vou­loir « confi­ner Israël dans les fron­tières d’un cer­cueil ». Selon Pap­pé, tou­te­fois, Sha­rett lui­même par­ta­geait le point de vue du média­teur, pour qui cette union signi­fiait bien — même si elle ne se réfé­rait qu’im­pli­ci­te­ment au droit à l’exis­tence d’Is­raël en vue « de cal­mer les sen­si­bi­li­tés arabes » — la créa­tion de fac­to d’un État juif. Ber­na­dotte devait d’ailleurs, dans la seconde for­mule (aout 1948) de son plan, renon­cer, vu la situa­tion, à l’u­nion fédé­rale et sti­pu­ler cette fois expli­ci­te­ment la recon­nais­sance de l’É­tat d’Is­raël. Il revint aus­si à l’i­dée du plan de par­tage d’un cor­pus sepa­ra­tum pour Jérusalem.

Cepen­dant, tou­jours dans sa pers­pec­tive de paix glo­bale, Ber­na­dotte devait main­te­nir son refus des faits accom­plis ter­ri­to­riaux qui, à ses yeux, ren­daient « la média­tion inter­na­tio­nale impos­sible ». Et exi­ger — sans tenir compte du refus israélien20 — soit le retour, soit le dédom­ma­ge­ment des réfugiés21.

Le plan Ber­na­dotte ren­for­ça-t-il « la ten­dance israé­lienne à agir uni­la­té­ra­le­ment » (Shlaïm) ? Les Israé­liens, rap­pelle Pap­pé, « s’employèrent à défier » le plan, sou­mis à l’O.N.U. le 16 sep­tembre, en créant le plus pos­sible de « faits accom­plis » avant la dis­cus­sion de celui-ci à l’As­sem­blée géné­rale. Et, pour­suit l’his­to­rien israé­lien, le refus « intran­si­geant » des Israé­liens de se reti­rer des ter­ri­toires occu­pés durant les com­bats fut l’un des deux prin­ci­paux points d’a­chop­pe­ment des dis­cus­sions qui entou­rèrent les pro­po­si­tions du média­teur, l’autre étant l’en­tê­te­ment arabe à refu­ser toute recon­nais­sance d’Israël.

… Et dissensions arabes

Les Israé­liens avaient vu dans le plan Ber­na­dotte une vio­la­tion du plan de par­tage. La réponse arabe à ce plan réité­ra la demande d’un État uni­taire avec pro­tec­tion de la mino­ri­té juive. Si la « dis­cré­tion » du média­teur à l’é­gard de la réa­li­té de l’É­tat d’Is­raël avait indi­gné les sio­nistes, aux yeux des Arabes « il don­nait tout aux Juifs » (Shlaïm).

Le plan accrut tou­te­fois les diver­gences inter­arabes. Au-delà de l’u­na­ni­mi­té arabe offi­cielle à dénon­cer dans le plan une « par­ti­tion dégui­sée », ce rejet décou­lait aus­si du sen­ti­ment de « menace » que repré­sen­taient — aux yeux de l’É­gypte, de la Syrie, du Liban et de l’A­ra­bie Saou­dite — les avan­tages que le plan offrait à Abdal­lah. En plus de la Pales­tine arabe, n’of­frait-il pas au roi Jéru­sa­lem dans sa tota­li­té et le Néguev ? Tout comme Israël, les par­te­naires arabes de la Trans­jor­da­nie étaient ten­tés de voir dans Ber­na­dotte un « agent » des inté­rêts de Londres. Et d’Amman.

Abdal­lah, qui s’é­tait tou­jours gar­dé — aidé en cela par les conseils pres­sants de Londres — d’af­fi­cher publi­que­ment ses pro­jets de « Grande Trans­jor­da­nie », consi­dé­rait certes non sans rai­sons le plan comme un encou­ra­ge­ment à ceux-ci. « Cou­vert », mais dis­crè­te­ment, par l’I­rak, il ne pou­vait cepen­dant, face au refus de ses par­te­naires arabes, l’ap­prou­ver sans appa­raitre comme un « traitre ». Ses propres réticences22 face à Ber­na­dotte et — « heu­reu­se­ment pour lui », observe Pap­pé — le rejet du plan par Israël l’ai­dèrent, dans un pre­mier temps, à adhé­rer au « consen­sus » arabe. Tout comme sans doute l’as­sas­si­nat du média­teur, le 17 sep­tembre 1948, par le groupe Stern diri­gé entre autres par Yitz­hak Sha­mir. Des­ti­né peut-être à témoi­gner de la « déter­mi­na­tion » israé­lienne, le meurtre entrai­na en effet non seule­ment l’« affai­blis­se­ment diplo­ma­tique » d’Israël23, mais accrut la sym­pa­thie inter­na­tio­nale pour le plan. Plus : selon Pap­pé, l’ac­tion du groupe Stern visait appa­rem­ment à évi­ter qu’une force inter­na­tio­nale ne vienne assu­rer… l’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion de Jérusalem.

Ces dis­sen­sions et la situa­tion sur le ter­rain allaient induire des évo­lu­tions lourdes de sens dans l’at­ti­tude arabe. Comme en témoigne une petite phrase du Pre­mier ministre syrien. Repro­chant au plan de faire de la Trans­jor­da­nie une « menace » accrue pour le monde arabe, celui­ci esti­mait, rap­pelle Shlaïm, qu’il était « pire que la par­ti­tion ». Pour l’É­gypte, pour­suit Shlaïm, la situa­tion sur le ter­rain fit que la solu­tion la plus rai­son­nable appa­rut bien­tôt comme celle de sau­ver ce qui pou­vait l’être, c’est-à-dire un État pales­ti­nien indé­pen­dant et sépa­ré. Une par­ti­tion à défaut de mieux, en quelque sorte. Ce qui explique sans doute que, contrai­re­ment à l’ac­ti­visme israé­lien contre le plan Ber­na­dotte, les Arabes, sauf la Trans­jor­da­nie, « atten­dirent patiem­ment » (Pap­pé) sa dis­cus­sion aux Nations unies.

Ces que­relles, conclut Pap­pé, « ouvrirent donc la voie à une posi­tion arabe plus modé­rée lors d’une étape ulté­rieure ». Ain­si, « l’as­pect le plus impor­tant des accords d’ar­mis­tice — signés à Rhodes de jan­vier à juin 1949 — fut pro­ba­ble­ment la recon­nais­sance impli­cite accor­dée à l’É­tat d’Is­raël par tous leurs signa­taires arabes ». Et ces dis­po­si­tions des Arabes à l’ou­ver­ture devaient « culmi­ner » à Lausanne.

Les réfugiés, les territoires et la paix

Lau­sanne, estime Pap­pé, aurait pu don­ner au pro­ces­sus de paix « un élan et une orien­ta­tion dif­fé­rents… Mais cela ne se fit pas ».

Pré­si­dée par la com­mis­sion de conci­lia­tion de l’O.N.U. qui, dans le sillage de Ber­na­dotte, visait à une paix glo­bale, la « confé­rence de la paix » (27 avril-15 sep­tembre 1949) buta, dès son ouver­ture, sur deux pro­blèmes, qui devaient d’ailleurs la faire capo­ter : celui des réfu­giés pales­ti­niens et celui des ter­ri­toires conquis par Israël. Face à ceux-ci, les posi­tions res­pec­tives des pro­ta­go­nistes créaient l’impasse.

Les Arabes affi­chaient en effet la volon­té de subor­don­ner tout règle­ment à l’exi­gence abso­lue du retour des réfu­giés. Alors que pour Israël la ques­tion d’un rapa­trie­ment — dans tous les cas par­tiel — ne pou­vait être abor­dée que dans le cadre d’un règle­ment d’en­semble des conten­tieux ter­ri­to­riaux et politiques.

Quant au conten­tieux ter­ri­to­rial, il pou­vait, écrit Pap­pé, se résu­mer à deux ques­tions : pri­mo, com­ment pous­ser les Arabes à sous­crire à une par­ti­tion contre laquelle ils étaient entrés en guerre dix-huit mois plus tôt ? ; secun­do, com­ment ame­ner Israël — déter­mi­né à faire des lignes de ces­sez-le-feu de nou­velles fron­tières — à un retrait ?

Last but not least, la ques­tion était aus­si de savoir quelle pro­blé­ma­tique abor­der en priorité.

Lau­sanne allait cepen­dant démon­trer une évo­lu­tion sen­sible des posi­tions arabes. La confé­rence, sou­ligne Fenaux24, fut le théâtre d’un sin­gu­lier retour­ne­ment : les Arabes y recon­nurent en effet une réso­lu­tion de l’O.N.U. qu’ils avaient com­bat­tue alors que les Israé­liens, qui l’a­vaient accep­tée, en reje­tèrent l’application.

Lau­sanne connut néan­moins un « suc­cès ». Le seul, juge Pap­pé. À savoir la signa­ture — le 12 mai, et par les deux camps — d’un pro­to­cole qui — en « syn­thé­ti­sant » les réso­lu­tions 181 et 194 de l’O.N.U.25 — ren­dait pos­sible une dis­cus­sion simul­ta­née des deux pro­blèmes. La suite allait être révé­la­trice de l’at­ti­tude res­pec­tive des belligérants.

Pour les gou­ver­ne­ments arabes — qui per­ce­vaient d’ores et déjà la par­ti­tion comme irré­ver­sible -, la rati­fi­ca­tion du pro­to­cole visait certes à obte­nir des conces­sions d’Is­raël. Que ce soit à pro­pos des réfu­giés ou, sur le ter­rain, en rené­go­ciant la par­ti­tion. Cepen­dant, observe Pap­pé, cette rati­fi­ca­tion n’en signi­fiait pas moins que, pour la pre­mière fois, les Arabes accep­taient offi­ciel­le­ment le par­tage de la Palestine.

Pour les Israé­liens, par contre, cette revi­ta­li­sa­tion du prin­cipe de la par­ti­tion à laquelle ils avaient consen­ti fut « une pilule amère à ava­ler ». Le retour au plan de par­tage, note Pap­pé, allait « à l’en­contre de toutes les convic­tions que Ben Gou­rion nour­ris­sait à l’é­poque ». Et signi­fiait notam­ment que l’É­tat juif « avait droit soit au Néguev, soit à la Gali­lée, mais pas aux deux ».

Mais il est vrai qu’Is­raël, se sou­ve­nant de l’é­chec d’une pré­cé­dente candidature26, n’a­vait guère d’autre choix à la veille du vote de son admis­sion à l’O.N.U. et étant don­né l’ap­pui de Washing­ton à une confé­rence décrite comme un « show américain ».

Il n’est donc pas sur­pre­nant, pour­suit Pap­pé, qu’« immé­dia­te­ment après » son accep­ta­tion du pro­to­cole, le gou­ver­ne­ment israé­lien ait mis en oeuvre des « tac­tiques qui vide­raient celui-ci de son conte­nu ». La stra­té­gie israé­lienne, résume l’his­to­rien, visa à « accou­tu­mer » la com­mis­sion de conci­lia­tion à mini­mi­ser l’im­por­tance du pro­to­cole pour en reve­nir plu­tôt aux accords d’armistice…

Pour le lea­der­ship israé­lien, en effet, il appa­rut rapi­de­ment que la pré­fé­rence allait au main­tien du sta­tu­quo.

Cette signa­ture, appa­rem­ment « for­cée », du pro­to­cole impli­quait une seconde dimen­sion. Elle signi­fiait aus­si — via la 194 — qu’Is­raël recon­nais­sait la légi­ti­mi­té du retour des réfu­giés. Un autre aspect de la tac­tique d’« évi­de­ment » du pro­to­cole consis­ta donc à faire des négo­cia­tions sur les réfu­giés — à l’é­gard des­quels des mesures irré­ver­sibles avaient pour­tant déjà été prises — une condi­tion de sa recon­nais­sance… pré­vue par la 181.

Et cela alors même que le « para­doxe » de Lau­sanne voyait éga­le­ment les Arabes sin­gu­liè­re­ment assou­plir leurs posi­tions sur cette question.

L’a­char­ne­ment arabe à pla­cer la ques­tion des réfu­giés en tête de l’ordre du jour des négo­cia­tions illus­trait sans doute le fait qu’à Lau­sanne les réfu­giés pales­ti­niens allaient deve­nir — pour les deux camps — une « arme poli­tique ». Mor­ris rap­pelle néan­moins l’« authen­tique inca­pa­ci­té éco­no­mique » des États arabes à absor­ber des cen­taines de mil­liers de réfu­giés dont ils redou­taient de sur­croit le « poten­tiel sub­ver­sif ». Et, outre les réti­cences des réfu­giés eux-mêmes, c’é­tait éga­le­ment là l’une des ques­tions où les diri­geants arabes avaient le plus à craindre de leurs opi­nions publiques. Des opi­nions, relayées et gal­va­ni­sées par les médias, qu’ils ne pou­vaient pas — et encore moins qu’a­vant — igno­rer. Et aux yeux des­quelles des contacts directs ne signi­fiaient rien d’autre que la recon­nais­sance d’Israël…

Quant aux Israé­liens, pour­suit Mor­ris, ils n’a­vaient pour ain­si dire — excep­té les ter­ri­toires conquis (sic !) — que cette « carte » pour obte­nir des négo­cia­tions directes et la recon­nais­sance de leur État.

Les Arabes allaient tou­te­fois, ici aus­si, faire preuve de « prag­ma­tisme ». En accep­tant bien­tôt — quoique ce fût « en pri­vé » — de n’é­vo­quer que le seul retour des réfu­giés ori­gi­naires de ter­ri­toires dévo­lus à l’É­tat arabe de Pales­tine et en « omet­tant » (Wein­stock) toute exi­gence rela­tive aux Arabes en pro­ve­nance des régions juives. Ce qui confir­mait d’ailleurs leur accep­ta­tion de la partition.

En tro­quant l’exi­gence du « retour abso­lu » contre celle de la seule recon­nais­sance par Israël du prin­cipe du rapa­trie­ment, les Arabes atten­daient bien enten­du des com­pen­sa­tions : sous forme de conces­sions territoriales27 et d’une atti­tude plus « construc­tive » d’Is­raël au sujet des réfu­giés. Et esti­maient par­ti­cu­liè­re­ment — point de vue d’ailleurs par­ta­gé par Washington28 — qu’une prise en charge éven­tuelle des réfu­giés issus des ter­ri­toires conquis par Israël au-delà des fron­tières du plan de par­tage méri­tait com­pen­sa­tion. Cepen­dant, même lors­qu’ils pro­po­sèrent de réins­tal­ler la majeure par­tie des exi­lés sur leur sol29, ces « mesures d’a­pai­se­ment » ne vinrent pas.

À la veille du début de la confé­rence de Lau­sanne, constate Mor­ris, le pro­blème des réfu­giés était deve­nu « l’ab­cès de fixa­tion numé­ro 1 ».

« Un geste géné­reux d’Is­raël » aurait-il, comme on le pen­sait à Washing­ton, été « la clé d’un compromis » ?

Deux épi­sodes allaient révé­ler la vani­té de telles espérances.

Gaza déjà…

La pro­po­si­tion de céder Gaza à Israël moyen­nant l’in­té­gra­tion par celui-ci des réfu­giés qui s’y trou­vaient « magné­ti­sa » les efforts diplo­ma­tiques durant des mois (Mor­ris). Le pro­jet, dont la « pater­ni­té » fut contro­ver­sée, fut offi­ciel­le­ment avan­cé par Israël le 20 mai 1949. Il sus­ci­ta l’« enthou­siasme » de Washing­ton qui y voyait l’an­nonce du suc­cès de Lau­sanne. Jugeant en effet qu’il fal­lait modé­rer à la fois l’exi­gence arabe du retour et le refus israé­lien d’un rapa­trie­ment « signi­fi­ca­tif », les Amé­ri­cains sem­blaient en effet esti­mer qu’un feu vert israé­lien au retour d’au moins 250 000 Pales­ti­niens — le reste serait réins­tal­lé dans les pays arabes — pou­vait même mener à une « paix immé­diate ». Le Caire n’a­vait-il pas fait savoir, comme le rap­pelle Mor­ris, qu’une incor­po­ra­tion de Gaza à Israël avec sa popu­la­tion aurait reçu de sa part une « réponse positive » ?

Pour Tel-Aviv aus­si, le pro­jet n’é­tait pas sans avan­tages : non seule­ment il offrait un acquis ter­ri­to­rial sup­plé­men­taire, mais — en por­tant la mino­ri­té arabe d’Is­raël à plus ou moins l’é­qui­valent de celle pré­vue par le plan de par­tage — il pou­vait aus­si signi­fier qu’Is­raël aurait dès lors « fait sa part » concer­nant les réfugiés.

Ces consi­dé­ra­tions expliquent-elles que Ben Gou­rion se soit appa­rem­ment mon­tré favo­rable à l’op­tion Gaza « avec — et mal­gré — sa popu­la­tion » ? Selon Mor­ris, le Pre­mier ministre aurait même consen­ti — pré­ci­sant : « Nous ne les expul­se­rons pas » !… — à auto­ri­ser le retour des réfu­giés de Gaza sur leurs lieux d’o­ri­gine, voire à quelques com­pen­sa­tions territoriales.

Dès juillet 1949, cepen­dant, pour­suit Mor­ris, les Israé­liens allaient déve­lop­per des « arrière-pen­sées » quant au pro­jet. Les ter­gi­ver­sa­tions du Caire, les demandes amé­ri­caines de com­pen­sa­tions ter­ri­to­riales à l’É­gypte dans le sud du Néguev, mais sur­tout la prise de conscience du chiffre exact de la popu­la­tion de Gaza — de 250 000 à 300 000 réfu­giés au lieu des quelque 150 000 à 180 000 pré­vus — estom­pèrent les séduc­tions du pro­jet. Le 29 juin, le refus final de l’É­gypte mit fin aux hési­ta­tions israé­liennes. Aux yeux du Caire, la ces­sion de Gaza, son seul acquis de la guerre, appa­rais­sait fina­le­ment comme trop « cou­teuse » sur le plan « sym­bo­lique ». Impli­quant une paix sépa­rée, ne signi­fiait-elle pas l’a­ban­don à Israël — et à Abdal­lah — de toute la Pales­tine, « dédoua­nant » de sur­croit l’É­tat hébreu sur le plan des réfu­giés ? Et cela sans espoir d’une contre­par­tie valable ? Pour l’É­gypte, qui aspi­rait au réta­blis­se­ment de la conti­nui­té ter­ri­to­riale arabe, l’offre israé­lienne d’un « mor­ceau déser­tique » (Mor­ris) du nord-ouest du Néguev — même d’une super­fi­cie équi­va­lente à la « fer­tile » bande de Gaza — pou­vait en effet dif­fi­ci­le­ment suffire…

L’« offre des 100 000 »

Ce n’est que face à l’ir­ri­ta­tion crois­sante des États-Unis, dit Mor­ris, que Ben Gou­rion devait « faire mine d’une sou­plesse nou­velle » au sujet des réfu­giés. Le Pre­mier ministre visait-il ce fai­sant — ce que semble admettre Mor­ris — à « contrer les pres­sions amé­ri­caines et à en évi­ter de plus fortes ulté­rieu­re­ment » ? Il fal­lut, pour­suit le « nou­vel his­to­rien », un mes­sage com­mi­na­toire de Tru­man à Ben Gou­rion, pen­dant l’é­té 1949 — et le dan­ger crois­sant d’un revi­re­ment de l’o­pi­nion amé­ri­caine à l’é­gard d’Is­raël -, pour qu’aux « vagues allu­sions » israé­liennes au rapa­trie­ment d’un « cer­tain nombre » de réfu­giés suc­cède, en juillet 1949, la « pro­po­si­tion des 100 000 ».

L’offre d’au­to­ri­ser le rapa­trie­ment de 100 000 — en fait 65 00030 — réfu­giés fut en effet non seule­ment révé­la­trice des sou­cis de « rela­tions publiques » d’Is­raël, mais aus­si des moti­va­tions de son Pre­mier ministre. Selon Pap­pé, en effet, Ben Gou­rion s’op­po­sait — cette fois « qua­si­ment seul » à Sha­rett au sein du cabi­net israé­lien — à une « conces­sion » dans laquelle il voyait l’ac­cep­ta­tion de fac­to par Israël du « prin­cipe » du rapa­trie­ment… Fina­le­ment, la pro­po­si­tion — au demeu­rant extrê­me­ment impo­pu­laire au sein du yishouv — fut lan­cée, mais, pré­cise Mor­ris, comme un « coup de sonde » afin de voir si elle mène­rait à l’ar­rêt des pres­sions américaines.

Le « geste » était-il sim­ple­ment des­ti­né à la « consom­ma­tion exté­rieure », comme le soup­çonne Mor­ris ? Il était en tout cas assor­ti de condi­tions dif­fi­ci­le­ment accep­tables pour les Arabes. Les Israé­liens enten­daient en effet non seule­ment se réser­ver la liber­té de réins­tal­ler ces réfu­giés où ils le vou­laient, mais ils subor­don­naient aus­si leur offre à l’é­la­bo­ra­tion d’un plan géné­ral de réins­tal­la­tion dans les pays arabes et à la conser­va­tion de tous les ter­ri­toires conquis.

Le rejet de la pro­po­si­tion par les Arabes — qui ne furent pas les seuls à sou­li­gner qu’elle était loin en deçà de ce qu’Is­raël avait sem­blé accep­ter dans l’« option Gaza » — ne devait, conclut Mor­ris, « pas for­te­ment contra­rier » les Israéliens…

À la mi-juillet, Ben Gou­rion, jugeant que « les armis­tices suf­fi­saient », esti­ma qu’Is­raël pou­vait « attendre quelques années ». À la fin du mois d’aout, la « pro­po­si­tion des 100 000 » était classée.

La paix sans prix

L’im­por­tant à Lau­sanne, juge Pap­pé, était que les Arabes se mon­traient dis­po­sés à négo­cier — même si c’é­tait avant un accord offi­ciel — plu­sieurs ques­tions avec leurs inter­lo­cu­teurs israé­liens. Et qu’ils s’é­taient décla­rés, comme nous l’a­vons vu, ouverts à d’in­con­tes­tables conces­sions, tant en ce qui concerne les réfu­giés qu’en matière ter­ri­to­riale. Si, pour Pap­pé, les Arabes avaient offert à Lau­sanne « au moins une recon­nais­sance impli­cite » d’Is­raël, selon Lau­rens, Amman et Le Caire — sans repar­ler de la Syrie de Zaïm — avaient même pro­po­sé une recon­nais­sance expli­cite et des rela­tions de bon voi­si­nage en échange du réta­blis­se­ment de leur conti­nui­té ter­ri­to­riale. Du moins « en pri­vé » : c’est-à-dire lors des trac­ta­tions secrètes et « paral­lèles » à la conférence31. Des trac­ta­tions aux­quelles, pré­cise Pap­pé, les Arabes s’é­taient d’ailleurs mon­trés « avides de participer »…

Moti­vée par leurs craintes de la « rue », l’« inco­hé­rence » (Pap­pé) des lea­ders arabes — c’est-à-dire ce double lan­gage — avait sans doute nui au « pro­ces­sus de paix ». Et à leur image. Et, comme l’in­dique aus­si Pap­pé, seule une posi­tion uni­taire arabe aurait pro­ba­ble­ment pu inflé­chir l’op­po­si­tion et les sus­pi­cions popu­laires. Or les seuls sujets de négo­cia­tion qui concer­naient l’en­semble du camp arabe — les seuls aus­si que la Ligue arabe « auto­ri­sait », à savoir Jéru­sa­lem, la sou­ve­rai­ne­té sur la Pales­tine et les arran­ge­ments ter­ri­to­riaux — se situaient certes au coeur des diver­gences arabes. Mais ces mêmes ques­tions — plus la main­mise d’Is­raël sur 50 % des ter­ri­toires adju­gés aux Arabes de Pales­tine et la ques­tion des réfu­giés — se heur­taient éga­le­ment à l’in­tran­si­geance israé­lienne. Des contacts directs auraient donc, eux aus­si, exi­gé un prix d’Is­raël. Et Pap­pé rap­pelle d’ailleurs la satis­fac­tion des Israé­liens de ne pas avoir eu, à Lau­sanne, à dis­cu­ter face à un bloc arabe. Enfin, l’on sait quelle fut l’at­ti­tude israé­lienne face au pro­blème des réfu­giés, la seule qui aurait pu sans doute faire l’ob­jet d’une posi­tion arabe consensuelle…

Pour les Israé­liens et pour Ben Gou­rion — qui voyait dans Lau­sanne au mieux un « simple exer­cice de rela­tions publiques » et un « mal néces­saire », au pire un « piège » -, les accords d’ar­mis­tice s’a­vé­raient à l’é­vi­dence suf­fi­sants : les prio­ri­tés d’Is­raël étaient l’in­té­gra­tion des immi­grants juifs et l’é­co­no­mie du nou­vel État. À part cer­taines conces­sions ter­ri­to­riales mineures — comme les qua­torze vil­lages res­ti­tués au Liban -, la conser­va­tion des ter­ri­toires conquis a pri­mé, aux yeux des Israé­liens, toute autre consi­dé­ra­tion. De même, l’« option Gaza » semble avoir consti­tué la seule hési­ta­tion d’Is­raël — et de Ben Gou­rion — sur la ques­tion du « retour ». Elle impli­quait d’ailleurs un « gage » territorial.

L’on peut donc juger, avec Ben­ny Mor­ris, que l’exa­cer­ba­tion des conten­tieux israé­lo-arabes résul­ta prin­ci­pa­le­ment du fait que « Ben Gou­rion n’é­tait dis­po­sé à aucune conces­sion ». Du moins réelle. Parce que « convain­cu que tôt ou tard les Arabes accep­te­raient de conclure la paix à nos conditions ».

Or, au prin­temps de 1949, l’é­ven­tua­li­té d’une paix, estime Pap­pé, exi­geait un prix d’Is­raël : à savoir des conces­sions au sujet des réfu­giés pales­ti­niens et/ou en matière ter­ri­to­riale. Cepen­dant, pour Ben Gou­rion et une majo­ri­té de diri­geants sio­nistes, « la paix ne devait pas avoir de prix, ni maxi­mal, ni minimal ».

Biblio­gra­phie

- Ben­ny Mor­ris, The Birth of the Pales­ti­nian Refu­gee Pro­blem (1947 – 1949), Cam­bridge Uni­ver­si­ty Press, 1987. 1948 and After. Israël and the Pales­ti­nians, Cla­ren­don Press, Oxford, 1994.

- Hen­ry Lau­rens, Le grand jeu. Orient arabe et riva­li­tés inter­na­tio­nales, Armand Colin, 1991.

- Ilan Pap­pé, The Making of the Arab-Israe­li Conflict (1947 – 1951), Tau­ris & Co., 1992.

- Tom Segev, 1949. The First Israe­lis, The Free Press, 1986.

- Avi Shlaïm, The Poli­tics of Par­ti­tion. King Abdul­lah, the Zio­nists and Pales­tine (1921 – 1951), Oxford Uni­ver­si­ty Press, 1990.

- Nathan Wein­stock, Le sio­nisme contre Israël, Mas­pé­ro, 1969.

Paul Delmotte


Auteur